• En Egypte, espoirs déçus après le premier procès pour excision

    Le père et le médecin d’une fille de 13 ans, décédée à la suite d’une opération d’excision, ont été acquittés.

    Malgré son interdiction depuis 2008, l’excision reste largement pratiquée en Égypte.

    « Avec une telle décision, il n’y a aucune raison pour que les médecins égyptiens arrêtent de pratiquer l’excision. » Souad Abou Dayyeh, membre de l’organisation internationale Égalité maintenant, ne cachait pas son amertume, vendredi 21 novembre, après le verdict du tout premier procès pour excision en Égypte.

    La veille, le tribunal d’Agga avait prononcé l’acquittement du médecin et du père de Soheir, une fillette de 13 ans décédée en juin 2013 des suites d’une excision.

    90% des Egyptiennes adultes auraient subi une mutilation

    Cette pratique est pourtant interdite en Égypte depuis 2008. Elle est passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5 000 livres égyptiennes (environ 560 €). L’excision reste malgré tout largement répandue. Plus de 90 % des femmes adultes auraient subi une mutilation génitale féminine, réalisée à 72 % par un médecin selon une étude de l’Unicef en 2008. L’organisation relevait néanmoins une tendance générale à la baisse, à la fois de la pratique et de son soutien dans la population.

    L’opération, qui consiste en une ablation totale ou partielle du clitoris et parfois d’autres parties génitales, est censée décourager les femmes de pratiquer l’adultère… Bien que certains prêcheurs musulmans la défendent, l’excision est généralement condamnée par les autorités islamiques.

    Le grand mufti de l’université Al-Azhar au Caire, autorité prestigieuse de l’islam sunnite, avait affirmé en 2007 qu’elle était interdite par l’islam. « L’excision est une pratique culturelle égyptienne, et non pas religieuse. Elle est d’ailleurs pratiquée à la fois par les chrétiens et par les musulmans », précise Souad Abou Dayyeh.

    Un procès exceptionnel

    Malgré l’interdiction par la loi, aucun procès n’avait encore eu lieu. « Cette fois-ci, une fille est morte, donc la police a enquêté et, avec la pression de notre organisation et de nos partenaires égyptiens, un procès s’est enfin tenu, explique Souad Abou Dayyeh. Mais c’est un cas exceptionnel, personne ne prête attention à toutes les autres fillettes victimes de cette violation des droits de l’homme. » D’ailleurs, selon les informations d’Égalité maintenant, le médecin continue de pratiquer l’excision. « Apparemment, il a seulement changé de lieu », précise Souad Abou Dayyeh.

    Tout au long du procès, le médecin assurait que Soheir était morte à cause d’une opération ratée pour retirer des verrues. Le père de l’adolescente avait pourtant assuré à la police qu’il avait emmené sa fille chez le médecin pour pratiquer une excision. Il aurait ensuite changé sa version des faits après s’être « réconcilié » avec le médecin contre une somme d’argent, une procédure autorisée sous certaines conditions dans la loi égyptienne.

    Le juge de la ville d’Agga, dans le delta du Nil, n’a pas dévoilé les détails de sa décision mais pourrait s’être appuyé sur cette « réconciliation ». Reda El Danbouki, avocat et membre du Centre de conseil et de sensibilisation légale pour les femmes, estime la procédure irrégulière. « Nous allons faire appel auprès des autorités judiciaires compétentes, précise-t-il, et obtenir un nouveau procès. »

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    Les mutilations sexuelles reculent lentement dans le monde

    Plus de 125 millions de femmes vivant en Afrique et au Moyen-Orient ont été victimes de mutilations génitales, souligne un rapport de l’Unicef rendu public le 22 juillet 2014.

    L’annonce est passée presque inaperçue. Le 26 novembre dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté sa première résolution dénonçant les mutilations génitales féminines comme l’excision. Le texte a été voté par de nombreux pays africains et arabes qui sont les plus touchés par ces pratiques archaïques. Au-delà de la portée symbolique, ce vote reflète un changement de fond. « Les mutilations génitales reculent dans plusieurs pays du monde », rappelle le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), dans une vaste étude publiée lundi 22 juillet.

    L’origine ethnique plus que la religion

    « Passage initiatique » pour les uns, garantie de rester « pure » et « chaste » jusqu’au mariage pour d’autres, les mutilations génitales sont surtout pratiquées sur les filles ou les adolescentes d’une trentaine de pays africains et du Moyen-Orient. Plus de 125 millions de femmes sont concernées, estime l’Unicef.

    Elles sont liées à l’origine ethnique des populations plus qu’à la religion, même si les femmes musulmanes sont beaucoup plus touchées que les autres. Les conséquences à long terme peuvent être lourdes sur le plan psychologique mais aussi sexuel et médical, avec notamment des douleurs et des complications lors des accouchements.

    L’excision en recul

    Mais ces pratiques reculent lentement au fil des générations. Les victimes de l’excision ont diminué dans plus de la moitié des 29 pays étudiés par l’Unicef. « Au Kenya et en Tanzanie, par exemple, les femmes de 45 à 49 ans sont trois fois plus susceptibles d’avoir subi des mutilations génitales que les filles de 15 à 19 ans, notent les auteurs du rapport. Au Bénin, en Irak, au Liberia, au Nigeria et en République centrafricaine, la prévalence de ces pratiques chez les adolescentes a chuté de moitié environ. »

    La plupart des États se sont dotés de lois condamnant ces mutilations au cours de la dernière décennie. Seuls le Cameroun, la Gambie, le Liberia et la Sierra Leone n’ont pas encore modifié leur législation dans un sens plus restrictif. « La loi ne suffit pas, observe Miranda Armstrong, chargé des questions de protection à l’Unicef. Le recul de l’excision s’explique par les progrès de l’éducation des filles, les campagnes de sensibilisation et l’urbanisation. Cette tradition touche plus les zones rurales et les familles pauvres. »

    Le rôle des chefs religieux

    Quoique illégale, l’excision est encore massivement pratiquée au Soudan, en Guinée, à Djibouti, au Mali et en Somalie. Vieille coutume nilotique, elle frappe aussi trois adolescentes sur quatre en Égypte, avec la complicité de nombreux médecins. Rien dans l’islam n’encourage pourtant cette tradition. « On travaille beaucoup avec les  leaders religieux  pour combattre les préjugés, poursuit Miranda Armstrong. Quand on les interroge individuellement, les femmes se disent contre. Mais elles ont peur d’être rejetées par la communauté. »

    L’Europe et l’Amérique du nord ne sont pas totalement épargnés. Bien que l’excision régresse en France depuis le début des années 1980, on estime à 60 000 le nombre de femmes touchées dans l’Hexagone. La plupart sont des migrantes.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 20:09

    Il faudra du temps, beaucoup de temps et énormément d'éducation chez les filles pour enrailler ce phénomène barbare et d'un autre âge.

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