• Le Sénégal et l'Union africaine (UA) ont signé mercredi soir à Dakar un accord portant création d'un tribunal spécial pour juger au Sénégal l'ex-président tchadien Hissène Habré, réfugié dans ce pays et poursuivi pour crimes contre l'humanité, ont annoncé les deux signataires.

    Cet "accord entre l'UA et le gouvernement de la République du Sénégal sur la création de chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises" en vue du procès de M. Habré a été signé par Mme Aminata Touré, ministre sénégalaise de la Justice, et Robert Dossou, représentant de l'UA.

    "A travers l'accord, nous réglons la procédure par laquelle le procès doit se tenir. Nous nous acheminons directement vers l'ouverture de l'instruction. Il n'y a plus d'obstacles", a déclaré Mme Touré à la presse.

    Elle a ajouté: "Ceci est un grand pas, nous marquons une étape décisive vers un procès équitable. Nous avons perdu beaucoup de temps, mais l'essentiel est en train d'être fait. Nous nous acheminons résolument vers la tenue d'un procès tant attendu. (...) Nous sommes en train d'écrire une nouvelle page du droit international et c'est à l'honneur de l'Union africaine".

    "L'UA se réjouit de ce que le principe de (lutte contre) l'impunité prend désormais corps. Nous sommes sur le segment de parcours qui va déboucher sur la démonstration que l'Afrique peut juger l'Afrique, et cette preuve se fait au Sénégal", a de son côté affirmé Robert Dossou.

    Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis sa chute en 1990 après huit ans au pouvoir (1982-1990). Il est accusé de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture. Le Sénégal, qui avait accepté en 2006 de le juger à la demande de l'UA, n'a jamais organisé le procès sous le mandat de l'ex-président Abdoulaye Wade son successeur Macky Sall, qui a pris ses fonctions le 2 avril dernier, s'est engagé à ce que le jugement débute d'ici à la fin de l'année.

    La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, saisie par la Belgique en février 2009, avait ordonné en juillet à Dakar de poursuivre "sans aucun autre délai" Hissène Habré ou de l'extrader.

    Les "chambres africaines extraordinaires" créées mercredi sont au nombre de quatre: deux pour l'instruction et l'accusation, une Cour d'assises et une Cour d'appel. Elles doivent toutes être présidées par un magistrat africain assisté de juges sénégalais, avaient indiqué les deux parties fin juillet lors d'une réunion à Dakar.

    Les faits pour lesquels M. Habré sera jugé concernent la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, selon ces deux parties.

    "Nous comptons démarrer avec les ressources déjà disponibles. Nous pensons que le budget (pour la tenue du procès) pourra être mobilisé", a indiqué la ministre Touré.

    L'accord Sénégal-UA a été salué dans un communiqué par le Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré, regroupant plusieurs ONG de défense des droits humains dont Human Rights Watch (HRW) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), et deux associations de victimes tchadiennes.

    Le document "engage les parties à ce projet et à un calendrier selon lequel le tribunal serait opérationnel avant la fin de l'année", a précisé le comité dans un communiqué.

    "Nous sommes aujourd'hui plus près de la justice", a déclaré Alioune Tine de la Raddho, cité dans le texte. "Nous espérons que les donateurs accepteront d'aider au financement du nouveau tribunal", a dit Reed Brody de HRW.

    Le précédent budget avait été estimé à 8,6 millions d'euros avec des contributions annoncées par le Tchad l'Union européenne (UE), la Belgique, les Pays-Bas, l'UA, l'Allemagne, la France et le Luxembourg mais cet argent "promis n'existe plus", avait récemment déclaré à Dakar M. Brody.


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  • La Cour pénale internationale (CPI) a ordonné la réparation des crimes de guerre perpétrés par l'ex-chef de milice congolais Thomas Lubanga.

    La CPI ordonne réparation pour les victimes de Lubanga

    La Cour pénale internationale (CPI) a ordonné mardi la réparation, dont la nature devra être déterminée en concertation avec les victimes, des crimes de guerre pour lesquels l'ex-chef de milice congolais Thomas Lubanga a été condamné à 14 ans de prison, a annoncé la CPI.

    «C'est la première fois que la Cour ordonne réparation pour les victimes», a déclaré Fadi el-Abdallah, le porte-parole de la Cour, ajoutant que les ressources financières utilisées pour les réparations émaneront du Fonds au profit des victimes créé en vertu du traité fondateur de la CPI.

    «Thomas Lubanga a été déclaré indigent et ne semble posséder à ce jour aucun bien ou avoir», a précisé la Cour dans un communiqué : «il peut néanmoins présenter volontairement des excuses aux victimes, de façon publique ou confidentielle».

    La CPI avait condamné Thomas Lubanga le 10 juillet à 14 ans de prison pour l'enrôlement d'enfants soldats lors de la guerre civile en Ituri en 2002-2003 dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), la première condamnation depuis son entrée en fonction à La Haye en 2003.

    1000 victimes éligibles

    Les bénéficiaires potentiels sont notamment «les personnes qui ont directement ou indirectement subi un préjudice du fait de l'enrôlement, de la conscription et de l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans » en Ituri entre le 1er septembre 2002 et le 13 août 2003, a indiqué la CPI dans son communiqué.

    «Nous nous attendons à ce qu'environ 1'000 victimes soient éligibles en vue d'une réparation», a de son côté affirmé Pieter de Baan, directeur exécutif du Fonds au profit des victimes, assurant préférer que la réparation prenne la forme de programmes d'éducation et de suivis psychologiques plutôt que d'un transfert d'argent.

    Les critères d'éligibilité pour avoir droit aux réparations sont «plus larges » que ceux ayant permis à 123 victimes de participer à la procédure contre Thomas Lubanga, 51 ans, selon Pieter de Baan.

    La CPI est en effet le premier tribunal pénal international permettant la participation des victimes aux procédures. Les victimes sont représentées par des avocats qui assistent aux audiences, peuvent poser des questions et émettre des observations.

    Programme d’assistance

    Les propositions de réparations doivent émaner des victimes elles-mêmes et, après avoir été recueillies par le Fonds au profit des victimes, soumises aux juges de la CPI, a indiqué la Cour dans son communiqué.

    Financé par des donations publiques ou privées, le Fonds au profit des victimes a réservé 1,2 millions d'euros pour les réparations ordonnées dans le cadre des condamnations de la CPI, celle de Thomas Lubanga donc, mais également les éventuelles condamnations futures, selon Pieter de Baan.

    Quatre-vingt mille victimes des crimes commis en RDC et en Ouganda, un autre pays où le procureur de la CPI enquête, bénéficient par ailleurs depuis 2008 d'un programme d'assistance du Fonds au profit des victimes.

    Les affrontements interethniques et les violences entre milices pour le contrôle des mines d'or et d'autres ressources naturelles en Ituri ont provoqué la mort de 60'000 personnes depuis 1999, selon des ONG humanitaires.

    La CPI est le premier tribunal pénal international permanent chargé de juger les auteurs présumés de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

     


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