• Mariage franco-allemand dans l'armement terrestre

    Feu vert mardi 1er juillet pour « l'opération Kant ». Ce n'est pas un film d'action qui se cache derrière ce nom de code, mais la signature de la première grande manoeuvre industrielle franco-allemande dans l'armement terrestre.

    Car Kant veut dire: KMW and Nexter together. Ce nom de code traduit la volonté de marier le groupe public français Nexter Systems, plus connu son ancien nom de GIAT fabricant du char Leclerc , avec son homologue familial allemand KMW, ex-Krauss Maffei, et son char Léopard.

    L'accord signé à Paris est d'autant plus «historique» que cette alliance des deux fabricants de blindés est évoquée depuis plus de dix ans, sans jamais avoir pu aboutir. Un événement exceptionnel puisque, depuis la création d'EADS en 1999, dans l'aéronautique de défense, et de MBDA en 2001, dans les missiles, aucun mouvement d'envergure n'avait eu lieu dans l'industrie d'armement européenne.

    Les négociations menées en dix-huit mois, sous la houlette du ministère de la Défense et de l'Agence des participations de l'Etat coté français, permettront aux deux entreprises de taille similaire, de constituer un ensemble pesant 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires et employant 6000 personnes.

    PÉRIODE DE FIANÇAILLES

    Cet Airbus de l'armement sera l'un des principaux acteurs européens, encore loin derrière les géants américain General Dynamics et britannique BAE Systems.

    S'ouvre à présent une longue période de fiançailles de neuf mois pour permettre de mettre en forme le contrat de mariage.
    Le principe retenu est une alliance à égalité, l'Etat français et la famille Bode-Wegmann détenant chacun 50 % du capital du nouvel ensemble, avec, pour les français, une« golden share », action spécifique, afin de protéger des activités stratégiques comme les systèmes d'armes et les munitions.

    Le siège de la nouvelle entité sera aux Pays-Bas et la présidence du directoire sera assurée par deux personnes, un français et un allemand, vraisemblablement les patrons actuels de Nexter Systems, Philippe Burtin, et de KMW, Frank Haun.

    Le rapprochement se fera en deux temps. En avril 2015, si tout se déroule comme prévu, une coentreprise, appelée Kant, devrait être créée regroupant les deux entités. Quatre à cinq ans plus tard, Nexter Systems et KMW devraient former un seul groupe pour ensuite proposer des produits nés de leurs recherches communes.

    LES CHARS D'ASSAUT ONT PRESQUE DISPARU

    En attendant, d'ici avril 2015, il faudra définir les parités pour chacune des entreprises avec une soulte éventuelle pour que l'accord soit équilibré. Nul doute que la valorisation des sociétés prendra en compte l'importance de leurs carnets de commandes. Or il est deux fois plus important chez KMW (4 milliards d'euros) très présent à l'exportation, que chez Nexter.

    Le groupe public devrait toutefois profiter, dès cette année, du lancement du programme Scorpion, projet phare de l'armée de terre pour la modernisation et le renouvellement sur dix ans de certains de ses équipements majeurs, comme les nouveaux véhicules blindés multirôles (VBMR) de Nexter . Car, sur ce marché, les chars d'assaut ont quasiment disparu avec la fin de la guerre froide, au profit des véhicules blindés légers.

    Côté français, il sera nécessaire d'inscrire Nexter sur la liste des sociétés privatisables, établie par la loi de privatisation de 1993, et de faire voter cette modification par l'Assemblée.

    Cette recomposition devrait sans doute faire réagir, en Allemagne, l'autre acteur du secteur, Rheinmetall, qui a noué des partenariats avec KMW. Ce mariage avec Nexter pourrait changer la donne.

    Du côté des autorités de la concurrence à Bruxelles, les initiateurs de l'accord redoutent peu l'accusation de position dominante, car l'industrie de l'armement terrestre est encore très morcelée en Europe, avec une dizaine de firmes. Chaque pays important dispose de la sienne. Des manoeuvres plus limitées ont déjà débuté avec, en 2012, la reprise par Renault Truck Defense, filiale deVolvo, du français Panhard.

    DÉPLOIEMENT INTERNATIONAL

    La contraction des budgets de défense en Europe, conjuguée à l'apparition de nouveaux concurrents sur ce marché de l'armement terrestre, obligent les groupes à se rapprocher. D'autant plus que ce secteur n'est pas un domaine de souveraineté où chaque pays achète uniquement sa production locale. En compétition sur leur propre marché, il leur faut donc se déployer à l'international.
    Nexter, traditionnellement faible à l'export, profitera du réseau commercial de KMW, nettement plus développé que le sien.

    L'héritière des anciens arsenaux français, est restée très dépendante des commandes nationales. Cette association franco allemande, devrait aussi permettre d'éviter les guerres fratricides entre européens pour emporter les marchés à l'export. Selon les besoins, seront proposés des véhicules français comme le VBCI ou allemands comme le Boxer. Mais tant que l'alliance n'est pas signée chacun ira seul répondre aux appels d'offres sur les marchés internationaux.


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