• «Les multinationales nous volent nos terres»

    Henry Saragih, président du Syndicat paysan indonésien et ancien coordinateur de Via Campesina,se bat pour le droits de paysans.

    Une déclaration sur les droits des paysans doit être rédigée par l’ONU. Interview d’un leader indonésien de passage à Genève.

    Partant du constat que 80% des personnes qui souffrent de la faim dans le monde vivent dans les zones rurales, des organisations de la société civile et des représentants des agriculteurs participent activement à l’élaboration d’une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans. C’est notamment le cas de Via Campesina, un mouvement qui représente 200 millions de cultivateurs et d’éleveurs de 73 pays.

    Interview de Henry Saragih, président du Syndicat paysan indonésien et ancien coordinateur de Via Campesina, actuellement à Genève pour défendre cette cause devant le Conseil des droits de l’homme.

    Que réclame Via Campesina?

    Nous demandons depuis des années l’élaboration d’une Déclaration des Nations Unies qui protège les paysans, afin d’améliorer les conditions de vie dans les zones rurales du monde entier. Avec nos partenaires, comme le CETIM et FIAN, nous nous battons pour faire entendre la voix des paysans au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, où est discuté le contenu du texte.

    A quels problèmes sont confrontés les paysans Indonésiens?

    En Indonésie, comme dans de nombreux pays du monde, les paysans voient leurs droits violés par les compagnies transnationales, qui profitent du manque de réglementation. Nous nous faisons voler nos terres; ou ne pouvons pas les cultiver comme nous le désirons. Les paysans dépendent en effet des grandes entreprises internationales pour obtenir des semences, des fertilisants ou pour commercialiser leur production.

    De plus, en Indonésie, l’agrobusiness est entièrement tourné vers l’exportation, et absolument pas pour garantir la souveraineté alimentaire. De gigantesques surfaces sont ainsi destinées à la production d’huile de palme, de pâte à papier ou de bois commercial, et non pas à nourrir la population. Le pays doit ensuite importer des produits alimentaires de base comme du maïs, du sucre, de la viande ou du lait. Ce schéma absurde permet aux grandes compagnies de monopoliser les bénéfices, sur le dos des paysans.

    L’Indonésie est également frappée par une «épidémie» d’incendies. Sont-ils d’origine criminelle?

    En effet, et c’est un problème gravissime. Cela a commencé il y a une trentaine d’années déjà et le phénomène est devenu massif il y a vingt ans. Des compagnies, notamment celles qui produisent de l’huile de palme et de la pâte à papier, mettent volontairement le feu à la forêt pour défricher et installer de nouvelles plantations. C’est beaucoup plus rapide, plus efficace et moins cher pour eux. Mais les conséquences sont catastrophiques pour les populations locales, pour la faune, pour la biodiversité et pour le climat. La forêt indonésienne fait en effet partie des trois plus importants poumons de la planète.

    Le président Joko Widodo veut mettre fin à l’octroi de nouveaux terrains pour les plantations d’huile de palme. Est-ce une bonne solution?

    Ce moratoire est une bonne mesure temporaire. Mais on doit aller plus loin. Il faut réformer en profondeur le modèle agricole. Redistribuer la propriété des terres et redéfinir le type de plantations. Pour décourager les grandes compagnies de continuer à mettre le feu à la forêt, nous demandons aussi que les terres brûlées soient données à des paysans locaux ou soient dédiées à recréer de la forêt.


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