• Pour Erdogan, la femme n'est pas l'égale de l'homme

    Recep Tayyip Erdogan a affirmé lundi 24 novembre 2014 que les femmes ne pouvaient pas être naturellement égales aux hommes.

    Le président islamo-conservateur turc a critiqué vertement les féministes, les accusant d'être opposées à la maternité.

    «Notre religion (l'islam) a défini une place pour les femmes (dans la société): la maternité», a lancé Recep Tayyip Erdogan à Istanbul devant un parterre très largement féminin réuni pour un sommet sur la justice et les femmes.

    «Certaines personnes peuvent le comprendre, d'autres non. Vous ne pouvez pas expliquer ça aux féministes parce qu'elles n'acceptent pas l'idée même de la maternité», a-t-il ajouté.

    Le chef de l'Etat a assuré qu'hommes et femmes ne pouvaient pas être traités de la même façon «parce que c'est contre la nature humaine».

    «Leur caractère, leurs habitudes et leur physique sont différents (...) vous ne pouvez pas mettre sur un même pied une femme qui allaite son enfant et un homme», a-t-il insisté.

    «Nature délicate»

    «Vous ne pouvez pas demander à une femme de faire tous les types de travaux qu'un homme fait, comme c'était le cas dans les régimes communistes», a également estimé le président Erdogan, «vous ne pouvez pas leur demander de sortir et de creuser le sol, c'est contraire à leur nature délicate».

    Le parti de Recep Tayyip Erdogan, qui dirige sans partage la Turquie depuis 2002, est régulièrement accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire et de vouloir islamiser la société turque, notamment en limitant les droits des femmes.

    L'actuel président, qui a dirigé le gouvernement pendant onze ans avant son élection à la tête de l'Etat en août, a suscité à de multiples reprises la colère des mouvements féministes turcs en tentant de limiter, sans succès, le droit à l'avortement et en recommandant aux femmes d'avoir au moins trois enfants.


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  • Le père et le médecin d’une fille de 13 ans, décédée à la suite d’une opération d’excision, ont été acquittés.

    Malgré son interdiction depuis 2008, l’excision reste largement pratiquée en Égypte.

    « Avec une telle décision, il n’y a aucune raison pour que les médecins égyptiens arrêtent de pratiquer l’excision. » Souad Abou Dayyeh, membre de l’organisation internationale Égalité maintenant, ne cachait pas son amertume, vendredi 21 novembre, après le verdict du tout premier procès pour excision en Égypte.

    La veille, le tribunal d’Agga avait prononcé l’acquittement du médecin et du père de Soheir, une fillette de 13 ans décédée en juin 2013 des suites d’une excision.

    90% des Egyptiennes adultes auraient subi une mutilation

    Cette pratique est pourtant interdite en Égypte depuis 2008. Elle est passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5 000 livres égyptiennes (environ 560 €). L’excision reste malgré tout largement répandue. Plus de 90 % des femmes adultes auraient subi une mutilation génitale féminine, réalisée à 72 % par un médecin selon une étude de l’Unicef en 2008. L’organisation relevait néanmoins une tendance générale à la baisse, à la fois de la pratique et de son soutien dans la population.

    L’opération, qui consiste en une ablation totale ou partielle du clitoris et parfois d’autres parties génitales, est censée décourager les femmes de pratiquer l’adultère… Bien que certains prêcheurs musulmans la défendent, l’excision est généralement condamnée par les autorités islamiques.

    Le grand mufti de l’université Al-Azhar au Caire, autorité prestigieuse de l’islam sunnite, avait affirmé en 2007 qu’elle était interdite par l’islam. « L’excision est une pratique culturelle égyptienne, et non pas religieuse. Elle est d’ailleurs pratiquée à la fois par les chrétiens et par les musulmans », précise Souad Abou Dayyeh.

    Un procès exceptionnel

    Malgré l’interdiction par la loi, aucun procès n’avait encore eu lieu. « Cette fois-ci, une fille est morte, donc la police a enquêté et, avec la pression de notre organisation et de nos partenaires égyptiens, un procès s’est enfin tenu, explique Souad Abou Dayyeh. Mais c’est un cas exceptionnel, personne ne prête attention à toutes les autres fillettes victimes de cette violation des droits de l’homme. » D’ailleurs, selon les informations d’Égalité maintenant, le médecin continue de pratiquer l’excision. « Apparemment, il a seulement changé de lieu », précise Souad Abou Dayyeh.

    Tout au long du procès, le médecin assurait que Soheir était morte à cause d’une opération ratée pour retirer des verrues. Le père de l’adolescente avait pourtant assuré à la police qu’il avait emmené sa fille chez le médecin pour pratiquer une excision. Il aurait ensuite changé sa version des faits après s’être « réconcilié » avec le médecin contre une somme d’argent, une procédure autorisée sous certaines conditions dans la loi égyptienne.

    Le juge de la ville d’Agga, dans le delta du Nil, n’a pas dévoilé les détails de sa décision mais pourrait s’être appuyé sur cette « réconciliation ». Reda El Danbouki, avocat et membre du Centre de conseil et de sensibilisation légale pour les femmes, estime la procédure irrégulière. « Nous allons faire appel auprès des autorités judiciaires compétentes, précise-t-il, et obtenir un nouveau procès. »

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    Les mutilations sexuelles reculent lentement dans le monde

    Plus de 125 millions de femmes vivant en Afrique et au Moyen-Orient ont été victimes de mutilations génitales, souligne un rapport de l’Unicef rendu public le 22 juillet 2014.

    L’annonce est passée presque inaperçue. Le 26 novembre dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté sa première résolution dénonçant les mutilations génitales féminines comme l’excision. Le texte a été voté par de nombreux pays africains et arabes qui sont les plus touchés par ces pratiques archaïques. Au-delà de la portée symbolique, ce vote reflète un changement de fond. « Les mutilations génitales reculent dans plusieurs pays du monde », rappelle le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), dans une vaste étude publiée lundi 22 juillet.

    L’origine ethnique plus que la religion

    « Passage initiatique » pour les uns, garantie de rester « pure » et « chaste » jusqu’au mariage pour d’autres, les mutilations génitales sont surtout pratiquées sur les filles ou les adolescentes d’une trentaine de pays africains et du Moyen-Orient. Plus de 125 millions de femmes sont concernées, estime l’Unicef.

    Elles sont liées à l’origine ethnique des populations plus qu’à la religion, même si les femmes musulmanes sont beaucoup plus touchées que les autres. Les conséquences à long terme peuvent être lourdes sur le plan psychologique mais aussi sexuel et médical, avec notamment des douleurs et des complications lors des accouchements.

    L’excision en recul

    Mais ces pratiques reculent lentement au fil des générations. Les victimes de l’excision ont diminué dans plus de la moitié des 29 pays étudiés par l’Unicef. « Au Kenya et en Tanzanie, par exemple, les femmes de 45 à 49 ans sont trois fois plus susceptibles d’avoir subi des mutilations génitales que les filles de 15 à 19 ans, notent les auteurs du rapport. Au Bénin, en Irak, au Liberia, au Nigeria et en République centrafricaine, la prévalence de ces pratiques chez les adolescentes a chuté de moitié environ. »

    La plupart des États se sont dotés de lois condamnant ces mutilations au cours de la dernière décennie. Seuls le Cameroun, la Gambie, le Liberia et la Sierra Leone n’ont pas encore modifié leur législation dans un sens plus restrictif. « La loi ne suffit pas, observe Miranda Armstrong, chargé des questions de protection à l’Unicef. Le recul de l’excision s’explique par les progrès de l’éducation des filles, les campagnes de sensibilisation et l’urbanisation. Cette tradition touche plus les zones rurales et les familles pauvres. »

    Le rôle des chefs religieux

    Quoique illégale, l’excision est encore massivement pratiquée au Soudan, en Guinée, à Djibouti, au Mali et en Somalie. Vieille coutume nilotique, elle frappe aussi trois adolescentes sur quatre en Égypte, avec la complicité de nombreux médecins. Rien dans l’islam n’encourage pourtant cette tradition. « On travaille beaucoup avec les  leaders religieux  pour combattre les préjugés, poursuit Miranda Armstrong. Quand on les interroge individuellement, les femmes se disent contre. Mais elles ont peur d’être rejetées par la communauté. »

    L’Europe et l’Amérique du nord ne sont pas totalement épargnés. Bien que l’excision régresse en France depuis le début des années 1980, on estime à 60 000 le nombre de femmes touchées dans l’Hexagone. La plupart sont des migrantes.


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  • L'ONU s'attaque au mariage des fillettes

    Le Niger, le Bangladesh et l'Inde sont les pays où le taux de mariages d'enfants est le plus élevé.
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    Une première étape a été franchie vers l'adoption d'une résolution appelant les gouvernements à interdire les mariages des enfants.

    Les Nations unies ont fait vendredi 21 novembre un premier pas vers l'adoption de la première résolution appelant les gouvernements à interdire les mariages des enfants. Quelques 15 millions de fillettes sont mariées chaque année dans le monde et plus de 700 millions de jeunes femmes sont mariées de force avant l'âge de 18 ans.

    D'ici 2050, si rien n'est fait pour inverser cette tendance, quelque 1,2 milliard de petites filles seront mariées de force, affirme l'ONG Girls not Brides.

    Niger, Bangladesh et Inde au premier plan

    Le Niger, le Bangladesh et l'Inde sont les pays avec le taux de mariages d'enfants les plus élevés mais de telles coutumes sont également très répandues dans les communautés d'immigrés installés dans les pays développés, affirme Zara Rapoport, de l'association Plan.

    La résolution présentée par le Canada et la Zambie appellent les Etats à adopter des lois pour interdire les mariages des fillettes et lient cet état de fait à un problème de pauvreté et de développement.

    Mesure imparfaite

    Cette mesure votée à l'unanimité par les membres de la troisième commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, de l'Assemblée générale, doit être présentée le mois prochain au vote de l'Assemblée générale.

    Vendredi, la Grande-Bretagne, au nom d'une vingtaine de pays, a néanmoins déploré que la résolution ne s'attaque pas au problème du manque d'éducation sexuelle des jeunes.

    «Fournir une éducation sexuelle aux adolescentes et aux jeunes filles en particulier permet de leur fournir les moyens de prendre des décisions responsables, positives à propos de leur sexualité», a déclaré le représentant britannique de cette commission.


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  • Genève réunit les leaders de 35 forces rebelles

    Venus de 14 pays en conflit, 70 officiers, chefs politiques ou conseillers légaux, ont échangé leurs expériences. En toute discrétion.

    «Déterminer l’âge des nouvelles recrues, c’est difficile sur le terrain! Dépourvus de documents officiels, des jeunes essaient sans doute d’intégrer nos rangs alors qu’ils n’ont pas 18 ans», expliquait il y a quelques jours ce représentant d’un mouvement armé du Soudan, venu chercher des idées dans la Cité de Calvin à l’occasion du grand rendez-vous mondial des groupes rebelles. Du lundi 17 au jeudi 20 novembre, l’Appel de Genève a en effet tenu en toute discrétion sa troisième «Conférence des signataires d’Actes d’engagement» humanitaires.

    Quelque 70 hauts responsables de 35 groupes armés non étatiques ont convergé vers la Suisse depuis 14 pays, dont la Syrie, la Birmanie, le Soudan, les Philippines ou encore la Somalie. Les deux tiers de ces mouvements (24) ont signé au moins un des trois Actes d’engagement humanitaire proposés par l’Appel de Genève: contre les mines antipersonnel, contre l’enrôlement d’enfants-soldats et contre les violences sexuelles. Les autres rebelles représentés sont membres de groupes tentés par la démarche.

    «C’était l’opportunité pour nous de consolider leurs connaissances en matière de normes humanitaires internationales, mais surtout de renforcer leur engagement à mettre en œuvre ces normes, explique Elisabeth Decrey Warner, qui préside l’Appel de Genève. C’est aussi important pour nous d’être conscients des difficultés rencontrées sur le terrain par les groupes qui veulent protéger davantage les civils.»

    Pour répondre au rebelle soudanais perplexe face aux jeunes recrues, un expert de la protection de l’enfance a présenté la technique dite de «l’histoire des événements». Elle consiste à évaluer l’âge d’un enfant ou d’un jeune en se basant sur ses souvenirs personnels d’événements marquants dans l’histoire de sa communauté d’origine. Pendant trois jours, les rebelles ont ainsi eu accès à des experts reconnus de l’ONU, du CICR, de Human Rights Watch ou encore de la campagne pour l’élimination des mines antipersonnel.

    Les groupes rebelles eux-mêmes ont pu exposer leurs réussites, mais aussi confier leurs doutes et poser quantité de questions. Au final, les participants ont adopté une «déclaration» réaffirmant leur volonté de tout mettre en œuvre pour respecter et protéger les populations civiles.


    Les groupes rebelles qui ont participé au rendez-vous de Genève

    CNF, Front national Chin (Birmanie)
    KIO, Organisation pour l'indépendance Kachin (Birmanie)
    KNU /KNLA, Union nationale Karen/Armée de libération nationale Karen (Birmanie)
    NMSP, Nouveau parti de l'Etat Mon/Armée de libération nationale Mon (Birmanie)
    PNLO, Organisation pour la libération nationale Pa’O (Birmanie)
    SSA-N, Conseil de restauration de l'Etat Shan/ Armée de l'Etat Shan (Birmanie)
    SSA-S, conseil de restauration de l'Etat Shan/ Armée de l'Etat Shan du sud (Birmanie)
    HPC-D, Congrès démocratique des peuples Hmar (Inde)
    KNF, Front national Kuki (Inde)
    KNO, Organisation nationale Kuki (Inde) NSCN-IM, Conseil national socialiste de Nagalim-Isaac Muivah (Inde)
    NSCN-KK, Conseil national socialiste de Nagaland-Khole-Kitovi (Inde)
    ZRO, Organisation de réunification Zomi (Inde)
    HPG/PKK, Forces de défense du peuple/Parti des travailleurs du Kurdistan (Turquie)
    KDP-Iran, Parti démocratique du Kurdistan (Iran)
    Komalah Co, Organisation kurde pour le Parti communiste d'Iran
    KPIK, Party Komala du Kurdistan iranien
    PDKI, Parti démocratique du Kurdistan iranien
    PJAK, Parti de la vie libre au Kurdistan/Forces de libération du Kurdistan oriental (Iran)
    YPG, Unités de protection du peuple (Kurdes de Syrie)
    PLO, Ogranisation de libération de la Palestine (Liban)
    MILF, Front islamique de libération Moro (Philippines)
    RPM-M, Parti révolutionnaire des travailleurs du Mindanao (Philippines)
    Polisario Front, Front populaire pour la libération de Saguia el Hamra et la Rivière d'Or (Sahara occidental)
    SNF , Front national somalien
    Somaliland, autorités du Somaliland (Somalie)
    JEM, Mouvement Justice et Egalité (Soudan)
    SLM-AW, Mouvement de libération du Soudan - Abdel Wahid al-Nur
    SLM-MM, Mouvement de libération du Soudan - Minni Minnawi
    SPLM-N , Mouvement de libération des peuples du Soudan
    Hazzm, mouvement rebelle membre de l'Armée syrienne libre
    Ansarullah, mouvement Al-Houthi (chiites du Yémen)
    Deux autres groupes armés sous couvert d'anonymat

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    Elisabeth Decrey Warner a cofondé en 2000 l’Appel de Genève, qui vient de tenir la semaine dernière, en toute discrétion, une grande conférence humanitaire réunissant 70 hauts représentants de 35 groupes armés non étatiques (c’est-à-dire des forces rebelles). Ancienne présidente du Grand Conseil genevois, elle a été très favorablement surprise par la qualité des présentations faites par ces signataires des fameux «Actes d’engagement» (contre les mines antipersonnel, l’enrôlement d’enfants soldats et les violences sexuelles).

    Etait-il important de faire venir 70 «cadres» rebelles pour une grande conférence à Genève?
    Tout d’abord, je souligne que c’est la troisième conférence du genre, mais la première de cette ampleur. Davantage de groupes armés non étatiques ont depuis lors signé «l’Acte d’engagement» contre les mines antipersonnel. Mais aussi, c’est devenu possible dans les deux autres domaines (ndlr: enfants soldats et violences contre les femmes). Enfin, en plus des 24 signataires, nous avons convié à la réunion 11 autres groupes qui entament le processus.

    Qu’en retirent les rebelles?
    C’est important qu’ils voient qu’ils partagent tous la préoccupation de protéger la population civile. Ils ne sont pas isolés dans cette voie, ils appartiennent à quelque chose de global. Il est aussi essentiel qu’ils s’approprient ces valeurs humanitaires pour qu’elles ne soient pas simplement vécues comme un code moral imposé de l’extérieur. Par ailleurs, être confrontés aux réalités des autres groupes, découvrir les difficultés qu’ils ont rencontrées et voir comment ils ont résolu les problèmes, cela leur est très utile.

    Pourquoi donc?
    Mais parce qu’il ne suffit pas, par exemple, de prendre l’engagement de démobiliser des combattants adolescents! Encore faut-il savoir comment s’y prendre concrètement, que dire à ces jeunes, comment les encadrer, que leur proposer pour la suite…

    Avez-vous eu des surprises?
    J’ai été surprise de leur liberté de ton. Ces participants viennent de zones de conflit, ils ont l’habitude d’être étiquetés comme les «méchants», ils n’ont pas forcément l’habitude de s’exprimer devant la communauté internationale. A Genève, ils avaient devant eux des membres d’organisations internationales, ils ont pu leur parler de vive voix, exposer leurs difficultés, demander de l’aide technique pour déminer, pour aider des victimes de mines, encadrer des femmes, des enfants… Certains ont aussi reconnu qu’ils n’ont pas toujours suivi au mieux leur engagement, et c’est important qu’ils l’admettent. C’est le premier pas nécessaire pour s’améliorer. J’étais aussi impressionnée par leur degré de préparation. Nous leur avions bien sûr demandé de venir présenter leur situation, de décrire les mesures concrètes prises pour honorer leurs Actes d’engagement et d’exposer les défis qu’ils ont eu à relever. Mais je ne m’attendais pas à un tel résultat de la part de gens qui vivent dans le maquis.

    Depuis la création de l’Appel de Genève en 2000, avez-vous dû dénoncer des violations?
    Régulièrement, des cas suspects sont portés à notre connaissance. Après enquête, nous avons pu constater que pour la plupart il s’agissait de cas isolés et que le commandement à chaque fois avait pris des mesures pour punir le ou les responsables du non-respect de l’Acte d’engagement. Un seul cas était plus sérieux. Notre mission de vérification sur le terrain a découvert qu’une partie des combattants n’étaient pas suffisamment informés. Nous avons alors fourni une formation pour 3000 d’entre eux.

    Donc aucune dénonciation?
    Nous ne procédons pas à une dénonciation publique tant que les instances dirigeantes d’un groupe armé non étatique démontrent clairement leur volonté de respecter les Actes d’engagement. Pour l’Appel de Genève, l’objectif final n’est pas de les condamner mais bien de les aider à mettre en œuvre le droit humanitaire. D’autres ONG ont ce rôle de dénonciation, qui est utile et nécessaire. Quant à nous, notre rôle est d’abord pédagogique.


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    Le pape appelle le Conseil de l’Europe à « poursuivre l’objectif ambitieux de la paix »

    Devant une institution fondée au lendemain de la seconde guerre mondiale pour « reconstruire l’Europe », le pape François est venu lancer un appel à la paix.

    Une paix qui « n’est pas la simple absence de guerres, de conflits et de tensions », mais aussi, « dans une vision chrétienne », la recherche du bien commun « dans la vérité et l’amour ».

    « La paix (est) un bien à conquérir continuellement, et elle (exige) une vigilance absolue ». Après avoir quitté le Parlement européen, le pape François s’est dirigé vers le Conseil de l’Europe qui lui fait face à Strasbourg. Devant cette institution fondée le 5 mai 1949 après « le plus cruel et le plus déchirant conflit dont ces terres se souviennent et dont les divisions se sont poursuivies pendant de longues années », le pape François a choisi de centrer son discours sur la paix.

    Une paix qui, avec « la liberté et la dignité humaine », constitue la « clé de voûte » du projet des Pères fondateurs : « reconstruire l’Europe dans un esprit de service mutuel ». Devant le Conseil de l’Europe, qui réunit non pas 28 pays comme l’Union européenne, mais 47 – dont la Russie –, le choix du pape n’est pas anodin.

    « Malheureusement, la paix est encore trop souvent blessée », a-t-il d’ailleurs reconnu. « Elle l’est dans de nombreuses parties du monde, où font rage des conflits de diverses sortes. Elle l’est aussi ici en Europe, où des tensions ne cessent pas », a-t-il noté, sans citer explicitement l’Ukraine. Elle est aussi « mise à l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme religieux et international », mais aussi le trafic d’armes, que l’Église considère comme « une plaie extrêmement grave de l’humanité », le trafic d’êtres humains, « le nouvel esclavage de notre temps ».

    Un peuplier aux branches agitées par le vent et aux racines profondes

    « La paix n’est pas la simple absence de guerres, de conflits et de tensions », a-t-il également souligné, rappelant que dans la vision chrétienne, elle est, en même temps, « don de Dieu et fruit de l’action libre et raisonnable de l’homme qui entend poursuivre le bien commun dans la vérité et dans l’amour ».

    « Comment donc poursuivre l’objectif ambitieux de la paix », aujourd’hui, au XXIe siècle ? Telle est la question qu’ont à se poser les responsables du Conseil de l’Europe, et à laquelle le pape François souhaite apporter la contribution de l’Église catholique.

    « Le chemin » choisi par le Conseil de l’Europe étant « avant tout celui de la promotion des droits humains, auxquels est lié le développement de la démocratie et de l’État de droit » – « l’une des plus grandes contributions que l’Europe a offerte et offre encore au monde entier » – c’est ce thème que le pape explore dans son discours.

    Pour cela, et au lieu de la fresque de Raphaël évoquée devant le Parlement européen, il utilise une autre image pour appuyer son propos : celle d’un poète italien du XXe  siècle, Clemente Rebora, qui, « dans l’une de ses poésies, décrit un peuplier, avec ses branches élevées vers le ciel et agitées par le vent, son tronc solide et ferme, ainsi que ses racines profondes qui s’enfoncent dans la terre ».

    Europe, où est ta vigueur ?

    « En un certain sens, nous pouvons penser à l’Europe à la lumière de cette image », analyse le pape. « Au cours de son histoire, elle a toujours tendu vers le haut, vers des objectifs nouveaux et ambitieux, animée par un désir insatiable de connaissance, de développement, de progrès, de paix et d’unité. Mais l’élévation de la pensée, de la culture, des découvertes scientifiques est possible seulement à cause de la solidité du tronc et de la profondeur des racines qui l’alimentent ».

    Filant cette image, le pape met en garde le Conseil de l’Europe – comme il l’a fait plus tôt devant le Parlement – contre une fausse conception des droits de l’homme, qui, « privée de ses racines fécondes », tombe dans l’individualisme, « la globalisation de l’indifférence », voire « le culte de l’opulence ». Submergée de biens matériels, dont elle ne sait « plus quoi faire », « un peu fatiguée et pessimiste », l’Europe actuelle court le risque de se sentir « assiégée par les nouveautés provenant des autres continents ».

    « À l’Europe, nous pouvons demander : où est ta vigueur ? Où est cette tension vers un idéal qui a animé ton histoire et l’a rendue grande ? Où est ton esprit d’entreprise et de curiosité ? Où est ta soif de vérité, que jusqu’à présent tu as communiquée au monde avec passion ? », interpelle le pape.

    Transversalité

    Pour répondre à ces questions fondamentales, le pape François propose à son tour un chemin aux Européens : opter pour la « multipolarité » (et non plus la bipolarité), mais aussi pour la « transversalité », et donc par exemple davantage « recourir au dialogue, même intergénérationnel ». « Une Europe qui dialogue seulement entre ses groupes d’appartenance fermés reste à mi-chemin ; on a besoin de l’esprit de jeunesse qui accepte le défi de la transversalité », estime le pape, qui accueille ainsi « positivement la volonté du Conseil de l’Europe d’investir dans le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension religieuse ».

    C’est d’ailleurs dans cette logique, souligne le pape, qu’il faut comprendre l’apport que le christianisme peut « fournir aujourd’hui au développement culturel et social européen dans le cadre d’une relation correcte entre religion et société » (le terme est souligné par lui). « Réflexion éthique sur les droits humains », « protection de la vie humaine », pauvreté, « accueil des migrants », chômage surtout des jeunes, ou encore protection de l’environnement : sur tous ces thèmes qui requièrent « une étude et un engagement commun », l’Église catholique peut apporter sa contribution.

    « Je souhaite vivement, a conclu le pape, que s’instaure une nouvelle collaboration sociale et économique, affranchie de conditionnements idéologiques, qui sache faire face au monde globalisé ».

    Discours du pape François au Conseil de l'Europe le 25 novembre 2014 (texte intégral).

     

    Monsieur le Secrétaire Général,

    Madame la Présidente,

    Excellences, Mesdames et Messieurs,

    Je suis heureux de pouvoir prendre la parole en cette Assemblée qui voit réunie une représentation significative de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, les Représentants des pays membres, les Juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et aussi les diverses Institutions qui composent le Conseil de l’Europe. De fait, presque toute l’Europe est présente en cette enceinte, avec ses peuples, ses langues, ses expressions culturelles et religieuses, qui constituent la richesse de ce continent. Je suis particulièrement reconnaissant au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Monsieur Thorbjørn Jagland, pour la courtoise invitation et pour les aimables paroles de bienvenue qu’il m’a adressées. Je salue Madame Anne Brasseur, Présidente de l’Assemblée parlementaire, ainsi que les représentants des diverses institutions qui composent le Conseil de l’Europe. Je vous remercie tous de tout cœur pour l’engagement que vous prodiguez et pour la contribution que vous offrez à la paix en Europe, par la promotion de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit.

    Paix, liberté et dignité humaine

    Dans l’intention de ses Pères fondateurs, le Conseil de l’Europe, qui célèbre cette année son 65e anniversaire, répondait à une tension vers un idéal d’unité qui, à plusieurs reprises, a animé la vie du continent depuis l’antiquité. Cependant, au cours des siècles, des poussées particularistes ont souvent prévalu, caractérisées par la succession de diverses volontés hégémoniques. Qu’il suffise de penser que dix ans avant ce 5 mai 1949, où a été signé à Londres le Traité qui a institué le Conseil de l’Europe, commençait le plus cruel et le plus déchirant conflit dont ces terres se souviennent et dont les divisions se sont poursuivies pendant de longues années, alors que ce qu’on a appelé le rideau de fer coupait en deux le continent de la Mer Baltique au Golfe de Trieste. Le projet des Pères fondateurs était de reconstruire l’Europe dans un esprit de service mutuel, qui aujourd’hui encore, dans un monde plus enclin à revendiquer qu’à servir, doit constituer la clé de voûte de la mission du Conseil de l’Europe, en faveur de la paix, de la liberté et de la dignité humaine.

    D’autre part, la voie privilégiée vers la paix – pour éviter que ce qui est arrivé durant les deux guerres mondiales du siècle dernier ne se répète –, c’est de reconnaître dans l’autre non un ennemi à combattre, mais un frère à accueillir. Il s’agit d’un processus continu, qu’on ne peut jamais considérer pleinement achevé. C’est justement l’intuition qu’ont eue les Pères fondateurs, qui ont compris que la paix était un bien à conquérir continuellement, et qu’elle exigeait une vigilance absolue. Ils étaient conscients que les guerres s’alimentent dans le but de prendre possession des espaces, de figer les processus et de chercher à les arrêter ; par contre, ils recherchaient la paix qui peut s’obtenir seulement par l’attitude constante d’initier des processus et de les poursuivre.

    Un chemin constant d’humanisation est nécessaire

    De cette manière, ils affirmaient la volonté de cheminer en mûrissant dans le temps, parce que c’est justement le temps qui gouverne les espaces, les éclaire et les transforme en une chaîne continue de croissance, sans voies de retour. C’est pourquoi, construire la paix demande de privilégier les actions qui génèrent de nouveaux dynamismes dans la société et impliquent d’autres personnes et d’autres groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils portent du fruit dans des événements historiques importants [1]   .

    Pour cela, ils ont créé cet Organisme stable. Le bienheureux Paul VI, quelques années après, eut à rappeler que « les institutions mêmes qui, sur le plan juridique et dans le concert des nations, ont pour rôle – et ont le mérite – de proclamer et de conserver la paix, n’atteignent le but prévu que si elles sont continuellement à l’œuvre, si elles savent à chaque instant engendrer la paix, faire la paix » [2] . Un chemin constant d’humanisation est nécessaire, de sorte qu’« il ne suffit pas de contenir les guerres, de suspendre les luttes, (…) une paix imposée ne suffit pas, non plus qu’une paix utilitaire et provisoire ; il faut tendre vers une paix aimée, libre, fraternelle, et donc fondée sur la réconciliation des esprits » [3] . C’est-à-dire poursuivre les processus sans anxiété mais certainement avec des convictions claires et avec ténacité.

    Pour conquérir le bien de la paix, il faut avant tout y éduquer, en éloignant une culture du conflit qui vise à la peur de l’autre, à la marginalisation de celui qui pense ou vit de manière différente. Il est vrai que le conflit ne peut être ignoré ou dissimulé, il doit être assumé. Mais si nous y restons bloqués, nous perdons la perspective, les horizons se limitent et la réalité elle-même demeure fragmentée. Quand nous nous arrêtons à la situation conflictuelle, nous perdons le sens de l’unité profonde de la réalité [4] , nous arrêtons l’histoire et nous tombons dans les usures internes des contradictions stériles.

    Le terrorisme religieux et international

    Malheureusement, la paix est encore trop souvent blessée. Elle l’est dans de nombreuses parties du monde, où font rage des conflits de diverses sortes. Elle l’est aussi ici en Europe, où des tensions ne cessent pas. Que de douleur et combien de morts encore sur ce continent, qui aspire à la paix, mais pourtant retombe facilement dans les tentations d’autrefois ! Pour cela, l’œuvre du Conseil de l’Europe dans la recherche d’une solution politique aux crises en cours est importante et encourageante.

    Mais la paix est aussi mise à l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme religieux et international, qui nourrit un profond mépris pour la vie humaine et fauche sans discernement des victimes innocentes. Ce phénomène est malheureusement très souvent alimenté par un trafic d’armes en toute tranquillité. L’Église considère que « la course aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable » [5] . La paix est violée aussi par le trafic des êtres humains, qui est le nouvel esclavage de notre temps et qui transforme les personnes en marchandises d’échange, privant les victimes de toute dignité. Assez souvent, nous notons également comment ces phénomènes sont liés entre eux. Le Conseil de l’Europe, à travers ses Commissions et ses Groupes d’Experts, exerce un rôle important et significatif dans le combat contre ces formes d’inhumanité.

    Cependant, la paix n’est pas la simple absence de guerres, de conflits et de tensions. Dans la vision chrétienne, elle est, en même temps, don de Dieu et fruit de l’action libre et raisonnable de l’homme qui entend poursuivre le bien commun dans la vérité et dans l’amour. « Cet ordre rationnel et moral s’appuie précisément sur la décision de la conscience des êtres humains à la recherche de l’harmonie dans leurs rapports réciproques, dans le respect de la justice pour tous » [6] .

    Comment donc poursuivre l’objectif ambitieux de la paix ?

    Le chemin choisi par le Conseil de l’Europe est avant tout celui de la promotion des droits humains, auxquels est lié le développement de la démocratie et de l’État de droit. C’est un travail particulièrement précieux, avec d’importantes implications éthiques et sociales, puisque d’une juste conception de ces termes et d’une réflexion constante sur eux dépendent le développement de nos sociétés, leur cohabitation pacifique et leur avenir. Cette recherche est l’une des plus grandes contributions que l’Europe a offerte et offre encore au monde entier.

    C’est pourquoi, en cette enceinte, je ressens le devoir de rappeler l’importance de l’apport et de la responsabilité de l’Europe dans le développement culturel de l’humanité. Je voudrais le faire en partant d’une image que j’emprunte à un poète italien du XXe siècle, Clemente Rebora, qui, dans l’une de ses poésies, décrit un peuplier, avec ses branches élevées vers le ciel et agitées par le vent, son tronc solide et ferme, ainsi que ses racines profondes qui s’enfoncent dans la terre [7] . En un certain sens, nous pouvons penser à l’Europe à la lumière de cette image.

    Au cours de son histoire, elle a toujours tendu vers le haut, vers des objectifs nouveaux et ambitieux, animée par un désir insatiable de connaissance, de développement, de progrès, de paix et d’unité. Mais l’élévation de la pensée, de la culture, des découvertes scientifiques est possible seulement à cause de la solidité du tronc et de la profondeur des racines qui l’alimentent. Si les racines se perdent, lentement le tronc se vide et meurt et les branches – autrefois vigoureuses et droites – se plient vers la terre et tombent. Ici, se trouve peut-être l’un des paradoxes les plus incompréhensibles pour une mentalité scientifique qui s’isole : pour marcher vers l’avenir, il faut le passé, de profondes racines sont nécessaires et il faut aussi le courage de ne pas se cacher face au présent et à ses défis. Il faut de la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine.

    D’autre part – fait observer Rebora – « le tronc s’enfonce là où il y a davantage de vrai » [8] . Les racines s’alimentent de la vérité, qui constitue la nourriture, la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire. En outre, la véritéfait appel à la conscience, qui est irréductible aux conditionnements, et pour cela est capable de connaître sa propre dignité et de s’ouvrir à l’absolu, en devenant source des choix fondamentaux guidés par la recherche du bien pour les autres et pour soi et lieu d’une liberté responsable [9]  .

    Il faut ensuite garder bien présent à l’esprit que sans cette recherche de la vérité, chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir, ouvrant la voie à l’affirmation subjective des droits, de sorte qu’à la conception de droit humain, qui a en soi une portée universelle, se substitue l’idée de droit individualiste. Cela conduit à être foncièrement insouciant des autres et à favoriser la globalisation de l’indifférence qui naît de l’égoïsme, fruit d’une conception de l’homme incapable d’accueillir la vérité et de vivre une authentique dimension sociale.

    De l’individualisme indifférent naît le culte de l’opulence

    Un tel individualisme rend humainement pauvre et culturellement stérile, puisqu’il rompt de fait les racines fécondes sur lesquelles se greffe l’arbre. De l’individualisme indifférent naît le culte de l’opulence, auquel correspond la culture de déchet dans laquelle nous sommes immergés. Nous avons, de fait, trop de choses, qui souvent ne servent pas, mais nous ne sommes plus en mesure de construire d’authentiques relations humaines, empreintes de vérité et de respect mutuel. Ainsi, aujourd’hui nous avons devant les yeux l’image d’une Europe blessée, à cause des nombreuses épreuves du passé, mais aussi à cause des crises actuelles, qu’elle ne semble plus capable d’affronter avec la vitalité et l’énergie d’autrefois. Une Europe un peu fatiguée et pessimiste, qui se sent assiégée par les nouveautés provenant des autres continents.

    À l’Europe, nous pouvons demander : où est ta vigueur ? Où est cette tension vers un idéal qui a animé ton histoire et l’a rendue grande ? Où est ton esprit d’entreprise et de curiosité ? Où est ta soif de vérité, que jusqu’à présent tu as communiquée au monde avec passion ?

    De la réponse à ces questions, dépendra l’avenir du continent. D’autre part – pour revenir à l’image de Rebora – un tronc sans racines peut continuer d’avoir une apparence de vie, mais à l’intérieur il se vide et meurt. L’Europe doit réfléchir pour savoir si son immense patrimoine humain, artistique, technique, social, politique, économique et religieux est un simple héritage de musée du passé, ou bien si elle est encore capable d’inspirer la culture et d’ouvrir ses trésors à l’humanité entière. Dans la réponse à cette interrogation, le Conseil de l’Europe avec ses institutions a un rôle de première importance.

    Je pense particulièrement au rôle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui constitue en quelque sorte la “conscience” de l’Europe pour le respect des droits humains. Je souhaite que cette conscience mûrisse toujours plus, non par un simple consensus entre les parties, mais comme fruit de la tension vers ces racines profondes, qui constituent les fondements sur lesquels les Pères fondateurs de l’Europe contemporaine ont choisi de construire.

    Une Europe multipolaire

    Avec les racines – qu’il faut chercher, trouver et maintenir vivantes par l’exercice quotidien de la mémoire, puisqu’elles constituent le patrimoine génétique de l’Europe – il y a les défis actuels du continent qui nous obligent à une créativité continue, pour que ces racines soient fécondes aujourd’hui et se projettent vers des utopies de l’avenir. Je me permets d’en mentionner seulement deux : le défi de la multipolarité et le défi de la transversalité.

    L’histoire de l’Europe peut nous amener à concevoir celle-ci naïvement comme une bipolarité, ou tout au plus comme une tripolarité (pensons à l’antique conception : Rome – Byzance – Moscou), et à nous mouvoir à l’intérieur de ce schéma, fruit de réductionnismes géopolitiques hégémoniques, dans l’interprétation du présent et dans la projection vers l’utopie de l’avenir.

    Aujourd’hui, les choses ne se présentent pas ainsi et nous pouvons légitimement parler d’une Europe multipolaire. Les tensions – aussi bien celles qui construisent que celles qui détruisent – se produisent entre de multiples pôles culturels, religieux et politiques. L’Europe aujourd’hui affronte le défi de « globaliser » de manière originale cette multipolarité. Les cultures ne s’identifient pas nécessairement avec les pays : certains d’entre eux ont diverses cultures et certaines cultures s’expriment dans divers pays. Il en est de même des expressions politiques, religieuses et associatives.

    Globaliser de manière originale la multipolarité comporte le défi d’une harmonie constructive, libérée d’hégémonies qui, bien qu’elles semblent pragmatiquement faciliter le chemin, finissent par détruire l’originalité culturelle et religieuse des peuples.

    Parler de la multipolarité européenne signifie parler de peuples qui naissent, croissent et se projettent vers l’avenir. La tâche de globaliser la multipolarité de l’Europe, nous ne pouvons pas l’imaginer avec l’image de la sphère – dans laquelle tout est égal et ordonné, mais qui en définitive est réductrice puisque chaque point est équidistant du centre – mais plutôt avec celle du polyèdre, où l’unité harmonique du tout conserve la particularité de chacune des parties. Aujourd’hui, l’Europe est multipolaire dans ses relations et ses tensions ; on ne peut ni penser ni construire l’Europe sans assumer à fond cette réalité multipolaire.

    Investir dans le dialogue inter-culturel

    L’autre défi que je voudrais mentionner est la transversalité. Je pars d’une expérience personnelle : dans les rencontres avec les politiciens de divers pays de l’Europe, j’ai pu remarquer que les politiciens jeunes affrontent la réalité avec une perspective différente par rapport à leurs collègues plus adultes. Ils disent peut-être des choses apparemment similaires, mais l’approche est différente. Cela s’observe chez les jeunes politiciens des divers partis. Cette donnée empirique indique une réalité de l’Europe contemporaine que l’on ne peut ignorer sur le chemin de la consolidation continentale et de sa projection future : tenir compte de cette transversalité qui se retrouve dans tous les domaines. Cela ne peut se faire sans recourir au dialogue, même inter-générationnel. Si nous voulions définir aujourd’hui le continent, nous devrions parler d’une Europe en dialogue, qui fait en sorte que la transversalité d’opinions et de réflexions soit au service des peuples unis dans l’harmonie.

    Emprunter ce chemin de communication transversale comporte non seulement une empathie générationnelle mais aussi une méthodologie historique de croissance. Dans le monde politique actuel de l’Europe, le dialogue uniquement interne aux organismes (politiques, religieux, culturels) de sa propre appartenance se révèle stérile. L’histoire aujourd’hui demande pour la rencontre, la capacité de sortir des structures qui « contiennent » sa propre identité afin de la rendre plus forte et plus féconde dans la confrontation fraternelle de la transversalité. Une Europe qui dialogue seulement entre ses groupes d’appartenance fermés reste à mi-chemin ; on a besoin de l’esprit de jeunesse qui accepte le défi de la transversalité.

    Dans cette perspective, j’accueille positivement la volonté du Conseil de l’Europe d’investir dans le dialogue inter-culturel, y compris dans sa dimension religieuse, par les Rencontres sur la dimension religieuse du dialogue interculturel. Il s’agit d’une occasion propice pour un échange ouvert, respectueux et enrichissant entre personnes et groupes de diverses origines, tradition ethnique, linguistique et religieuse, dans un esprit de compréhension et de respect mutuel.

    Ces rencontres semblent particulièrement importantes dans le contexte actuel multiculturel, multipolaire, à la recherche de son propre visage pour conjuguer avec sagesse l’identité européenne formée à travers les siècles avec les instances provenant des autres peuples qui se manifestent à présent sur le continent.

    C’est dans cette logique qu’il faut comprendre l’apport que le christianisme peut fournir aujourd’hui au développement culturel et social européen dans le cadre d’une relation correcte entre religion et société. Dans la vision chrétienne, raison et foi, religion et société sont appelées à s’éclairer réciproquement, en se soutenant mutuellement et, si nécessaire, en se purifiant les unes les autres des extrémismes idéologiques dans lesquelles elles peuvent tomber. La société européenne tout entière ne peut que tirer profit d’un lien renouvelé entre les deux domaines, soit pour faire face à un fondamentalisme religieux qui est surtout ennemi de Dieu, soit pour remédier à une raison « réduite », qui ne fait pas honneur à l’homme.

    Une réflexion éthique sur les droits humains

    Les thèmes d’actualité, dans lesquels je suis convaincu qu’il peut y avoir un enrichissement mutuel, où l’Église catholique – particulièrement à travers le Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE) – peut collaborer avec le Conseil de l’Europe et offrir une contribution fondamentale, sont très nombreux. Avant tout, à la lumière de tout ce que je viens de dire, il y a le domaine d’une réflexion éthique sur les droits humains, sur lesquels votre Organisation est souvent appelée à se pencher. Je pense particulièrement aux thèmes liés à la protection de la vie humaine, questions délicates qui ont besoin d’être soumises à un examen attentif, qui tienne compte de la vérité de tout l’être humain, sans se limiter à des domaines spécifiques médicaux, scientifiques ou juridiques.

    De même, ils sont nombreux, les défis du monde contemporains qui requièrent une étude et un engagement commun, à commencer par l’accueil des migrants, qui ont besoin d’abord et avant tout de l’essentiel pour vivre, mais principalement que leur dignité de personnes soit reconnue. Il y a ensuite le grave problème du travail, surtout en ce qui concerne les niveaux élevés de chômage des jeunes dans beaucoup de pays – une vraie hypothèque pour l’avenir – mais aussi pour la question de la dignité du travail.

    Je souhaite vivement que s’instaure une nouvelle collaboration sociale et économique, affranchie de conditionnements idéologiques, qui sache faire face au monde globalisé, en maintenant vivant ce sens de solidarité et de charité réciproques qui a tant caractérisé le visage de l’Europe grâce à l’action généreuse de centaines d’hommes et de femmes – dont certains sont considérés saints par l’Église catholique – qui, au cours des siècles, se sont dépensés pour développer le continent, tant à travers l’activité d’entreprise qu’à travers des œuvres éducatives, d’assistance et de promotion humaine. Surtout ces dernières représentent un point de référence important pour les nombreux pauvres qui vivent en Europe. Combien il y en a dans nos rues ! Ils demandent non seulement le pain pour survivre, ce qui est le plus élémentaire des droits, mais ils demandent aussi à redécouvrir la valeur de leur propre vie, que la pauvreté tend à faire oublier, et à retrouver la dignité conférée par le travail.

    Enfin, parmi les thèmes qui sollicitent notre réflexion et notre collaboration, il y a la protection de l’environnement, de notre bien-aimée Terre qui est la grande ressource que Dieu nous a donnée et qui est à notre disposition non pour être défigurée, exploitée et avilie, mais pour que nous puissions y vivre avec dignité, en jouissant de son immense beauté.

    Monsieur le Secrétaire général, Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs,

    Le bienheureux Paul VI a défini l’Église « experte en humanité » [10] . Dans le monde, à l’imitation du Christ, malgré les péchés de ses enfants, elle ne cherche rien d’autre que de servir et de rendre témoignage à la vérité [11] . Rien d’autre que cet esprit ne nous guide dans le soutien du chemin de l’humanité.

    Avec cette disposition d’esprit, le Saint-Siège entend continuer sa propre collaboration avec le Conseil de l’Europe, qui revêt aujourd’hui un rôle fondamental pour forger la mentalité des futures générations d’Européens. Il s’agit d’effectuer ensemble une réflexion dans tous les domaines, afin que s’instaure une sorte de « nouvelle agora », dans laquelle chaque instance civile et religieuse puisse librement se confronter avec les autres, même dans la séparation des domaines et dans la diversité des positions, animée exclusivement par le désir de vérité et par celui d’édifier le bien commun. La culture, en effet, naît toujours de la rencontre réciproque, destinée à stimuler la richesse intellectuelle et la créativité de ceux qui y prennent part ; et outre le fait que c’est la réalisation du bien, cela est beau. Je souhaite que l’Europe, en redécouvrant son patrimoine historique et la profondeur de ses racines, en assumant sa vivante multipolarité et le phénomène de la transversalité en dialogue, retrouve cette jeunesse d’esprit qui l’a rendue féconde et grande.

    Merci !

    (Texte original italien, traduction de la salle de presse du Saint-Siège)

    [1] Cf. Evangelii gaudium, n. 223

    [2] Paul VI, Message pour la VIIIè Journée Mondiale de la Paix, 8 décembre 1974.

    [3] Ibid.

    [4] Cf. Evangelii gaudium, n. 226.

    [5]Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2329 et Gaudium et spes n. 81.

    [6] Jean-Paul II, Message pour la XVè Journée Mondiale de la Paix, 8 décembre 1981, n. 4.

    [7] “Vibra nel vento con tutte le sue foglie/ il pioppo severo; / spasima l’aria in tutte le sue doglie / nell’ansia del pensiero: / dal tronco in rami per fronde si esprime / tutte al ciel tese con raccolte cime: / fermo rimane il tronco del mistero, / e il tronco s’inabissa ov’è più vero”, Il pioppo in : Canti dell’Infermità, ed. Vanni Scheiwiller, Milano 1957, 32.

    [8]Ibid.

    [9] Cf. Jean-Paul II, Discours à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 8 octobre 1988, n. 4.

    [10]Lett. Enc. Populorum progressio, n. 13.

    [11] Cf. ibid.


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  • Aux Européens, le pape demande d’articuler « droits individuels » et « bien commun »

    Dans un discours long et structuré, prononcé mardi 25 novembre au matin devant le Parlement européen, le pape François dénonce les maux des sociétés européennes, tentées par l’individualisme et la « culture du déchet ».

    Il les appelle à ne pas céder au découragement mais au contraire à reconnaître par tous moyens la dignité de la personne humaine, et sa dimension relationnelle

    « Trop de situations subsistent encore dans lesquelles les êtres humains sont traités comme des objets dont on peut programmer la conception, la configuration et l’utilité, et qui ensuite peuvent être jetés quand ils ne servent plus, parce qu’ils deviennent faibles, malades ou vieux. » Arrivé mardi 25 novembre vers 10 h 30 au Parlement européen, à Strasbourg, le pape François a profité d’une session de travail pour s’exprimer devant l’ensemble des parlementaires représentant les 28 pays de l’Union européenne.

    Il a choisi de leur adresser un vigoureux plaidoyer pour une meilleure reconnaissance de la dignité de la personne humaine, concept que les pères fondateurs ont voulu placer « au centre du projet politique européen ».

    « Promouvoir la dignité de la personne signifie reconnaître qu’elle possède des droits inaliénables dont elle ne peut être privée au gré de certains, et encore moins au bénéfice d’intérêts économiques », a-t-il rappelé à une Union européenne au sein de laquelle les dossiers économiques tiennent une place prépondérante.

    Redonner confiance

    « Comment donc redonner espérance en l’avenir », s’interroge-t-il en substance, comment faire en sorte que les jeunes générations retrouvent confiance et poursuivent « le grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et consciente de ses devoirs » ? Tel est le défi de l’Europe, aux yeux du pape, venu proposer son aide aux eurodéputés, l’aide de ce christianisme lié à l’Europe par une « histoire bimillénaire, (…) non exempte de conflits et d’erreurs, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien ».

    Ainsi, le « concept de droits humains » peut donner lieu à des « équivoques » ou des « malentendus », voire des « abus ». « Il y a en effet aujourd’hui la tendance à une revendication toujours plus grande des droits individuels, qui cache une conception de la personne humaine détachée de tout contexte social et anthropologique, presque comme une « monade » (μονάς), toujours plus insensible aux autres « monades » présentes autour de soi », a-t-il mis en garde.

    des enfants tués avant de naître

    À ses yeux, « il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale ». « En effet, rappelle-t-il, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences ».

    « L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que (…) lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées, abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître » a-t-il même déclaré, dans un passage très applaudi.

    Au fond, pour le pape François, redonner du sens, de la force à la construction européenne passe par une redécouverte du concept de « dignité » de la personne humaine inséparable de « la transcendance ». « Un auteur anonyme du IIe siècle a écrit que « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps ». Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique », souligne le pape.

    Reprenant l’image d’une fresque de Raphaël, visible au Vatican et représentant Platon et Aristote, le pape François souligne l’importance vitale pour lui de cette articulation entre « l’ouverture à la transcendance, à Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen, et la terre qui représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes ». « L’avenir de l’Europe dépend de la redécouverte du lien vital et inséparable entre ces deux éléments », insiste-t-il avant d’appeler les parlementaires européens non pas seulement à « reconnaître la centralité de la personne humaine », mais aussi à « investir dans les domaines où ses talents se forment et donnent du fruit » (famille, éducation, emploi etc).

    « Mettre à profit ses propres racines religieuses »

    Alors que de « nombreux extrémismes déferlent dans le monde d’aujourd’hui », et « aussi contre le grand vide d’idées auquel nous assistons en Occident », « mettre à profit ses propres racines religieuses, (…) en recueillir la richesse et les potentialités » est aussi le moyen « d’immuniser » l’Europe. « Parce que « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence » », rappelle-t-il dans une vigoureuse dénonciation, là encore très applaudie, des persécutions et les violences dont sont victimes « de nombreuses minorités, notamment chrétiennes, dans le monde ».

    « Chers Eurodéputés, conclut-il, l’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables ; l’Europe qui embrasse avec courage son passé et regarde avec confiance son avenir pour vivre pleinement et avec espérance son présent. Le moment est venu d’abandonner l’idée d’une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l’Europe protagoniste, porteuse de science, d’art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi. L’Europe qui contemple le ciel et poursuit des idéaux ; l’Europe qui regarde, défend et protège l’homme ; l’Europe qui chemine sur la terre sûre et solide, précieux point de référence pour toute l’humanité ! »

    Discours intégral au parlement européen.

    Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Vice-présidents, 

     Honorables Députés Européens, 

     Personnes qui travaillent à des titres divers dans cet hémicycle,  

     Chers amis,  

    Je vous remercie pour l’invitation à prendre la parole devant cette institution fondamentale de la vie de l’Union Européenne, et pour l’opportunité qui m’est offerte de m’adresser, à travers vous, à plus de cinq cents millions de citoyens des 28 pays membres que vous représentez. Je désire exprimer une gratitude particulière à vous, Monsieur le Président du Parlement, pour les paroles cordiales de bienvenue que vous m’avez adressées, au nom de tous les membres de l’Assemblée.

    Ma visite a lieu plus d’un quart de siècle après celle accomplie par le Pape Jean-Paul II. Beaucoup de choses ont changé depuis lors, en Europe et dans le monde entier. Les blocs opposés qui divisaient alors le continent en deux n’existent plus, et le désir que « l’Europe, se donnant souverainement des institutions libres, puisse un jour se déployer aux dimensions que lui ont données la géographie et plus encore l’histoire » [1] , se réalise lentement.

     Un monde toujours plus interconnecté et globalisé 

    À côté d’une Union Européenne plus grande, il y a aussi un monde plus complexe, et en fort mouvement. Un monde toujours plus interconnecté et globalisé, et donc de moins en moins « eurocentrique ». À une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion.

    En m’adressant à vous aujourd’hui, à partir de ma vocation de pasteur, je désire adresser à tous les citoyens européens un message d’espérance et d’encouragement.

    Un message d’espérance fondé sur la confiance que les difficultés peuvent devenir des promotrices puissantes d’unité, pour vaincre toutes les peurs que l’Europe – avec le monde entier – est en train de traverser. L’espérance dans le Seigneur qui transforme le mal en bien, et la mort en vie.

     Revenir à la ferme conviction des Pères fondateurs  

    Encouragement pour revenir à la ferme conviction des Pères fondateurs de l’Union Européenne, qui ont souhaité un avenir fondé sur la capacité de travailler ensemble afin de dépasser les divisions, et favoriser la paix et la communion entre tous les peuples du continent. Au centre de cet ambitieux projet politique il y avait la confiance en l’homme, non pas tant comme citoyen, ni comme sujet économique, mais en l’homme comme personne dotée d’une dignité transcendante.

    Je tiens avant tout à souligner le lien étroit qui existe entre ces deux paroles : « dignité » et « transcendante ».

    La « dignité » est le mot-clé qui a caractérisé la reprise du second après-guerre. Notre histoire récente se caractérise par l’indubitable centralité de la promotion de la dignité humaine contre les violences multiples et les discriminations qui, même en Europe, n’ont pas manqué dans le cours des siècles. La perception de l’importance des droits humains naît justement comme aboutissement d’un long chemin, fait de multiples souffrances et sacrifices, qui a contribué à former la conscience du caractère précieux, de l’unicité qu’on ne peut répéter de toute personne humaine individuelle. Cette conscience culturelle trouve son fondement, non seulement dans les événements de l’histoire, mais surtout dans la pensée européenne, caractérisée par une riche rencontre, dont les nombreuses sources lointaines proviennent « de la Grèce et de Rome, de fonds celtes, germaniques et slaves, et du christianisme qui l’a profondément pétrie» [2] , donnant lieu justement au concept de « personne ».

     Promouvoir la dignité de la personne 

    Aujourd’hui, la promotion des droits humains joue un rôle central dans l’engagement de l’Union Européenne, en vue de favoriser la dignité de la personne, en son sein comme dans ses rapports avec les autres pays. Il s’agit d’un engagement important et admirable, puisque trop de situations subsistent encore dans lesquelles les êtres humains sont traités comme des objets dont on peut programmer la conception, la configuration et l’utilité, et qui ensuite peuvent être jetés quand ils ne servent plus, parce qu’ils deviennent faibles, malades ou vieux.

    Quelle dignité existe vraiment, quand manque la possibilité d’exprimer librement sa pensée ou de professer sans contrainte sa foi religieuse ? Quelle dignité est possible, sans un cadre juridique clair, qui limite le domaine de la force et qui fasse prévaloir la loi sur la tyrannie du pouvoir ? Quelle dignité peut jamais avoir un homme ou une femme qui fait l’objet de toute sorte de discriminations ? Quelle dignité pourra jamais avoir une personne qui n’a pas de nourriture ou le minimum nécessaire pour vivre et, pire encore, de travail qui l’oint de dignité ?

    Promouvoir la dignité de la personne signifie reconnaître qu’elle possède des droits inaliénables dont elle ne peut être privée au gré de certains, et encore moins au bénéfice d’intérêts économiques.

    Mais il convient de faire attention pour ne pas tomber dans des équivoques qui peuvent naître d’un malentendu sur le concept de droits humains et de leur abus paradoxal. Il y a en effet aujourd’hui la tendance à une revendication toujours plus grande des droits individuels, qui cache une conception de la personne humaine détachée de tout contexte social et anthropologique, presque comme une « monade » (μονάς), toujours plus insensible aux autres « monades » présentes autour de soi. Au concept de droit, celui - aussi essentiel et complémentaire - de devoir, ne semble plus associé, de sorte qu’on finit par affirmer les droits individuels sans tenir compte que tout être humain est lié à un contexte social dans lequel ses droits et devoirs sont connexes à ceux des autres et au bien commun de la société elle-même.

    Par conséquent je considère qu’il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale [3] . En effet, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences.

     Regarder l’homme comme un être relationnel 

    Parler de la dignité transcendante de l’homme signifie donc faire appel à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette « boussole » inscrite dans nos cœurs et que Dieu a imprimée dans l’univers créé [4]  ; cela signifie surtout de regarder l’homme non pas comme un absolu, mais comme un être relationnel. Une des maladies que je vois la plus répandue aujourd’hui en Europe est la solitude, précisément de celui qui est privé de liens. On la voit particulièrement chez les personnes âgées, souvent abandonnées à leur destin, comme aussi chez les jeunes privés de points de référence et d’opportunités pour l’avenir ; on la voit chez les nombreux pauvres qui peuplent nos villes ; on la voit dans le regard perdu des migrants qui sont venus ici en recherche d’un avenir meilleur.

    Cette solitude a été ensuite accentuée par la crise économique, dont les effets perdurent encore, avec des conséquences dramatiques du point de vue social. On peut constater qu’au cours des dernières années, à côté du processus d’élargissement de l’Union Européenne, s’est accrue la méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions considérées comme distantes, occupées à établir des règles perçues comme éloignées de la sensibilité des peuples particuliers, sinon complètement nuisibles. D’un peu partout on a une impression générale de fatigue et de vieillissement, d’une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante. Par conséquent, les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions.

     Indifférence aux plus pauvres 

    À cela s’ajoutent des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant, surtout aux plus pauvres. On constate avec regret une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique [5] . L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que – nous le remarquons malheureusement souvent – lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître.

    C’est une grande méprise qui advient « quand l’absolutisation de la technique prévaut» [6] , ce qui finit par produire « une confusion entre la fin et moyens » [7] . Résultat inévitable de la « culture du déchet » et de la « mentalité de consommation exagérée ». Au contraire, affirmer la dignité de la personne c’est reconnaître le caractère précieux de la vie humaine, qui nous est donnée gratuitement et qui ne peut, pour cette raison, être objet d’échange ou de commerce.Dans votre vocation de parlementaires, vous êtes aussi appelés à une grande mission, bien qu’elle puisse sembler inutile : prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes. Prendre soin de la fragilité veut dire force et tendresse, lutte et fécondité, au milieu d’un modèle fonctionnaliste et privatisé qui conduit inexorablement à la « culture du déchet ». Prendre soin de la fragilité de la personne et des peuples signifie garder la mémoire et l’espérance ; signifie prendre en charge la personne présente dans sa situation la plus marginale et angoissante et être capable de l’oindre de dignité [8] .

    Comment donc redonner espérance en l’avenir, de sorte que, à partir des jeunes générations, on retrouve la confiance afin de poursuivre le grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et consciente de ses devoirs ?

    Pour répondre à cette question, permettez-moi de recourir à une image. Une des fresques les plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au Vatican représente la dite École d’Athènes. Au centre se trouvent Platon et Aristote. Le premier a le doigt qui pointe vers le haut, vers le monde des idées, nous pourrions dire vers le ciel ; le second tend la main en avant, vers celui qui regarde, vers la terre, la réalité concrète. Cela me paraît être une image qui décrit bien l’Europe et son histoire, faite de la rencontre continuelle entre le ciel et la terre, où le ciel indique l’ouverture à la transcendance, à Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen, et la terre qui représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes.

     « Esprit humaniste » 

    L’avenir de l’Europe dépend de la redécouverte du lien vital et inséparable entre ces deux éléments. Une Europe qui n’a plus la capacité de s’ouvrir à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui lentement risque de perdre son âme, ainsi que cet « esprit humaniste » qu’elle aime et défend cependant.

    Précisément à partir de la nécessité d’une ouverture au transcendant, je veux affirmer la centralité de la personne humaine, qui se trouve autrement à la merci des modes et des pouvoirs du moment. En ce sens j’estime fondamental, non seulement le patrimoine que le christianisme a laissé dans le passé pour la formation socioculturelle du continent, mais surtout la contribution qu’il veut donner, aujourd’hui et dans l’avenir, à sa croissance. Cette contribution n’est pas un danger pour la laïcité des États ni pour l’indépendance des institutions de l’Union, mais au contraire un enrichissement. Les idéaux qui l’ont formée dès l’origine le montrent bien: la paix, la subsidiarité et la solidarité réciproque, un humanisme centré sur le respect de la dignité de la personne.

    Je désire donc renouveler la disponibilité du Saint-Siège et de l’Église catholique – à travers la Commission des Conférences Épiscopales Européennes (COMECE) – pour entretenir un dialogue profitable, ouvert et transparent avec les institutions de l’Union Européenne. De même, je suis convaincu qu’une Europe capable de mettre à profit ses propres racines religieuses, sachant en recueillir la richesse et les potentialités, peut être plus facilement immunisée contre les nombreux extrémismes qui déferlent dans le monde d’aujourd’hui, et aussi contre le grand vide d’idées auquel nous assistons en Occident, parce que « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence » [9] .

    Nous ne pouvons pas ici ne pas rappeler les nombreuses injustices et persécutions qui frappent quotidiennement les minorités religieuses, en particulier chrétiennes, en divers endroits du monde. Des communautés et des personnes sont l’objet de violences barbares : chassées de leurs maisons et de leurs patries ; vendues comme esclaves ; tuées, décapitées, crucifiées et brulées vives, sous le silence honteux et complice de beaucoup.

    La devise de l’Union Européenne est Unité dans la diversité, mais l’unité ne signifie pas uniformité politique, économique, culturelle ou de pensée. En réalité, toute unité authentique vit de la richesse des diversités qui la composent : comme une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. Dans ce sens, j’estime que l’Europe est une famille des peuples, lesquels pourront sentir les institutions de l’Union proches dans la mesure où elles sauront sagement conjuguer l’idéal de l’unité à laquelle on aspire, à la diversité propre de chacun, valorisant les traditions particulières, prenant conscience de son histoire et de ses racines, se libérant de nombreuses manipulations et phobies. Mettre au centre la personne humaine signifie avant tout faire en sorte qu’elle exprime librement son visage et sa créativité, au niveau des individus comme au niveau des peuples.

     Maintenir vivante la démocratie des peuples d’Europe 

    D’autre part, les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale, et que l’on puisse marcher dans la confiance réciproque.

    Dans cette dynamique d’unité-particularité, se pose à vous, Mesdames et Messieurs les Eurodéputés, l’exigence de maintenir vivante la démocratie des peuples d’Europe. Il est connu qu’une conception uniformisante de la mondialité touche la vitalité du système démocratique, affaiblissant le débat riche, fécond et constructif des organisations et des partis politiques entre eux.

    On court ainsi le risque de vivre dans le règne de l’idée, de la seule parole, de l’image, du sophisme… et de finir par confondre la réalité de la démocratie avec un nouveau nominalisme politique. Maintenir vivante la démocratie en Europe demande d’éviter les « manières globalisantes » de diluer la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les fondamentalismes anhistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse [10] .

    Maintenir vivante la réalité des démocraties est un défi de ce moment historique, en évitant que leur force réelle – force politique expressive des peuples – soit écartée face à la pression d’intérêts multinationaux non universels, qui les fragilisent et les transforment en systèmes uniformisés de pouvoir financier au service d’empires inconnus. C’est un défi qu’aujourd’hui l’histoire vous lance.

     La famille unie, pour donner espérance à l’avenir 

    Donner espérance à l’Europe ne signifie pas seulement reconnaître la centralité de la personne humaine, mais implique aussi d’en favoriser les capacités. Il s’agit donc d’y investir ainsi que dans les domaines où ses talents se forment et portent du fruit. Le premier domaine est sûrement celui de l’éducation, à partir de la famille, cellule fondamentale et élément précieux de toute société. La famille unie, féconde et indissoluble porte avec elle les éléments fondamentaux pour donner espérance à l’avenir. Sans cette solidité, on finit par construire sur le sable, avec de graves conséquences sociales. D’autre part, souligner l’importance de la famille non seulement aide à donner des perspectives et l’espérance aux nouvelles générations, mais aussi aux nombreuses personnes âgées, souvent contraintes à vivre dans des conditions de solitude et d’abandon parce qu’il n’y a plus la chaleur d’un foyer familial en mesure de les accompagner et de les soutenir.

    À côté de la famille, il y a les institutions éducatives : écoles et universités. L’éducation ne peut se limiter à fournir un ensemble de connaissances techniques, mais elle doit favoriser le processus plus complexe de croissance de la personne humaine dans sa totalité. Les jeunes d’aujourd’hui demandent à pouvoir avoir une formation adéquate et complète pour regarder l’avenir avec espérance, plutôt qu’avec désillusion. Ensuite, les potentialités créatives de l’Europe dans divers domaines de la recherche scientifique, dont certains ne sont pas encore complètement explorés, sont nombreuses. Il suffit de penser par exemple aux sources alternatives d’énergie, dont le développement servirait beaucoup à la protection de l’environnement.

     Une responsabilité personnelle dans la protection de la création 

    L’Europe a toujours été en première ligne dans un louable engagement en faveur de l’écologie. Notre terre a en effet besoin de soins continus et d’attentions ; chacun a une responsabilité personnelle dans la protection de la création, don précieux que Dieu a mis entre les mains des hommes. Cela signifie, d’une part, que la nature est à notre disposition, que nous pouvons en jouir et en faire un bon usage ; mais, d’autre part, cela signifie que nous n’en sommes pas les propriétaires. Gardiens, mais non propriétaires. Par conséquent, nous devons l’aimer et la respecter, tandis qu’« au contraire, nous sommes souvent guidés par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, d’exploiter; nous ne la “gardons” pas, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas comme un don gratuit dont il faut prendre soin» [11] . Respecter l’environnement signifie cependant non seulement se limiter à éviter de le défigurer, mais aussi l’utiliser pour le bien. Je pense surtout au secteur agricole, appelé à donner soutien et nourriture à l’homme. On ne peut tolérer que des millions de personnes dans le monde meurent de faim, tandis que des tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque jour de nos tables. En outre, respecter la nature, nous rappelle que l’homme lui-même en est une partie fondamentale. À côté d’une écologie environnementale, il faut donc une écologie humaine, faite du respect de la personne, que j’ai voulu rappeler aujourd’hui en m’adressant à vous.

    Le deuxième domaine dans lequel fleurissent les talents de la personne humaine, c’est le travail. Il est temps de favoriser les politiques de l’emploi, mais il est surtout nécessaire de redonner la dignité au travail, en garantissant aussi d’adéquates conditions pour sa réalisation. Cela implique, d’une part, de repérer de nouvelles manières de conjuguer la flexibilité du marché avec les nécessités de stabilité et de certitude des perspectives d’emploi, indispensables pour le développement humain des travailleurs ; d’autre part, cela signifie favoriser un contexte social adéquat, qui ne vise pas l’exploitation des personnes, mais à garantir, à travers le travail, la possibilité de construire une famille et d’éduquer les enfants.

     On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière ! 

    De même, il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière ! Dans les barques qui arrivent quotidiennement sur les côtes européennes, il y a des hommes et des femmes qui ont besoin d’accueil et d’aide. L’absence d’un soutien réciproque au sein de l’Union Européenne risque d’encourager des solutions particularistes aux problèmes, qui ne tiennent pas compte de la dignité humaine des immigrés, favorisant le travail d’esclave et des tensions sociales continuelles. L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets.

     Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs les Députés, 

    La conscience de sa propre identité est nécessaire aussi pour dialoguer de manière prospective avec les États qui ont demandé d’entrer pour faire partie de l’Union Européenne à l’avenir. Je pense surtout à ceux de l’aire balkanique pour lesquels l’entrée dans l’Union Européenne pourra répondre à l’idéal de paix dans une région qui a grandement souffert des conflits dans le passé. Enfin, la conscience de sa propre identité est indispensable dans les rapports avec les autres pays voisins, particulièrement avec ceux qui bordent la Méditerranée, dont beaucoup souffrent à cause de conflits internes et de la pression du fondamentalisme religieux ainsi que du terrorisme international.

    À vous législateurs, revient le devoir de protéger et de faire grandir l’identité européenne, afin que les citoyens retrouvent confiance dans les institutions de l’Union et dans le projet de paix et d’amitié qui en est le fondement. Sachant que « plus grandit le pouvoir de l’homme plus s’élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires » [12] . Je vous exhorte donc à travailler pour que l’Europe redécouvre son âme bonne.

    Un auteur anonyme du IIe siècle a écrit que « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps »  [13] . Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique. Et une histoire bimillénaire et aussi de péchés, lie l’Europe et le christianisme. Une histoire non exempte de conflits et d’erreurs, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien. Nous le voyons dans la beauté de nos villes, et plus encore dans celle des multiples œuvres de charité et d’édification commune qui parsèment le continent. Cette histoire, en grande partie, est encore à écrire. Elle est notre présent et aussi notre avenir. Elle est notre identité. Et l’Europe a fortement besoin de redécouvrir son visage pour grandir, selon l’esprit de ses Pères fondateurs, dans la paix et dans la concorde, puisqu’elle-même n’est pas encore à l’abri de conflits.

    Chers Eurodéputés, l’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables ; l’Europe qui embrasse avec courage son passé et regarde avec confiance son avenir pour vivre pleinement et avec espérance son présent. Le moment est venu d’abandonner l’idée d’une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l’Europe protagoniste, porteuse de science, d’art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi. L’Europe qui contemple le ciel et poursuit des idéaux ; l’Europe qui regarde, défend et protège l’homme ; l’Europe qui chemine sur la terre sûre et solide, précieux point de référence pour toute l’humanité !

    Merci

    (Texte original italien, traduction de la salle de presse du Saint-Siège)

      [1]  Jean-Paul II , Discours au Parlement Européen, 11 octobre 1988, n. 5. 

      [2]  Jean-Paul II , Discours à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 8 octobre 1988. 

      [3]   cf. Benoît XVI, Caritas in veritate, n. 7 ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 26. 

      [4]   cf. Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n. 37. 

      [5]   cf. Evangelii gaudium, n. 55. 

      [6]  Benoît XVI , Caritas in veritate, n. 71. 

      [7]  Ibid. 

      [8]   cf. Evangelii gaudium, n. 209. 

      [9]  Benoît XVI , Discours aux Membres du Corps Diplomatique, 7 janvier 2013. 

      [10]   cf. Evangelii gaudium, n. 231. 

     [11] François, Audience générale, 5 juin 2013.

     [12] Gaudium et spes, 34.

     [13] cf. Lettre à Diognète, 6.


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  • Trois ex-officiers serbes inculpés de génocide à Srebrenica

    Ils avaient participé au massacre de quelque 8'000 hommes et adolescents musulmans de Srebrenica (est de la Bosnie) en juillet 1995.

    Trois ex-commandants de la police serbe de Bosnie ont été inculpés jeudi 20 novembre de génocide par la justice locale, a-t-on indiqué de source judiciaire.

    «Dragomir Vasic, Danilo Zoljic et Radomir Pantic sont inculpés (...) d'avoir participé à la planification et à la mise en oeuvre du génocide commis à Srebrenica en fournissant des hommes et des moyens techniques des forces policières», lit-on dans un communiqué du Parquet local pour crimes de guerre. Ils ont participé au massacre de quelque 8'000 musulmans de Srebrenica en juillet 1995,

    Un grand nombre d'exécutions

    Les suspects occupaient à l'époque des faits des postes de commandement au sein de la police de la région de Zvornik, près de Srebrenica, où un grand nombre d'exécutions ont eu lieu, selon la même source.

    Les trois hommes n'ont pas été arrêtés, mais ils font l'objet de mesures judiciaires limitant leurs mouvements, a dit à l'AFP le porte-parole du Parquet, Boris Grubesic.

    «Le Parquet a proposé 137 témoins, dont vingt témoins protégés et plusieurs centaines de preuves matérielles», a ajouté M. Grubesic.

    Une enclave proclamée «zone protégée» de l'ONU

    Dragomir Vasic et Danilo Zoljic avaient eux-mêmes été appelés à la barre par le passé en tant que témoins dans d'autres procès sur le massacre de Srebrenica, devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ou devant le Tribunal bosnien pour crimes de guerre.

    Le 11 juillet 1995, quelques mois avant la fin du conflit intercommunautaire de Bosnie (1992-95), les troupes serbes bosniennes avaient pris le contrôle de Srebrenica, enclave musulmane proclamée en 1993 «zone protégée» de l'ONU.

    Environ 8'000 hommes et adolescents musulmans ont été tués en l'espace de quelques jours, un massacre qualifié de génocide par la justice internationale.


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  • Treize ans de conflits réglés en trois jours, selon Kaboul

    Le Pakistan et l'Afghanistan ont mis un terme en "trois jours" à 13 ans de différends, a affirmé à Islamabad le président afghan Ashraf Ghani. Ils misent sur la collaboration économique pour stabiliser la région après le retrait des troupes de combat de l'Otan en décembre.

    "Nous avons levé les obstacles de 13 années en trois jours... Nous nous sommes mis d'accord sur une vision commune où l'Afghanistan et le Pakistan seront le coeur de l'Asie afin d'assurer une intégration économique" entre le sud et la portion centrale du continent, a déclaré M. Ghani lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

    Les deux voisins aux relations tumultueuses misent entre autres sur les projets de ligne électrique CASA-1000 et de gazoduc TAPI afin de relier les ressources énergétiques d'Asie centrale à l'Asie du Sud, via l'Afghanistan, véritable pont entre ces deux régions peu intégrées, a souligné M. Sharif.

    Chemin rocailleux et compliqué
    Le projet TAPI souhaite relier sur 1800 kilomètres les titanesques champs gaziers du Turkménistan au Pakistan et à l'Inde, deux marchés émergents assoiffés d'énergie, en passant par les vallées rocailleuses de l'Afghanistan, contrôlées en partie par les talibans, ce qui pourrait compliquer la réalisation du projet selon des analystes.

    Selon des sources proches du dossier, les géants ExxonMobil, Chevron, Petronas, BP et aussi le français Total font partie des groupes intéressés à la construction de cette autoroute du gaz dont la facture est évaluée à au moins 7,6 milliards de dollars.

    MM. Ghani et Sharif ont aussi évoqué les questions sécuritaires lors de leur entretien, le Pakistan réitérant son appui au processus de réconciliation afghan visant à pacifier le pays confronté à l'insurrection des talibans.

    Enterrer la hache de guerre
    Le Pakistan et l'Afghanistan s'accusent depuis des années de soutenir des groupes rebelles des deux côtés de leur longue et poreuse frontière.

    Successeur de Hamid Karzaï, au pouvoir de la fin 2001 à septembre dernier, Ashraf Ghani a voulu enterrer la hache de guerre en faisant sa première visite officielle au Pakistan afin de resserrer les liens et d'agir en commun pour tenter de rallier les rebelles talibans afghans à la paix.


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  • Khartoum a refusé dimanche 16 novembre une seconde visite des Casques bleus dans le village concerné.

     

    Quels soupçons pèsent sur l’armée ?

    Selon un site d’informations local, des soldats soudanais auraient violé 200 femmes et filles le 31 octobre à Tabit, au Darfour-Sud, alors que l’armée avait été envoyée sur place après la disparition d’un de ses hommes dans ce village.

    Ces informations, publiées le 2 novembre, ont aussitôt été démenties par Khartoum. Des viols collectifs « ne peuvent être perpétrés par aucune institution soudanaise, militaire ou autre », a affirmé le porte-parole de l’armée, le colonel Al-Sawarmy Khaled Saad, lors d’une conférence de presse. « C’est une accusation sans justification et insensée », a-t-il affirmé.

    * Pourquoi interdire l’accès du village à la mission de l’ONU ?

    En annonçant dimanche le refus des autorités soudanaises d’autoriser une seconde visite à Tabit des Casques bleus, le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères, Youssef al-Kordofani, a invoqué des raisons d’ordre sécuritaires.

    « Les accusations de viol collectif ont suscité un grand ressentiment au sein de la population à Tabit et dans les villages voisins, provoquant leur colère et une montée des tensions dans la zone », a affirmé ce responsable.

    La mission de maintien de la paix ONU-Union africaine (Minuad), déployée depuis 2007 pour protéger les civils et sécuriser l’aide humanitaire destinée au Darfour, n’avait pas été autorisée à entrer dans ce village du Darfour-Sud le 4 novembre, mais elle y était retournée cinq jours plus tard, promettant de poursuivre son enquête.


    * Quelle est la position de l’ONU ?

    L’ONU avait affirmé lundi dernier que ses Casques bleus n’avaient pas découvert de preuves de ce viol lors de cette première visite. Mais un rapport confidentiel, publié par l’AFP, fait état d’intimidations auxquelles se serait livrée l’armée dans le village à cette occasion.

    Ce document fait état d’« une ambiance de peur et de silence » et estime que « l’attitude et les réponses des personnes interrogées attestaient d’un climat de peur et d’intimidation ». Les personnes interrogées se sont montrées « réticentes à discuter des accusations de viol collectif à Tabit », un certain nombre refusant carrément de répondre. Les équipes de Casques bleus ont aussi été suivies par des soldats soudanais, qui ont filmé certains des entretiens avec leurs téléphones portables.

    Depuis le soulèvement en 2003 de rebelles contre le pouvoir central et les élites arabes, le Darfour est en proie à des violences qui ont fait au moins 300 000 morts et près de deux millions de déplacés, selon l’ONU. Le président soudanais Omar el-Béchir, 70 ans, est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre présumés au Darfour.


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  • Cinq ans de prison pour crime de lèse-majesté

    Un animateur radio a écopé d'une lourde peine dans un pays où la royauté est très protégée. L'homme s'est fait arrêter lors de son retour en Thaïlande.

    Un animateur de radio a été condamné à cinq ans de prison pour lèse-majesté en Thaïlande, où la royauté est protégée par une loi extrêmement sévère. Cette condamnation constitue l'une des premières décisions par un tribunal militaire, en charge des affaires de lèse-majesté depuis le coup d'Etat du 22 mai.

    Arrêté à son retour

    L'homme de 59 ans, qui travaille pour une radio sur internet diffusée depuis l'étranger, a été arrêté lors de son retour en Thaïlande en juin, a précisé ce mardi 18 novembre son avocat, membre du groupe des avocats thaïlandais pour les droits de l'Homme.

    «Dans un premier temps, le tribunal l'avait condamné à dix ans de prison. Mais comme il a reconnu les faits, le juge a réduit la peine à cinq ans», a expliqué l'avocat. L'homme ne pourra pas faire appel, les tribunaux militaires excluant les procédures d'appel.

    Des condamnations en hausse

    Les défenseurs des droits de l'Homme affirment qu'un nombre sans précédent de poursuites pour crime de lèse-majesté ont été engagées depuis le coup d'Etat, et plusieurs personnes placées en détention.

    En Thaïlande, la famille royale est protégée par une des législations les plus sévères au monde, qui punit le crime de lèse-majesté de 15 ans de prison par accusation. La junte militaire en a fait l'une de ses priorités, dans un contexte d'incertitude liée à la succession du roi, hospitalisé.

    Le tribunal militaire de Bangkok a confirmé qu'un jugement avait été rendu mais sans donner plus de détails. Il a simplement précisé qu'il ne s'agit pas de la première condamnation de ce type par un tribunal militaire depuis l'instauration de la loi martiale, deux jours avant le coup d'Etat.

    Il venait assister à des funérailles

    D'après son avocat, l'animateur de radio était revenu en Thaïlande pour assister à des funérailles. Comme dans l'immense majorité des cas de lèse-majesté, sa demande de caution a été rejetée.

    De nombreux intellectuels et organisations jugent que nombre d'affaires de lèse-majesté sont politiques, relevant qu'un grand nombre d'accusés ont des liens avec le mouvement des Chemises rouges, partisan de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.

    Le milliardaire, renversé par un coup d’État en 2006, reste le facteur de division du royaume. Sa sœur Yingluck, déstabilisée par sept mois de manifestations meurtrières contre son gouvernement, a été chassée de son poste de Premier ministre par la justice en mai, deux semaines avant le nouveau putsch.


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