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    L'Allemagne reconnaît avoir commis un génocide en Namibie

    Pour la première fois, l’Allemagne a reconnu vendredi 28 mai 2021 avoir commis « un génocide » en Namibie pendant l’ère coloniale. Les colons allemands avaient tué des dizaines de milliers d’Hereros et de Namas lors de massacres commis entre 1904 et 1908.

    L’Allemagne a pour la première fois reconnu vendredi 28 mai 2021 avoir commis « un génocide » contre les populations des Hereros et Namas en Namibie pendant l’ère coloniale et va verser au pays plus de 1 milliard d’euros d’aides au développement.

     Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide », a déclaré le ministre allemand des affaires étrangères Heiko Maas dans un communiqué. Il salue dans cette déclaration la conclusion d’un « accord » avec la Namibie après plus de cinq ans d’âpres négociations sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915.

    Les colons allemands avaient tué des dizaines de milliers d’Hereros et de Namas lors de massacres commis entre 1904 et 1908, considérés par de nombreux historiens comme le premier génocide du XXe siècle.

    « Nous allons demander pardon »

    « À la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes » pour les « atrocités » commises, a poursuivi le ministre. Dans un « geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes », le pays européen va soutenir la « reconstruction et le développement » en Namibie via un programme financier de 1,1 milliard d’euros, a-t-il ajouté.

    Il précise qu’il ne s’agit pas de dédommagements sur une base juridique et que cette reconnaissance n’ouvre la voie à aucune « demande légale d’indemnisation ». Cette somme sera versée sur une période de 30 ans, selon des sources proches des négociations, et doit profiter en priorité aux descendants de ces deux populations.

    Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre les deux pays. Dans une volonté de réconciliation, l’Allemagne avait remis en 2019 à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés, et la secrétaire d’État aux affaires étrangères, Michelle Müntefering, avait alors demandé « pardon du fond du cœur ». Un geste jugé nettement insuffisant par leurs descendants et les autorités namibiennes qui exigeaient des excuses officielles et des réparations. L’Allemagne s’y était à plusieurs reprises opposée, invoquant les millions d’euros d’aide au développement versés à la Namibie depuis son indépendance en 1990.


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    Le 22 juin 2020, à Genève, le Conseil des Droits de l’homme de l’ONU, lors de sa 43e assemblée a reconnu la Résolution de prévention du génocide présentée par l’Arménie. La résolution se fonde sur la volonté de prévention des génocides et des sanctions. La résolution affirme que dans l’histoire les génocides ont causé de lourdes pertes à l’humanité.
    La résolution appelle l’opinion publique internationale à se pencher sur le risque de génocide dans le monde moderne afin d’écarter les futurs crimes de génocide grâce à l’action unitaire des Etats.
    L’Arménie est membre élu du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU pour la période 2020-2022. Présenter une telle résolution de prévention des génocides par l’Arménie relève bien évidemment d’une dimension particulière au regard du génocide arménien de 1915 dont 1,5 million d’Arméniens furent victimes.


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  • Allemagne: un jihadiste de l'EI jugé pour génocide contre les Yézidis

    C'est une première judiciaire. Un procès contre un membre présumé de l'organisation État islamique accusé de génocide contre la minorité yézidie s'est ouvert à Francfort en Allemagne le 24 avril 2020. Cette minorité ethno-religieuse a été particulièrement persécuté par les jihadistes qui ont réduit ses femmes à l'esclavage sexuel, enrôlé de force des enfants-soldats et tué des hommes par centaines.

    La fillette de cinq ans a été attachée dehors aux barreaux d’une fenêtre pour la punir d’avoir souillé son lit. Par cinquante degrés à l’ombre, elle est morte de soif dans d’horribles souffrances. Elle avait été achetée en 2015 avec sa mère par l’accusé, un Irakien de 37 ans, membre présumé de l’organisation État islamique.

    L’homme vivait avec une Allemande jugée depuis un an à Munich pour le meurtre de l’enfant. La mère de ce dernier y a témoigné et confirmé le calvaire subi durant cette détention avec sa fille.

    Taha al-J. est accusé par le tribunal de Francfort non seulement du meurtre de la petite Rania mais aussi de génocide contre la minorité yézidie. Prouver que le membre présumé de l’organisation État islamique a été l’éxécutant d’un tel crime de masse ne sera pas aisé pour les juges allemands qui devront prouver que la volonté d’anéantir la minorité yazidie était avérée. Rassembler des éléments à charge et des témoignages en Irak sera très difficile pour les magistrats.

    Si ils y parviennent, une condamnation pour génocide dans quelques mois constituerait une base juridique pour d’autres poursuites contre des membres de l’organisation État islamique.

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    Présenté comme Taha al-J., 37 ans et originaire d'Irak, il est également accusé de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et trafic d'êtres humains devant le tribunal régional supérieur de Francfort.

    Son épouse, l'Allemande Jennifer W., comparaît de son côté depuis un an devant une cour de Munich pour le meurtre de la fillette, que le couple est accusé d'avoir laissé mourir de soif en 2015 à Falloujah, en Irak.

    Une première

    L'ouverture de l'audience en avril 2019 avait été considérée comme le premier procès au monde des exactions commises par l'organisation djihadiste, à l'encontre des Yézidis, une minorité kurdophone du nord de l'Irak, persécutée et asservie par les djihadistes à partir de 2014.

    La mère de l'enfant, présentée par la presse comme Nora, a témoigné à plusieurs reprises à Munich du calvaire qu'elle affirme avoir subi avec sa petite fille, Rania. Selon l'acte d'accusation, Taha al-J. avait rejoint dès mars 2013 les rangs de l'EI et occupé jusqu'à l'an dernier diverses fonctions pour le compte de l'organisation à Raqqa, «capitale» du groupe EI en Syrie, mais aussi en Irak et en Turquie.

    «Esclaves»

    La justice allemande lui reproche notamment d'avoir «fin mai-début juin 2015 acheté comme esclaves» une femme de la minorité yézidie et sa fillette de cinq ans et de les avoir emmenées à Falloujah, où elles ont subi de graves sévices et été en partie privées de nourriture.

    Après de nombreuses maltraitances, au cours de l'été 2015, la petite fille avait été «punie» par l'accusé pour avoir uriné sur un matelas, et attachée à une fenêtre à l'extérieur de la maison où elle vivait enfermée avec sa mère par des températures autour de 50°C.

    La fillette est morte de soif tandis que la mère avait été contrainte de marcher dehors pieds nus, s'infligeant des brûlures graves en raison de la chaleur extrême du sol.

    Les deux victimes avaient été enlevées à l'été 2014 après l'invasion par l'EI de la région irakienne du Sinjar. Elles avaient ensuite été à plusieurs reprises «vendues» sur des «marchés aux esclaves», selon le parquet.

    Procès jusqu'à fin août

    Placé sous haute surveillance policière, ce procès devrait s'étaler au moins jusqu'à la fin août. Interpellé en Grèce le 16 mai 2019, l'accusé avait été remis à l'Allemagne le 9 octobre et placé en détention provisoire le lendemain.

    Au procès de Jennifer W., la mère de la petite victime est représentée par l'avocate libano-britannique Amal Clooney et par la Yézidie Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de l'EI et co-prix Nobel de la paix 2018. Les deux femmes sont à la tête d'une campagne internationale pour faire reconnaître les crimes commis contre les Yézidis comme un génocide.

    Néanmoins, prouver l'existence d'un génocide devant la justice s'avère difficile car la volonté d'anéantir tout un groupe comme les Yézidis doit être avérée, selon des spécialistes. «Il n'y a souvent pas d'ordre d'anéantir», explique à l'AFP le juriste de l'Université de Leipzig Alexander Schwarz. «Il n'y a pas d'instructions écrites dans lesquelles figure: Anéantissez les Yézidis ».

    Potentiel génocide

    La petite minorité ethno-religieuse yézidie est considérée comme la plus persécutée par les djihadistes , qui ont réduit ses femmes à l'esclavage sexuel, enrôlé de force des enfants-soldats et tué des hommes par centaines.

    En août 2014, l'EI s'est livré, selon l'ONU, à un potentiel génocide: d'après leurs autorités, plus de 1280 Yézidis ont été tués, et plus de 6400 Yézidis ont été enlevés.

    Irakiens non-arabes et non-musulmans, de nombreux Yézidis ont trouvé refuge en Allemagne, notamment dans le sud-ouest du pays où des femmes et leurs enfants, victimes de viols répétés, ont été pris en charge et soignés. Parmi les bénéficiaires de ce programme mis en place fin 2014 figurait Nadia Murad, qui parcourt aujourd'hui le monde.  


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  • La CIJ ordonne au Myanmar de prendre des mesures d’urgence pour protéger les Rohingya

    La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, a ordonné jeudi au Myanmar de prendre des mesures d’urgence pour protéger les Rohingya, un groupe minoritaire de confession musulmane, et prévenir un éventuel génocide.

    Ces mesures conservatoires avaient été demandées en novembre 2019 par la Gambie, dans l’attente de la décision définitive de la Cour en l’affaire intitulée « Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar) ».

    La CIJ, qui est basée à La Haye (Pays-Bas), a rappelé que son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires « n’est exercé que s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en cause avant que la Cour ne rende sa décision définitive ». Les décisions de la CIJ, qui règle les différends entre Etats, sont contraignantes.

    La Gambie, qui a déposé sa requête au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), accuse le Myanmar d’avoir violé la Convention des Nations Unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide en commettant des actes de génocide à l’encontre des Rohingya, qui résident principalement dans l’Etat de Rakhine (Myanmar).

    Aung San Suu Kyi a plaidé la cause du Myanmar

    Le 11 décembre 2019, la cheffe de facto du Myanmar, Aung San Suu Kyi, était venue devant la CIJ à La Haye pour plaider la cause de son pays contre les accusations de génocide.

    Depuis août 2017, environ 740.000 Rohingya se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les exactions de l’armée et de milices.

    Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est félicité le 23 janvier 2020 de la décision de la CIJ.

    « Le Secrétaire général appuie fermement l'utilisation de moyens pacifiques pour régler les différends internationaux. Il rappelle en outre qu'en vertu de la Charte et du Statut de la Cour, les décisions de la Cour sont contraignantes et espère que le Myanmar se conformera dûment à l'ordonnance de la Cour », a dit son porte-parole dans une déclaration à la presse.

    « Conformément au Statut de la Cour, le Secrétaire général transmettra sans délai l’avis des mesures conservatoires ordonnées par la Cour au Conseil de sécurité », a-t-il ajouté.

    Parmi les mesures conservatoires, la CIJ a décidé à l’unanimité que le Myanmar doit « prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la commission, à l’encontre des membres du groupe rohingya présents sur son territoire, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier : a) meurtre de membres du groupe ; b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

    La Cour a également décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit veiller à ce que ni ses unités militaires, ni aucune unité armée irrégulière qui pourrait relever de son autorité ou bénéficier de son appui ou organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle, son autorité ou son influence ne commettent, à l’encontre des membres du groupe rohingya présents sur son territoire, l’un quelconque des actes définis (ci-dessus), ou ne participent à une entente en vue de commettre le génocide, n’incitent directement et publiquement à le commettre, ne se livrent à une tentative de génocide ou ne se rendent complices de ce crime ».

    La CIJ a aussi décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » et a décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit fournir à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour exécuter la présente ordonnance dans un délai de quatre mois à compter de la date de celle-ci, puis tous les six mois jusqu’à ce que la Cour ait rendu sa décision définitive en l’affaire ».

    Par ailleurs, les juges de la Cour pénale internationale (CPI), qui est chargée de juger les individus, ont autorisé en novembre 2019 la Procureure de la CPI de procéder à une enquête sur des crimes contre l'humanité présumés commis contre les Rohingya.

    Il n'est pas trop tard pour que le gouvernement change de cap (experte de l’ONU)

    De son côté, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Yanghee Lee, a déclaré jeudi qu’elle espérait toujours que la transition démocratique continue dans ce pays.

    « J'espère toujours que la transition démocratique promise se poursuivra, car il n'est pas trop tard pour que le gouvernement change de cap. Le gouvernement du Myanmar doit assumer ses responsabilités, ses obligations et ses devoirs », a dit l’experte dans un communiqué à la suite d’une visite en Thaïlande et au Bangladesh, pays voisins du Myanmar.

    Le mandat de Mme Lee se termine cette année. Elle a pris ses fonctions en 2014, lorsque la transition démocratique du Myanmar, des réformes prometteuses, et des progrès encourageants étaient une source de « grand optimisme », a-t-elle déclaré. Elle est interdite d'entrée dans le pays depuis décembre 2017.

     


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  • Une commission birmane nie tout génocide

    Des crimes de guerre ont bien été commis contre les Rohingyas mais pas de génocide, assure un rapport d'enquête birman publié le 20 janvier 2020.

    Une commission chargée par le gouvernement birman d'enquêter sur les exactions commises contre les musulmans Rohingyas a conclu dans un rapport publié lundi que quelques militaires avaient bien commis des crimes de guerre à leur encontre. L'armée n'est en revanche pas coupable de génocide, selon le document.

    La Commission indépendante d'enquête a publié les conclusions de ses travaux avant le jugement que doit rendre la Cour internationale de justice (CIJ) sur les mesures d'urgence demandées par la Gambie pour protéger les Rohingyas de nouvelles exactions de l'armée birmane, accusée de «génocide» à l'encontre de la minorité musulmane.

    La commission a reconnu que des membres des forces de sécurité avaient fait un usage disproportionné de la force et commis des crimes de guerre et de graves violations des droits de l'homme, dont «le meurtre de villageois innocents et la destruction de leurs habitations».

    Mais ces crimes ne constituent pas un génocide, a affirmé la commission d'enquête. «Il n'y a pas de preuves évidentes pour arguer, encore moins pour conclure, que les crimes commis l'ont été avec l'intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux», ont ajouté les enquêteurs.

    Opération de «relations publiques»

    La Gambie, soutenue par les 57 États membres de l'Organisation de la coopération islamique, le Canada et les Pays-Bas, accuse la Birmanie d'avoir violé la Convention des Nations unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elle a demandé à la CIJ d'ordonner «des mesures d'urgence» pour protéger les Rohingyas restés en Birmanie de nouvelles exactions. La CIJ, instance judiciaire de l'ONU, doit rendre sa décision le 23 janvier.

    Une organisation de défense des droits de l'homme, l'Organisation birmane Rohingya UK (BROUK) a contesté les conclusions de la commission d'enquête, estimant qu'il s'agissait d'une opération «flagrante de relations publiques» pour détourner l'attention du jugement que doit rendre la Cour internationale de justice.

    L'enquête demandée par Rangoun sur «les violations des droits de l'homme dans l'État Rakhine est une nouvelle tentative de blanchir l'armée» concernant les violences infligées aux Rohingyas, a estimé le porte-parole de cette ONG, Tun Khin.

    Le rapport semble prendre pour boucs émissaires des soldats à titre individuel plutôt que de faire porter la responsabilité des exactions sur le commandement militaire, a relevé Phil Robertson de l'organisation Human Rights Watch, en demandant la publication immédiate du texte intégral. L'enquête de la commission, y compris sa méthodologie et ses procédures, est «loin d'être transparente», selon lui.


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  • Génocide rwandais: vers une réouverture du procès

    Les familles des victimes françaises, tuées dans l'attentat de l'avion du président rwandais en 1994, espèrent invalider le non-lieu et obtenir un procès aux assises en France.

    Les familles des victimes de l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, épisode déclencheur du génocide de 1994, demandent mercredi à la justice française d'invalider le non-lieu ordonné l'an dernier après deux décennies d'enquête. Elles espèrent obtenir un procès en France.

    Enjeu pour les familles: relancer les investigations voire obtenir un hypothétique procès aux assises pour neuf membres ou anciens membres de l'entourage de l'actuel président rwandais Paul Kagame, dans un dossier qui empoisonne les relations entre Paris et Kigali depuis 20 ans.

    La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui rendra sa décision à une date ultérieure, examinera à huis clos le recours formé contre l'abandon des poursuites décidé le 21 décembre 2018 par les juges d'instruction antiterroristes français, Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux.

    Dans ses réquisitions écrites, le parquet général a demandé à la cour de confirmer ce non-lieu, selon une source proche du dossier.

    Avion abattu en 1994

    Le 6 avril 1994, l'avion de Juvénal Habyarimana, un Hutu, et du président burundais Cyprien Ntaryamira avait été abattu en phase d'atterrissage à Kigali par au moins un missile (photo ci-dessus). Cet attentat est considéré comme le déclencheur du génocide qui a fait 800'000 morts selon l'ONU, principalement dans la minorité tutsi.

    En France, une information judiciaire pour «assassinats et complicités en relation avec une entreprise terroriste» avait été ouverte en mars 1998 après la plainte des familles de l'équipage, composé de Français.

    Différentes thèses

    Le premier juge saisi, Jean-Louis Bruguière, avait privilégié l'hypothèse d'un attentat commis par des soldats de l'ex-rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) mené par Paul Kagame, devenu président du pays en 2000.

    Les relations diplomatiques entre les deux pays avaient été rompues quand le juge avait émis en 2006 neuf mandats d'arrêt contre des proches de Kagame. Elles avaient été rétablies trois ans plus tard.

    La thèse du juge Bruguière avait toutefois été fragilisée en 2012 par un rapport d'experts, notamment en balistique, qui s'étaient rendus sur place deux ans plus tôt avec les juges ayant repris le dossier, Marc Trévidic et Nathalie Poux. Les conclusions du rapport désignaient le camp de Kanombe, alors aux mains de la garde présidentielle d'Habyarimana, comme zone de tir probable.

    Boîte noire introuvable

    Mais, lors de ce déplacement des enquêteurs en 2010, «la plupart des débris de l'avion avaient disparu», «la végétation et (...) la topographie des lieux avaient profondément changé» et la boîte noire n'a jamais été retrouvée, rappelaient les juges dans leur ordonnance finale, consultée par l'AFP.

    Seuls éléments matériels récupérés à l'époque de l'attentat: les photos de deux tubes lances-missiles et le rapport d'un officier rwandais rédigé un mois après les faits. «En l'absence d'éléments matériels indiscutables», l'accusation repose donc sur des témoignages «largement contradictoires ou non vérifiables», notaient les juges, rappelant aussi les assassinats et disparitions de témoins, les manipulations ou les récits souvent «manichéens» des deux camps qui avaient émaillé une longue instruction au «climat délétère».

    Accès au rapport secret

    «On n'a jamais cherché à examiner la responsabilité individuelle des mis en cause», déplore Me Philippe Meilhac, avocat de la veuve Agathe Habyarimina, qui estime les charges suffisantes pour renvoyer au moins certains des suspects aux assises.

    Face à la faible probabilité d'obtenir un procès aux assises, l'avocat espère a minima la réouverture des investigations afin que que la justice française se fasse communiquer un rapport secret de 2003 du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui attribuait la responsabilité de l'attaque au clan Kagame.

    L'existence de ce rapport avait été révélée dans l'ouvrage d'une journaliste canadienne (en photo ci-dessous), Judi Rever, en mars 2018, alors que l'enquête française était close. Estimant cette piste suffisamment documentée et non concluante, le juge Herbaut avait refusé de relancer une nouvelle fois les investigations.

    Au Rwanda en 2009, la commission d'enquête Mutsinzi - qui revendiquait sa partialité, notent les juges français - avait imputé la responsabilité de l'attentat aux extrémistes hutu qui se seraient ainsi débarrassés d'un président jugé trop modéré.


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  • Le Congrès américain reconnaît le génocide arménien

    Le texte non contraignant avait été auparavant bloqué à plusieurs reprises au Sénat par des alliés républicains du président Donald Trump.

    Le Congrès des Etats-Unis a formellement reconnu jeudi 12 décembre 2019le «génocide arménien» lors d'un vote symbolique qui a encore renforcé le courroux de la Turquie à un moment crucial pour l'avenir des relations entre Washington et Ankara.

    Après la Chambre des représentants à une écrasante majorité fin octobre 2019, le Sénat a adopté à l'unanimité une résolution pour «commémorer le génocide arménien en le reconnaissant officiellement».

    Il appelle aussi à «rejeter les tentatives (...) d'associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien», dans ce texte promu par des sénateurs des deux bords politiques mais qui avait été bloqué à plusieurs reprises par des alliés républicains de Donald Trump.

    «Je suis heureux que cette résolution ait été adoptée à une époque où il y a encore des survivants du génocide», a déclaré dans l'hémicycle l'un de ses auteurs, le sénateur démocrate Bob Menendez, avant d'être saisi par l'émotion et de s'efforcer de contenir ses larmes.

    Comme en octobre, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a salué «une victoire pour la justice et la vérité». «Au nom des Arméniens, j'exprime ma gratitude au Congrès américain», a-t-il tweeté. Et comme en octobre, la Turquie a dénoncé sans tarder un vote qui «met en péril l'avenir des relations» turco-américaines.

    Bien que ces résolutions ne soient pas contraignantes, des parlementaires exhortent le locataire de la Maison Blanche à leur emboîter le pas. «Le Congrès est désormais uni pour dire la vérité au sujet du génocide. Il est temps que le président en fasse autant», a lancé sur Twitter l'élu démocrate Adam Schiff.

    Au début de son mandat, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d'«une des pires atrocités de masse du XXe siècle», se gardant d'employer le terme de «génocide».

    Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens. Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d'Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.

    Mais Ankara refuse l'utilisation du terme «génocide», évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.

    Or, les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, alliés au sein de l'Otan, traversent une période de fortes turbulences, et sont à la croisée des chemin

    Sanctions anti-Turquie en vue

    Nouveau signe d'une rupture inédite, la commission des Affaires étrangères du Sénat américain a adopté mercredi une proposition de loi soutenue par les démocrates comme par les républicains qui prévoit des sanctions draconiennes contre la Turquie et ses dirigeants.

    S'il passe les prochaines étapes, ce texte, encore plus que celui sur le génocide arménien, risque de placer Donald Trump en porte-à-faux.

    Le 45e président des Etats-Unis, en effet, met lui volontiers l'accent sur son «amitié» avec son homologue turc, qu'il a reçu en grande pompe il y a un mois dans le Bureau ovale. L'ex-homme d'affaires new-yorkais a même été accusé, jusque dans son propre camp, d'avoir «abandonné» ses alliés kurdes en laissant le champ libre à l'attaque turque en Syrie.

    Son ex-émissaire pour la lutte contre le groupe djihadiste, Etat islamique, Brett McGurk, a relevé jeudi sur Twitter qu'un mois après la rencontre controversée à la Maison Blanche, Recep Tayyip Erdogan s'était encore davantage éloigné des Occidentaux pour se rapprocher de la Russie.

    «Voilà les conséquences quand Trump fait plaisir à Erdogan sans demander absolument rien en échange», a dit celui qui est devenu un féroce détracteur de la politique étrangère du président américain. «La relation de Trump avec Erdogan a sapé tout effort sérieux pour pousser la Turquie à être plus constructive.»

    s.

    A Washington, l'immense majorité de la classe politique ne décolère pas face à ce qu'elle considère être des outrances du président turc Recep Tayyip Erdogan. Surtout depuis que l'armée turque a acheté des systèmes russes de défense antiaérienne jugés incompatibles avec son adhésion à l'Alliance atlantique, puis qu'elle a lancé en octobre une offensive en Syrie contre les forces kurdes alliées des Occidentaux dans la guerre antijihadistes.

     


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  • Prévention du génocide : une responsabilité morale et juridique des chef d'États

    Les Nations Unies appellent tout un chacun à réfléchir à ce que nous pouvons faire de plus pour que les obligations énoncées dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide soient respectées.

    « Trop souvent, le monde a manqué à son devoir envers les populations menacées de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de nettoyage ethnique. Les exemples sont nombreux, et nous les connaissons bien », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

    « Aujourd’hui encore, les blessures infligées par ce crime infâme causent de grandes souffrances. Le traumatisme subi par les victimes, les communautés et les sociétés dans leur ensemble peut prendre des générations à guérir », a déploré M. Guterres dans un message publié à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes du crime de génocide, d’affirmation de leur dignité (9 décembre).

    En intervenant dès les premiers signaux d’alarme et en investissant dans la prévention rapide, l’ONU souligne qu’il est possible de sauver des vies et d’enrayer, voire de mettre en échec, les tentatives d’élimination de groupes vulnérables.

    « Lorsque nous voyons des populations subir des discriminations systématiques ou devenir la cible d’actes de violence simplement en raison de leur identité, nous devons agir – pour défendre aussi bien les personnes qui courent un risque immédiat que celles qui pourraient être menacées à l’avenir », a souligné M. Guterres.

    « La prévention du génocide n’est pas seulement un impératif moral, c’est une obligation juridique aux termes de l’article premier de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide », a rappelé le Secrétaire général, précisant que « la responsabilité de prévenir ce crime incombe au premier chef aux États ».

    Prévention du génocide : passer des discours aux actes

    Face au risque de génocide, des solutions existent, rappelle l’ONU. En promouvant une culture de la paix et de non-violence qui garantisse le respect de la diversité et la non-discrimination, l’humanité peut bâtir des sociétés résilientes face à ce risque. La société civile, les responsables religieux, les médias et les enseignants jouent un rôle important en matière de prévention du génocide.

    Cette année, le chef de l’ONU a lancé deux initiatives : la Stratégie et le Plan d’action des Nations Unies pour la lutte contre les discours de haine coordonné par son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, Adama Dieng ; et le Plan d’action pour la protection des sites religieux, supervisé par son Haut-Représentant pour l’Alliance des civilisations (UNAOC), Miguel Ángel Moratinos. Ces deux initiatives visent à dynamiser l’action de l’ONU face à ces deux fléaux contemporains et à y associer des partenaires, en collaboration étroite avec les pouvoirs publics.

    Les Nations Unies estiment qu’il est aujourd’hui particulièrement urgent d’investir dans la prévention. « Partout dans le monde, nous assistons à une montée inquiétante de la xénophobie, du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et des attaques contre les chrétiens, souvent alimentés par des idéologies nationalistes et populistes », a déploré M. Guterres.

    « En ce jour, il est important de prendre conscience du fait que l’Holocauste n’a pas commencé par les chambres à gaz, pas plus que les génocides perpétrés au Rwanda, à Srebrenica ou au Cambodge n’ont commencé par des massacres. Ils ont tous été précédés d’actes de discrimination, de discours haineux, d’incitation à la violence et de déshumanisation de ‘l’autre’ », a-t-il dit.

    Pour le Secrétaire général de l’ONU, la meilleure façon de rendre hommage aux victimes du « crime odieux » de génocide est de nous engager de nouveau en faveur de l’égalité et de la prévention, « non seulement dans nos discours mais aussi dans nos actes ".


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  • Des enquêteurs de l’ONU dénoncent la brutalité de l’armée contre les Rohingyas

    Marzuki Darusman, Président de la mission d'enquête internationale indépendante sur le Myanmar.

    « Nous avons découvert des crimes qui choquent la conscience humaine », a dénoncé le Président de la Mission d’établissement des faits sur le Myanmar. Ce mardi à Genève, Marzuki Darusman a invité le Conseil des droits de l’homme à agir et à être à la hauteur de la gravité des faits consécutifs aux attaques horribles lancées le 25 août 2017 contre les Rohingyas dans l’État de Rakhine.

    Des violences qui ont mené à l’exode d’environ 750.000 d’entre eux au Bangladesh. L’ouest du Myanmar n’était plus que flammes, au moins 10.000 personnes ont été tuées et 37.000 maisons détruites, a dit M. Darusman.

    Le Président de la mission internationale indépendante a ainsi souligné que l’extrême brutalité de l’armée, appelée Tatmadaw, était au cœur de chaque incident et chaque violation des droits de l’homme examinés. Les faits démontrent que ses opérations sont systématiquement disproportionnées par rapport à tout objectif militaire possible. Une armée qui met en pratique « la vision d’une nation régie par les bouddhistes de la majorité Bamar, dominant les 135 minorités ethniques reconnues mais parmi lesquelles il n’y a pas de place pour les Rohingyas ».

    Dans son rapport final sur la crise des Rohingyas, l’ONU a identifié les hauts responsables de l’armée du Myanmar, demandant qu’ils soient poursuivis pour « génocide », « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » envers la minorité musulmane « Nous avons conclu que les actes de Tatmadaw et d’autres forces de sécurité tombent dans quatre des cinq catégories d’actes génocidaires », a dit M. Darusman, assurant que tout conduit à conclure à « une intention génocidaire ».

    Des hauts gradés de Tatmadaw nommément ciblés par les enquêteurs de l’ONU

    La mission a identifié six individus qui ont dirigé et contrôlé les opérations, à la tête desquelles se trouve « le commandant en chef de Tatmadaw, le général Min Aung Hlaing », a ajouté M. Darusman.

    Outre le général Min Aung Hlaing, les enquêteurs onusiens ciblent également le commandant en chef adjoint, Soe Win ; le lieutenant-général, Aung Kyaw Zaw, Maung Maung Soe, ancien chef du commandement de la Région Ouest ; et Aung Aung et Than Oo qui étaient respectivement à la tête de la 33ème et de la 99ème division d’infanterie légère, déployées sur le terrain et directement impliquées dans les exactions.

    « Les membres de la mission estiment que ces six individus doivent faire l’objet de poursuites et être jugés », fait-il remarquer, tout en précisant que « d’autres auteurs allégués figurent sur une liste, plus longue et non exhaustive, que la mission compte conserver dans ses archives ». 

    Le rapport publié mardi détaille une longue liste d’exactions commises à l’encontre des Rohingyas qui constituent « les crimes les plus graves au regard du droit international ». Les trois enquêteurs ont ainsi reconstitué en détail neuf incidents précis dans l’État de Rakhine la semaine du 25 août 2017. M. Darusman a confié son émotion s’agissant du village de Min Gyi (Tula Toli pour les Rohingyas) où les soldats ont fait irruption le 30 août 2017 et ont immédiatement tiré sur les villageois et incendié leurs maisons. Ceux qui n’ont pas été en mesure de fuir ont été encerclés et séparés par sexe.

    « Le meurtre de bébés ne saurait être considéré comme une opération antiterroriste »  

    « Les hommes ont été tués. Les enfants ont été tués par balles, jetés dans la rivière ou dans le feu alors que les femmes ont été battues et violées après avoir confisqué leurs bijoux », a-t-il décrit. Environ 750 hommes, femmes et enfants sont morts ce jour-là.

    « L’assassinat de personnes de tous âges, y compris des bébés, ne saurait être considéré comme une opération antiterroriste », a dénoncé M. Darusman. Et selon lui, il ne peut y avoir d’impératif militaire pour des personnes brûlées vives ou à violer des femmes et des filles. C’était une attaque délibérée et bien planifiée contre une population civile spécifique, a-t-il ajouté.

    « L’étendue, la cruauté et la nature systématique (de la violence sexuelle) révèlent sans l’ombre d’un doute que le viol a été utilisé comme tactique de guerre », a déclaré M. Darusman.

    Malgré la gravité des faits relatés, les enquêteurs de l’ONU indiquent n’avoir aucun espoir sur une reddition des comptes avec le système judiciaire officiel au Myanmar. « Quant à la Commission d’enquête nationale, son mandat consiste en réalité à combattre les soi-disant fausses informations de la communauté internationale », a regretté M. Darusman. 

    Le Myanmar juge le rapport « partial »

    En conséquence, la mission de l'ONU recommande la création d’un mécanisme judiciaire international ; d’un mécanisme indépendant pour mener des enquêtes pénales et préparer les poursuites ; d’un bureau spécial dûment financé pour appuyer le travail du Haut-Commissaire et du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar ; et d’un fonds d’affectation spéciale pour répondre aux besoins des victimes.

    Face au sombre tableau décrit par la mission, le Représentant permanent du Myanmar auprès des Nations Unies à Genève estime que ce rapport sape les efforts de réconciliation nationale et de paix dans l’État de Rakhine.

    D’autre part, M. Kyaw Moe Tun soutient que les enquêteurs manquent d’impartialité, d’indépendance et de sincérité. Il les accuse de saper les efforts du gouvernement pour une paix sur le long terme.

    De façon générale, la délégation de Naypidaw considère que le rapport se fonde sur une perception unilatérale de l’histoire du Myanmar et n’a pas consulté suffisamment les études sur un conflit qui remonte au XVIIIe siècle, a aussi regretté le Représentant permanent. « Il faut concentrer les efforts pour résoudre la situation humanitaire et aider la jeune démocratie à construire une société paisible et prospère, y compris dans l’État de Rakhine », a conclu M. Kyaw Moe Tun.

    Examen préliminaire par la CPI

    De son côté, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé mardi avoir ouvert un examen préliminaire concernant la déportation présumée de Rohingyas par le Myanmar vers le Bangladesh.

    Il s’agit de la première étape d’un processus pouvant aboutir à une enquête formelle. Il y a deux semaines, la CPI s’est déclarée compétente pour enquêter sur la déportation de cette minorité musulmane, qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

    « L’examen préliminaire pourra tenir compte d’un certain nombre d’actes coercitifs présumés ayant entraîné le déplacement forcé des Rohingyas, notamment la privation de droits fondamentaux, des meurtres, des violences sexuelles, des disparitions forcées ainsi que des actes de destruction et de pillage », a dit Mme Bensouda dans un communiqué de presse.

    « Mon bureau cherchera également à déterminer si d’autres crimes visés à l’article 7 du statut de Rome, tels que des crimes de persécution et d’autres actes inhumains, ont été commis dans le cadre de la situation en cause », a-t-elle ajouté.


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    Mercredi 29 août 2018, l’Allemagne remet à une délégation namibienne les ossements des victimes du génocide que le pays a perpétré il y a plus d’un siècle.Une cérémonie a été organisée à l’Église protestante de Berlin, mais elle peine à faire oublier l’absence d’excuses officielles de la part des autorités allemandes, demandées par les descendants de victimes héréros et namas.

    À Berlin, les ossements de victimes des tribus héréros et namas, massacrées par les forces coloniales allemandes dans ce que les historiens considèrent comme le premier génocide du XXe siècle, sont remis symboliquement à la Namibie ce mercredi 29 août 2018.

    Dix-neuf crânes, des os et un scalp, c’est ce que la délégation namibienne, conduite par la ministre de la culture, Katrina Hanse-Himarwa, a reçu de la part des autorités allemandes lors d’une cérémonie de réconciliation. Les ossements appartiennent à des Héréros et des Namas, peuples présents en Namibie mais aussi au Botswana, qui ont subi de plein fouet la violence coloniale.

     

     

    Ces restes humains avaient été pris par les Allemands, qui ont occupé la Namibie de 1884 à 1915, et ils ont servi à établir des théories raciales pseudoscientifiques. Entre 1904 et 1908, l’Allemagne a massacré 50 % de la tribu nama, soit 10 000 personnes, et pas moins de 60 000 Héréros, donc 80 % de la tribu, dans son ancienne colonie namibienne. Les Héréros, qui constituaient 40 % de la population namibienne au début du siècle, ne sont plus aujourd’hui que 7 %.

    Un lieu pas commun

    Le lieu de la cérémonie même pose question, puisqu’elle se déroule dans un temple protestant berlinois, le Französischer Dom. L’historien Christian Kopp, de l’association allemande « Pas de prescription pour les génocides », a estimé dans un entretien à l’AFP que cet événement aurait dû se tenir « à la chambre des députés et être accompagné d’excuses officielles ».

    « L’Église protestante en Allemagne et en Namibie a œuvré pour la cérémonie et les invitations. Elle a toujours eu une influence dans les affaires liées au tiers-monde, analyse Jakob Vogel, historien allemand et chercheur à Sciences-Po. On retrouve ici les anciens liens entre missionnaires religieux et politiques coloniales. »

    Absences d’excuses officielles et de réparations financières

    Cette cérémonie symbolique, un pas de plus vers une réconciliation germano-namibienne, laisse cependant un goût amer aux descendants de victimes namibiennes et à la délégation présente sur place. Celle-ci juge l’initiative insuffisante et demande des excuses officielles de la part du gouvernement allemand depuis des années.

    Utjiua Muinjangue, présidente de la fondation Ova Herero Genocide, espérait que cette restitution soit l’occasion pour le pays de présenter officiellement des excuses, à même de « guérir les blessures émotionnelles ». Mais ces dernières ne sont pas au rendez-vous en Allemagne. Le ministère des affaires étrangères allemand n’a reconnu que récemment, le 10 juillet 2015 que l’extermination en Namibie était un « un crime de guerre et un génocide ». Les Namibiens revendiquent par ailleurs des réparations financières.

    Selon Jakob Vogel, un effort a tout de même été fait depuis octobre 2011, dernière date à laquelle des crânes avaient été restitués. « En 2011, rien n’avait été organisé lors de la remise des crânes et cela avait réellement été vécu comme une insulte. La cérémonie religieuse d’aujourd’hui est aussi une manière de se faire pardonner. »


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