• Quelle portée juridique aura la reconnaissance d’un orang-outan comme sujet de droit ?

    Quelle portée juridique aura la reconnaissance d’un orang-outan comme sujet de droit ?

    Jean-Marc Neumann, juriste, et secrétaire général et coordinateur du European Group for Animal Law Studies, se félicite de la décision de justice argentine qui a reconnu un orang-outan comme « personne non humaine ».

    Il reste toutefois sceptique sur la portée juridique d’une telle décision.

    Comment accueillez-vous la reconnaissance par une juridiction étrangère du statut de « personne non-humaine » à un animal ?

    Jean-Marc Neumann  : Cette décision se base sur une interprétation dynamique du droit. Elle affirme qu’il est « nécessaire de reconnaître l’animal comme sujet de droit, car les êtres non-humains (les animaux) bénéficient de droits ». Mais elle ne précise pas de quels animaux il s’agit ni comment ils devraient en bénéficier. Il est un peu difficile d’interpréter ce que les juges argentins ont voulu faire.

    > À lire : La traduction en anglais et le texte en espagnol de la décision de justice

    Des juristes s’interrogent sur la motivation de cette décision et sur sa portée, à l’instar de Steve Wise. Cet activiste du Nonhuman rights project (projet pour les droits des non-humains, NDLR) avait lancé il y a quelque temps aux États-Unis une procédure pour faire libérer des chimpanzés qui a été rejetée par la cour de New York.

    Quels peuvent être les effets d’une telle décision ?

    J-M N : C’est difficile à dire. On ne sait pas si l’orang-outan, Sandra (née en captivité, elle est au zoo de Buenos Aires depuis vingt ans, NDLR), va recouvrer sa liberté. Les responsables du zoo envisagent apparemment de la placer dans un sanctuaire au Brésil, mais les juges ne disent rien de tout ça. Il y a beaucoup d’interprétations et d’approximations autour de cette décision.

    Est-ce que ça ne signifie pas par exemple la disparition à terme de lieux comme les zoos ?

    J-M N : On va sans doute aller à terme dans cette direction. Ce qui est réjouissant, c’est que ce jugement s’inscrit dans un mouvement qui est de reconnaître aux animaux, et particulièrement aux grands singes, des droits fondamentaux. Cela est évidemment de nature à remettre en cause leur présence dans des zoos, des parcs. Cette décision a au moins une portée symbolique forte. Mais il faut se garder de tout emballement.

    > À lire : Y a-t-il une place au paradis pour les animaux ?

    Il y a un mouvement pour la reconnaissance de droits fondamentaux pour les animaux qui a débuté il y a plusieurs années. Par exemple en Inde, où des dauphins ont été reconnus comme bénéficiant de droits. Le Nonhuman right project veut se baser sur l’Habeas Corpus (le droit de ne pas être emprisonné sans jugement – NDLR) pour exiger la remise en liberté des grands singes. Et maintenant l’Argentine…

    Mais le problème est celui de la définition de l’animal : est-ce qu’il se situe entre l’humain et le végétal ? Est-ce qu’on va reconnaître des droits à tous ? Ou seulement aux êtres vivants doués d’une capacité cognitive proche de l’homme, comme les grands singes et les cétacés ?

    Est-ce qu’on pourrait imaginer prochainement une décision similaire en France ?

    J-M N : En France, on n’en est pas là. Le Sénat doit encore examiner le 22 janvier prochain un amendement qui dit seulement que l’animal est un être vivant doué de sensibilité… ce qui n’est pas une surprise ! Et visiblement, les animaux resteront quand même soumis au régime des biens, alors que des associations et des parlementaires demandaient qu’on les sorte de ce régime pour les faire bénéficier d’une catégorie à part. Mais cette solution n’a pas été retenue par le législateur.

    > À lire : Pourquoi changer le statut juridique de l’animal ?

    Si on se compare à la Chine, on est très en avance. Mais par rapport à l’Autriche, la Suisse, le Royaume-Uni et l’Allemagne, on est en retard. Il y a des raisons philosophiques à cela. La tradition cartésienne considère ainsi les animaux comme étant des machines. Et puis il y a le poids des lobbys de l’agriculture et de la chasse.

    > À lire : Le statut juridique de l’animal suscite le débat

    (La Croix)


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