• Vers une meilleure protection des travailleurs domestiques

    Le traité international sur les droits des employés de maison est entré en vigueur jeudi 5 septembre. Ces « invisibles » sont plus de 50 millions dans le monde, dont près d’un tiers sans aucune protection légale. Seuls huit pays ont ratifié ce texte historique.

    Vers une meilleure protection des travailleurs domestiques

    On les appelle les « invisibles ». Ils jardinent, bricolent, conduisent la voiture du patron. Elles font la cuisine, nettoient la maison, gardent les enfants, s’occupent des personnes âgées. Ces employés de maison travaillent derrière les portes closes des domiciles privés, soustraits à la vue et à l’attention du public, souvent hors d’atteinte des syndicats et des organisations de défense des salariés. Fréquemment mal payés, parfois victimes de mauvais traitements voire d’abus sexuels, ils ne comptent pas leurs heures.

    Un texte ratifié par 8 pays

    Pour la première fois, les « invisibles » disposent d’un texte international pour défendre leurs droits. La convention sur le « travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques » entre en vigueur jeudi 5 septembre. Adopté en 2011 par les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés des 184 États membres de l’Organisation internationale du travail (OIT), le traité propose des normes pour encadrer le secteur.

    En le ratifiant au cours des douze derniers mois, huit pays ont permis sa mise en œuvre : l’Uruguay, l’Afrique du Sud, la Bolivie, l’île Maurice, l’Italie, le Nicaragua, le Paraguay et les Philippines. Si d’autres États suivent leur exemple, la convention pourrait améliorer le sort de millions de personnes.

    En augmentation régulière depuis quinze ans, le nombre de travailleurs domestiques dépasse en effet les 52 millions selon les statistiques officielles de 117 pays. L’Asie-Pacifique (21,5 millions) concentre près de la moitié de ces emplois, suivi par l’Amérique latine (19,6 millions), l’Afrique (5,2 millions), les pays développés (3,6 millions) et le Moyen-Orient (2,1 millions). Pour l’OIT, « il s’agit là d’estimations prudentes qui sous-évaluent probablement l’ampleur du phénomène ».

    83% de femmes

    Ces travailleurs sont des travailleuses dans 83 % des cas. Elles représentent 7,5 % de l’emploi salarié féminin dans le monde, une proportion qui grimpe à 20 % au Moyen-Orient et 15 % en Amérique latine. « Le secteur compte les employés les plus maltraités et exploités du monde », affirme Gauri Van Gulik, spécialiste de la question pour l’ONG Human Rights Watch. 

    Près de 30 % des membres de la profession n’ont aucune protection légale et 45 % n’ont droit à aucun jour de congé. « Dans tous les domaines, on constate de fortes disparités entre les travailleurs domestiques et les autres », précise l’OIT. Les migrants sont les plus exposés à l’esclavage moderne : confinement au domicile, brimades, confiscation de passeports, salaires impayés, travail sans repos… « Beaucoup vivent dans des pays dont ils ignorent la langue et sont isolés au sein du domicile de particuliers, souligne Gauri Van Gulik. La convention internationale qui entre en vigueur peut changer des vies en aidant ces personnes à faire leur travail en toute sécurité et à obtenir de l’aide quand elles sont victimes d’abus. »

    Des avancées concrètes

    Dans le détail, le texte offre de nombreuses avancées concrètes. Il prévoit des horaires de travail raisonnables, un salaire minimum, le paiement des heures supplémentaires, un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures consécutives, une couverture médicale et de maternité, le respect des droits fondamentaux au travail, y compris la liberté d’association et le droit à la négociation collective. La convention encadre aussi le recours aux migrants qui devront recevoir leur contrat écrit « avant le passage des frontières nationales ».

    L’entrée en vigueur du traité n’implique pas que tous les États membres de l’OIT s’y soumettront automatiquement. Il ne sera pas contraignant pour ceux qui ne le ratifieront pas, ce qui risque d’en limiter sa portée. La France quant à elle a manifesté sa volonté de signer le texte. « La convention est une belle avancée, se félicite Geneviève Colas, spécialiste de la traite des êtres humains au Secours catholique. Elle va obliger les pays à prendre conscience de ce phénomène caché, à modifier les mentalités, à réfléchir à leur législation. Même en France, je rencontre des policiers qui considèrent les travailleurs domestiques comme des jeunes filles au pair. »

    Le Brésil sur la bonne voie

    Depuis l’adoption du traité en 2011, une trentaine de pays ont voté des réformes visant à mieux protéger la profession. « L’extension du repos hebdomadaire aux travailleurs domestiques migrants adoptée dernièrement à Singapour pourrait être une indication de futures initiatives dans la région », espère l’OIT.

    L’Amérique latine est sur la bonne voie. Champion du monde du travail domestique avec 6,1 millions d’employées, le Brésil a mis fin à une injustice aussi ancienne que la colonisation. En avril dernier, le Congrès a modifié la Constitution pour permettre aux employés de maison de bénéficier des mêmes règles du droit du travail que les autres. Un syndicat a parlé « de seconde abolition de l’esclavage ».

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    15,5 millions d’enfants « domestiques »

    Les enfants employés comme domestiques seraient au nombre de 15,5 millions, sur les 305 millions d’enfants qui travaillent dans le monde, selon une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) publiée en juin.

    Leur fonction les oblige à vivre séparée de leur famille, à la merci de leurs employeurs, un isolement qui les rend vulnérables aux violences physiques, psychiques et sexuelles.

    Ce fléau est particulièrement étendu en Afrique, mais l’Asie et le Moyen-Orient sont aussi très concernés. Au Pakistan et au Népal, il arrive que des familles rurales endettées louent leurs enfants comme domestiques pour rembourser leurs prêts.

     CK


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