• Convention sur les employés de maison

     

    Entrée en vigueur du traité international sur les droits des employés de maison.  

     

    Copyright OIT

     Traité international sur les droit des employés de maison- Organisation Internationale du travail- Travailleurs domestiques- contrat de travail- Conditions de travail- Législation interne- Droit du travail- Droit social- Durée du travail -Congés annuels- Travail forcé- Elimination de la discrimination- Migrants- Ratification- Constitution du brésil - Code du travail du viet Nam- Abolition esclavage- Maltraitance de personnel domestique- Genève -Esclavagisme

     

    « C'est un moment historique pour le monde entier », s’exclama , en 2011,  Juan Somavia, secrétaire général du bureau de l'Organisation internationale du travail (OIT), lors de l’adoption de cette convention destinée à améliorer le sort des travailleurs domestiques à travers le monde.

    Si cette convention est une première en droit international, de nombreux pays sanctionnent déjà les pratiques abusives, souvent assimilées à de l'esclavagisme,  sur le personnel domestique. Ces cas font souvent la une des journaux. Qui a oublié l'affaire Hannibal Kadhafi qui mit le feu aux relations entre la Suisse et La Libye lorsque le fils du dictateur libyen fut interpellé à Genève avec son épouse pour répondre de graves sévices corporels à l’encontre de deux domestiques?  Hélas la violence reprochée à Hannibal Kadhafi et à son épouse n’a rien d’exceptionnel. Le phénomène de la maltraitance du personnel de maison est si ample dans le monde qu’il donne lieu à une longue liste de faits divers et de rapports alarmants d’organisations internationales. Fin mars 2013,  Kafa Kachour, épouse de Bashir Saleh Bashir, No 2 du régime de Kadhafi, a rendu des comptes à la justice pour les sévices qu’elle faisait subir à ses domestiques dans la région genevoise. Elle a été condamnée en première instance à 2 ans de prison avec sursis et 70 000 € d’amende par le Tribunal de Bourg-en-Bresse. En juillet 2013,  Meshael Alayban, 42 ans, l'une des six épouses d'un petit-fils du roi Abdallah d'Arabie saoudite, a été accusée d'avoir fait travailler une mère de famille kényane seize heures par jour, sept jours sur sept, pour un salaire mensuel de 220 dollars, dans son palais saoudien et dans une résidence à Irvine (comté d'Orange, sud-est de Los Angeles). Elle a ainsi été été inculpée d'esclavagisme en Californie pour avoir fait travailler une Kényane dans conditions abusives et lui avoir confisqué son passeport.

     

    C’est pourtant dans l’indifférence générale que ce traité international[1] est entré en vigueur le 5 septembre 2013, douze mois après avoir été ratifié par deux Etats Membres de l'OIT (art. 21-2) . Ce traité a pour l’instant été ratifié par  8 pays [3]. Il entre en vigueur pour chaque Membre douze mois après la date de l’enregistrement de sa ratification, art.21-3 . 

     

    L’OIT estime entre 50 à 100 millions les personnes travaillant comme employés domestiques dans le monde.

     

    D’après un rapport accablant de l’OIT publié en janvier 2013 sur les travailleurs domestiques dans le monde , ces travailleurs exercent leur activité pour des familles, souvent sans véritable contrat de travail, sans être déclarés et sont exclus du droit du travail. Leurs conditions de travail sont déplorables, l’exploitation de cette main-d’œuvre est courante, leurs droits élémentaires sont régulièrement bafoués, et ils sont fréquemment violentés, physiquement et psychologiquement. L’obligation de rester au domicile de l’employeur aggrave la dépendance et l’exploitation des employés de maison, et le logement et la nourriture sont souvent considérés comme des paiements en nature déduits des revenus. Le statut des employés de maison est souvent proche de l’esclavage.

     

    Au moment où la recherche a été menée, seuls dix pour cent des travailleurs domestiques pouvaient prétendre à la protection de la législation générale du travail au même titre que les autres travailleurs. Plus d’un quart d’entre eux étaient totalement exclus des textes nationaux du droit du travail.

     

    L’absence de protection juridique accroît la vulnérabilité de ces  travailleurs et rend difficile pour eux les recours. Ils sont ainsi souvent moins bien rémunérés que les travailleurs exerçant des professions comparables et effectuent de lourds horaires. Certains d’entre eux sont même corvéables à mercie.

     

     Adopté le 16 juin 2011 à Genève par les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés des 184 États membres de l’Organisation internationale du travail (OIT), le traité propose des normes pour encadrer le travail des employés domestiques. Il fut adopté en même temps que la recommandation 201 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, qui précise les obligations des Etats en matière de législation de droit du travail pour ces personnels particulièrement vulnérables.   

     

     Cette convention de l'OIT vise à améliorer leurs conditions de travail et de vie et établit des normes garantissant que les travailleurs domestiques jouissent des mêmes droits essentiels que les autres travailleurs dans le domaine du travail, des congés de maternité, du droit d'adhérer au syndicat de leur choix, du salaire minimum, d’une durée du travail raisonnable, du repos hebdomadaire et des congés annuels payés.

     

    I : le contenu du traité :

     

     

     

    Cette Convention comprend 27 articles qui couvrent tous les droits des travailleurs domestiques.

     

     

     

    A : la définition de l’employé de maison :

     

     

     

    L’article premier de ce traité définit les travailleurs domestiques comme «  toute personne de genre féminin ou  masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail ». Le travail domestique désigne quand à lui « le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages ». Une personne qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique. Et l’article deux précise le champ d’application du texte en ajoutant que « la convention s’applique à tous les travailleurs domestiques » avec toutefois une sérieuse limite puisque peuvent être exclus totalement ou partiellement de son application « des catégories limitées de travailleurs au sujet desquelles se posent des problèmes particuliers d’une importance significative » (art.2-2a). Article vague s’il en est… . 

     

     

     

    La définition ainsi posée, il convient de voir plus précisément en quoi consiste ces droits.

     

     

     

    B : ses droits :

     

     

     

    Ce texte donne des droits à des personnes qui bien souvent ne bénéficiaient d’aucune protection juridique. L’article 3 du traité impose de garantir aux salariés « les principes et droit fondamentaux au travail » : liberté d’association, élimination de tout travail forcé ou obligatoire, abolition effective du travail des enfants[6], élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. 

     

    L’article 7  prévoit un contrat de travail précisant : des horaires de travail raisonnables, le type de travail à effectuer, le paiement des heures supplémentaires, des congés annuels, une couverture médicale et de maternité, identique à celles des travailleurs des autres branches (art14). De plus, l’article 10 ajoute que la durée du travail doit être équivalente à celle des autres travailleurs, que le repos hebdomadaire doit être d’au moins 24 heures consécutives. Le salarié doit être payé en espèce, à intervalle régulier (art12) sous réserve des conventions collectives. L’environnement de travail doit être « sûr et salubre » (art. 13).

     

    Les migrants employés domestiques ont été reconnus comme particulièrement vulnérables par le texte qui leur consacre l’article 8. : ils devront recevoir leur contrat écrit « avant le passage des frontières nationales ». Et ils doivent garder leurs papiers d’identité.

     

    Enfin, les Etats contractants doivent mettre en œuvre un dispositif permettant d’instruire  les plaintes et les employés domestiques doivent avoir un accès « effectif aux tribunaux ou à d’autres mécanismes de règlements des conflits » (art. 17), comme les autres salariés.

     

     

     

    II : les limites et les avancées :

     

     

     

    Si peu de pays ont encore ratifié ce traité, de notables avancées ont été notées en droit interne.

     

     

     

    A : peu de ratifications :

     

     

     

    Seuls huit pays l’ont  ratifié : l’Afrique du Sud, la Bolivie, l’Italie, l’île Maurice, le Nicaragua, le Paraguay, les Philippines et l’Uruguay. Le Royaume-Uni s’y est toujours opposé. De plus,  aucun pays du Proche-Orient n’a ratifié l’accord, alors que les Ong des droits de l’homme dénoncent sans relâche les nombreuses  violences subies par le personnel de maison, souvent d'origine asiatique, dans la région.

     

     La Suisse devrait ratifier rapidement  ce traité de protections des travailleurs domestiques. Le Conseil fédéral (CF) a demandé fin août 2013, au Parlement Fédéral l'autorisation de ratifier la convention internationale du travail de 2011. Le droit suisse répond déjà à ces exigences et n'a pas besoin d'être modifié. En ratifiant la convention, la Suisse pourra faire bénéficier l'Organisation internationale du travail de son expérience en matière de dialogue social.

     

    Cependant, le Costa Rica, la République Dominicaine, et l’Allemagne ont pratiquement achevé le processus de ratification.

     

     

     

    B : Des avancées en droit interne :

     

     

     

    Depuis l’adoption de la convention, plusieurs pays ont modifié leur droit interne pour améliorer les droits sociaux et le droit du travail des travailleurs domestiques, notamment au Venezuela, au Bahreïn, aux Philippines, en Thaïlande, en Espagne et à Singapour. Des réformes législatives ont également été entreprises en Finlande, en Namibie, au Chili et aux Etats-Unis.

     

    Depuis l’adoption du traité en 2011, une trentaine de pays a voté des réformes visant à mieux protéger ces travailleurs. « L’extension du repos hebdomadaire aux travailleurs domestiques migrants adoptée dernièrement à Singapour pourrait être une indication de futures initiatives dans la région », espère l’OIT.

     

    L’Amérique latine procède peu à peu à de grands changements. Le statut des employés domestiques s’y est considérablement amélioré en quelques mois. Le 2 avril 2013, le Congrès brésilien a modifié la Constitution   pour permettre aux employés de maison de bénéficier des mêmes règles du droit du travail que les autres. Ces travailleurs ont désormais droit à un paiement des heures supplémentaires, une assurance contre le chômage, 44 heures de travail maximum par semaine… Un syndicat a parlé « de seconde abolition de l’esclavage ».  

     

    En Argentine, la loi du 13 mars 2013  octroie de nouveaux droits aux travailleurs domestiques : obligation d’un contrat de travail, interdiction du travail pour les moins de 16 ans, pas plus de 8 heures de travail par jour et 48 par semaine, liberté de travailler pour qui on veut, etc…

     

    Le nouveau code du travail vietnamien consacre le chapitre XI, section 5, articles 179 à 183 au travail des employés domestiques : obligation d’un contrat de travail écrit, préavis de 15 jours, assurance obligatoire, interdiction du travail forcé, du harcèlement sexuel ou moral, interdiction de conserver les papiers du travailleurs etc…

     

     

     

    Conclusion :

     

     

     

    Même si cette convention est une avancée significative dans la protection des personnels domestiques, il n’en demeure pas moins que sa mise en œuvre concrète reste problématique et ne se fera pas en un jour. Certains Etats sont encore loin du résultat attendu. Espérons qu’elle sera une première marche vers le traitement « humain » de ces personnels qui sont parmi les plus exploités au monde .

     



    [1] Convention numéro 189 de l’Organisation internationale du Travail, du 16 juin 2011

    [3] l’Uruguay (14 juin 2012), l’Afrique du Sud ( 20 juin 2013) , la Bolivie (15 avril 2013), l’île Maurice (13 septembre 2012), l’Italie (22 janvier 2013), le Nicaragua (10 janvier 2013), le Paraguay (7 mai 2013) et les Philippines (5 septembre 2012)

    [6] l’article 4 précise que l’Etat doit fixer un âge minimum compatible avec les textes internationaux. Cet âge minimum doit être identique à celui des autres professions. Si l’âge légal est inférieur à 18 ans, l’employeur doit veiller à ce que le travailleur puisse suivre une scolarité normale ou une formation professionnelle. 

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