• Verdict en demi-teinte pour l’assassinat de Rafic Hariri

    Verdict en demi-teinte pour l’assassinat de Rafic Hariri

    Quinze ans après l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri et au terme de six ans de procédures, le Tribunal spécial pour le Liban a finalement rendu un jugement en déclarant coupable un seul des quatre présumés membres du Hezbollah.

    Il aura fallu pas moins de quinze ans pour qu’un verdict soit enfin annoncé dans l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février 2005 à Beyrouth. Quinze ans de feuilleton politico-judiciaire rythmés par de multiples rebondissements, entre faux témoins, accusations, arrestations controversées et l’examen de plus de 3000 pièces à conviction. Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), imposé par la communauté internationale via la résolution 1757 du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, a finalement rendu son jugement très attendu hier, notamment par les partisans du Courant du futur, la formation fondée par Rafic Hariri et dirigée aujourd’hui par son fils Saad, également ancien premier ministre.

    Preuve insuffisante

    Soulignant qu’il s’agissait d’un «acte politique perpétré par des personnes dont les activités étaient menacées par celles de Rafic Hariri», les juges ont déclaré qu’ils ne disposaient pas de «preuve» permettant d’établir la responsabilité directe des dirigeants de la Syrie et du Hezbollah dans l’attentat, même s’ils ont «peut-être eu des motifs d’éliminer M. Hariri et ses alliés politiques». Au terme de cinq heures de lecture du jugement, qui comporte pas moins de 2700 pages, le TSL a finalement jugé coupable un seul des quatre inculpés, tous présumés membres du Hezbollah et absents du procès.

    «La Chambre de première instance déclare Salim Ayache coupable au-delà de tout doute raisonnable en tant que coauteur de l’homicide intentionnel de Rafic Hariri», a ainsi déclaré le juge David Re, qui présidait le tribunal. Dans le détail, cet homme de 56 ans est jugé coupable de «complot en vue de commettre un acte de terrorisme, de perpétration d’un acte de terrorisme au moyen d’explosifs, de l’homicide intentionnel de Rafic Hariri avec préméditation, de l’homicide intentionnel de 21 personnes avec préméditation, et de tentative d’homicide intentionnel de 226 personnes avec préméditation», selon la déclaration lue par David Re. Sa peine, qui pourrait aller jusqu’à la prison à perpétuité, n’a pas encore été dévoilée. En revanche, le TSL a estimé qu’il ne disposait pas de suffisamment de preuves pour condamner les trois autres suspects, Salim Ayache, Hassan Habib Merhi, Hussein Oneissi et Assad Sabra, qui se voient donc acquittés. Moustapha Badreddine, haut commandant militaire du Hezbollah considéré comme le «cerveau» de l’attentat par les enquêteurs, a été tué en Syrie en 2016 et n’a donc pas été jugé par le TSL.

    Le fils accepte le jugement

    Sur place, Saad Hariri a déclaré à l’issue de l’audience «accepter la décision du tribunal», parlant de «jour historique» car «pour la première fois dans l’histoire des assassinats politiques au Liban, les Libanais ont appris la vérité».

    «Aujourd’hui, le parti qui doit faire des sacrifices est le Hezbollah. Il est clair que le réseau responsable provient de ses rangs», a-t-il souligné, affirmant que le jugement démontrait une «grande crédibilité». Si le chef du Parti social progressiste, Walid Joumblatt, allié de Rafic Hariri, n’a pas souhaité réagir, un autre de ses proches, l’ancien député du Courant du futur Ahmad Fatfat, se dit en revanche «très satisfait» du verdict. «Le TSL a prouvé qu’il n’est pas politisé, qu’il est professionnel et qu’il a travaillé selon des arguments scientifiques», a-t-il déclaré, affirmant que ce verdict met fin à toutes les critiques formulées depuis sa création. «Pour la première fois depuis la création du Liban en 1943, nous avons enfin pu avoir un procès et une condamnation pour des assassinats politiques», estime-t-il. «Hassan Nasrallah (secrétaire général du Hezbollah) ne peut plus dire que le tribunal était politisé et il n’a plus d’autre choix que de livrer Salim Ayache à la justice. S’il s’entête à ne pas le faire, alors cela signifiera que le Hezbollah est le commanditaire et cela deviendra un problème pour les Libanais», assène Ahmad Fatfat.

    A Beyrouth, la réaction des Libanais a été beaucoup plus mitigée. Nombre d’entre eux ont critiqué le coût faramineux du tribunal pour un résultat décevant. Dans les quartiers sunnites acquis à la famille Hariri, un mélange de déception et de stupéfaction a suivi l’annonce du verdict. «Tout ça pour ça, c’est une trahison à Rafic Hariri», confiait Waël, un militant du Courant du futur. Dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, tout autre ambiance: ce sont des tirs de joie et des feux d’artifice qui se sont fait entendre.


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