• L’élection présidentielle autrichienne invalidée

    La Cour constitutionnelle a annulé vendredi la victoire d’Alexander Van der Bellen le 22 mai, en raison d’irrégularités.

    Un véritable coup de tonnerre! Jamais un candidat malheureux à une élection présidentielle autrichienne n’avait réclamé l’annulation auprès de la Cour constitutionnelle, comme l’a fait l’extrémiste Norbert Hofer (FPÖ). Et jamais, a fortiori, il n’avait obtenu gain de cause! C’est pourtant ce qui s’est produit hier. Gerhart Holzinger, président de la Cour constitutionnelle, a annoncé que l’élection était invalidée, en raison d’irrégularités. Les erreurs concernent 77 926 votes, soit bien plus que les 30 000 voix d’avance qu’avait obtenues Alexander Van der Bellen, à l’issue d’un coude-à-coude inédit avec Norbert Hofer.

    De la «négligence»

    Cette décision n’est pourtant pas une véritable surprise. Theo Öhlinger, professeur de droit public à l’Université de Vienne, rappelle que deux des points soulevés dans le document de 150 pages transmis à la Cour constitutionnelle par le FPÖ étaient «très sérieux». Certains bulletins de vote par correspondance ont été dépouillés par des personnes non habilitées et avant l’heure légale, et des résultats partiels ont été publiés sur Internet avant la fermeture de tous les bureaux de vote. Norbert Hofer jugeait lui-même «exorbitantes» ses chances de voir son recours accepté, tant les irrégularités étaient «épouvantables». Hier, il s’est déclaré «satisfait».

    Malgré tout, l’annonce des résultats a suscité des réactions diverses. Stefan Petzner, ex-député et successeur du sulfureux Jörg Haider à la tête du parti d’extrême droite BZÖ, a tweeté: «Comme tous les Autrichiens, j’ai honte qu’on ne soit même pas capables d’organiser une élection correctement!» Le parti libéral NEOS a demandé «une réforme de la loi électorale». D’autres, comme le cardinal Christoph Schönborn, y voient, au contraire, «un signe fort de la vigueur de notre démocratie». Pour Johannes Pollak, chef du département de sciences politiques à l’Institut d’études avancées à Vienne, «cela prouve que nos institutions fonctionnent. Pour moi, cette décision n’est pas un désastre, mais une procédure normale dans un pays démocratique.» Guido Tiemann, professeur de politique européenne à l’Université de Vienne, tient d’ailleurs à préciser qu’«il n’y a eu aucune manipulation des votes, simplement de la négligence, comme il y en a certainement déjà eu lors d’autres élections».

    Hofer président par intérim

    Que va-t-il se passer à présent? Alexander Van der Bellen ne sera pas investi vendredi prochain. Un nouveau deuxième tour aura lieu, sans doute à la fin de septembre. En attendant, l’intérim est assuré par la présidente et les deux vice-présidents du Conseil national. Ironie suprême, Norbert Hofer est l’un d’eux! Quant à savoir qui l’emportera pour de bon, le mystère demeure. «Van der Bellen gagnera une deuxième fois», veut croire son directeur de campagne.

    L’analyste Johannes Pollak pense lui aussi que l’écologiste conserve toutes ses chances. «Mais cela dépend de nombreuses variables, notamment de l’arrivée éventuelle de nouvelles vagues de migrants ou de l’avenir du Royaume-Uni après le Brexit.» De fait, Norbert Hofer milite pour un référendum sur la sortie de l’Autriche de l’Union européenne. Dans trois mois, les électeurs autrichiens devront à nouveau choisir leur président, mais avec de nouvelles cartes en main.


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    Le tribunal spécial africain a rendu son verdict, à Dakar. L'ex-président tchadien est coupable de crimes contre l'humanité.

    Le tribunal a reconnu Hissène Habré, 73 ans, coupable de crimes contre l'humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement.

    Après le verdict, l'accusé, resté jusque là impassible, en boubou et turban blancs, le regard dissimulé derrière des lunettes noires comme depuis le premier jour du procès, a salué ses partisans, levant les bras en l'air et criant : «A bas la Françafrique!».

    Procès inédit

    Ce procès est le premier au monde dans lequel un ancien chef d'Etat est traduit devant une juridiction d'un autre pays pour violations présumées des droits de l'Homme. Une commission d'enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous le régime d'Hissène Habré à quelque 40'000 morts, dont dont 4000 identifiées nommément.

    Ce procès vise également à répondre aux griefs croissants contre la Cour pénale internationale (CPI), siégeant à La Haye, accusée de ne poursuivre que des dirigeants africains, en montrant que le continent peut les juger lui-même.

    «C'est le couronnement d'une âpre et longue lutte contre l'impunité. Aujourd'hui, l'Afrique a gagné», a réagi à la sortie de l'audience le président de l'Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH), Clément Abaïfouta. «Nous disons merci au Sénégal et à l'Afrique qui a jugé l'Afrique».

    «Je suis très ému, c'est une satisfaction totale, il faut que ça serve de leçon pour tous les autres dictateurs», a commenté de son côté Souleymane Guengueng, président d'une autre association de victimes.

    «L'époque où les tyrans pouvaient brutaliser leur peuple, piller les richesses de leur pays puis s'enfuir à l'étranger pour profiter d'une vie de luxe touche à sa fin», a estimé Reed Brody, cheville ouvrière de cette procédure au sein de l'organisation Human Rights Watch (HRW).

    Homologuer le réquisitoire

    Un des avocats commis d'office pour la défense, Me Abdou Gningue, a en revanche fait part à l'AFP de sa «surprise». «Nous avons l'impression que la Chambre n'a fait qu'homologuer le réquisitoire» du procureur spécial, qui avait requis la perpétuité, a déclaré cet avocat.

    «Hissène Habré a joué un rôle central de chef d'orchestre dans la répression», selon le verdict, qui lui reproche d'avoir créé «un système où l'impunité et la terreur (faisaient) la loi». «Hissène Habré, la Chambre vous condamne à la peine d'emprisonnement à perpétuité», a déclaré le président Kam, l'informant qu'il disposait de quinze jours pour faire appel de cette décision.

    Sur un des points les plus sensibles du procès, le tribunal s'est dit convaincu par le témoignage de Khadija Hassan Zidane, qui avait affirmé pendant le procès avoir été violée par Hissène Habré, M. Kam faisant état de «rapports sexuels non consentis à trois reprises et un rapport buccal non consenti».

    Les conseils choisis par Hissène Habré n'étaient pas présents, conformément à sa stratégie depuis l'ouverture du procès, qui a conduit les CAE à commettre d'office trois avocats pour assurer sa défense.

    Mais l'un d'entre eux, Me Ibrahima Diawara, affirmait la semaine dernière que «cette affaire n'est pas judiciaire mais politique. Il n'y a qu'une seule issue, que Hissène Habré soit condamné».

    Réfugié au Sénégal

    Hissène Habré a dirigé le Tchad pendant huit ans (1982-1990) avant d'être renversé par un de ses anciens collaborateurs, l'actuel président Idriss Deby Itno, et de se réfugier au Sénégal en décembre 1990.

    Arrêté le 30 juin 2013, il était jugé depuis le 20 juillet 2015 par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA), qu'il récuse et devant lesquelles il refuse de s'exprimer ou de se défendre.

    Au Tchad, des victimes présumées du régime Habré pouvaient suivre le verdict en direct sur la télévision et la radio.

    A l'annonce du verdict, les cris de joie et de youyou des femmes ont envahi la cour. Des victimes et leurs proches sont tombés dans les bras les uns des autres et ont crié notamment: «Victoire, on a gagné!». Ils ont ensuite envahi la rue pour manifester leur joie, bloquant le passage aux véhicules.

    Hissène Habré encourait jusqu'aux travaux forcés à perpétuité. En cas de condamnation définitive, il purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l'UA.

    Une autre phase s'ouvrira ensuite, durant laquelle seront examinées d'éventuelles demandes de réparation au civil.


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  • Henry Saragih, président du Syndicat paysan indonésien et ancien coordinateur de Via Campesina,se bat pour le droits de paysans.

    Une déclaration sur les droits des paysans doit être rédigée par l’ONU. Interview d’un leader indonésien de passage à Genève.

    Partant du constat que 80% des personnes qui souffrent de la faim dans le monde vivent dans les zones rurales, des organisations de la société civile et des représentants des agriculteurs participent activement à l’élaboration d’une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans. C’est notamment le cas de Via Campesina, un mouvement qui représente 200 millions de cultivateurs et d’éleveurs de 73 pays.

    Interview de Henry Saragih, président du Syndicat paysan indonésien et ancien coordinateur de Via Campesina, actuellement à Genève pour défendre cette cause devant le Conseil des droits de l’homme.

    Que réclame Via Campesina?

    Nous demandons depuis des années l’élaboration d’une Déclaration des Nations Unies qui protège les paysans, afin d’améliorer les conditions de vie dans les zones rurales du monde entier. Avec nos partenaires, comme le CETIM et FIAN, nous nous battons pour faire entendre la voix des paysans au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, où est discuté le contenu du texte.

    A quels problèmes sont confrontés les paysans Indonésiens?

    En Indonésie, comme dans de nombreux pays du monde, les paysans voient leurs droits violés par les compagnies transnationales, qui profitent du manque de réglementation. Nous nous faisons voler nos terres; ou ne pouvons pas les cultiver comme nous le désirons. Les paysans dépendent en effet des grandes entreprises internationales pour obtenir des semences, des fertilisants ou pour commercialiser leur production.

    De plus, en Indonésie, l’agrobusiness est entièrement tourné vers l’exportation, et absolument pas pour garantir la souveraineté alimentaire. De gigantesques surfaces sont ainsi destinées à la production d’huile de palme, de pâte à papier ou de bois commercial, et non pas à nourrir la population. Le pays doit ensuite importer des produits alimentaires de base comme du maïs, du sucre, de la viande ou du lait. Ce schéma absurde permet aux grandes compagnies de monopoliser les bénéfices, sur le dos des paysans.

    L’Indonésie est également frappée par une «épidémie» d’incendies. Sont-ils d’origine criminelle?

    En effet, et c’est un problème gravissime. Cela a commencé il y a une trentaine d’années déjà et le phénomène est devenu massif il y a vingt ans. Des compagnies, notamment celles qui produisent de l’huile de palme et de la pâte à papier, mettent volontairement le feu à la forêt pour défricher et installer de nouvelles plantations. C’est beaucoup plus rapide, plus efficace et moins cher pour eux. Mais les conséquences sont catastrophiques pour les populations locales, pour la faune, pour la biodiversité et pour le climat. La forêt indonésienne fait en effet partie des trois plus importants poumons de la planète.

    Le président Joko Widodo veut mettre fin à l’octroi de nouveaux terrains pour les plantations d’huile de palme. Est-ce une bonne solution?

    Ce moratoire est une bonne mesure temporaire. Mais on doit aller plus loin. Il faut réformer en profondeur le modèle agricole. Redistribuer la propriété des terres et redéfinir le type de plantations. Pour décourager les grandes compagnies de continuer à mettre le feu à la forêt, nous demandons aussi que les terres brûlées soient données à des paysans locaux ou soient dédiées à recréer de la forêt.


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  • Vingt millions d’«esclaves modernes» dans le monde

    Le dernier rapport annuel du Département d’État des États-Unis pointe le relâchement de certains pays et fait débat.

    «L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais il ne devrait jamais être capable d'acheter un être humain». Le message est clair. Il est signé John Kerry dans l’introduction du rapport annuel du Département d’État américain. Le Secrétaire d’Etat exhorte également le monde à mener un «combat contre l’esclavage moderne». Selon le rapport réalisé par Washington, vingt millions d’êtres humains sont victimes de ce trafic, qui génère chaque année 144 milliards de francs suisses dont 95 milliards pour le seul bénéfice des parrains de l’industrie du sexe.

    Un site propose de faire un test pour savoir combien d'esclaves travaillent pour nous: Slavery Footprint

    La Biélorussie et la Thaïlande en bas de classement

    Le rapport classe les pays sur une échelle à quatre échelons. Si la plupart des pays du Nord sont bien classés, ce n’est pas le cas de la Biélorussie. Ce pays dégringole au classement depuis 2008, dans une chute sans précédent. «De nombreuses femmes biélorusses sont exploitées par des filières d'exploitation sexuelle» peut-on lire dans le document. Mais ce rapport ne se contente pas de traiter le thème de l’exploitation sexuelle. Un décret présidentiel datant du 1er janvier 2015 permet aujourd’hui aux autorités biélorusses de contraindre des individus considérés comme «parasites» à un travail non rémunéré. «Des Biélorusses accusés d’alcoolisme ou dépendant de drogues sont internés dans des centres médicaux sociaux où ils sont sujets à des travaux forcés».

    La Thaïlande fait aussi partie des pays les moins bien classés. Bonne élève en 2008, elle vient d’être reléguée pour la seconde année consécutive au plus bas de l’échelle. L’industrie du sexe y est évidemment une problématique majeure. Une enquête datant d’août 2014 du journal anglais The Guardian a également révélé un vaste trafic d’enfants travailleurs dans les élevages de crevettes.

    L’objectivité du document fait pourtant débat. L’ONG «Alliance to End Slavery» (l’Alliance pour en terminer avec l’esclavage) accuse les Etas-Unis d’ajuster leur évaluation à leur relation avec d’autres pays. Exemple: la Malaisie a quitté cette année le bas du classement. Pourtant, en mai dernier, 139 corps de migrants ont été trouvés dans la jungle entre la Thaïlande et la Malaisie. Sa participation dans les négociations de l’Accord de Partenariat Transpacifique explique peut-être cette nouvelle évaluation.

    Pour sa part, Cuba, avec qui les Etats-Unis ont récemment rétabli leur relation diplomatique, quitte le dernier échelon pour la première fois depuis douze ans.


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  • Holocauste: l’ambivalence des Allemands

     

    La fondation Bertelsmann a publié, lundi 26 janvier 2014, une enquête sur le rapport des Allemands et des Israéliens au passé (l’Holocauste) et au présent (« L’Allemagne et Israël aujourd’hui: un passé qui unit, un présent qui sépare »).

    Trois points à retenir:

    1. l’ambivalence des Allemands par rapport au passé nazi

    37% des Allemands considèrent «tout à fait exacte» l’affirmation «Nous devrions plutôt nous occuper des problèmes actuels que des crimes contre les Juifs, qui ont été commis il y a plus de 60 ans», contre 27% des Israéliens de confession juive.

    55% des Allemands se prononcent en faveur de l’affirmation selon laquelle il faudrait «enfin tirer un trait sur le passé» contre seulement 22% des juifs israéliens.

    42% des Allemands estiment que l’affirmation «Aujourd’hui, près de 70 ans après la fin de la guerre, nous ne devrions plus autant parler de la persécution des juifs, mais enfin tirer un trait sur le passé» est «fausse», soit plus du double qu’en 1991, où ils n’étaient que 20% à le penser.

    2. les Israéliens ont une image positive de l’Allemagne. Les Allemands ont une image plutôt négative d’Israël

    68% des Juifs israéliens interrogés affirment avoir une image positive de l’Allemagne alors que 48 % des Allemands ont une image négative d’Israël. 

    3. l’existence d’un certain antisémitisme en Allemagne

    35 % des Allemands comparent la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens avec le nazisme contre 30 % en 2007.

    23 % des Allemands pensent que les Juifs ont trop d’influence dans le monde contre 36 % au début des années 1990


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  • Noël 1914: le tabou des fraternisations

    Pourquoi la mémoire des fraternisations de Noël 1914 a-t-elle été longtemps tabou en France ?

    Le réalisateur français Christian Carion, auteur de Joyeux Noël, revient sur la question pour la BBC. En lisant dYves Buffetaut, Batailles de Flandres et d’Artois (Tallandier, 1992), Christian Carion avait appris que des soldats français ont applaudi un ténor bavarois le soir de Noël, que d’autres ont joué au football avec les Allemands le lendemain, qu’il y a eu des enterrements en commun dans le no man’s land, des messes en latin. Censure

    - En Grande-Bretagne et en Allemagne, les journaux ont relaté ces phénomènes. Des photos furent publiées par la presse britannique. En France, pas une ligne sur le sujet dans les journaux, transformés en outils de propagande au service de l’armée et des autorités.

    - Même chose après la guerre. Aucun ouvrage, ni recherche sur le sujet, aucune recherche… Alors que, dans les archives du 2e bureau à Vincennes, le réalisateur a découvert que l’état-major avait dépêché sur les lieux des fraternisations des officiers de renseignement pour savoir et comprendre ce qui se passait. -Et Christian Carion évoque le témoignage de Louis Barthas, tonnelier dans l’Aude avant la guerre, caporal pendant les quatre années du conflit dont il est sorti vivant. « La même communauté de souffrance rapproche les cœurs, fait fondre les haines, naître la sympathie entre gens indifférents et même adversaires. Ceux qui nient cela n’entendent rien à la psychologie humaine. Français et Allemands se regardèrent, virent qu’ils étaient des hommes tous pareils. »


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  • Dans son message de Noël, le pape pleure « les larmes du monde »

    Larmes coulant dans le monde et larmes de l’Enfant-Jésus… Le pape François les a mêlées dans son message pour la solennité de Noël, qu’il a lu ce 25 décembre depuis la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre. Face à une foule fidèle à ce rendez-vous traditionnel conclu par la bénédiction « Urbi et Orbi » (à la ville et au monde), le pape a évoqué le sort des personnes des diverses régions du monde en proie aux conflits, aux persécutions ou à la maladie, et en particulier les violences faites aux enfants, pour, à chaque fois, invoquer la tendresse de Dieu.

    Une tendresse qui était aussi au cœur de son homélie prononcée la veille, dans la messe de la nuit de Noël. Proximité, réconfort, mansuétude égrènent donc ce bref message destiné, comme maintes interventions du pape François, à vaincre la « globalisation de l’indifférence », selon l’expression retenue du tout premier déplacement de son pontificat, à Lampedusa, auprès des migrants.

    Du Moyen-Orient à l’Ukraine en passant par l’Afrique

    Le pape a rappelé leur situation à propos des « nombreuses personnes dispersées, déplacées et réfugiées, enfants, adultes et personnes âgées ».

    Ce phénomène plus largement d’esclavage moderne est justement celui contre lequel le pape mobilise depuis le début de son pontificat et qui est au cœur de son message pour la paix du 1er janvier prochain.

    Au-delà de tant de vicissitudes transnationales, le pape François a cité directement plusieurs pays et régions du monde, toujours en parlant de ceux qui y vivent. Il a commencé par « nos frères et sœurs d’Irak et de Syrie ». La veille de Noël, il avait même téléphoné à des réfugiés irakiens au Kurdistan pour manifester concrètement cette proximité chaleureuse qu’il veut voir son Église incarner.

    Sans nommer le terrorisme de Daech, il a décrit la « persécution brutale » que subissent dans cette région, outre les chrétiens, « d’autres groupes ethniques et religieux ». Élargissant son propos à l’ensemble du Moyen-Orient, le pape a cité le conflit israélo-palestinien qui frappe « la Terre bénie de (la) naissance » de Jésus.

    Il a consacré aussi une partie de son message à une autre « terre aimée », l’Ukraine, dont la diplomatie vaticane suit l’évolution avec attentive préoccupation.

    Mais c’est surtout les populations des pays d’Afrique qui ont été les plus citées : qu’elles souffrent des violences, comme au Nigeria, en Libye, au Sud Soudan, en Centrafrique et en RDC, ou de l'épidémie d'Ebola, comme au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Des intentions marquées alors qu'un voyage du pape en plusieurs pays d'Afrique serait à l’étude pour l'année prochaine...

    Puis est venu un paragraphe particulièrement intense consacré aux violences faites aux enfants, « tous les enfants aujourd’hui tués et maltraités, ceux qui le sont avant de voir la lumière, privés de l’amour généreux de leurs parents et ensevelis sous l’égoïsme d’une culture qui n’aime pas la vie, ceux qui sont exilés à cause des guerres et des persécutions, abusés et exploités sous nos yeux et notre silence complices, les enfants massacrés sous les bombardements, y compris là où est né le Fils de Dieu. Aujourd’hui encore, leur silence impuissant crie sous l’épée de tant de Hérode. Sur leur sang se tient aujourd’hui l’ombre des Hérode actuels. »

    Appels au dialogue et prière

    Le message de Noël du pape est aussi un appel. Une prière adressée au Christ-Sauveur et au pouvoir apaisant de son cœur mais aussi des demandes – le verbe « demander » revient à plusieurs reprises – aux responsables concernés.

    En particulier aux dirigeants des pays africains cités mais aussi d’Ukraine, d'Israël et de Palestine, avec chaque fois le « dialogue » comme unique voie de solution. Le pape François a fait de la « culture du dialogue », selon son expression habituelle, le trait caractéristique de la diplomatie du Saint-Siège, qui a montré ses vertus, juste avant Noël, entre Cuba et les États-Unis.

    Attaché aussi à ce que le christianisme communique une joie contagieuse, le pape auteur d’Evangelii gaudium (La joie de l’Évangile) n'a pas prononcé un message seulement embué de larmes. Il l'a commencé et conclu en citant le regard comblé du vieux Siméon découvrant l'Enfant-Jésus : « Mes yeux ont vu le salut » (Lc 2,30), citation reprise dans sa carte de vœux de Noël.


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  • Obama reçoit le prince William dans le Bureau ovale

    Une première pour le Duc de Cambridge, deuxième dans l'ordre de succession au trône d'Angleterre: le prince William a été reçu à la Maison-Blanche par le président américain.

    Le président américain Barack Obama a reçu lundi le prince William dans le Bureau ovale, une première pour le Duc de Cambridge, deuxième dans l'ordre de succession au trône d'Angleterre derrière son père le prince Charles.

    Assis côte à côte dans le célèbre bureau, situé dans l'aile ouest (West Wing) de la Maison Blanche, le président américain et le prince William, tout sourire, ne se sont pas exprimés en présence des journalistes. Il s'agit de la première visite de William, 32 ans, dans la capitale fédérale américaine.

    A l'issue de sa rencontre avec le président américain, il devait prononcer un discours à la Banque mondiale sur le commerce illégal d'espèces menacées. La Maison Blanche avait, en annonçant cette rencontre sans précédent, salué le travail du prince «dans ce combat contre ce qui est à la fois une menace en termes de sécurité et un problème environnemental dévastateur».

    Visite officielle

    Le prince William et son épouse Catherine, enceinte de leur deuxième enfant, ont entamé dimanche une visite officielle de trois jours aux Etats-Unis. Leur arrivée a été annoncée dans un tweet par le consulat du Royaume-Uni à New York: «Le duc et la duchesse de Cambridge sont arrivés à New York!».

    Le couple royal doit en particulier se recueillir devant le mémorial du 11-Septembre pour rendre hommage aux victimes des attentats contre les tours du World Trade Center.

    William se rendra ensuite en février au Japon et en Chine pour une visite officielle de six jours où il représentera son père et sa grand-mère la reine Elizabeth II qui, à 88 ans, délègue de plus en plus ses voyages à l'étranger. Il ne sera pas accompagné de Kate qui doit accoucher en avril.


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  • Guerre 14-18: les présidents tirent les leçons de la barbarie

    Les présidents français et allemand François Hollande et Joachim Gauck ont tiré ensemble les leçons de la barbarie au Hartmannswillerkopf, 100 ans jour pour jour après la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France.

    «La France et l'Allemagne, au-delà des souffrances et des deuils, ont eu l'audace de se réconcilier: c'était la plus belle façon d'honorer les morts et d'offrir aux vivants une garantie de paix», a dit M. Hollande dans ce lieu de mémoire de la Première Guerre mondiale situé dans l'est de la France.

    «C'est vrai, l'Europe est un projet difficile», a répondu de son côté M. Gauck. «Mais les générations qui nous ont précédés, ces ancêtres qui combattirent ici, au Hartmannswillerkopf, ou encore sur la Marne, ou à Verdun, auraient bien aimé n'avoir que nos difficultés».

    Les deux présidents ont ainsi plaidé pour l'idéal européen sur ce site rebaptisé «le Vieil Armand» par les «poilus», les soldats français. Et, prenant en exemple la réconciliation franco-allemande, M. Hollande a appelé «plus que jamais» à l'instauration d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour mettre fin aux combats qui déchirent la bande de Gaza.

    «Tranchée d'honneur»

    Les deux chefs d'Etat avaient auparavant remonté côte-à-côte la «tranchée d'honneur» menant à la crypte du Monument du Hartmannswillerkopf, encadrée par une soixantaine de porte-drapeaux, anciens combattants du Haut-Rhin.

    Les présidents ont signé une déclaration commune à l'occasion de la pose de la première pierre de l'historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf, «première institution binationale consacrée à la Grande Guerre». Ce musée doit ouvrir ses portes en 2017 au public.

    «Les terribles combats qui l'ont ravagé (...) ont fait du Hartmannswillerkopf un lieu sacré où s'entretient le souvenir des déchirements du 20e siècle. Par la construction de ce musée unique en son genre, il sera aussi désormais un emblème de l'amitié entre la France et l'Allemagne et un symbole de leur mémoire réconciliée», souligne la déclaration. Le texte, co-signé des deux présidents, sera ensuite scellé dans un cylindre disposé dans la première pierre du musée.

    12'000 soldats inconnus

    Les deux présidents se sont recueillis quelques instants dans la crypte du monument, devant le bouclier de Bronze sous lequel seraient enterrées les cendres de quelque 12'000 soldats inconnus français et allemands.

    Serrés l'un contre l'autre, ils se sont donné une longue et chaleureuse accolade sous les objectifs des caméras et des photographes.

    Le 4 septembre 2013 déjà, les deux chefs d'Etat s'étaient recueillis, main dans la main, parcourant les ruines d'Oradour-sur-Glane, une commune du Limousin (centre), théâtre du plus abominable massacre nazi perpétré dans la France occupée. 642 de ses habitants avaient été massacrés par la division SS «Das Reich» le 10 juin 1944. Aucun dirigeant allemand ne s'était encore rendu à Oradour depuis lors.

    Tout ceci «témoigne de la force de l'amitié entre les deux pays qui leur permet de regarder ensemble leur histoire commune, y compris dans ce qu'elle avait de plus dramatique», a-t-on souligné à l'Elysée. Le symbole est d'autant plus fort que ce 3 août 1914 «avait ouvert une période de 30 ans de conflits, de rancunes, de massacres et de barbarie entre la France et l'Allemagne».

    Note plus légère

    Sur une note plus légère, François Hollande et Joachim Gauck devaient ensuite déjeuner à la ferme-auberge du Molkenrain, fixée sur la pellicule de François Truffaut dans son film «Jules et Jim».

    Mais les deux présidents n'en auront pas fini avec les commémorations. Ils se retrouveront dès lundi à Liège avec une dizaine d'autres dirigeants pour commémorer le centenaire de l'invasion du Royaume de Belgique par les troupes du Reich, le 4 août 1914.

    François Hollande assistera pour sa part à deux cérémonies, l'une, internationale, dans la matinée, au Monument interallié de Cointe, la seconde, franco-belge, à l'Hôtel de ville de Liège.


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  • Le 28 juillet 1914, la guerre est déclarée à Vienne

    La déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie a pris des airs de fête en 1914. Sept jours plus tard, toutes les grandes puissances européennes entreront dans le conflit généralisé.

    Le 28 juillet 1914, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, prenant, la première, la responsabilité d'une conflagration mondiale. Et c'est la fête à Vienne, la capitale de l'Empire et l'un des phares culturels de l'Europe en ce début de 20e siècle.

    «A mes peuples!», commence la proclamation de l'empereur François-Joseph, rédigée en allemand et aussitôt traduite en hongrois et en tchèque pour être affichée dans tout l'immense territoire unifié depuis 1867.

    Cris de joie

    La nouvelle tombe à 19h00 à Vienne. La foule assemblée depuis des heures devant les rédactions s'arrache les éditions spéciales des journaux. Aussitôt la joie se répand dans les rues de la cité, alors l'une des plus grandes du monde avec ses deux millions d'habitants.

    On crie des hourras, on entonne des hymnes à la gloire de la monarchie, on jette son chapeau en l'air. Des chiffons et des drapeaux sont agités aux fenêtres. La relève de la garde devant la Hofburg se transforme en célébration populaire, accompagnée de la musique du régiment.

    Les réunions patriotiques, chaudement encouragées par la propagande, se succèdent déjà depuis le 23 juillet, le jour où l'Autriche-Hongrie a adressé un ultimatum à la Serbie. Dans les faubourgs et les campagnes, l'ambiance est «moins euphorique», raconte Christian Ortner, le directeur du musée militaire de Vienne.

    Empereur à l'écart

    «Les classes moyennes et la bourgeoisie étaient très patriotes et soutenaient la guerre, mais il y avait peu d'euphorie en zone rurale», dit-il. «A la campagne, on pensait aux chevaux, aux fils qui allaient partir, à la catastrophe annoncée pour l'agriculture.» Rien de tout cela n'apparaît dans les photos des journaux, foisonnant de soldats rieurs, femmes admiratives et fleurs au fusil.

    Le vieil empereur, lui, se tient à l'écart dans sa résidence champêtre de Bad Ischl. A presque 84 ans, François-Joseph est fatigué. Dans sa proclamation, le 28, le veuf de Sissi commence par rappeler qu'il aurait voulu «épargner les lourds sacrifices de la guerre à ses peuples». Les historiens disent que ce sont ses conseillers qui l'ont convaincu de risquer un conflit.

    La guerre était décidée bien avant l'ultimatum enjoignant à Belgrade de permettre aux autorités autrichiennes d'enquêter en Serbie sur l'attentat qui, un mois plus tôt à Sarajevo, avait coûté la vie au neveu de François-Joseph et héritier de l'Empire, l'archiduc François-Ferdinand.

    Cet attentat a convaincu l'Autriche-Hongrie qu'il fallait en finir avec la Serbie indépendante, soupçonnée d'alimenter l'agitation nationaliste des peuples slaves de l'Empire, notamment en Bosnie, annexée par Vienne en 1908.

    De mal en pis

    L'ultimatum du 23 juillet est rédigé en termes humiliants, de sorte à s'assurer d'une réponse négative. La Serbie accepte pourtant pratiquement toutes ses conditions, demandant seulement un arbitrage international pour trancher la question de la présence d'enquêteurs autrichiens sur son sol.

    Vienne n'en tient aucun compte, mobilise, et déclare la guerre le 28. Pour l'empire centre-européen, tout ira vite de mal en pis. Sur les 2,4 millions de soldats mobilisés à l'été de 1914, il y aura 1,1 million de tués, prisonniers ou disparus dès le mois de décembre suivant.

    L'aide allemande améliorera pour quelques mois le sort militaire austro-hongrois, jusqu'à l'ouverture d'un nouveau front par l'Italie en mai 1915.

    La guerre avait eu parmi ses origines la question des nationalités dans le patchwork austro-hongrois. La défaite de l'empire des Habsbourg après quatre ans de combats et de souffrances va dissoudre cet ensemble, dépecé en plusieurs pays par les traités de l'après-guerre.

    Vaincus amers

    Les soldats et les officiers qui reviennent à Vienne entre 1918 et 1920 sont des vaincus particulièrement amers. «Personne ne les remerciait, il n'y avait plus d'empereur, et la nouvelle Autriche ne voulait rien avoir à faire avec eux», explique Christian Ortner.

    «Certains ont eu leurs insignes arrachés dans les gares, des officiers se sont fait confisquer leurs épées, synonyme de déshonneur. Ils n'étaient pas des héros, ils étaient des reliques de l'ordre ancien, des personae non gratae.»

    Pour bien des officiers d'extraction aristocratique, ce sera aussi la ruine, leurs propriétés agricoles se trouvant désormais derrière des frontières étrangères. Tous ces réprouvés étaient des proies faciles pour la radicalisation de droite ou de gauche, dans un contexte économique catastrophique.

    «Le pays était déchiré et n'a plus retrouvé le calme», conclut M. Orner. Cela finira par l'austrofascisme, une guerre civile en 1934, et l'Anschluss (annexion) par l'Allemagne nazie en 1938, qui entraînera l'Autriche dans une nouvelle débâcle avec l'effondrement du IIIe Reich en 1945.


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