• 30e anniversaire de la Déclaration des droits des minorités

    Les Nations Unies ont célébré mercredi 21 septembre 2022 à New York le 30ème anniversaire de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, le seul instrument international des droits humains des Nations Unies qui soit entièrement consacré aux droits des minorités.

    Mais le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, accompagné du témoignage émouvant de la prix Nobel de la paix Nadia Murad, issue de la minorité yézidie d’Iraq, a relevé avant tout « la rude vérité : trente ans plus tard, nous sommes toujours loin, très loin » d’avoir réalisé l’objectif de protéger les droits des minorités. 

    « Nous ne parlons pas, là, de simples carences, a déclaré le chef de l’ONU, mais d’une inaction et d’une négligence patente dans la protection des droits de minorités ». Votée en 1992, dans la salle de l’Assemblée générale, la Déclaration stipulait, sous la forme de « trois vérités essentielles », que « les droits des minorités sont des droits humains à part entière, que leur protection fait partie intégrante de la mission des Nations Unies et que la protection de ces droits est vitale pour l’avancement de la stabilité politique et sociale et la prévention des conflits internes et entre les pays ».

    Constat décevant

    Or, le constat est pour le moins décevant, aux yeux du Secrétaire général, qui déplore le sort des minorités, « soumises encore aujourd’hui à l’assimilation forcée, aux persécutions, aux préjugés, aux stéréotypes, à la haine et à la violence».

    Ajoutant que plus des trois quarts des apatrides de la planète sont issus de minorités, António Guterres a rappelé aussi que la pandémie de COVID-19 avait révélé des schémas d’exclusion profondément enracinés et une discrimination affectant de manière disproportionnée les communautés minoritaires, et en premier lieu les femmes, en butte à la recrudescence des violences liées au genre, privées plus souvent  de leurs emplois et des mêmes aides fiscales que les autres pendant cette période.

    Face à cette situation, le Secrétaire général a invoqué une détermination et l’action résolue des décideurs politiques, appelant « chacun des Etats membres à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités et leur identité ».

    Promouvoir l'inclusion des minorités

    Pour sa part, Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, a assuré « que notre tâche, aujourd’hui, n’est pas de montrer quiconque du doigt ». « Ce serait facile mais pas assez productif. Notre tâche consiste à renforcer le terrain d’entente qui a été convenu », a t-il nuancé, en exhortant les Etats membres à partager leurs idées, leurs expériences, leurs meilleures pratiques et leurs promesses.

    António Guterres a encouragé les Etats à suivre son « Appel à l’action pour les droits humains », un plan offert à tous les gouvernements pour résoudre les problèmes de discrimination persistante, notamment par le biais des dirigeants locaux des communautés concernées. Ensuite, en promouvant l’inclusion des minorités en tant que participants actifs et égaux dans toutes actions et décisions des autorités, conformément au « contrat social renouvelé et ancré dans une approche globale des droits de l’homme » qu’il propose dans son rapport sur « Notre Programme commun ».

    « Cette participation accrue n’est pas seulement dans l’intérêt des groupes minoritaires. Elle est dans l’intérêt de tous », a insisté le Secrétaire général ». « Un Etat qui protège les droits des minorités est un Etat plus paisible. Les économies qui favorisent la pleine participation des minorités sont plus prospères, et les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques », a-t-il déclaré. « Et un monde dans lequel les droits de toutes et tous sont respectés est plus stable et plus juste ».

     

    émoignage de Nadia Murad

    Durant cette commémoration, la prix Nobel de la paix Nadia Murad, Ambassadrice de bonne volonté de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a livré son témoignage émouvant de sa vie au sein de la communauté minoritaire yézidie en Iraq. « J’étais fière de qui j’étais, membre d’une petite communauté dans un grand pays », a-t-elle raconté, en se remémorant l’humble vie quotidienne de son village isolé, autant que l’ignorance et les préjugés discriminatoires et cruels que montraient d’autres communautés à leur égard.

    « Nous étions séparés à dessein, écartés des conversations nationales, marginalisés et oubliés », se souvient-elle. « Pour ceux qui étaient au pouvoir, il était plus facile de contrôler un pays dans lequel les minorités étaient divisées, suspicieuses les unes envers les autres, et privées de voix dans le gouvernement et la société civile. Nous étions invisibles ».

    Nadia Murad, témoin d’une histoire qui est « celle de toutes les minorités du monde », a rappelé que la marginalisation et l’abandon de sa communauté avait facilité les exactions de Daech contre son peuple, mais qu’ils ne s’étaient pas contentés de rendre plus vulnérables les Yézidis. « Ils ont ouvert tout l’Iraq à la guerre et au terrorisme », a-t-elle raconté, avant d’appeler l’Iraq à fournir à ses minorités des législations les protégeant de l’insécurité et des discriminations. « Nous avons besoins de votre aide, a-t-elle dit aux Etats membres. Car nous connaissons les brutales conséquences de l’inaction ».

     

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  • Kenya : les peuples autochtones Ogiek remportent une autre victoire devant la Cour africaine

    Un expert indépendant de l’ONU a salué ce lundi 17 juillet 2022 la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’accorder des réparations aux peuples autochtones Ogiek pour les préjudices subis du fait d’injustices et de discriminations au Kenya.

    Cette décision historique en matière de réparations fait suite à un arrêt historique rendu par la Cour le 26 mai 2017, concluant que le gouvernement du Kenya avait violé le droit à la vie, à la propriété, aux ressources naturelles, au développement, à la religion et à la culture des Ogiek, en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

    « Je me réjouis de cette décision sans précédent en matière de réparations », a déclaré Francisco Cali Tzay, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

    L’expert indépendant reconnait que cette cet arrêt historique envoie « un signal fort » pour la protection des droits fonciers et culturels des Ogiek au Kenya, ainsi que pour les droits des peuples autochtones en Afrique et dans le monde. « Ce jugement et l’octroi de réparations marquent une autre étape importante dans la lutte des Ogiek pour la reconnaissance et la protection de leurs droits sur les terres ancestrales de la forêt de Mau, et la mise en œuvre de l’arrêt de 2017 de la Cour africaine », a poursuivi M. Tzay.

    Plus de 1,3 millions de dollars de dommages moral et matériel

    La Cour a également ordonné à Nairobi de prendre les mesures législatives, administratives ou autres nécessaires pour reconnaître, respecter et protéger le droit des Ogiek à être consultés sur les projets de développement, de conservation ou d’investissement sur leurs terres ancestrales. 

    Sur un autre plan, les Ogiek doivent se voir accorder le droit de donner ou de refuser leur consentement libre et éclairé à ces projets afin de garantir des dommages minimaux à leur survie, selon le jugement. 

    La Cour a aussi ordonné au gouvernement kenyan de verser une indemnisation de plus de 57 millions de shillings kényans, soit 491.493,60 dollars, pour le préjudice matériel lié à la perte de biens et de ressources naturelles, et de 100 millions de shillings kényans (849.600 dollars) pour le préjudice moral subi par les Ogiek en raison des violations du droit à la non-discrimination, à la religion, à la culture et au développement. 

    Restitution de terres ancestrales

    En outre, la Cour a ordonné des réparations non monétaires, notamment la restitution des terres ancestrales des Ogiek et leur pleine reconnaissance en tant que peuples autochtones. 

    Précisément, la Cour a demandé au gouvernement kenyan de procéder à la délimitation, à la démarcation et à la délivrance de titres de propriété. L’objectif est de protéger les droits de propriété des Ogiek liés à l’occupation, à l’utilisation et à la jouissance de la forêt Mau et de ses ressources. 

    A noter que le Rapporteur spécial avait fourni un témoignage d’expert à la Cour dans cette affaire historique, sur la base de l’engagement de longue date de son mandat dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones Ogiek.  

    L’expert de l’ONU a donc exhorté le gouvernement du Kenya à respecter la décision de la Cour et à procéder à la mise en œuvre de ce jugement et de l’arrêt de 2017 de la Cour sans délai.

    NOTE :

    Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

     


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    L'Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB) a demandé le 12 août à la Cour Pénale Internationale d'ouvrir une enquête sur le président brésilien pour "génocide" et "écocide". L'association accuse le dirigeant d'avoir profité de la pandémie pour renforcer une "politique anti-autochtone". C'est la première fois que la demande est réalisée par des avocats autochtones.

    L'association dénonce une "politique anti-indigène". L’Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB) a saisi le 12 août à la Cour pénale internationale (CPI) afin d'ouvrir une enquête sur le président Jair Bolsonaro pour "génocide" et "écocide". Rassemblant diverses organisations régionales de lutte pour la défense des droits des peuples autochtones, l'association demande au procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) "d’examiner les crimes perpétrés contre les peuples autochtones par le président Jair Bolsonaro depuis le début de son mandat, en janvier 2019, avec une attention particulière sur la période de la pandémie Covid-19". 

    Le dirigeant d'extrême droite est accusé d'avoir mené une politique encourageant l'invasion des peuples autochtones, l'exploitation minière illégale et la déforestation. Rien qu’au Brésil, 1,1 million d’hectares de forêts ont été détruits en 2020, un record depuis 2008, rappelait le WWF fin juillet. Parallèlement, les incursions d’orpailleurs et de bûcherons sont l’un des premiers facteurs de contamination des communautés autochtones par le Sars-Cov-2.  D'après l'APIB, qui tient une plateforme de suivi du Covid-19 au sein des populations autochtones au Brésil, la pandémie a fait 1 179 morts au 16 août, parmi les près de 900 000 autochtones du pays.

    "Une politique anti-autochtone"

    L’association s'appuie sur des rapports techniques, des documents officiels et des recherches universitaires, qui selon l'APIB,  prouvent "la planification et l’exécution d’une politique anti-autochtone explicite, systématique et intentionnelle" depuis l’arrivée au pouvoir en janvier 2019 du dirigeant d’extrême droite, et particulièrement depuis la pandémie de Covid-19. "Nous ne nous rendrons pas à l’extermination", souligne Eloy Terena, coordinateur juridique de l’APIB. "Étant donné l’incapacité du système judiciaire brésilien à enquêter, poursuivre et juger ces conduites, nous les dénonçons à la communauté internationale", a ajouté le coordinateur.

     

    Si la CPI a déjà été saisie contre Jair Bolsonaro, c’est la première fois que les peuples le font avec des avocats autochtones. Déjà en juillet 2020, le chef autochtone Raoni Metuktire accusait Jair Bolsonaro de profiter de la pandémie de Covid-19 pour laisser mourir son peuple. En janvier, il a porté plainte avec l'aide de l'avocat français William Bourdon contre le dirigeant et plusieurs ministres brésiliens pour crimes contre l'humanité.


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  • Au Brésil, des indigènes demandent à la CPI d’ouvrir une enquête contre Jair Bolsonaro pour « génocide »

    C’est la première fois que les tribus indigènes, qui dénoncent l’incapacité du système de justice au Brésil, saisissent la Cour pénale internationale avec des avocats autochtones.

    Les tribus indigènes du Brésil lancent une contre-attaque contre la « politique anti-indigène » du président brésilien, Jair Bolsonaro. L’Articulation des peuples indigènes du Brésil (APIB) a demandé, lundi 9 août, à la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir une enquête sur les actions du chef d’Etat.

    Représentant 0,5 % des 212 millions de Brésiliens, les tribus indigènes du pays ont déjà saisi la CPI contre M. Bolsonaro, mais c’est la première fois qu’ils le font avec des avocats autochtones, a expliqué dans un communiqué l’APIB, qui rassemble diverses organisations régionales de lutte pour la défense des droits indigènes.

    « Nous pensons qu’au Brésil se produisent actuellement des actions qui constituent des crimes contre l’humanité, [des crimes de] génocide et [d’]écocide », écrit l’APIB. « Au vu de l’incapacité dans laquelle se trouve le système actuel de justice au Brésil d’enquêter, d’emprisonner et de juger [les responsables de] ces agissements, nous dénonçons ces actions devant la communauté internationale et saisissons la CPI », a déclaré Eloy Terena, coordinateur juridique de l’APIB.

    L’APIB se fonde sur des rapports de chefs et organisations indigènes, des documents officiels, des recherches universitaires et des rapports techniques qui, selon l’association, « prouvent qu’une politique clairement anti-indigène et systématique (…) a été planifiée et mise en œuvre sous la direction de Bolsonaro » depuis l’arrivée au pouvoir, en janvier 2019, du dirigeant d’extrême droite, et particulièrement pendant la pandémie due au coronavirus.

    Des projets de loi jugés très menaçants par les indigènes

    M. Bolsonaro a prôné l’ouverture des terres indigènes et zones protégées d’Amazonie – déjà touchées gravement par la déforestation et la prospection minière illégale – à l’exploitation des ressources naturelles, s’attirant une avalanche de critiques au Brésil et à l’étranger.

    Les incursions d’orpailleurs et de bûcherons sont l’un des premiers facteurs de contamination des communautés autochtones par le SARS-CoV-2, qui a fait 1 166 morts et plus de 57 000 infections parmi les quelque 900 000 indigènes, selon l’APIB.

    Ces derniers mois, grâce au poids du lobby de l’agronégoce au Parlement, divers projets de loi jugés très menaçants par les indigènes ont été présentés. L’un de ces projets de loi, déjà approuvé par la Chambre des députés et qui doit être soumis au Sénat, modifie les règles existantes de démarcation des terres indigènes.

    En janvier, le cacique Raoni Metuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, avait déjà demandé à la CPI d’enquêter pour « crimes contre l’humanité » contre M. Bolsonaro, accusé de « persécuter » les peuples autochtones en détruisant leur habitat et bafouant leurs droits fondamentaux.


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  •  Dans un message pour marquer ce 9 août la Journée internationale des populations autochtones, le Secrétaire général des Nations Unies a déploré « la marginalisation, la discrimination et l'exclusion » qui frappent les communautés autochtones.

    António Guterres a rappelé que ces « profondes disparités » sont enracinées dans « le colonialisme et le patriarcat ». Ces systèmes sociaux contribuent à une « énorme résistance à la reconnaissance et au respect des droits, de la dignité et des libertés des peuples autochtones ».

    Territoires volés

    Le chef des Nations Unies souligne que ces peuples se sont vus « voler leurs terres et leurs territoires, ils ont perdu leur autonomie politique et économique et même leurs propres enfants ». M. Guterres déplore également « l'extinction des cultures et des langues » autochtones.

    Le Secrétaire général reconnaît que certains pays ont déjà présenté des excuses officielles et sont engagés dans une démarche de réconciliation, mais il estime qu'il reste encore beaucoup à faire. C'est pourquoi l'ONU appelle à un nouveau contrat social, pour « recouvrer et honorer les droits, la dignité et les libertés de ceux qui en ont été privés pendant trop longtemps ».

    M. Guterres explique qu'un « dialogue authentique, une interaction et une volonté d'écoute » sont essentiels. Selon lui, « il n'y a aucune excuse pour refuser aux 476 millions d'autochtones du monde entier de participer à tous les processus décisionnels ».

    Solutions pour le climat

    Un consensus libre est « essentiel pour que les peuples autochtones puissent exercer leurs propres visions du développement », déclare le Secrétaire général. António Guterres a, par ailleurs, souligné que les connaissances de ces communautés peuvent aider à résoudre les crises du climat et de la biodiversité et à prévenir les maladies contagieuses.

    À l'occasion de cette journée internationale, le chef des Nations Unies demande que les abus subis par les peuples autochtones soient reconnus et que le monde fasse preuve de plus de solidarité et célèbre leurs connaissances et leur sagesse.

    Covid-19

    La pandémie de Covid-19 a également posé d'énormes problèmes, selon le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. José Franciscmo Cali Tzay appelle les gouvernements et les autorités à mettre en œuvre des politiques de relance qui tiennent compte des droits des populations autochtones.

    Il explique que les projets de relance économique axés sur l'expansion de nombreuses entreprises nuisent aux populations autochtones, à leurs terres et à l'environnement.

    Selon le Rapporteur spécial, « les pandémies ont servi de catalyseur aux pays pour promouvoir des mégaprojets sans consulter les peuples autochtones ».

    Par conséquent, José Franciscmo Cali Tzay plaide pour que l'autodétermination et les terres des peuples autochtones soient placées au centre de tous les efforts de lutte contre la Covid-19, comme le prévoit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.


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  • Australie va dédommager la «génération volée» aborigène

    Les nombreux Australiens aborigènes enlevés de force à leur famille dans leur enfance recevront plus de 45000 euros de la part du gouvernement en guise de réparation.

    L’Australie va verser 75’000 dollars, soit plus de 50’000 francs, à de nombreux Australiens aborigènes qui ont été retirés de force de leur famille lorsqu’ils étaient enfants, a annoncé jeudi le Premier ministre Scott Morrison, afin de réparer ce qu’il a décrit comme une période «honteuse» de l’histoire du pays.

    Des milliers de jeunes aborigènes et insulaires du détroit de Torres ont été arrachés à leur foyer et placés dans des familles d’accueil blanches dans le cadre de politiques officielles d’assimilation qui ont perduré jusque dans les années 1970.

    Chapitre «honteux» de l’histoire

    «Ce qui s’est passé est un chapitre honteux de notre histoire nationale», a déclaré Scott Morrison au Parlement à propos de la «génération volée» des Australiens autochtones. «Nous avons déjà confronté cela en présentant des excuses nationales, mais nos actes doivent continuer à correspondre à nos paroles», a-t-il ajouté. Les récits des souffrances causées ne sont «pas simplement des histoires du passé mais des histoires qui continuent à se répercuter à travers les générations».

    Les défenseurs des droits des autochtones australiens, lesquels restent fortement désavantagés en termes de santé, de revenus et d’éducation, ont salué cette annonce, tout en soulignant qu’elle était attendue depuis longtemps.

    Scott Morrison a annoncé que 378,6 millions de dollars australiens (254 millions de francs) seraient alloués pour réparer les dommages humains causés par la politique d’assimilation. Les paiements seront destinés aux personnes vivant dans les territoires qui étaient gérés par le Commonwealth à l’époque des déplacements forcés – le Territoire du Nord, le Territoire de la capitale australienne, où se trouve Canberra, et le territoire de Jervis Bay.

    Le programme offre aux survivants un paiement unique de 50’000 francs en reconnaissance du préjudice causé, un paiement d’ «aide à la guérison» de 7000 dollars australiens (4700 francs) et la possibilité de raconter leur histoire à un haut fonctionnaire du gouvernement et de recevoir des excuses en personne ou par écrit. D’autres Etats australiens ont mis en place des systèmes de réparation, mais le gouvernement fédéral n’avait pas suivi jusqu’à présent.

    Les paiements fédéraux font partie d’un plan d’un milliard de dollars australiens visant à réduire les fortes inégalités auxquelles sont confrontés les Australiens autochtones.


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  • Les enfants aborigènes volés attaquent l’Australie en justice

    Quelque 800 Aborigènes retirés de force à leurs proches entre 1910 et 1970 ont attaqué le gouvernement et exigent des dédommagements pour le préjudice subi.

    Des centaines d’Aborigènes de la «génération volée» d’Australie, ces enfants enlevés de force à leur famille au nom de l’assimilation, ont attaqué mercredi, le gouvernement en justice pour exiger des dédommagements pour le préjudice subi.

    Le terme «génération volée» désigne des milliers d’enfants autochtones retirés de force à leurs proches, de 1910 jusqu’aux années 1970, pour être placés dans des institutions ou des familles blanches à des fins d’assimilation. Nombre d’entre eux n’ont plus jamais revu leurs parents ou leurs frères et sœurs.

    Tristan Gaven, du cabinet d’avocats Shine Lawyers, a annoncé que celui-ci avait engagé un recours collectif (class action) au nom de près de 800 habitants du Territoire du Nord, estimant que des milliers d’autres seraient légitimes pour rejoindre ce combat.

    Indemnisations

    Dans d’autres Etats d’Australie, des mécanismes d’indemnisations ont été mis en place. Mais le gouvernement fédéral, qui administrait le Territoire du Nord au moment où ces enlèvements ont eu lieu, n’a jamais fait de même.

    «Il est responsable d’avoir déchiré des familles aborigènes du Territoire et c’est à lui de faire amende honorable», a dit Tristan Gaven. «On ne peut améliorer l’avenir si on ne reconnaît pas le passé.» C’est le premier recours collectif du genre dans le Territoire du Nord, où vivent 250’000 personnes, dont un tiers d’Aborigènes.

    Heather Alley, 84 ans, avait neuf ans quand elle fut enlevée à sa mère. Elle affirme que ce traumatisme l’a poursuivi de nombreuses années. «Ils ont effacé des générations entières, comme si elles n’avaient jamais existé», dit-elle. «Je participe à ce recours car je crois que notre histoire doit être racontée.»

    En 1997, un rapport intitulé «Ramenez les à la maison» et résultant d’une enquête nationale, avait reconnu que les droits de ces enfants avaient été violés et préconisait une série de mesures de soutien. Une des propositions clé de ce rapport – que l’Australie présente des excuses nationales – fut réalisée en 2008.

    Racisme institutionnel

    Mais un quart de siècle plus tard, les victimes dénoncent le racisme institutionnel toujours d’actualité et l’échec des autorités à affronter les problèmes de santé mentale des personnes touchées, même si des financements ont bien été attribués à ses programmes de conseils et au soutien des familles. Il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre de personnes concernées. Le rapport de 1997 estimait qu’au minimum un Aborigène et un indigène du détroit de Torrès sur dix avaient été enlevés à sa famille.

    Les Aborigènes et indigènes du détroit de Torrès vivent en Australie depuis plus de 40 000 ans et forment la population la plus pauvre et la plus marginalisée du pays. Lors de l’arrivée des colons européens en Australie en 1788, les Aborigènes étaient environ un million. Ils ne représentent plus aujourd’hui que 3% des 25 millions d’Australiens.


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  • Brésil : le chef indigène Raoni porte plainte contre Jair Bolsonaro pour crimes contre l’humanité

    Le cacique indigène kayapo Raoni Metuktire a déposé plainte contre le président brésilien devant la Cour pénale internationale le 22 janvier. Il l’accuse de meurtres, d’extermination et de mise en esclavage des autochtones de l’Amazonie.

    Le cacique Raoni l’avait convié à un face-à-face. Une rencontre entre chefs. Mais le président du Brésil n’a jamais répondu. Cette fois, Raoni Metuktire donne rendez-vous à Jair Bolsonaro devant la justice internationale. Le 22 janvier, son avocat, le Français William Bourdon, a adressé une plainte à la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, au nom du chef kayapo et de son homologue, Almir Surui, chef des Paiter-Surui. Elle accuse Jair Bolsonaro et plusieurs de ses ministres de crimes contre l’humanité pour meurtres, d’extermination, de transferts forcés de population, de mise en esclavage et de persécutions commises contre les autochtones de l’Amazonie.

    « Je n’aime pas les conflits, je n’aime pas les problèmes entre chefs », a prévenu, dans un entretien par vidéo réalisé début décembre 2020, à travers un interprète, le chef Raoni. « Je ne veux pas avoir de conflit avec les chefs blancs. Mais le problème est que Bolsonaro attaque trop les indigènes. »

    Le document de 65 pages, auxquelles sont annexées 21 pièces à conviction, est désormais sur le bureau de la procureure Fatou Bensouda, et dénonce la politique de Jair Bolsonaro depuis son arrivée au pouvoir, en janvier 2019. Une politique visant à « piller les richesses de l’Amazonie » en imposant « des conditions de vie insupportables aux autochtones de certaines régions, afin de les forcer à se déplacer de territoires convoités par les agriculteurs », écrit Me Bourdon. Les indigènes ont déjà payé le prix lourd d’une déforestation à marche forcée, souligne la plainte, avec notamment l’assassinat d’au moins sept chefs autochtones.


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  • La Norvège met les éleveurs de rennes au pas

    La décision d’imposer l’abattage d’une partie d’un troupeau de rennes au nord de la Scandinavie contre l’avis de l’ONU révèle une face sombre de la politique environnementale norvégienne.

    En ordonnant cet été l’abattage de la moitié d’un troupeau de rennes dans le Finnmark, les autorités norvégiennes ont provoqué l’indignation d’une partie du pays et des observateurs internationaux. C’est que le différend qui oppose depuis 6 ans le royaume au jeune éleveur Jovsset Ante Sara a pris une tournure autoritaire invraisemblable: avalisée par la justice le 16 août dernier, la décision des autorités est intervenue au mépris d’une recommandation du Comité des droits de l’homme de l’ONU demandant à la Norvège d’attendre ses conclusions avant de prendre des mesures.

    Alors que la page de deux siècles de discrimination raciale systématique à l’égard des peuples autochtones est officiellement tournée, ce passage en force fait ressurgir une attitude coloniale que d’aucuns pensaient révolue. L’argumentaire écologique utilisé par le gouvernement pour justifier la réduction drastique du cheptel ne convainc pas la communauté samie, qui dénonce une grave violation de son droit à l’existence.

    La mort lente d’un savoir-faire essentiel

    Depuis qu’il a refusé de se soumettre à l’ordre de réduire son troupeau de 166 à 75 têtes en 2013, Jovsset Ante Sara incarne l’opposition aux velléités assimilationnistes norvégiennes. Pour le parlement sami et les nombreux soutiens des 10% de la communauté pratiquant encore l’élevage, la réduction du cheptel imposée par le gouvernement signe la faillite annoncée de toute la profession, entraînant la mort progressive d’un savoir-faire essentiel à la transmission de la langue et de la culture. C’est avec ces arguments que Jovsset Ante Sara a poursuivi l’Etat norvégien en justice pour atteinte à son mode de vie, entamant une saga judiciaire qui allait le mener devant le comité onusien chargé de veiller à la protection des particuliers contre les ingérences de l’Etat.

    L’annonce des autorités de vouloir procéder sans tarder à l’euthanasie d’une partie du troupeau du jeune éleveur a intensifié la mobilisation parmi les quelque 85 000 Samis vivant dans les zones les plus septentrionales de la Scandinavie. Pour éviter l’abattage, Jovsset Ante Sara a ainsi pu compter sur l’appui direct d’un confrère, à qui il confiait une partie de son troupeau afin de se conformer à la loi. Si le gouvernement présente ce legs comme une solution réjouissante, les éleveurs y voient un acte de désobéissance civile nécessaire.

    Une lutte non violente

    Déterminante pour les droits des Samis en Norvège, la lutte non violente a obtenu ses premiers succès à la fin des années 1970, quand l’opposition massive à un barrage hydroélectrique à proximité de la ville d’Alta avait abouti à la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans la Constitution norvégienne. Aujourd’hui, c’est la sœur de Jovsset Ante – l’artiste Máret Anne Sara – qui mène les actions les plus retentissantes parmi les activistes samis militant pour le droit à pouvoir vivre de l’élevage. Pour protester contre ce qu’elle ressent comme une colonisation à la fois économique et culturelle, elle a empilé 200 têtes de rennes ensanglantées sur le parvis d’un tribunal où le cas de son frère était jugé.

    L’esthétique macabre de sa Pile o’Sápmi était là pour faire directement écho aux Piles o’Bones, ces amas de têtes de bisons entassées par les chasseurs occidentaux dans les plaines nord-américaines. Pour Máret Anne Sara, il s’agit de montrer que la réduction forcée du cheptel norvégien ressort de la même logique que celle qui guidait les colons européens quand ceux-ci s’attaquaient aux bisons pour mieux conquérir le territoire des Amérindiens.

    Des expertises aux accents alarmistes

    Face à la contestation samie, le gouvernement conservateur d’Erna Solberg se défend de toute réminiscence coloniale, insistant sur la nécessité de mettre en place une «renniculture durable» avec un nombre réduit de bêtes. Pour les autorités, la régulation est nécessaire afin d’éviter une explosion du cheptel, qui aurait des conséquences négatives importantes sur l’environnement et le développement économique. Si elle met l’emphase sur l’aspect écologique, la position norvégienne renvoie à la façon dont les Etats – notamment en Afrique – ont historiquement considéré les systèmes pastoraux comme économiquement inintéressants, désorganisés et néfastes pour l’environnement.

    Une étude de 2015 montre que ce discours fait mouche en Norvège et contribue à créer une image négative des éleveurs dans l’opinion publique. Ceux-ci sont dépeints comme des irresponsables, incapables de gérer leurs troupeaux de manière rationnelle, car animés uniquement par l’idée de faire du profit. S’appuyant sur cet imaginaire collectif, les autorités justifient leur action en mobilisant des expertises aux accents alarmistes qui dénoncent le surpâturage, la diminution de qualité du lichen ou encore la baisse du poids moyen des jeunes faons.

    Une politique arrogante

    Mais pour les syndicats d’éleveurs du Finnmark comme pour de nombreux spécialistes de la question, ces arguments ne sont pas fondés. Géographe ayant longtemps étudié le pastoralisme sami, Tor A. Benjaminsen a largement souligné les insuffisances des rapports gouvernementaux, accusant l’État norvégien de mener une politique arrogante, basée sur des conclusions scientifiques très discutables. Il a démontré que les expertises mobilisées par les autorités s’appuient sur des données satellitaires imprécises, elles ne prennent pas en compte le réchauffement climatique et se basent sur un nombre trop limité de troupeaux.

    Benjaminsen dénonce l’acceptation sans réserve des conclusions gouvernementales par les différentes juridictions s’étant penchées sur le cas de Jovsset Ante Sara, ignorant d’autres études récentes qui viennent les mettre à mal. Selon les recherches auxquelles il a dernièrement participé, l’impact de la surpopulation des rennes sur la toundra n’est pas suffisamment établi.

    Un siècle de politiques oppressives

    Quarante ans après la controverse d’Alta, il est communément admis dans le débat public en Norvège que les injustices liées à un siècle de politiques oppressives de norvégianisation des Samis ont été corrigées, et que ceux-ci jouissent de droits étendus sur leurs terres. L’ardeur avec laquelle les autorités veulent en finir une bonne fois pour toutes avec le cas de Jovsset Ante Sara en faisant fi des voix discordantes démontre le contraire.

    Si l’on pouvait croire au début de l’affaire aux bonnes intentions écologiques avancées par les autorités, la duplicité de son discours environnemental à l’égard des Samis se voit aujourd’hui comme le nez rouge au milieu de la figure de Rudolphe. Pour la présidente du parlement sami, l’autorisation récemment accordée pour l’exploitation de la mine de cuivre de Nussir – dont les résidus seront déversés dans le fjord voisin – vient illustrer la façon dont les autorités incriminent les Samis sur des critères environnementaux, tout en avalisant des projets polluants qui empiètent sur les zones de pâturage.

    Un dialogue d’égal à égal

    En mettant en lumière la façon dont l’écologie est utilisée comme argument pour légitimer le contrôle étatique sur le mode de vie traditionnel des Samis, l’affaire Jovsset Ante Sara apparaît comme une manifestation de ce que l’anthropologue Hugh Beach appelle l’éco-colonialisme. D’une part, la manière dont le royaume sacrifie son engagement en faveur des peuples autochtones sur l’autel de la prérogative de puissance publique est préoccupante pour les droits de l’homme en Scandinavie. D’autre part, la façon dont l’Etat justifie une décision autoritaire avec des arguments contestés contribue à délégitimer le discours scientifique à propos de l’environnement, à l’heure où son importance est primordiale pour la transition écologique.

    Fin septembre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et de l’environnement appelait la Norvège à redoubler ses efforts en vue d’instaurer un dialogue d’égal à égal avec les Samis, regrettant la lenteur des progrès réalisés depuis des recommandations similaires transmises en 2011 et en 2016. La réussite des politiques environnementales, qui touchent souvent directement aux dynamiques territoriales, repose grandement sur l’implication des communautés locales.

    Ne pas tenir compte des intérêts de celles-ci exacerbe les tensions au sujet de l’utilisation des terres, mettant à mal l’efficacité des mesures mises en place. Les leçons à tirer de l’affaire Jovsset Ante Sara semblent aussi évidentes à énoncer que délicates à concrétiser: il faut véritablement intégrer les peuples autochtones dans les décisions qui touchent à leur environnement, car ils sont les premiers concernés par sa dégradation et sa préservation.

     


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  • Au Cambodge, une ethnie lutte pour ses terres

    Au Cambodge, des paysans bunongs accusent la société Bolloré d’appropriation de leurs ressources. Cette minorité indigène, en proie à des conflits fonciers, s’inquiète pour la survie de ses traditions.

    Le paysage du Mondol Kiri, région la plus vaste et la moins peuplée de l’est du Cambodge, s’est transformé. Sur de vastes portions, la forêt, jadis verte et dense, a cédé la place à de rectilignes cultures d’hévéas. Dans la commune de Busra, ce bouleversement a pris le nom de Varanasi, Sethikula et Coviphama, trois concessions de la société cambodgienne Socfin-KCD, aujourd’hui détenue à 100 % par la société Socfinasia appartenant au groupe Socfin-Bolloré.

    Désormais à la tête de 7 000 hectares, la Socfin-KCD a démarré la production de caoutchouc en 2015, et une usine de transformation a été construite en 2017. Ces activités ont eu des retombées sur sept villages, soit 850 familles, selon une étude du Centre cambodgien des droits humains (CCHR) de 2018.

    Retour en arrière : en 2008, le gouvernement accorde une première concession foncière économique (ELC) de soixante-dix ans à Socfin-KCD dans des conditions décriées par la population locale, en grande partie issue de la minorité bunong. « Il n’y a pas eu d’étude d’impact environnemental et social, les villageois n’ont pas été consultés, on leur a demandé de quitter les terres qu’ils habitaient depuis des générations, du jour au lendemain », explique Ngath Samin, chargé de ce dossier à l’ONG de défense des indigènes Ciya.

    Lors du défrichement des terrains, la confrontation vire à l’affrontement : des villageois armés de bâtons incendient des tracteurs. Une quinzaine d’entre eux sont arrêtés. Ils dénoncent la destruction de leur cimetière communautaire et le grignotage de leur forêt sacrée. Certains se voient offrir une contrepartie de 200 dollars par hectare de terre exploitée, d’autres repartent les mains vides, d’autres encore affirment avoir été forcés de signer des documents qu’ils ne comprenaient pas.

    « Nous avons sollicité les autorités locales, mais nos questions sont restées sans réponse. Nous n’avons plus confiance en eux, nous avons perdu espoir en la justice cambodgienne. Nous nous sommes tournés vers la France en espérant obtenir justice là-bas », retrace Krong Tola, un chef de la communauté faisant partie des plaignants.

    Aujourd’hui, plusieurs villageois bunongs se sont joints à l’action internationale Ils réclament un dédommagement financier de 30 000 à 50 000 € par personne et exigent la restitution de leurs terres. La compagnie affirme qu’elle respecte les normes internationales et la loi cambodgienne et qu’elle développe le tissu économique de la région. Mais sur place, des voix s’indignent que la population locale n’en soit pas la première bénéficiaire et que la majorité des travailleurs viennent d’autres provinces.

    Un peuple autonome et animiste

    Les Bunongs, localement connus sous le terme de « Phnongs », sont originaires des hauts plateaux ; ils seraient 50 000 personnes, ce qui en fait la plus importante communauté parmi les peuples autochtones, qui représentent 400 000 habitants, soit 2 à 3 % de la population cambodgienne. Il existe une vingtaine de communautés différentes, mais le gouvernement ne reconnaît que les Chams (musulmans), et les Khmers Loeu (« Khmers du haut »), un terme popularisé par le roi Norodom Sihanouk dans les années 1950, alors qu’il entreprenait une vague de « khmérisation ». Aujourd’hui encore, le pouvoir central rejette la désignation internationale de « peuples autochtones », lui préférant celle de « minorités ethniques » pour désigner ces peuples des lisières dont le mode de vie est considéré comme un frein à la modernisation du pays.

    Car le mode de vie des Bunongs est antérieur au concept d’État ; ils ne connaissent pas la propriété privée, évoluent dans une culture orale. Autonomes, ils pratiquent une agriculture itinérante, complétée par la chasse, la pêche et la riziculture. Animistes, leur système de croyances repose sur une relation d’interdépendance avec les éléments de la nature, dont ils se considèrent comme les garants. Si ces puissances ne sont pas respectées, ils redoutent de subir les foudres d’esprits vengeurs.

    À la fois chapelle, grenier et pharmacie, la forêt constitue leur moyen de subsistance, leur raison d’être. « Depuis que nous avons été déplacés, les nouveaux terrains où planter le riz sont caillouteux, plus difficiles à irriguer car les canaux qui nous permettaient d’accéder à un lac ont été asséchés. Nous avons perdu la paix car nous ne sommes plus libres, avant il n’y avait pas de frontières », détaille un ancien, Srom Kron, qui déplore la perte de ces valeurs au sein de la nouvelle génération.

    Les premières victimes des conflits fonciers

    Durant le régime des Khmers rouges – qui de 1975 à 1979 fit près de deux millions de victimes – l’ensemble des titres de propriété ont été détruits.

    Dans les années 1980, les populations déplacées se sont réins­tal­lées hors cadre légal, et de nombreux conflits fonciers ont éclaté, devenant l’épine dans le pied du premier ministre Hun Sen. En 2001, celui-ci a fait voter une loi foncière accordant le droit à un titre de propriété au bout de cinq ans d’occupation des sols. Mais en apporter la preuve peut s’avérer une tâche compliquée, compte tenu des exigences de la bureaucratie et du niveau de corruption.

    Depuis 2003, le gouvernement cambodgien a accordé plus de 2,2 millions d’hectares à des investisseurs étrangers et à des élites locales, et les conflits fonciers ont affecté la vie de 500 000 Cambodgiens, selon l’ONG de défense des droits humains Licadho. Les minorités sont particulièrement vulnérables : 80 % des terres louées se situent dans les limites d’une forêt protégée, selon un rapport de l’ONG internationale Forest Trends datant de 2015. Les grands projets miniers, agroalimentaires, hydroélectriques ont souvent pour corollaire la déforestation. Une des plus rapides du monde au Cambodge, selon de nombreux observateurs.

    « Nous, les peuples indigènes, vivons dans des environnements riches en ressources naturelles, cela gêne le développement capitaliste. Nous sommes peu nombreux et peu représentés politiquement : nous sommes donc systématiquement discriminés », rapporte Lorang, un jeune militant bunong. Plusieurs communautés en proie aux conflits fonciers ont entrepris des demandes de titres de propriété communautaires, lorsque ce n’était pas trop tard… Selon une étude de l’Organisation des peuples autochtones du Cambodge (Cipo), cinq communautés indigènes sont susceptibles de « disparaître ».

    Qu’est-ce qu’un peuple autochtone ?

    Un peuple autochtone peut prouver une présence ancestrale sur un territoire identifié ou non. Il partage une langue, une organisation sociale, un mode de gestion du territoire, des savoir- faire, une expression culturelle spécifiques et anciens qu’il entend préserver et transmettre aux générations suivantes.

    Cette définition, établie par ces peuples lors de longues réunions de travail à l’ONU, recouvre des réalités sociales et économiques très différentes d’un peuple à l’autre. Ils ont des histoires coloniales et des héritages différents. Certains vivent dans des forêts, d’autres, dans des déserts, sur l’eau, dans des montagnes…

    Ces peuples, appelés également « peuples premiers » ou aborigènes, comptent de 370 à 400 millions de personnes sur la Terre, réparties dans 70 pays et plus de 5 000 cultures différentes.

    Ils représentent environ 5 % de la population mondiale, mais 15 % des plus pauvres, avec les plus mauvais indicateurs du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) pour ce qui est de l’accès aux soins, à l’éducation ou encore à la justice.


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