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    Tous les 16 mars, d’anciens membres de la Légion SS, créée en 1943 par les occupants nazis, traversent le centre de Riga. Les autorités lettonnes redoutent des provocations.

    « Ils ne voulaient pas se battre pour l’Allemagne nazie, ils ont combattu pour que notre pays soit libéré des Soviétiques. » Formulée par une retraitée lors de la marche annuelle d’anciens membres de la Légion SS lettonne, tous les 16 mars, la plaidoirie résume bien une opinion assez répandue dans cette république balte de deux millions de personnes.

    Le point de vue est loin d’être compris par d’autres habitants et, a fortiori, hors d’un pays dont l’histoire est souvent méconnue. Vu de l’étranger, la procession de ces « héros », une vingtaine de nonagénaires en uniformes et leurs sympathisants, a de quoi surprendre voire choquer. Elle offre aussi l’occasion aux autorités russes de dénoncer « la montée du fascisme » dans les pays Baltes.

    Le 16 mars est donc une journée tendue, qui mobilise des centaines de policiers en tenue antiémeute dans la capitale lettonne. En général, elle a lieu sans incident. Mais en cette année de tensions avec la Russie voisine, les autorités, qui n’interdisent pas la marche, ont indiqué craindre « des provocations visant à discréditer » le pays.

    Enrôlés contre leur gré

    En janvier 1943, Adolf Hitler donna l’ordre de créer une légion lettonne, sous commandement allemand. Sur le point d’être défait à Stalingrad, il manquait d’hommes. « La plupart de ces Lettons n’étaient pas des volontaires : soit ils rejoignaient la SS, malgré sa terrible réputation, soit ils étaient envoyés en camp de travail en Allemagne », rappelle l’historien letton Karlis Kangeris, qui fait autorité sur cette période.

    Pour bon nombre de ces Lettons, « c’était aussi un moyen de lutter contre les bolcheviks qui avaient déporté plusieurs dizaines de milliers des leurs », lors de l’occupation soviétique entre juin 1940 et juin 1941. « Ce qui est sûr, ajoute l’historien, c’est que cette légion n’a pas participé à l’Holocauste. »

    Au moment de sa création, l’extermination de la grande majorité des Juifs de Lettonie avait déjà eu lieu. En revanche, une partie du millier de supplétifs locaux qui avaient assisté les nazis dans cette entreprise ont été intégrés à la Légion.

    Un événement très politisé

    Au départ, ce sont des vétérans en exil qui ont décidé, en 1952, de rendre hommage à ceux des leurs morts au combat : près de 30 000 hommes, soit un quart des effectifs de la Légion.

    Après la fin de l’occupation soviétique de la Lettonie, en 1991, l’hommage du 16 mars fut perpétué à Riga. « Le Parlement a commis l’erreur, en 1998, d’en faire une journée officielle de commémoration. Cela ne dura que deux ans mais depuis, l’événement est politisé », constate Karlis Kangeris.

     


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  • Vont-ils enfin payer, 70 ans après?

    Sur la photo: Un commando des Einsatzgruppen exécute des Juifs ukrainiens dans les environs d’Ivangorod en 1942.

    La police traque 80 membres des Einsatzgruppen, les sinistres escadrons de la mort nazis, qui seraient encore en vie.

    Des membres des Einsatzgruppen, les tristement célèbres escadrons de la mort d’Adolf Hitler, couleraient une retraite tranquille en Allemagne, selon le centre Simon Wiesenthal. Cette organisation qui traque les anciens criminels nazis a transmis mercredi à la justice allemande une liste de 80 noms de personnes qui auraient fait partie de ces commandos d’assassins, dans l’espoir que la police les localise afin qu’ils soient jugés. Nés entre 1920 et 1924, les 76 hommes et quatre femmes supposés encore en vie ont échappé pendant sept décennies à toute poursuite.

    Les Einsatzgruppen sont responsables de la mort d’un million de Juifs et de dizaines de milliers de Roms, de bolcheviks et de handicapés mentaux en Europe de l’Est durant la Seconde Guerre mondiale. Partagés en quatre bataillons d’un millier d’hommes chacun, ces escadrons de la mort ont été mis sur pied dès 1939 à l’occasion du début de l’offensive allemande à l’est. Leur première tâche était simple: Hitler voulait qu’ils débarrassent le IIIe Reich de tous les Juifs en âge de combattre dans les pays conquis.

    En 1941 ou 1942, les Einsatzgruppen qui ont suivi l’armée allemande jusqu’au cœur du territoire soviétique ont reçu l’ordre d’appliquer la «solution finale», soit l’extermination systématique de tous les Juifs. Les commandos se sont donc mis à éliminer non seulement les hommes mais aussi les femmes et les enfants israélites. S’appuyant en général sur des milliers de collaborateurs locaux, les Einsatzgruppen se sont rendus dans les communautés juives des pays baltes, de Biélorussie ou d’Ukraine pour y perpétrer des massacres. Rien n’est épargné aux victimes. Avant d’être tuées, elles ont enduré viols et tortures.

    Ils creusaient leur propre tombe

    Les témoignages recueillis par le Musée de l’Holocauste de Washington attestent que les Juifs ont dû souvent creuser leur propre tombe. Après avoir remis leurs objets de valeur et s’être déshabillés, ils étaient abattus dans la tranchée, soit debout soit couchés sur le ventre. Certains étaient même enterrés vivants. Les autorités nazies ont par ailleurs mis au point des chambres à gaz mobiles afin d’épargner aux soldats le stress émotionnel provoqué par l’obligation de tuer leurs victimes par balles. Il s’agissait de camions dont l’habitacle pouvait être relié au pot d’échappement et c’est ce gaz qui servait à l’élimination des «ennemis de race», comme on appelait les Juifs et les Roms en Allemagne à cette époque. «Il faut juger ces bourreaux, ils ne méritent pas de pitié malgré leur grand âge. Eux-mêmes n’en avaient ressenti aucune pour leurs victimes», a déclaré hier Efraim Zuroff, directeur du centre Simon Wiesenthal au Jerusalem Post.


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    Il avait été condamné il y a moins d'un an pour avoir pris part au meurtre de près de 28 000 personnes, mais laissé en liberté. John Demjanjuk, 91 ans, ancien gardien de camp nazi en 1943, est mort ce samedi dans une maison de retraite de Bad Feilnbach, en Bavière. Les causes de son décès ne sont pas connues, mais le Parquet va maintenant mener une enquête de routine, selon la radio publique bavaroise.

    Demjanjuk a toujours nié en bloc

    Né en avril 1920 en Ukraine, John Demjanjuk vivait aux Etats-Unis depuis les années 50 avant d'être expulsé en 2009. Au terme d'un procès marathon de 18 mois entamé en novembre 2009 à Munich, la justice avait estimé qu'il avait bien été garde au camp de Sobibor (Pologne), six mois en 1943 pendant lesquels près de 27900 juifs, essentiellement néerlandais, avaient été exterminés.

    Demjanjuk, qui s'était présenté sur une civière au premier jour de son procès, niait les faits en bloc et affirmait avoir été capturé en 1942 alors qu'il servait dans l'Armée Rouge. Selon lui, il avait passé le restant de la guerre dans des camps de prisonniers avant d'émigrer aux Etats-Unis où il a travaillé dans des chaînes de montage d'automobiles à Cleveland (Ohio, nord) et élevé trois enfants.

    Remis en liberté malgré sa condamnation par un tribunal de Munich (sud), il séjournait depuis dans une maison de retraite. La justice allemande avait estimé qu'il ne représentait plus aucun danger et ne risquait plus de se soustraire à la justice, en raison de son âge et de son statut d'apatride qui l'empêchait de quitter l'Allemagne.

    L'un des «plus grands criminels nazis»

    Demjanjuk figurait en première place sur la liste des criminels nazis établie par le Centre Wiesenthal, une organisation internationale juive qui «combat l'antisémitisme, le négationnisme, l'extrémisme et les activités néo-nazies». Il avait échappé à la peine capitale en Israël en 1988, à l'issue d'un procès pour des faits comparables. Il était alors accusé d'avoir été «Ivan le Terrible», un garde ukrainien du camp de Treblinka (est de la Pologne) connu pour sa cruauté. Il fut libéré cinq ans plus tard lorsqu'il apparut qu'il n'était pas «Ivan le terrible».

    En 2009, un rescapé du camp de Sobibor, Thomas Blatt, avait déclaré dans un entretien avec le magazine Spiegel : «Cela m'est égal qu'il aille en prison ou pas. Ce procès est important pour moi. Je veux la vérité. Le monde doit savoir comment c'était à Sobibor». Selon diverses estimations d'historiens, entre 150 000 et 250 000 personnes ont été exterminées au camp de Sobibor.


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