• Extrémisme et répression, une spirale dangereuse

    Ben Emmerson, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a insisté l’autre jour à Genève sur «l’inefficacité des mesures uniquement répressives».

    Le rapporteur de l’ONU appelle les Etats à respecter le droit international dans leur combat contre le radicalisme.

    Comment concilier protection des droits de l’homme et lutte contre l’extrémisme violent? La question fait toujours débat à l’ONU. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, de nombreux Etats se sont assis sur les principes qui scellent l’existence même des Nations Unies au prétexte qu’ils devaient renforcer leur sécurité. A chaque session du Conseil des droits de l’homme, les rapporteurs spéciaux déplorent les effets de la dérive sécuritaire du moment sur les libertés individuelles et collectives.

    Les cas de détentions arbitraires explosent à travers le monde. En décembre, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a proposé un plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent pour essayer de recadrer les choses. Les abus commis au nom de la lutte contre le terrorisme «compromettent la paix et la sécurité, l’exercice des droits de l’homme et le développement. Aucun pays ni aucune région ne sont à l’abri de ses effets», avait averti le Coréen qui achève son mandat à la fin de l’année. Sa démarche a été saluée mais la question continue à opposer les défenseurs des droits de l’homme et les gouvernements.

    A Genève, Ben Emmerson, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a rappelé que les recommandations portées par Ban Ki-moon visaient à inciter les Etats à mettre en place de vraies politiques de prévention. Lors de son intervention, ce dernier a insisté sur «l’inefficacité des mesures uniquement répressives».

    Les Etats n’étant pas tombés d’accord sur une définition commune du terme «extrémisme violent», certains gouvernements n’hésitent pas à en faire un usage abusif. Il arrive que la lutte contre l’extrémisme violent serve de prétexte à des reprises en main musclées. Ce qui est par exemple le cas de la Turquie, de l’Egypte ou encore du Pakistan où les affaires de terrorisme sont traitées par des tribunaux militaires.

    Ben Emmerson redoute, en outre, la généralisation de «mesures disproportionnées et discriminatoires qui ciblent des minorités politiques et religieuses, des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme ou des personnes autochtones». Dans son rapport, le rapporteur spécial ne ménage aucun pays. Les abus commis au nom de la lutte contre le terrorisme ne sont pas l’apanage des régimes autocratiques.

    Les démocraties courent le risque d’y perdre leur âme. Dans son collimateur, des lois de plus en plus intrusives adoptées dans l’urgence, en Europe notamment. Par le passé, le juriste britannique a pris position dans l’affaire des tortures autorisées par la CIA en réclamant l’ouverture de poursuites à l’encontre des responsables politiques et militaires américains. Ben Emmerson n’a de cesse de rappeler que l’usage de méthodes «musclées» dans la lutte contre le terrorisme n’a pas empêché l’émergence de groupes encore plus violents. Aujourd’hui, il préconise de s’appuyer sur la société civile pour empêcher certaines franges de la population, plus vulnérables aux discours radicaux, de basculer dans l’extrémisme violent.

    Le débat ouvert devant le Conseil des droits de l’homme a montré des lignes de fracture au sein de la coalition mondiale contre le terrorisme. Derrière le débat sémantique autour de la définition de l’extrémisme violent, des visions différentes du monde s’opposent. Ben Emmerson en a posé le cadre en rappelant qu’il ne pouvait pas y avoir de prévention efficace sans un engagement à respecter les droits fondamentaux de tous les individus. Ce qui revient, selon lui, à bannir toute forme de discriminations fondées sur l’origine, la religion, les convictions politiques ou le sexe.


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