• Vers la fin de la Commission baleinière internationale (CBI)

    Alors que la Commission baleinière internationale a dit non au retour de la chasse commerciale, beaucoup de pays menacent de quitter cet organisme.

    La Commission baleinière internationale (CBI) a dit non le 14 septembre 2018 au retour de la chasse commerciale, au grand dam du Japon, qui menace de claquer la porte de cet organisme vieux de 72 ans et plus divisé que jamais. Cette semaine à Florianopolis, paradis des surfeurs au sud du Brésil, se tenait la réunion bisannuelle du seul organe de gestion des grands cétacés. Elle s'annonçait tendue et elle a tenu ses promesses, au rythme des clashes entre pays pro et anti-chasse. La session s'est achevée vendredi par le rejet du texte phare porté par le Japon, intitulé "le chemin à suivre".

    Il visait à mettre en place une double voie au sein de la CBI, instance de 89 pays membres, afin de faire co-exister la préservation et la chasse commerciale des baleines. Cette dernière aurait été gérée par un "comité de la chasse à la baleinedurable". La proposition aurait aussi mis fin au moratoire sur cette activité mis en place en 1986. Mais les pays défenseurs des baleines, conduits par l'Australie, l'Union européenne et les Etats-Unis, ont torpillé le texte nippon, par 41 voix contre 27.

    Les îles du Pacifique et des Caraïbes, le Nicaragua et plusieurs pays du continent africain, dont le Maroc, le Kenya et la Tanzanie, ont suivi le Japon, tout comme le Laos et le Cambodge. La Corée du Sud s'est abstenue. "Notre préoccupation est de ne pas trop diviser la Commission, c'est pour cela que nous nous sommes abstenus", a expliqué le représentant russe, qui comme nombre de pays autorise la chasse aux cétacés pour les autochtones.

    Dernière apparition japonaise?

    Six des 89 pays membres n'ont pas envoyé de délégation et sept autres nations, africaines pour la plupart, qui n'ont pas payé leur cotisation, n'étaient pas autorisées à prendre part aux votes. Le vice-ministre japonais de la Pêche Masaaki Taniai a vivement regretté le résultat du vote et a menacé de quitter la CBI.

    La consommation de baleine a une longue histoire dans l'archipel nippon, pays de pêcheurs où le cétacé a été chassé pendant des siècles. L'industrie baleinière a connu son essor après la Seconde guerre mondiale, pour apporter des protéines animales aux habitants du pays, mais ces dernières années la consommation de chair de baleine a considérablement diminué. De son côté, Tokyo estime que la population de baleines est assez importante pour supporter une reprise de la chasse commerciale.

    "Si les preuves scientifiques et la diversité ne sont pas respectées, si la chasse à la baleine commerciale est totalement niée... Le Japon va devoir réévaluer sa position en tant que membre de la CBI", a-t-il déclaré. Selon lui, le résultat du vote "peut être vu comme une négation de la possibilité pour des gouvernements avec des points de vue différents de coexister dans le respect et la compréhension mutuels au sein de la CBI". Le président sortant de cet organisme, le Japonais Joji Morishita, dont le mandat s'est achevé vendredi à l'issue de la réunion, a refusé de dire s'il s'agissait de la dernière apparition de son pays.

    "Une autre organisation"

    Quelques minutes après la fin de la session, s'exprimant à nouveau au nom de son pays, il a déclaré à l'AFP que les différends avec les nations anti-chasse étaient désormais "très clairs" et que le Japon allait s'organiser pour les "prochaines étapes", sans plus de précision. Selon M. Morishita, une décision devra être prise à l'avenir pour savoir si la chasse à la baleine est gérée "par une autre organisation ou par plusieurs autres organisations". En réponse, le représentant australien Nick Gales, qui a appelé Tokyo à rester au sein de la CBI, a rejeté "le discours (tenu par le Japon) qui souligne l'intolérance et les dysfonctionnements" de cet organisme.

    Le camouflet est d'autant plus rude pour le Japon qu'un texte pro-cétacés a lui été adopté au Brésil. La "déclaration de Florianopolis", non-contraignante, stipule que la chasse à la baleine est une activité qui ne se justifie plus économiquement. En revanche, les pays chasseurs ont réussi à bloquer la création d'un sanctuaire dans l'Atlantique sud pour ces cétacés menacés d'extinction.

    Glenn Inwood, de Opes Oceani, une entreprise qui analyse l'usage des ressources des océans, juge que cela n'a plus grand intérêt pour le Japon de rester au sein de la CBI, tant d'un point de vue économique que politique.

    "Nous avons appris depuis la décision américaine sur les accords de Paris que les pays sont prêts à réexaminer leur soutien aux accords internationaux qui ne sont pas en harmonie avec leurs intérêts", souligne-t-il


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  • Des enquêteurs de l’ONU dénoncent la brutalité de l’armée contre les Rohingyas

    Marzuki Darusman, Président de la mission d'enquête internationale indépendante sur le Myanmar.

    « Nous avons découvert des crimes qui choquent la conscience humaine », a dénoncé le Président de la Mission d’établissement des faits sur le Myanmar. Ce mardi à Genève, Marzuki Darusman a invité le Conseil des droits de l’homme à agir et à être à la hauteur de la gravité des faits consécutifs aux attaques horribles lancées le 25 août 2017 contre les Rohingyas dans l’État de Rakhine.

    Des violences qui ont mené à l’exode d’environ 750.000 d’entre eux au Bangladesh. L’ouest du Myanmar n’était plus que flammes, au moins 10.000 personnes ont été tuées et 37.000 maisons détruites, a dit M. Darusman.

    Le Président de la mission internationale indépendante a ainsi souligné que l’extrême brutalité de l’armée, appelée Tatmadaw, était au cœur de chaque incident et chaque violation des droits de l’homme examinés. Les faits démontrent que ses opérations sont systématiquement disproportionnées par rapport à tout objectif militaire possible. Une armée qui met en pratique « la vision d’une nation régie par les bouddhistes de la majorité Bamar, dominant les 135 minorités ethniques reconnues mais parmi lesquelles il n’y a pas de place pour les Rohingyas ».

    Dans son rapport final sur la crise des Rohingyas, l’ONU a identifié les hauts responsables de l’armée du Myanmar, demandant qu’ils soient poursuivis pour « génocide », « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » envers la minorité musulmane « Nous avons conclu que les actes de Tatmadaw et d’autres forces de sécurité tombent dans quatre des cinq catégories d’actes génocidaires », a dit M. Darusman, assurant que tout conduit à conclure à « une intention génocidaire ».

    Des hauts gradés de Tatmadaw nommément ciblés par les enquêteurs de l’ONU

    La mission a identifié six individus qui ont dirigé et contrôlé les opérations, à la tête desquelles se trouve « le commandant en chef de Tatmadaw, le général Min Aung Hlaing », a ajouté M. Darusman.

    Outre le général Min Aung Hlaing, les enquêteurs onusiens ciblent également le commandant en chef adjoint, Soe Win ; le lieutenant-général, Aung Kyaw Zaw, Maung Maung Soe, ancien chef du commandement de la Région Ouest ; et Aung Aung et Than Oo qui étaient respectivement à la tête de la 33ème et de la 99ème division d’infanterie légère, déployées sur le terrain et directement impliquées dans les exactions.

    « Les membres de la mission estiment que ces six individus doivent faire l’objet de poursuites et être jugés », fait-il remarquer, tout en précisant que « d’autres auteurs allégués figurent sur une liste, plus longue et non exhaustive, que la mission compte conserver dans ses archives ». 

    Le rapport publié mardi détaille une longue liste d’exactions commises à l’encontre des Rohingyas qui constituent « les crimes les plus graves au regard du droit international ». Les trois enquêteurs ont ainsi reconstitué en détail neuf incidents précis dans l’État de Rakhine la semaine du 25 août 2017. M. Darusman a confié son émotion s’agissant du village de Min Gyi (Tula Toli pour les Rohingyas) où les soldats ont fait irruption le 30 août 2017 et ont immédiatement tiré sur les villageois et incendié leurs maisons. Ceux qui n’ont pas été en mesure de fuir ont été encerclés et séparés par sexe.

    « Le meurtre de bébés ne saurait être considéré comme une opération antiterroriste »  

    « Les hommes ont été tués. Les enfants ont été tués par balles, jetés dans la rivière ou dans le feu alors que les femmes ont été battues et violées après avoir confisqué leurs bijoux », a-t-il décrit. Environ 750 hommes, femmes et enfants sont morts ce jour-là.

    « L’assassinat de personnes de tous âges, y compris des bébés, ne saurait être considéré comme une opération antiterroriste », a dénoncé M. Darusman. Et selon lui, il ne peut y avoir d’impératif militaire pour des personnes brûlées vives ou à violer des femmes et des filles. C’était une attaque délibérée et bien planifiée contre une population civile spécifique, a-t-il ajouté.

    « L’étendue, la cruauté et la nature systématique (de la violence sexuelle) révèlent sans l’ombre d’un doute que le viol a été utilisé comme tactique de guerre », a déclaré M. Darusman.

    Malgré la gravité des faits relatés, les enquêteurs de l’ONU indiquent n’avoir aucun espoir sur une reddition des comptes avec le système judiciaire officiel au Myanmar. « Quant à la Commission d’enquête nationale, son mandat consiste en réalité à combattre les soi-disant fausses informations de la communauté internationale », a regretté M. Darusman. 

    Le Myanmar juge le rapport « partial »

    En conséquence, la mission de l'ONU recommande la création d’un mécanisme judiciaire international ; d’un mécanisme indépendant pour mener des enquêtes pénales et préparer les poursuites ; d’un bureau spécial dûment financé pour appuyer le travail du Haut-Commissaire et du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar ; et d’un fonds d’affectation spéciale pour répondre aux besoins des victimes.

    Face au sombre tableau décrit par la mission, le Représentant permanent du Myanmar auprès des Nations Unies à Genève estime que ce rapport sape les efforts de réconciliation nationale et de paix dans l’État de Rakhine.

    D’autre part, M. Kyaw Moe Tun soutient que les enquêteurs manquent d’impartialité, d’indépendance et de sincérité. Il les accuse de saper les efforts du gouvernement pour une paix sur le long terme.

    De façon générale, la délégation de Naypidaw considère que le rapport se fonde sur une perception unilatérale de l’histoire du Myanmar et n’a pas consulté suffisamment les études sur un conflit qui remonte au XVIIIe siècle, a aussi regretté le Représentant permanent. « Il faut concentrer les efforts pour résoudre la situation humanitaire et aider la jeune démocratie à construire une société paisible et prospère, y compris dans l’État de Rakhine », a conclu M. Kyaw Moe Tun.

    Examen préliminaire par la CPI

    De son côté, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé mardi avoir ouvert un examen préliminaire concernant la déportation présumée de Rohingyas par le Myanmar vers le Bangladesh.

    Il s’agit de la première étape d’un processus pouvant aboutir à une enquête formelle. Il y a deux semaines, la CPI s’est déclarée compétente pour enquêter sur la déportation de cette minorité musulmane, qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

    « L’examen préliminaire pourra tenir compte d’un certain nombre d’actes coercitifs présumés ayant entraîné le déplacement forcé des Rohingyas, notamment la privation de droits fondamentaux, des meurtres, des violences sexuelles, des disparitions forcées ainsi que des actes de destruction et de pillage », a dit Mme Bensouda dans un communiqué de presse.

    « Mon bureau cherchera également à déterminer si d’autres crimes visés à l’article 7 du statut de Rome, tels que des crimes de persécution et d’autres actes inhumains, ont été commis dans le cadre de la situation en cause », a-t-elle ajouté.


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    Des enquêteurs de l'ONU ont demandé fin août que la justice internationale poursuive le chef de l'armée birmane et cinq autres hauts gradés pour «génocide».

    En avril, le procureur de la CPI Fatou Bensouda a demandé aux juges l'ouverture d'une enquête préliminaire pour déterminer si les déportations relevaient d'un crime contre l'humanité. La requête était juridiquement complexe, car la Birmanie n'est pas signataire du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.

    La CPI s'est déclarée compétente «puisqu'un élément du crime, le passage d'une frontière, a eu lieu sur le territoire d'un État partie, le Bangladesh», a poursuivi la Cour. Le gouvernement birman a refusé de commenter cette annonce.

    La Birmanie a refusé de reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale au sujet de la déportation des Rohingyas. La Birmanie a «résolument» rejeté vendredi 7 septembre 2018 la décision de la Cour pénale internationale (CPI) de se déclarer compétente pour enquêter sur la déportation de la minorité musulmane rohingya. L'enquête pourrait déboucher sur des accusations de crime contre l'humanité.

    La décision de la CPI «a un fondement juridique douteux», affirme le gouvernement birman dans un communiqué. Il a ajouté qu'il n'avait «aucune obligation» de suivre la décision de la cour, la Birmanie n'étant pas signataire du statut de Rome, traité fondateur de la CPI. «La décision est le fruit d'une mauvaise foi manifeste, d'irrégularités procédurales et d'un manque général de transparence», a poursuivi le gouvernement birman.

     
     

    Jeudi 6 septembre 2018, la CPI, qui siège à La Haye, a décidé d'exercer «sa compétence à l'égard de la déportation alléguée du peuple rohingya du Myanmar (Birmanie, ndlr) au Bangladesh». La décision de la cour signifie que le procureur de la CPI peut dorénavant ouvrir une enquête préliminaire susceptible de déboucher sur des poursuites, voire un procès.

    Accusations de génocide de l'ONU

    En 2017, plus de 700'000 musulmans rohingyas ont fui la Birmanie, après une offensive de l'armée en représailles à des attaques de postes-frontières par des rebelles rohingyas. Persécutés par les forces armées birmanes et des milices bouddhistes, les membres de la minorité musulmane se sont réfugiés dans d'immenses campements de fortune au Bangladesh.

    Si la Birmanie n'est pas partie à la CPI, la Cour s'estime compétence «puisqu'un élément du crime, le passage d'une frontière, a eu lieu sur le territoire d'un État partie, le Bangladesh».

    Des enquêteurs de l'ONU ont demandé à la fin août que la justice internationale poursuive le chef de l'armée birmane et cinq autres hauts gradés pour «génocide», «crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre» à l'encontre des musulmans rohingyas.


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  • Le marché de l’art et le droit des espèces menacées

    Le Royaume-Uni s’est doté, en avril 2018, du régime sur le commerce de l’ivoire le plus sévère d’Europe. Et, après la Chine en 2017, Taïwan vient à son tour d’annoncer qu’il proscrirait ce commerce à partir de 2020. Le droit international comme les législations nationales se durcissent et concourent désormais à la lutte contre la disparition de la faune et de la flore. Si ces avancées juridiques sont louables pour sauvegarder les espèces menacées, elles pénalisent les marchands d’art, antiquaires et collectionneurs en les plaçant dans une situation juridique inédite.
    La CITES ou «convention de Washington»


    Les plus récentes des restrictions concernant l’ivoire s’inscrivent dans un vaste mouvement de protection de la faune et de la flore qui vise, depuis la fin du XXe siècle, à régulariser le commerce des espèces protégées. C’est l’objet de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, également connue sous son acronyme anglais CITES ou sous le nom de convention de Washington. Adoptée en 1973, effective depuis 1975, elle compte aujourd’hui 183 États parties et a valeur contraignante. La CITES cherche à garantir que le commerce international des 40 000 espèces d’animaux et de végétaux concernées que ceux-ci soient vivants ou morts, pris en totalité ou partiellement (par exemple une défense d’éléphant), ou sous forme de produits dérivés (tels qu’une statuette en ivoire)  ne nuise pas à la conservation de la biodiversité. Le système repose sur des permis à l’importation et à l’exportation, délivrés par une autorité nationale désignée. Les espèces protégées sont réparties par la CITES en trois annexes, qui correspondent à autant de catégories de protection. La première regroupe les espèces menacées d’extinction à l’échelle internationale, pour lesquelles le commerce est en principe proscrit. La deuxième recense les espèces pour lesquelles une régulation de l’exploitation et de la circulation est nécessaire afin d’empêcher une surexploitation. Enfin, la troisième annexe répertorie les espèces pour lesquelles un État a souhaité mettre en place une régulation spécifique, applicable sur son territoire, et sollicite la collaboration des autres États pour détecter les exportations illégales.


    Surexploitation et trafic illicite
    L’éléphant, dont le braconnage a connu, ces dernières décennies, une recrudescence inquiétante en raison de la demande des marchés asiatiques, est l’exemple le plus connu de cette confrontation entre le droit du marché de l’art et celui des espèces menacées. Le droit positif est ainsi redevenu un outil privilégié pour les États soucieux de prendre de nouveaux engagements. En France, l’arrêté ministériel en date du 16 août 2016 a marqué un tournant : le commerce de l’ivoire brut fait dorénavant l’objet d’une interdiction totale quasi totale (en sont exonérées certaines pièces, notamment en raison de leur ancienneté). De la même manière, la fabrication d’objets en ivoire est également prohibée. Le commerce des antiquités, c’est-à-dire des spécimens travaillés datant d’avant 1947 (date de référence dans le droit communautaire européen), n’est possible que par le biais de dérogations délivrées au cas par cas. Et la restauration d’œuvres et de pièces issues de spécimens protégés suit exactement les mêmes règles que le commerce proprement dit, ce qui peut susciter de réels soucis au sein des collections publiques. Le 4 mai 2017, un nouveau dispositif a toutefois été publié, afin de prendre en considération les difficultés pratiques, rencontrées notamment avec les instruments de musique tels que les pianos dotés de touches en ivoire, ou encore avec les objets de coutellerie ou pour fumeurs. Et ce, dans le but d’une application plus souple du règlement, liée au pourcentage représenté par la matière litigieuse dans la pièce, à son poids, aux dates d’importation, de fabrication, etc. Las, le trafic de cornes de rhinocéros s’intensifie tout autant et la détermination des trafiquants est éloquente. Le 7 mars 2016, le
    rhinocéros du zoo de Thoiry a été abattu et sa corne a été sciée. Pour parer à ce type d’agissements, le Muséum d’histoire naturelle de Paris, a, depuis 2012, remplacé les cornes des rhinocéros empaillés par des imitations en résine et applique à présent le même procédé pour les défenses d’éléphants.

    Le rôle du marché de l’art
    Si l’éléphant et le rhinocéros sont devenus les symboles de la lutte contre le braconnage et la surexploitation des espèces, il ne faut pas oublier que des dizaines d’animaux et de plantes sont, chaque année, inscrits sur la liste rouge des organisations internationales. Aussi, chacun des États membres de la Convention procède, lors de La Conférence des Parties qui a lieu tous les deux ou trois ans, à un reclassement des espèces dans les différentes annexes. À titre d’exemple, le perroquet gris du Gabon a été inscrit à l’annexe I, après trente-cinq ans en annexe II, ce qui traduit la volonté de la communauté internationale de mettre un terme à son commerce. L’oiseau est, entre autres, victime d’une importation massive vers l’Europe afin d’être utilisé comme animal de compagnie ou pour l’art de la plumasserie. Parmi les espèces végétales, c’est au tour des bois de palissandre  servant principalement à la marqueterie et à la lutherie de voir leur commerce contrôlé. Le marché de l’art français est devenu bien sensible à ces évolutions. Désormais, antiquaires, taxidermistes, opérateurs de ventes volontaires et sites de vente en ligne ont l’obligation de prouver que l’objet proposé a été fabriqué à partir d’un spécimen prélevé ou capturé avant sa date de protection par la convention de Washington. Il n’est désormais plus rare de voir des objets soudainement retirés des hôtels de ventes après l’intervention de services douaniers. Le 19 juin 2017, la cour d’appel de Caen a condamné à 10 000 € d’amende une collectionneuse d’animaux naturalisés pour avoir voulu céder, sans certificat, et dans le cadre d’enchères prévues en 2013, les 4 000 spécimens qu’elle avait réunis, avec son mari, en soixante ans de recherches, de chasses et de ventes aux enchères. La propriétaire était en effet incapable de fournir les certificats attestant de la légalité de certaines de ses acquisitions, parmi lesquelles figuraient un tigre, un loup du Canada et un panda roux. À l’occasion d’une vacation en septembre 2016, ce sont toutefois plusieurs coiffes en plumes de perroquets d’Amazonie qui ont été retirées de la vente après l’intervention des services douaniers, les commissaires-priseurs n’ayant pas été en mesure de fournir les certificats exigés. Le 19 décembre de la même année, une vente a de nouveau été le théâtre d’une importante saisie d’articles proposés sans certificats (manteaux en peau de lynx ou de panthère, chaussures ou sacs en peau de crocodile, notamment). Les sanctions à l’importation, l’exportation et la vente d’œuvres d’art ou de tout objet sans permis CITES sont, en droit français, prévues par le Code de l’environnement. Depuis la loi sur la biodiversité du 8 août 2016, le montant de l’amende maximale a été décuplé, montant jusqu’à 150 000 €. Au titre du Code des douanes, les infractions sont par ailleurs passibles de la confiscation de l’objet, d’une amende comprise entre une et deux fois sa valeur et d’une peine d’emprisonnement de trois ans. Les acheteurs comme les vendeurs, professionnels ou non, doivent donc redoubler de vigilance et s’assurer systématiquement que les documents CITES accompagnent leur acquisition. Les commissaires-priseurs sont invités à acquérir des réflexes de vérification, en présence d’un spécimen sauvage ou d’un objet qui en est issu, en consultant les annexes de la CITES ou en interrogeant i-CITES, la plateforme en ligne mise à disposition par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour demander, instruire et délivrer les documents CITES. Ce qui ne résoudra pas, pour l’heure, le cas des dizaines de milliers d’objets détenus sur le sol français depuis déjà bien longtemps, qui échouent chaque année dans des successions et finissent par rejoindre un marché parallèle.


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