• Quel bilan pour le CETC?

    Le 22 septembre 2022, la chambre de la Cour suprême des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a rendu son dernier arrêt, confirmant la condamnation de Khieu Samphan à la réclusion criminelle à perpétuité pour des actes de génocide. Cet arrêt fournit l’occasion de dresser un bilan de l’action de cette juridiction pénale hybride chargée de juger les dirigeants khmers rouges ayant commis des atrocités au Cambodge entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.

    L’arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la chambre de la Cour suprême des CETC confirme le jugement du 16 novembre 2018 de la chambre de première instance des CETC déclarant Khieu Samphan coupable d’actes de génocide. Âgé de 91 ans, l’ancien président du Kampuchéa démocratique, régime totalitaire d’inspiration maoïste, est le dernier des accusés encore en vie. Le jugement du 16 novembre 2018 avait également déclaré coupable d’actes de génocide Nuon Chea et l’avait condamné, avec Khieu Samphan, à la réclusion criminelle à perpétuité. Cependant, Nuon Chea, l’ancien numéro 2 et idéologue du régime khmer rouge, est décédé en 2019 et l’action publique était donc éteinte à son égard.

    Il s’agit de la dernière décision judiciaire rendue par la juridiction pénale hybride chargée de juger les atrocités commises par les responsables du régime khmer rouge. Le tribunal spécial, avec ses centaines de collaborateurs cambodgiens et étrangers (employés, greffiers, magistrats, traducteurs, avocats), va fermer d’ici deux ans, lorsqu’il aura achevé sa mission d’archivage de ses travaux.

    Quel bilan de son activité peut-il être établi ?

    Les espoirs nés de la création de ces chambres étaient immenses, à l’image des crimes commis pendant le règne sanglant des Khmers rouges. Une période dramatique, au cours de laquelle 1,7 million de Cambodgiens ont perdu la vie, soit plus de 20 % de la population du pays.

    Or, entre la mise en place effective des CETC en 2007 et 2022, seuls trois jugements ont été rendus définitivement, contre trois personnes (dans le cadre des affaires 001 et 002), toutes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité :

    • jugement du 26 juillet 2010 déclarant Kaing Guek Eav, alias « Douch » (ancien chef de la prison S21 de Phnom Penh, où des milliers de personnes ont été torturées et exécutées) coupable de crimes contre l’humanité, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 3 février 2012 ;

    • jugement du 7 août 2014 déclarant Nuon Chea et Khieu Samphan coupables de crimes contre l’humanité, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 23 novembre 2016 

    • jugement du 16 novembre 2018 déclarant Nuon Chea et Khieu Samphan d’actes de génocide, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 22 septembre 2022.

    Quatre procédures concernant quatre responsables militaires ou régionaux du Kampuchéa démocratique (dans le cadre des affaires 003 et 004) sont restées dans les limbes et ne donneront lieu à aucun procès, faute d’accord entre les magistrats cambodgiens et les magistrats internationaux :

    • jugement de la chambre préliminaire des CETC du 29 juin 2018 prononçant un non-lieu au bénéfice d’Im Chaem (en l’absence de compétence personnelle) ;

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 10 août 2020;

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 17 décembre 2021 mettant un terme à la procédure contre Meas Muth 

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 28 décembre 2021, mettant un terme à la procédure contre Tith Yim en infirmant le jugement de la chambre préliminaire du 17 décembre 2021.

    Rappelons que Ieng Sary, l’ancien chef de la diplomatie du régime khmer rouge, s’est éteint pendant son procès, en 2013 ; son épouse, Ieng Thirith, ex-ministre des Affaires sociales, atteinte de démence sénile, a été déclarée inapte à être jugée et a été libérée en 2012.

    Pol Pot, le « frère numéro un » à la tête du régime khmer rouge, est mort en 1998, tandis que son successeur et ancien chef d’état-major Ta Mok est décédé en 2006. D’autres responsables de haut niveau comme Son Sen, Yan Yat, Kae Pok et Thioun Thieun ont également disparu entre temps.

    Au total, Douch (décédé en 2020), Nuon Chea et Khieu Samphan sont donc les seuls responsables du Kampuchéa démocratique à avoir été jugés par les CETC.

    On pourrait donc considérer qu’à peine la moitié du travail judiciaire attendu a été accompli.

    Au regard du temps écoulé (environ quinze ans), du personnel engagé (plusieurs centaines de personnes) et des sommes dépensées (340 millions d’euros), le bilan judiciaire n’est pas aussi satisfaisant qu'il pourrait l'être.

    Toutefois, ce bilan ne peut être établi sans tenir compte des incessantes difficultés qui se sont présentées. Car, la naissance, le fonctionnement et la fin des CETC ont été marqués par vingt ans de luttes internes, entre d’un côté, les Nations unies et les États contributeurs (dont la France) et leurs représentants internationaux, et d’un autre, le Cambodge et ses représentants nationaux. Si cette ligne de fracture était prévisible, elle s’est retrouvée et de manière assez marquée à tous les stades de la vie de la juridiction pénale hybride. Les tensions et les interférences politiques ont été constantes, que ce soit lors de la négociation sur le principe d’un tribunal (loi du 10 août 2001 et résolution 57/228 A de l’Assemblée générale des Nations unies) ou de ses textes fondateurs (accord ONU/Cambodge du 6 juin 2003 et loi nationale du 27 oct. 2004), des étapes de la mise en place du tribunal (notamment sur le recrutement et l’adoption du règlement intérieur), des négociations sur son financement (la part du Cambodge dans le budget des CETC est nettement surévaluée), de la définition de la politique pénale du procureur, de la conduite des investigations menées par les juges d’instruction, des délibérés des juges (dans les chambres, à titre préliminaire, en première instance ou en appel), de la gestion des divergences de jurisprudence et de la communication, etc.

    De nombreux accommodements ont dû être trouvés, souvent au prix d’anomalies juridiques et au détriment de la justice, de la vérité et de l’efficacité, le dernier en date étant le remplacement de la juge Clark par le juge Rapoza dans la composition de la chambre de la Cour suprême une dizaine de jours avant la décision rendue le 22 septembre 2022 (qui n’a pas été retardée). Mais l’exemple le plus marquant de ces accommodements est sans doute celui tenant à la politique de poursuites. D’après la loi de 2004, le tribunal ne peut juger que deux catégories de suspects pour les crimes présumés avoir été commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979, à savoir « les hauts dirigeants du Kampuchéa démocratique » et « les principaux responsables de violations graves du droit national et international ». Les magistrats cambodgiens, qui disposaient d’une majorité au sein des CETC, ont fait bloc pour empêcher l’ouverture d’enquête contre des cadres de niveau supérieur ou moyen du régime khmer rouge. Ils se sont également mobilisés pour interrompre le processus de poursuites et de jugement contre les accusés qui avaient déjà été identifiés.

    Au point que des voix se sont élevées pour appeler l’ONU à se retirer du tribunal. En fin de compte, les autorités nationales et leurs représentants ont fréquemment eu le dernier mot et globalement, le gouvernement cambodgien ne masque pas sa satisfaction, estimant ce qui a été accompli est largement suffisant.

    Satisfaction d’autant plus affichée que l’activité des CETC n’a pas produit l’effet de ruissellement escompté par certains sur le système judiciaire cambodgien. D’une part, les autorités judiciaires cambodgiennes ne donnent pas l’impression de vouloir prendre la relève et s’attacher à poursuivre, sur la base du droit national, les cadres de niveau intermédiaire du régime khmer rouge (ce qu’elles pourraient théoriquement faire). Ce manque de volonté s’explique en partie par le fait que nombre des subordonnés de Pol Pot se sont ralliés les uns après les autres au régime actuellement en place. Et, d’autre part, les pratiques judiciaires du quotidien (trop souvent marquées par la corruption et l’inefficacité) n’ont guère changé depuis vingt ans et la lutte contre l’impunité – dont les autorités politiques cambodgiennes ne parlent jamais – n’a pas progressé. La culture démocratique ne s’est pas non plus enracinée dans le système judiciaire national, comme le prouvent les nombreuses condamnations à des peines d’emprisonnement ferme prononcées contre des opposants politiques et des membres de la société civile. Un statu quo qui convient bien au Premier ministre actuel, Hun Sen, en poste depuis 1998.

    Enfin, le bilan de l’action des CETC doit intégrer d’incontestables aspects positifs, conséquences directes de certaines décisions judiciaires.

    Les CETC ont, en premier lieu, eu le mérite de montrer la pérennité du modèle hybride francophone, qui a fait fi d’une hostilité certaine des Anglo-saxons, en l'espèce les États-Unis et l'Australie. Le magistrat Olivier Beauvallet a récemment montré que ce modèle reste vivant, fait émerger des standards (de fond comme de procédure) et propose des solutions concrètes qui font avancer tant le droit que le fonctionnement juridictionnel. Quatre aspects de « droit continental » ont très certainement permis des avancées dans le processus judiciaire : le recours au juge d’instruction (qui évite de donner trop d’importance au ministère public, dont l’enquête est alors invariablement contestée et mise en cause par la défense lors de trop longues audiences), le contrôle exercé par la chambre préliminaire, la représentation des victimes disposant d’un pouvoir d’action et la possibilité pour les CETC d’accorder des réparations aux victimes.

    Les CETC ont, en second lieu, eu le mérite de produire un travail d’une grande valeur pour les Cambodgiens, les victimes et les juristes. En ce qui concerne les Cambodgiens, ceux-ci ont pu recevoir des informations fiables et précises sur une période de leur histoire qui restait tantôt floue, tantôt tabou. À l’occasion d’actions de communication dans les écoles, les universités, les temples et les villages, de la tenue des procès ouverts au public et de la retransmission de leurs débats, les Cambodgiens ont pu comprendre les ressorts d’un régime génocidaire qui a décimé leur population et détruit leur pays. Le procès de Douch, l’ex-patron de la prison S21, a été à ce titre l’occasion d’une véritable prise de conscience. À l’inverse de Khieu Samphan et de Nuon Chea qui se sont murés dans une dénégation de leur rôle dans le processus de commission des crimes internationaux, Douch a accepté de coopérer et de décrire le fonctionnement du terrible centre de détention qu’il dirigeait. Son procès a remis la période khmère rouge au cœur du débat public. S’agissant des victimes, l’action des CETC est inestimable, dès lors qu’elles ont pu s’exprimer tout au long du processus judiciaire, qu’elles ont été reconnues comme telles et qu’une partie de leurs bourreaux a été condamnée. Les condamnations prononcées marquent, pour elles, la fin d’une impunité qui durait depuis 1979. Pour les juristes, les trois décisions rendues par la chambre de jugement des CETC en 2010, 2014 et 2018 constituent une source incomparable de données, de recherches et de raisonnements juridiques – y compris en matière de crimes de guerre – qui consolident l’œuvre de la justice pénale internationale. Nul doute que nombre de ces éléments serviront de référence dans les futurs procès devant les autres juridictions pénales internationales ou hybrides. On retiendra, parmi bien d’autres, le rejet de la notion d’autogénocide mais la caractérisation de ce crime commis contre deux groupes ethniques décimés, les Chams musulmans et les Vietnamiens du Cambodge. Des réserves seront en revanche formulées sur certaines décisions rendues par la chambre préliminaire et la chambre de la Cour suprême qui se sont éloignées du niveau et des standards des décisions rendues traditionnellement par une juridiction pénale internationalisée.


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  • Condamné pour génocide, le dernier dirigeant khmer rouge fait appel

    Khieu Samphan, 90 ans, qui purge une peine de prison à vie, nie avoir pris part à la machine à tuer du régime de Pol Pot qui a fait 2 millions de morts dans les années 1970.

    Khieu Samphan, le dernier haut dirigeant khmer rouge encore en vie, a fait appel lundi 16 août 2021 de sa condamnation à la prison à vie pour son rôle dans le génocide commis il y a plus de quarante ans au Cambodge.

    Le régime communiste, dirigé par le «Frère numéro 1» Pol Pot, au pouvoir dans le pays de 1975 à 1979, a fait deux millions de victimes parmi les Cambodgiens, morts dans des camps de travail, de famine ou exécutés de manière massive.

    Ancien chef de l’État khmer rouge, Khieu Samphan, âgé aujourd’hui de 90 ans, conteste sa condamnation prononcée en 2018, pour génocide contre des minorités ethniques vietnamiennes.

    Ses avocats ont fait valoir que le tribunal soutenu par les Nations unies qui l’a condamné avait adopté une «approche sélective» des témoignages et n’avait pas accordé l’importance voulue aux éléments en sa faveur.

    Reconnu coupable de crimes contre l’humanité en 2014

    Khieu Samphan avait été condamné en même temps que le «Frère numéro 2» Nuon Chea pour génocide et une longue série de crimes, notamment leurs responsabilités dans des mariages forcés et des affaires de viols. Nuon Chea, idéologue du régime, est mort en prison en 2019.

    Les deux hommes avaient déjà été condamnés à la prison à vie par le tribunal en 2014 pour crimes contre l’humanité lors de la violente évacuation de Phnom Penh, en avril 1975, lorsque les troupes khmères rouges ont forcé la population à l’exode rural pour les faire travailler de force dans les champs.

    Khieu Samphan doit témoigner jeudi, jour de la clôture de l’audience.

    À l’issue de son procès, il s’était adressé à la cour avec colère, niant les accusations portées contre lui et rejetant l’étiquette de «meurtrier» dans une prise de parole qui avait marqué les esprits.

    D’autres dignitaires khmers morts avant d’être jugés

    Khieu Samphan, l’un des rares visages publics des Khmers rouges, a affirmé ne pas avoir fait partie, dans son rôle de chef de l’État, de la machine à tuer qui a exterminé près d’un quart de la population cambodgienne.

    Pol Pot, qui voulait transformer le Cambodge à majorité bouddhiste en une utopie agraire, est mort en 1998, sans avoir été jugé. L’ancien ministre des Affaires étrangères khmer rouge, Ieng Sary, et son épouse sont également morts avant d’avoir pu être jugés.

    Le tribunal hybride, qui utilise le droit cambodgien et le droit international, a été créé avec le soutien des Nations unies en 2006, pour juger les hauts dirigeants khmers rouges. Il n’a condamné que trois personnes à ce jour et a coûté plus de 300 millions de dollars.

    Le premier ministre Hun Sen, l’homme fort du pays, lui-même ancien cadre des Khmers rouges, s’est prononcé contre tout nouveau procès, affirmant que cela plongerait le pays dans l’instabilité.


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  • Douch, tortionnaire khmer rouge, est mort à 77 ans

    Sous le régime cambodgien des Khmers rouges, le chef de la prison de Phnom Penh avait participé à la torture et l’exécution de 15’000 personnes.

    L’ancien tortionnaire «Douch», chef du plus redoutable centre de détention sous le régime cambodgien des Khmers rouges et condamné à la perpétuité, est décédé mercredi à l’âge de 77 ans.

    Kaing Guek Eav, alias Douch, «est mort à l’hôpital», a déclaré Neth Pheaktra, porte-parole du tribunal cambodgien parrainé par l’ONU pour juger les principaux responsables Khmers rouges.

    Aucune précision n’a été donnée sur les causes du décès. «Il souffrait d’une maladie pulmonaire depuis plusieurs années», a précisé à l’AFP une source sous couvert d’anonymat.

    Douch a dirigé Tuol Sleng ou S21, la prison centrale de Phnom Penh où 15'000 personnes ont été torturées avant d’être exécutées par les kmers rouges.

    Installée le 17 avril 1975, cette dictature ultra-maoïste est tombée le 7 janvier 1979 sous les chenilles des chars du Vietnam socialiste, «frère ennemi». Entre-temps, quelque deux millions de personnes furent tuées.

    Kaing Guek Eav a été le premier Khmer rouge condamné par un tribunal pour crimes de guerre.

    En 2010, en première instance, une peine de 30 ans de prison a été prononcée à son encontre. Puis, deux ans plus tard, en appel, il a été condamné à la perpétuité.

    Né le 17 novembre 1942 dans un village de la province de Kompong Thom, au nord de Phnom Penh, Douch a été professeur de mathématiques avant de rejoindre les Khmers rouges en 1967.

    Après la chute du régime, il a continué d’appartenir au mouvement puis a travaillé pour des organisations humanitaires.

    Caché pendant des années, il a été repéré en 1999 par un photographe irlandais, Nic Dunlop, et arrêté.

    Devant ses juges, lors du premier procès, il a longuement expliqué la signification des tombereaux de documents découverts dans la prison à la chute du régime, et le processus au cours duquel les suppliciés étaient ensuite emmenés sur un site d’exécution à quelques kilomètres de là.

    Bourreau «méticuleux»

    «Méticuleux, consciencieux, attentif à être bien considéré par ses supérieurs» selon les psychiatres, le tortionnaire avait tenu une administration rigoureuse des activités de la prison.

    «Je suis responsable émotionnellement et légalement», avait-il reconnu.

    Converti au christianisme dans les années 1990, il a demandé pardon aux rares survivants et familles des victimes, acceptant d’être condamné à «la peine la plus stricte».

    Mais l’accusé a ensuite abandonné cette stratégie d’aveux et de coopération avec la justice et réclamé sa libération en se qualifiant de simple secrétaire du régime.

    L’accusation a décrit son «enthousiasme et sa méticulosité dans chacune de ses tâches», mais aussi sa «fierté» de diriger le centre de torture et «son indifférence à la souffrance» d’autrui.

    L’ethnologue français François Bizot, trois mois captif de Douch en 1971 dans la jungle, a, lui, évoqué la «sincérité fondamentale d’un homme (…) prêt à donner sa vie pour la Révolution, et qui accomplissait la mission qui lui avait été attribuée».

    Au final, Douch n’a eu «aucun regret», estime Youk Chang, chef du Centre de Documentation du Cambodge, un organisme de recherche qui a fourni de nombreuses preuves au tribunal. J’espère que son décès «apportera un peu de réconfort aux vivants et que les morts pourront enfin reposer en paix».


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    Cambodge : deux dirigeants khmers rouges reconnus coupables de génocide

    Les deux anciens hauts dirigeants khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Samphan, ont été condamnés vendredi à la réclusion à perpétuité pour le crime de génocide devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC).

    La Chambre de première instance des CETC a déclaré les deux anciens dirigeants khmers rouges coupables de génocide lors de leur deuxième procès à Phnom Penh, au Cambodge.

    Nuon Chea, 92 ans, ancien bras droit de Pol Pot, et Khieu Samphan, 87 ans, ancien chef d’Etat du Kampuchéa démocratique, ont été reconnus coupables de génocide contre les communautés vietnamiennes qui vivaient au Cambodge. Nuon Chea, seul, a été déclaré coupable du crime de génocide à l’encontre de la minorité musulmane cham du Cambodge.

    Les crimes dont ils ont été reconnus coupables ont été commis à divers endroits sur l’ensemble du territoire du Cambodge pendant la période du Kampuchéa démocratique, qui a duré du 17 avril 1975 au 6 janvier 1979. Une période au cours de laquelle près de 2 millions de personnes ont perdu la vie au Cambodge.

    Les deux hommes ont également été reconnus coupables d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et de crimes contre l’humanité pour des meurtres, exterminations, mises en esclavages, déportations, emprisonnements, tortures, persécutions pour des motifs politiques, religieux et raciaux et d'autres actes inhumains contre des civils au Cambodge au cours de cette période.

    Dans un premier procès devant les CETC, Nuon Chea et Khieu Samphan avaient été déjà reconnus coupables en 2016 de crimes contre l’humanité à raison des déplacements forcés de population et ils avaient été condamnés à une peine de réclusion à perpétuité. La Chambre a confondu en une seule les peines de réclusion à perpétuité prononcées à l’issue des premier et deuxième procès pour chacun des accusés.

    Le Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, Adama Dieng, a salué la décision prononcée par la Chambre de première instance des CETC. « Cette condamnation est une bonne journée pour la justice », a déclaré M. Dieng. « Elle démontre que la justice prévaudra et que l'impunité ne sera jamais acceptée pour les génocides et autres crimes d'atrocité ».

    Adama Dieng a également exprimé son soutien et sa solidarité avec les victimes des Khmers rouges. « Toutes les personnes qui ont souffert des crimes odieux commis par les Khmers rouges au Cambodge pendant cette période ont attendu longtemps que justice soit rendue », a dit le Conseiller spécial. « Espérons que cette décision leur donnera dans une certaine mesure réparation et réconfort ».

    Les CETC ont été établies à la suite d’un accord entre le gouvernement cambodgien et les Nations Unies en 2003. ll s'agit d'un tribunal cambodgien avec une participation internationale, qui applique des normes internationales. La condamnation Nuon Chea et Khieu Samphan pour crimes de génocide intervient près de 40 ans après la chute du régime khmer rouge au Cambodge.

     « À un moment où nous assistons à un dangereux mépris pour les droits fondamentaux et les normes juridiques internationales dans de nombreuses régions du monde, cette décision envoie un message fort, dans la région et dans le monde, à ceux qui s’engagent dans, incitent ou tolèrent des crimes d'atrocité, que tôt ou tard, ils rendront des comptes », a souligné Adama Dieng.


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  • Les deux prévenus au tribunal.

    Nuon Chea, 90 ans, et Khieu Samphan, 85 ans, avaient été condamnés à la prison à vie en août 2014 pour crimes contre l'humanité.

    Le tribunal international jugeant les Khmers rouges au Cambodge a confirmé mercredi en appel la condamnation à vie des deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants. Les deux hommes sont en parallèle jugés dans le cadre d'un deuxième procès.

    Nuon Chea, aujourd'hui âgé de 90 ans, et Khieu Samphan, 85 ans, avaient été condamnés à la prison à vie en août 2014 pour crimes contre l'humanité par ce tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU. Ils assurent n'avoir pas été au courant des atrocités commises entre 1975 et 1979. Deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population, sont alors morts d'épuisement, de famine, ou à la suite de tortures et d'exécutions.

    membres du cercle de Pol Pot

    Le juge Kong Srim a maintenu, lors de son long énoncé du verdict, que les deux hommes, membres du premier cercle de Pol Pot, avaient marqué le tribunal par leur «complet manque de considération pour le sort du peuple cambodgien» et souligné que l'étendue de leurs crimes était «considérable».

    Par conséquent, «la prison à vie pour chacun des accusés est appropriée», a ajouté le juge devant plusieurs centaines de Cambodgiens venus assister à l'audience. Nuon Chea et Khieu Samphan ont écouté, impassibles, la lecture du verdict.

    Tourner la page

    «Ce sont des monstres et c'est leur destin» de rester en prison jusqu'à la fin de leurs jours, s'est félicitée, parmi le public, une Cambodgienne de 74 ans qui a perdu 50 membres de sa famille sous le régime khmer rouge.

    Malgré l'étendue des crimes des Khmers rouges, qui n'ont pas épargné une seule famille dans le pays, la volonté aujourd'hui au Cambodge de tourner la page est forte.

    Le verdict a néamoins été retransmis à la télévision nationale, malgré les attaques répétées contre le tribunal et son utilité de l'homme fort du Cambodge, l'inamovible Premier ministre Hun Sen, qui plaide la nécessaire réconciliation nationale. Hun Sen dit craindre que l'ouverture de nouveaux procès ne provoque de nouveaux conflits dans le pays.

    Des précédents

    Les Etats-Unis, par la voix de leur ambassade à Phnom Penh, ont quant à eux «salué» la décision et assuré de leur soutien le tribunal jugeant les crimes de cette «page la plus sombre de l'Histoire du Cambodge».

    Jusqu'ici, seules trois personnes ont été condamnées par le tribunal, créé en 2006, même si le procès de plusieurs responsables de moindre rang est en projet.

    Avant Nuon Chea et Kieu Samphan, le tribunal, critiqué pour ses lenteurs, avait condamné à la perpétuité Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison de Phnom Penh S-21, où 15'000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.

    Autre procès

    Malgré la volonté générale de passer à autre chose, le processus judiciaire suit son cours: Nuon Chea et Khieu Samphan sont en parallèle jugés dans le cadre d'un deuxième procès consacré au génocide de minorités, aux mariages forcés, viols et autres crimes perpétrés dans les camps de travail.

    Des milliers de charniers ont été découverts après la chute des Khmers rouges, mus par une utopie marxiste qui prétendait défaire la société de la contrainte de l'argent et bannir la religion.

    Le deuxième procès doit s'achever en 2016. Le verdict est attendu fin 2017.


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  • La « Première Dame » des Khmers rouges est morte

    On a prêté à Ieng Thirith une influence notable sur la direction du « Kampuchéa démocratique », qui a notamment institutionnalisé les mariages forcés, dissous les familles, aboli l’éducation.

    Ieng Thirith, ministre des Affaires sociales du régime cambodgien des Khmers rouges est décédée samedi 22 août à l’âge de 83 ans. Elle était l’un des très rares cadres du régime à être poursuivi par le tribunal international parrainé par l’ONU pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

    Elle avait été libérée en 2012, inapte à être jugée en raison d’un diagnostic de démence. Hospitalisée pendant de longs mois en Thaïlande, elle est décédée à Pailin le samedi 22 août, dans l’ouest du Cambodge, après être restée « sous contrôle judiciaire » jusqu’à sa mort, a annoncé le tribunal de Phnom Pehn, parrainé par les Nations unies.

    La belle-sœur de Pol Pot

    C’est à ses liens familiaux que Ieng Thirith – de son nom de naissance Khieu Thirith – a dû son accession. Issue de la haute société cambodgienne, cette fille d’un juge a étudié la littérature en France, à la Sorbonne, à Paris. En 1951, elle y rencontre son futur mari, Ieng Sary, qui fréquente alors les cercles marxisants du mouvement anticolonialiste.

    Lorsque les Khmers rouges s’emparent du pouvoir en 1975, Ieng Sary devient ministre des Affaires étrangères et elle ministre des Affaires sociales.

    La militante était aussi la belle-sœur de Pol Pot, numéro un du régime décédé en 1998 sans avoir été jugé. En effet, sa sœur Khieu Ponnary était l’épouse de Pol Pot. Celle-ci a souffert très tôt de problèmes mentaux, ce qui l’a empêchée de jouer un rôle politique de premier plan.

    Ieng Thirith est ainsi appelée la « Première dame » d’un régime responsable de la mort de près de deux millions de personnes.

    Un pouvoir réel

    On a prêté à Ieng Thirith une influence notable sur la direction du « Kampuchéa démocratique », qui a notamment institutionnalisé les mariages forcés, dissous les familles, aboli l’éducation.

    « Ieng Thirith n’était pas un individu passif qui s’est lié aux Khmers rouges juste par son statut d’épouse de Ieng Sary et de belle-sœur de Pol Pot », souligne Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge, spécialisé dans les recherches sur cette période.

    « Elle était un membre important du parti qui exerçait un pouvoir au niveau national », ajoute-t-il.

    Elle promet les « sept cercles de l’enfer » à ses juges

    Jusqu’au bout, et longtemps après la chute des Khmers rouges, elle défendra le bilan du régime, avant finalement de rejeter toute responsabilité dans les faits qui lui étaient reprochés et de refuser toute coopération avec l’institution judiciaire.

    En 2007, après la création du tribunal international, elle est arrêtée avec son mari dans leur luxueuse villa de Phnom Penh.

    En 2009, quoique déjà affaiblie, elle trouve suffisamment d’énergie pour une diatribe devant les juges à qui elle promet « les sept cercles de l’enfer » s’ils l’accusent d’être une meurtrière.

    Selon des documents du tribunal, elle assistait pourtant bien aux conseils des ministres du régime. Elle a également supervisé le contrôle strict de la distribution des médicaments.

    « Ieng Thirith a été personnellement responsable et directement impliquée dans le refus d’accorder aux Cambodgiens les soins de santé même les plus basiques », insiste Youk Chhang.

    Elle a également ordonné des purges contre les traîtres présumés et était au courant des exécutions de ceux que le régime voyait comme ses ennemis, toujours selon les documents du tribunal.

    Depuis la mort de Ieng Sary en 2013, à 87 ans, seuls deux hauts dirigeants du régime – le « Frère numéro deux » Nuon Chea, 87 ans, et l’ancien chef d’État Khieu Samphan, 82 ans, – sont jugés pour leur responsabilité dans la mort de deux millions de personnes d’épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions.


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  • L'idéologue du régime khmer rouge face à la justice

    Le procès en appel des deux anciens hauts dirigeants khmers rouges encore en vie, déjà condamnés à la perpétuité pour crimes contre l'humanité, s'est ouvert au Cambodge.

    Ils ont déjà été condamnés à perpétuité pour crimes contre l'humanité. Mais c'est un procès en appel auquel ils font face. Nuon Chea, l'idéologue du régime, 88 ans, et le chef de l'Etat de l'ex-«Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 83 ans, sont jugés jeudi 2 juillet 2015.

    Tous deux assurent n'avoir pas été au courant des atrocités commises pendant le régime de Pol Pot.

    «Au nom des Nations unies et du peuple cambodgien, l'audience en appel est ouverte», a annoncé Kong Srim, président de ce tribunal spécial de Phnom Penh, parrainé par l'ONU, créé pour juger un régime qui fit près de deux millions de morts entre 1975 et 1979.

    Idéologue du régime

    Nuon Chea, l'idéologue du régime, 88 ans, et le chef de l'Etat de l'ex-«Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 83 ans (notre photo), avaient été condamnés en août 2014 pour crimes contre l'humanité par ce même tribunal.

    Ils assurent n'avoir pas été au courant des atrocités commises pendant le régime de Pol Pol, dans le cadre d'une utopie marxiste jusqu'au-boutiste visant à créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.

    Témoins attendus

    Pendant deux semaines, plusieurs témoins doivent être entendus, dont d'anciens responsables khmers rouges, à la demande de l'équipe d'avocats de Nuon Chea.

    L'octogénaire, au regard caché derrière ses habituelles lunettes de soleil, a quitté la salle au bout de moins de deux heures d'audience, afin de la suivre par écran interposé dans une salle séparée, en raison de douleurs dorsales selon ses avocats.

    Le jugement en appel est annoncé par la Cour au premier trimestre 2016.


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  • Perpétuité pour les deux dirigeants khmers rouges

    Le Cambodge a rendu un verdict historique envers les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants. Ils ont été condamnés à la la prison à vie pour les crimes commis entre 1975 et 1979.

    Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants ont été condamnés jeudi à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, un verdict «historique» 35 ans après la chute d'un régime qui a fait quelque deux millions de morts au Cambodge entre 1975 et 1979.

    L'idéologue du régime Nuon Chea, 88 ans, et le chef de l'Etat du «Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 83 ans, ont été reconnus «coupables des crimes contre l'humanité d'extermination, de persécution politique, et d'autres actes inhumains», dont les déplacements forcés de population et les disparitions forcées, a déclaré Nil Nonn, juge du tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU.

    Il a précisé que compte tenu «de la gravité des crimes», ils resteraient en détention même s'ils faisaient appel de cette condamnation. «C'est un jour historique pour les victimes cambodgiennes qui ont attendu 35 ans» pour obtenir justice, a commenté Lars Olsen, porte-parole de la Cour.

    Depuis 2011

    Les deux octogénaires, poursuivis pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, comparaissent depuis 2011 devant le tribunal, mais pour tenter d'obtenir au moins un verdict avant leur mort, la procédure complexe a été découpée.

    Le jugement de jeudi concerne le premier «mini-procès» qui s'est concentré sur les crimes contre l'humanité liés à l'une des plus grandes migrations forcées de l'Histoire moderne.

    Après leur prise du pouvoir en avril 1975, les Khmers rouges ont en effet vidé les villes du pays, en application d'une utopie marxiste délirante visant à créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.

    Yim Sovann, 54 ans, faisait partie des quelque deux millions d'habitants de Phnom Penh forcés en quelques jours d'évacuer la capitale, pour rejoindre un camp de travail à la campagne. «La nuit, nous avions l'ordre de creuser des canaux d'irrigation. Parfois, on me faisait travailler dans les rizières jusqu'à minuit», a raconté celle qui était alors adolescente.

    Comme beaucoup de Cambodgiens, elle a perdu plusieurs membres de sa famille sous les Khmers rouges, notamment son père, ancien agent secret, exécuté, et sa petite soeur, disparue après avoir été accusée d'avoir volé une poignée de riz.

    Tourner la page

    Alors beaucoup espèrent que le verdict de jeudi permettra de commencer à tourner la page sur un chapitre traumatisant de l'Histoire du pays. «Je n'oublierai jamais les souffrances mais (ce verdict) est un grand soulagement pour moi. C'est une victoire et un jour historique pour tous les Cambodgiens», a réagi Khieu Pheatarak, 70 ans, évacuée de Phnom Penh en 1975.

    A l'issue de deux années d'audiences, l'accusation avait requis en octobre l'emprisonnement à vie contre les deux accusés, soit la peine maximale prévue par le tribunal qui a exclu dès sa création la peine de mort.

    Les deux octogénaires, arrêtés en 2007, ont eux nié toutes les accusations retenues contre eux, assurant n'être pas responsables des atrocités d'un régime qui a conduit à la mort d'un quart de la population du pays, d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions. A l'ouverture symbolique du procès en juin 2011, avant son découpage, quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés.

    Libérée en 2012

    Mais la ministre des Affaires sociales du régime Ieng Thirith, considérée inapte à être jugée pour cause de démence, a été libérée en 2012. Son mari Ieng Sary, ancien ministre des Affaires étrangères, est décédé l'an dernier à 87 ans.

    Le tribunal, critiqué pour ses lenteurs, n'a rendu jusqu'à présent qu'un verdict définitif, contre Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison de Phnom Penh S-21, ou Tuol Sleng, où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées en dehors de la ville. Il a été condamné en appel en 2012 à la prison à perpétuité.

    Le deuxième procès de Nuon Chea et Khieu Samphan s'est ouvert fin juillet. Il doit couvrir les accusations de génocide --qui concernent uniquement les Vietnamiens et la minorité musulmane des Chams--, les mariages forcés et les viols commis dans ce cadre, ainsi que les crimes commis dans plusieurs camps de travail et prisons, dont S-21.

    Pol Pot, le «frère numéro un», est mort en 1998 sans avoir été jugé.

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    7 août 2014 – La Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a déclaré jeudi deux ex-dirigeants khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Samphan, coupables de crimes contre l'humanité commis entre le 17 avril 1975 et décembre 1977 et les a condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

     

    Nuon Chea a été secrétaire-adjoint du Parti communiste du Kampuchéa démocratique (PCK). Il détenait avec Pol Pot le pouvoir décisionnel ultime au sein du parti. Khieu Samphan est devenu membre candidat du Comité central du PCK en 1971 et membre de plein droit en 1976. En avril 1976, Khieu Samphan a été nommé Président du Présidium de l'État.

     

    La Chambre de première instance est convaincue que Nuon Chea et Khieu Samphan ont participé à une entreprise criminelle commune ayant pour projet de réaliser une révolution socialiste rapide, par tous les moyens, à la faveur d'un « grand bond en avant ».

     

    La Chambre est convaincue que ce projet commun a été mis en oeuvre à l'aide de politiques ayant pour objet de transférer de force les habitants des villes et de procéder à des déplacements forcés de population entre les zones rurales. En avril 1975, les soldats khmers rouges ont procédé à l'évacuation forcée de Phnom Penh et déplacé au moins deux millions de personnes, sous des prétextes fallacieux et des menaces, souvent sous la pression des armes, pratiquement sans avertissement, et dans une situation marquée par la terreur et les actes de violence.

     

    La Chambre de première instance est également convaincue que Nuon Chea et Khieu Samphan ont mis en oeuvre le projet commun en ayant recours à une politique ayant consisté à prendre des mesures spécifiques à l'encontre des anciens soldats et fonctionnaires de la République khmère. Cette politique a notamment eu pour résultat l'exécution à Tuol Po Chrey, immédiatement après le 17 avril 1975, d'au moins 250 soldats et fonctionnaires de la République khmère.

     

    La Chambre a dit que Nuon Chea et Khieu Samphan, par leur participation à l'entreprise criminelle commune, ont commis des crimes contre l'humanité. Selon elle, ils ont aussi planifié, incité à commettre et aidé et encouragé les crimes suivants : extermination, autres actes inhumains (sous la forme de disparitions forcées) et persécution pour motifs politiques. La Chambre a dit en outre que Nuon Chea avait ordonné ces crimes.

     

    Selon la Chambre, Nuon Chea seul était pénalement responsable à titre de supérieur hiérarchique pour tous les crimes commis lors des déplacements de population et à Tuol Po Chrey.

     

    La Chambre a condamné Nuon Chea et Khieu Samphan à la réclusion criminelle à perpétuité, rappelant qu'ils ont chacun le droit de faire appel des déclarations de culpabilité et de la condamnation.

     

    La Chambre a aussi approuvé la mise en oeuvre de onze projets ayant pour objet de reconnaître de manière appropriée le dommage subi par les parties civiles. Elle a notamment approuvé l'instauration d'une journée nationale officielle de commémoration, l'édification à Phnom Penh d'un monument commémoratif en hommage aux victimes des évacuations forcées et un projet de témoignages à visée thérapeutique.

    Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a pris note du jugement, estimant qu’il s’agissait d’un « jour capital pour le peuple du Cambodge et pour la justice criminelle internationale. »

    M. Ban a aussi salué la décision de l’Assemblée nationale du Cambodge de tenir des sessions à partir du 8 août avec tous ses membres, dont les parlementaires de l’opposition. Il a également salué la réouverture du Parc de la liberté à Phnom Penh et a encouragé les deux principaux partis politiques au Cambodge à continuer leurs efforts pour mener des réformes et renforcer les institutions démocratiques, a indiqué son porte-parole dans une déclaration à la presse.


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  • Deux hauts dirigeants khmers rouges jugés pour génocide

    Khieu Sampan, 83 ans, est un des deux dirigeant khmers rouges jugés pour génocide

    Le deuxième procès des deux plus hauts responsables khmers rouges encore vivants s'est ouvert mercredi 30 juillet 2014devant le tribunal de Phnom Penh, parrainé par l'ONU.

    Au Cambodge, deux hauts dirigeants khmers rouges sont jugés pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

    L'idéologue du régime Nuon Chea, 88 ans, et le chef de l'Etat du «Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 83 ans, comparaissent depuis 2011 pour leurs responsabilités dans les atrocités commises entre 1975 et 1979 au nom d'une utopie marxiste délirante qui a fait environ deux millions de morts.

    Mais pour tenter d'obtenir au moins un verdict avant la mort d'accusés octogénaires qui nient toutes les charges retenues contre eux, la procédure complexe a été découpée.

    Le premier «mini-procès», qui a duré deux ans, s'est concentré sur les crimes contre l'humanité qu'ont constitués les déplacements forcés de population, lorsque les villes ont été vidées de leurs habitants envoyés travailler dans des fermes collectivistes. Le verdict est attendu le 7 août.

    Massacre des Khmers par les Khmers

    Le deuxième procès, qui a débuté mercredi en l'absence de Nuon Chea excusé pour raisons médicales, abordera les accusations de génocide, qui ne concernent que les Vietnamiens et la minorité ethnique des Chams musulmans.

    Le terme de génocide est communément utilisé pour évoquer cette période, mais les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.

    Le terme s'applique en revanche aux quelque 20'000 victimes vietnamiennes et 100'000 à 500'000 Chams, sur 700'000, qui ont été tués par le régime, selon des estimations.

    Maladie, torture et exécutions

    Au total, deux millions de personnes, soit un quart de la population, sont mortes d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions sous le régime de Pol Pot, décédé en 1998 sans avoir été jugé.

    Le nouveau procès se penchera aussi sur des crimes contre l'humanité et crimes de guerre. C'est «immensément important pour les survivants» parce que le champ du premier procès était «relativement limité», a noté Anne Heindel, conseillère juridique du Centre de documentation du Cambodge.

    Celui-ci va permettre de constituer un «dossier de preuves sur (le processus) de prise de décision qui a conduit aux vastes horreurs», a-t-elle ajouté, craignant toutefois que les accusés n'entendent jamais ce verdict.

    L'horreur de la prison S-21

    Selon le porte-parole du tribunal Lars Olsen, le procès pourrait durer jusqu'à 2016. L'examen des faits devrait commencer au dernier trimestre 2014, après des audiences cette semaine consacrées à des questions de procédure.

    Le procès examinera notamment les mariages forcés et les viols commis dans le cadre de cette politique destinée à encourager les naissances. Ce sera la première occasion d'obtenir justice pour des dizaines de milliers de couples, souvent mariés lors de cérémonies collectives.

    Les audiences aborderont également les crimes commis dans plusieurs prisons, en particulier celle de Phnom Penh, S-21 ou Tuol Sleng, où quelque 15'000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.

    Le tribunal, critiqué pour ses lenteurs, n'a rendu jusqu'à présent qu'un seul verdict. En 2012, Kaing Guek Eav, le chef de la prison S-21 mieux connu sous le nom de «Douch», a été condamné en appel à la prison à perpétuité.


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  • Fin des audiences au procès des khmers rouges Khieu Samphan et Nuon Chea, avant un jugement en 2014

    Fin des audiences au procès des khmers rouges Khieu Samphan et Nuon Chea, avant un jugement en 2014

    31 octobre 2013 – Au terme des 10 journées d'audiences, la Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a clôturé les débats du premier procès de Khieu Samphan et Nuon Chea.

    « La Chambre se retire maintenant pour délibérer et un jugement sera prononcé durant la première moitié de 2014 », précise un communiqué de presse

    Le public a manifesté un intérêt sans précédent pour ce procès, plus de 100.000 personnes ayant assisté aux 222 jours d'audience, qui se sont achevées par les réquisitions et plaidoiries finales.

    Khieu Samphan est l'ancien chef d'État du Kampuchéa démocratique et Nuon Chea l'ancien secrétaire-adjoint du Parti communiste du Kampuchéa.

    Généralement considérés comme les numéros 1 et 2 du régime khmer rouge, ils sont inculpés de crimes contre l'humanité pour leur rôle dans l'évacuation forcée de Phnom Penh en avril 1975 et les déplacements de populations qui ont suivi, ainsi que dans les exécutions alléguées de soldats de la République khmère à Toul Po Chrey.

    Quatre-vingt-dix-neuf personnes ont déposé à l'audience, dont trois témoins-experts, 53 témoins, cinq témoins de personnalité et 31 parties civiles, auxquels s'ajoutent 2 médecins traitants et 2 médecins experts qui ont donné leurs avis sur la santé des accusés, précise le communiqué

    La Chambre a également entendu des dépositions concernant le contexte historique et la formation du régime khmer rouge, les rôles des accusés au sein de ce gouvernement et les structures administratives et de communication au sein de ce régime.

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    Au Cambodge, les derniers dirigeants khmers rouges plaident non coupables

    À la clôture de la première phase de leur procès à Phnom Penh, Nuon Chea et Khieu Samphan ont cherché à minimiser leur rôle sous le régime révolutionnaire (1975-1979) des Khmers rouges.

    Nuon Chea a présenté ses excuses. Pour le reste, il n’a pas varié d’un iota. Les auditions de 57 témoins et 32 parties civiles pendant deux années de procès ne semblent avoir eu aucun effet sur l’ancien idéologue et numéro deux du régime khmer rouge, jugé en même temps que Khieu Samphan, l’ancien chef de l’État entre 1976 et 1979. Assis dans son fauteuil roulant à la barre, il a débité, jeudi 31 octobre, sa version de l’histoire comme à l’ouverture de la procédure publique en 2011, utilisant parfois les mêmes expressions.

    Les exécutions de soldats de l’ancien régime dès le 17 avril 1975, quand les Khmers rouges prennent le pouvoir à Phnom Penh ? Il n’en avait « pas connaissance ». Il s’agissait de la « vengeance » de « cadres d’échelon inférieur », a précisé l’ancien dirigeant khmer rouge, aujourd’hui âgé de 87 ans. Le témoignage accablant d’un de ses subordonnés ? « Il est en colère, il essaie de m’impliquer », a justifié Nuon Chea, sans jamais lever les yeux de son texte. Les meurtres et la famine ? « C’est le Vietnam qui a tué et affamé », a-t-il osé accuser.

    La faute aux autres

    Pendant une heure et demie, Nuon Chea a rejeté la faute sur tous, les Américains impérialistes, les Français colonisateurs et ses camarades de révolution décédés. Il n’a reconnu qu’une seule erreur, avoir recruté « des cadres qui ont trahi le parti communiste cambodgien ».

    Nuon Chea et Khieu Samphan, 82 ans, sont accusés de crimes contre l’humanité pour avoir dirigé deux vagues d’évacuations forcées de population, en 1975 et 1976, et planifié les exécutions de militaires de l’ancien régime. Jeudi 31 octobre, les cinq magistrats cambodgiens, français et néo-zélandais du tribunal de Phnom Penh se sont retirés en délibéré. Ils rendront leur verdict l’an prochain.

    Le 21 octobre, le procureur a requis à l’encontre de ces deux dirigeants khmers rouges la peine maximale, la réclusion à perpétuité. Ce jour-là, Nuon Chea n’est apparu qu’un quart d’heure dans le prétoire, préférant se retirer dans une cellule plus confortable en sous-sol, en raison de son état de santé.

    Impassible face aux accusations

    Alors que l’accusation formulait son réquisitoire, Khieu Samphan est resté impassible, occupé à ranger ses stylos et ses notes. Les avocats français de ce docteur en économie formé à Paris ont essayé de faire planer le doute sur ses responsabilités à l’époque. Ils l’ont décrit comme un simple « conseiller technique ». Il n’aurait pas pris part à la décision du second transfert forcé de population puisqu’il était vraisemblablement à l’étranger à ce moment-là.

    Pendant tout le déroulé de cette argumentation, Khieu Samphan a semblé absent, les yeux mi-clos, la tête appuyée sur son poing. C’est lui qui a pris la parole en dernier, jeudi 31 octobre, avant que le rideau ne se referme sur le prétoire. Il avait promis de s’expliquer devant ses compatriotes. Il ne l’a pas fait. « Personne ne veut m’écouter, a-t-il lancé à la barre. Je ne veux pas stupidement essayer de convaincre. » 

    Lui aussi n’a admis qu’un seul tort : ne pas avoir recherché à acquérir plus de pouvoir, ce qui aurait pu lui permettre de découvrir les crimes de masse et d’intervenir.

    Mise en doute de l’équité du procès

    Pendant quatre jours de plaidoiries, les avocats de ces deux vieillards ont cherché à discréditer la juridiction hybride, mi-cambodgienne mi-internationale, installée à Phnom Penh. Elle n’a pas réussi à entendre six témoins proches du gouvernement actuel, dont le premier ministre Hun Sen, le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, tous les trois d’anciens Khmers rouges. Ils n’ont pas répondu à leurs convocations à l’instruction.

    Victor Koppe, le conseil néerlandais de Nuon Chea, a mis en doute le caractère « équitable » du procès dans ces conditions. Il a décrit un tribunal prisonnier des intérêts des vainqueurs, des États-Unis et de leurs alliés, qui veulent « punir le communisme pour les absoudre des crimes qu’ils ont commis au nom du monde libre ».

    Entre 1965 et 1973, en pleine guerre froide, les États-Unis ont déversé sur le Cambodge des centaines de milliers de tonnes de bombes pour contenir la progression des communistes vietnamiens infiltrés dans le pays. La défense ne s’est pas privée de le rappeler, comme pour signifier au public et à l’histoire, bien au-delà des oreilles des juges, que les Khmers rouges n’auraient pas dû être les seuls dans le box à Phnom Penh.

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    L’histoire du Cambodge

    Avant le XIXe  siècle, le Cambodge connaît des phases de gloire avec l’empire khmer et de déclin, notamment du fait des conflits avec les Vietnamiens et Siamois.

    1863 Le Cambodge devient un protectorat français.

    1953 Le roi Norodom Sihanouk proclame l’indépendance.

    1970 Sihanouk est déposé par le général Lon Nol. Proclamation de la République khmère et engagement dans la guerre du Vietnam aux côtés des Américains.

    1975 Les Khmers rouges prennent le contrôle du pays. Le régime totalitaire fait de un à trois millions de morts.

    1979 L’armée vietnamienne chasse les Khmers rouges et met en place un gouvernement qui lui est favorable.

    1989 Les forces vietnamiennes se retirent.

    1993 Sihanouk est élu chef de l’État. La monarchie parlementaire a deux premiers ministres : Norodom Ranariddh (fils du prince Sihanouk) et Hun Sen.

    1997 Début de guerre civile et éviction de Norodom Ranariddh.

    1998 Mort de Pol Pot, l’ancien chef khmer rouge. Hun Sen devient premier ministre.

    2004 Norodom Sihanouk abdique au profit de son fils Norodom Sihamoni.

    2008 et 2013 Victoire du Parti populaire du Cambodge aux élections législatives. Hun Sen reste premier ministre.

     


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