• La poursuite des criminels de guerre

    Le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, à La Haye, a achevé ses travaux jeudi. Mais en Bosnie, la poursuite des criminels de guerre continue, suivie de près par Bakira Hasecic, engagée dans l’aide aux femmes ayant subi des sévices sexuels.

    Trois femmes grillent une cigarette dans le froid de cette matinée de décembre. Un couple passe devant elles, s’engouffrant d’un pas ferme dans le petit bâtiment qui abrite le tribunal d’Etat de Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo. Chacun regarde devant soi, le visage tendu. L’une de ces femmes, Bakira Hasecic, est la frêle porte-voix de ces milliers de Bosniennes, entre 20 000 et 50 000 selon les sources, victimes de viol pendant la guerre. L’homme à la tignasse blanche qui se présente à l’audience, libre et au bras de son épouse, c’est Luka Dragicevic, le commandant local pendant la guerre, entre 1992 et 1995, des forces serbes de Bosnie stationnées à Visegrad, une petite ville de l’est du pays qui a subi le nettoyage ethnique.

    Plus de vingt ans après la fin du conflit, les victimes, à l’instar de ces milliers de femmes violées regroupées au sein de l’association de Bakira Hasecic, n’ont pas renoncé à obtenir réparation. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye (Pays-Bas), qui a jugé 161 accusés depuis 1993 et en a condamné 55, surtout des hauts responsables politiques et militaires, a fermé ses portes le 21 décembre. Désormais, les survivants et les familles de victimes comptent sur la cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine pour que la justice passe. Depuis la création en 2005 d’une chambre dédiée aux crimes de guerre au sein de la juridiction bosnienne, 198 affaires impliquant 323 accusés ont été jugées en première instance. Il s’agit surtout de responsables locaux ou d’exécutants, comme Luka Dragicevic et la dizaine d’accusés comparaissant ce jour-là. Ils seraient environ 5 000 suspects à devoir encore répondre de leurs actes devant la justice. Les accusés sont condamnés dans 80 % des cas. La peine maximale prononcée est de quarante-deux ans de prison. La plus légère, d’un an et six mois.

    En droit international comme en droit bosnien, les crimes de guerre, contre l’humanité et les génocides sont imprescriptibles. Les tribunaux des deux entités composant la Bosnie depuis les accords de Dayton de 1995, la République serbe et la Fédération croato-bosniaque, sont également habilités à engager des poursuites pour crimes de guerre. «Les affaires de viols sont systématiquement jugées devant la cour d’Etat», précise Bakira Hasecic.

    Jetés dans la Drina

    Cheveux blond clair coupés courts, yeux verts inquiets, la sexagénaire observe ce matin l’arrivée des dix accusés, menottés pour certains. Parmi eux, figure Dragan Sekaric, déjà condamné pour meurtres et viols dans une autre affaire, notamment grâce au témoignage de Bakira et à celui de l’une des deux femmes qui l’accompagnent. Ces deux dernières ont été victimes de sévices sexuels au printemps 1992. Elles avaient alors 19 et 13 ans. Les accusés, eux, sont soupçonnés d’être impliqués dans le massacre de Strpci, un petit village des environs de Visegrad, la ville dont elles sont toutes originaires. En février 1993, des paramilitaires serbes ont fait arrêter un train parti de Belgrade en Serbie à destination de Bar au Monténégro pour en faire descendre les voyageurs non serbes. Dix-huit Bosniaques, un Croate et un passager présenté comme arabe, jamais identifiés à ce jour, ont été exécutés. Seuls quatre des corps, jetés dans la Drina, ont été retrouvés.

    Les trois femmes s’installent derrière la vitre séparant la salle d’audience de ce petit box réservé au public. A l’autre extrémité du rang ont déjà pris place les proches des accusés, dont l’épouse de Luka Dragicevic, vêtue de noir de pied en cap. Avec leurs rouges à lèvres, leurs brushings voyants et une veste de léopard négligemment jetée sur une chaise, les deux femmes qui accompagnent l’accusé semblent de trop dans ce tribunal. Pour éviter tout incident, un policier est en faction et une caméra filme l’audience. Précaution inutile ce matin : les deux groupes de femmes ne se jettent même pas un regard. Finalement, l’audience est reportée. Car les cinq témoins attendus, pour la plupart citoyens de la Serbie voisine, ne se sont pas présentés. «Ils ont peut-être été menacés, réagit Bakira. Je vais voir si on peut aider le procureur à retrouver des témoins.»

    «Des os brisés»

    «Ces procès sont importants pour les générations futures», commente Bakira Hasecic, dont l’association «Les femmes victimes de la guerre» compte des membres issus de toutes les communautés du pays. «C’est un message pour ceux qui seraient tentés de recommencer et qui doivent savoir que la justice les rattraperait.» Qu’il s’agisse de réunir des preuves pour permettre l’ouverture d’enquêtes ou de retrouver la trace de témoins ou de criminels présumés, Bakira Hasecic n’en est pas à son coup d’essai. La plaie de la guerre ne s’est jamais vraiment refermée. Au printemps 1992, un de ses voisins, policier, a fait irruption chez elle, accompagné de «tchétniks», des extrémistes serbes, pour lui faire subir, ainsi qu’à ses deux filles et son mari, «des tortures inimaginables». Aujourd’hui, le petit local abritant son association est situé au rez-de-chaussée d’un immeuble gris criblé de balles d’un quartier populaire de Sarajevo. Les murs sont tapissés de photos : une maison calcinée et un homme moustachu.

    Ce dernier, Radomir Susnjar, inculpé pour crimes de guerre par le parquet bosnien, s’est caché pendant des années dans la banlieue parisienne. Prochainement, il devrait être extradé à Sarajevo. «On n’a que deux ans d’écart, je le connais depuis toujours», commente Bakira Hasecic. L’ancien livreur est soupçonné d’avoir participé, le 14 juin 1992, au massacre de 59 civils bosniaques, dont «un enfant de deux jours qui n’avait pas eu le temps de recevoir un prénom», précise Bakira Hasecic. Ce jour-là, 66 personnes avaient été enfermées dans une maison pour y être brûlées vives.

    Bakira Hasecic a soigné l’une des sept personnes à avoir survécu: «Cette femme qui avait réussi à sauter par une fenêtre s’était cachée pendant trois jours dans un ruisseau. Elle est arrivée à travers les champs dans un village à côté de Visegrad, où nous étions cachés. D’elle émanait une odeur tellement forte qu’on ne pouvait pas l’approcher à cinq mètres, même après l’avoir lavée et désinfectée avec de l’alcool. Des vers s’échappaient de l’une de ses mains. Elle avait des os brisés.» Ensuite, en repérant le compte Facebook de la femme de l’accusé, la militante bosnienne a retrouvé la trace de Susnjar, disparu depuis des années.

    Frais de justice

    En Bosnie, où les criminels de guerre sont considérés comme des héros au sein de leurs communautés, la cour d’Etat, fondée sous l’impulsion des Nations unies, est honnie par les nationalistes de ce pays encore sous protectorat international. L’acquittement récent d’un commandant de l’armée bosnienne de la région de Srebrenica, Naser Oric, qui était accusé de crimes de guerre, a suscité la colère des leaders bosno-serbes. Comme l’élite politique bosno-croate, ils estiment que ce tribunal juge surtout des Serbes puis des Croates, et peu de Bosniaques. «C’est de la pure rhétorique nationaliste, dans la droite ligne des projets politiques de la Grande Serbie et de la Grande Croatie», tranche Refik Hodjic. L’ancien porte-parole du TPIY et du Tribunal de Bosnie-Herzégovine tient à rappeler le nombre de victimes civiles tuées pendant la guerre en Bosnie : 2 484 Croates, 4 178 Serbes et 31 107 Bosniaques. Par ailleurs, «peu de tribunaux dans le monde se retrouvent sous une telle loupe et sont aussi observés par nombre d’experts internationaux et locaux qui recherchent des failles. Ces juges sont professionnels», insiste Refik Hodzic.

    Malgré ce contexte d’hystérie nationaliste permanente, la justice suit son cours. Treize anciens combattants bosniaques de Konjic, en Herzégovine, soupçonnés de crimes de guerre, ont été arrêtés le 4 décembre. Une deuxième opération visant six autres Bosniaques, qui auraient assassiné 30  civils et prisonniers de guerre serbes, a été lancée dans la foulée, le 19 décembre, dans la région d’Ilijas et de Kakanj, au nord de Sarajevo. Ces suspects de crimes de guerre n’ont pas de soucis à se faire pour les frais de justice, qui seront pris en charge par les autorités. Ainsi, le Premier ministre du canton de Sarajevo, Elmedin Konakovic, qui rejette la possibilité que d’anciens combattants de l’armée bosnienne puissent être coupables, vient de décider d’allouer un budget de 300 000 marks convertibles (153 000 euros) pour leur défense.

    Une fois leur peine purgée, les criminels de guerre, forts de la considération de leurs concitoyens, occupent parfois des postes à responsabilité, à l’instar de l’ancien chef sécessionniste bosniaque Fikret Abdic, élu l’an dernier maire de Velika Kladusa, une ville située dans l’ouest du pays. Ce septuagénaire, allié des Serbes de Bosnie pendant la guerre, pourra tranquillement finir son mandat. En septembre, la Chambre des représentants, le Sénat bosnien, a rejeté un projet de loi visant à empêcher ceux qui ont été, comme lui, condamnés pour crimes de guerre d’accéder aux responsabilités politiques. «Quand nous avons réussi à revenir à Visegrad après la guerre, sous la protection des forces internationales stationnées en Bosnie, on a reconnu parmi les policiers des gens qui avaient tué et violé, se souvient Bakira Hasecic. Nous avons réussi à en faire licencier quelques-uns.» En Bosnie-Herzégovine, les victimes n’ont pas fini de se retrouver nez à nez avec leurs bourreaux.


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  • Le «défenseur de Srebrenica» a été acquitté

    L'ancien chef de guerre bosniaque Naser Oric et son compagnon d'armes, Sabahudin Muhic, étaient accusés d'avoir assassiné trois Serbes.

    Le «défenseur de Srebrenica», Naser Oric, a été acquitté lundi par un tribunal de Sarajevo d'accusations de crimes de guerre contre des Serbes lorsqu'il défendait l'enclave musulmane lors de la guerre de 1992-95.

    Désormais âgé de 50 ans, il a écouté le juge Saban Maksumic le déclarer innocent de l'assassinat de trois prisonniers serbes dans les alentours de Srebrenica. L'acquittement a également été prononcé pour Sabahudin Muhic, 49 ans, son frère d'armes pendant le conflit intercommunautaire.

    Ce verdict était très attendu pour des raisons opposées par les Bosniaques musulmans comme par les Serbes.

    Pour les premiers, Oric est le «héros» de la défense de l'enclave de Bosnie orientale, qui a tenu le siège imposé par les forces serbes jusqu'à la chute de juillet 1995.

    En quelques jours, les forces du «boucher des Balkans», Ratko Mladic, y avaient alors massacré 8000 hommes et adolescents bosniaques, un crime qualifié d'acte de génocide par la justice internationale.

    Pour les Serbes, qu'ils soient de Bosnie ou de Serbie voisine, Oric est un «assassin» qui a mené de 1992 à 1995 des attaques contre des villages serbes des alentours de Srebrenica, y commettant des crimes contre des civils et des prisonniers.

    Partialité

    Des associations de victimes estiment que 2.428 civils et militaires serbes ont été tués dans cette zone durant le conflit.

    Arrêté une première fois en 2003 et jugé pour ces crimes devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), à La Haye, Oric avait d'abord été condamné à deux ans de prison, pour ne pas avoir empêché meurtres et mauvais traitements.

    Mais il avait été acquitté en appel en 2008, le TPIY accordant d'importantes circonstances atténuantes à ce commandant inexpérimenté, désigné à ce poste à 25 ans. Le tribunal avait insisté sur les conditions de vie difficiles des milliers de Bosniaques réfugiés à Srebrenica après le début de l'offensive serbe en 1992.

    Son acquittement avait indigné Belgrade. Des responsables politiques et associations serbes avaient alors accusé le TPIY de «partialité».

    La justice serbe a émis en 2014 un mandat d'arrêt international contre Oric, l'accusant d'avoir mené «plusieurs attaques contre des villages serbes de la région de Srebrenica, afin de les vider de leur population serbe par l'intimidation, la torture et le meurtre».

    La Suisse l'avait arrêté un an plus tard, mais avait refusé de le remettre à la Serbie, après une vive bataille diplomatique entre Sarajevo et Belgrade. Les autorités bosniennes s'étaient alors engagées à le juger à Sarajevo.

    Le procès a débuté en janvier 2016. Oric et Muhic étaient accusés d'avoir assassiné trois Serbes, hors combat, entre juillet et décembre 1992.

    La pression de Belgrade

    Des témoins, dont un ancien soldat bosniaque qui a témoigné sous couvert d'anonymat, avaient affirmé qu'Oric avait égorgé une de ces trois victimes en juillet 1992. Ce que l'intéressé niait.

    Vinko Lale, président d'une association de prisonniers de guerre serbes, ne croyait guère en ce procès, «une farce, comme celui de la Haye». «Prendre seulement trois cas sur plus de 2.000 morts dans cette région est vraiment tragi-comique», dit-il.

    Kada Hotic, vice-présidente d'une association des mères de Srebrenica, dont des proches ont été tués dans le massacre de 1995, déplorait qu'en décidant de juger Oric, la justice bosnienne avait «cédé à la pression». Elle dénonce la volonté de Belgrade «d'équilibrer entre les deux communautés la responsabilité pour des crimes de guerre».

    Selon des associations serbes, aucun Bosniaque n'a à ce jour été condamné pour des crimes commis contre des Serbes dans la région de Srebrenica.

    Trois autres anciens soldats bosniaques sont jugés depuis avril 2016 à Sarajevo pour l'assassinat et la disparition d'une dizaine de prisonniers de guerre serbes de Srebrenica en juillet 1992.


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  • Les Pays-Bas ne peuvent être considérés comme entièrement responsables à Srebrenica

    Mardi 27 juin 2017, l’État néerlandais a été reconnu partiellement responsable par la cour d’appel de la Haye pour le meurtre de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995.

    «La Cour juge que l'Etat néerlandais a agi illégalement» et «condamne l'Etat à verser une compensation partielle» aux familles des victimes, a déclaré la juge Gepke Dulek. Environ 8000 hommes et garçons musulmans ont perdu la vie en 1995 lors du génocide de Srebrenica.

    La Cour d'appel de La Haye a confirmé que l'État néerlandais est tenu partiellement responsable de la mort de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995, pendant la guerre en Bosnie. En cause, la décision prise le 13 juillet 1995: alors que les troupes serbes de Bosnie du général Ratko Mladic massacraient déjà des musulmans depuis de nombreuses heures, 350 musulmans avaient été expulsés d'une base militaire néerlandaise, dont les environs avaient été conquis par les troupes bosno-serbes, dans le secteur de Srebrenica.

    Cet arrêt de la Cour d'appel de La Haye confirme une une décision rendue en 2014, selon laquelle les soldats de maintien de la paix néerlandais auraient dû savoir que les musulmans cherchant refuge dans leur base, dans la localité de Potocari, seraient assassinés par les troupes bosno-serbes si on les expulsait, ce qui fut le cas. L'Etat néerlandais avait fait appel du verdict, évoquant la raison que personne n'aurait pu prévoir un génocide.

    «La Cour juge que l'Etat néerlandais a agi illégalement» et «condamne l'Etat à verser une compensation partielle» aux familles des victimes, a déclaré la juge Gepke Dulek, ajoutant que les Casques bleus néerlandais ont facilité la séparation des hommes et des garçons musulmans «en sachant qu'il y avait un risque réel qu'ils subissent un traitement inhumain par les Serbes de Bosnie.»

    Les troupes néerlandaises, connues sous le nom de «Dutchbat», retranchées dans leur base, avaient recueilli des milliers de réfugiés dans l'enclave des Nations unies. Mais, submergés, elles avaient d'abord fermé les portes aux nouveaux arrivants, puis permis aux Serbes de Bosnie d'évacuer les réfugiés. Les hommes et les garçons avaient alors été séparés et mis dans des bus.

    «Dutchbat aurait dû prévenir ces hommes des risques qu'ils couraient et aurait dû leur laisser le choix de rester dans l'enclave pendant que leur famille était évacuée», a poursuivi la juge.

    Toutefois, la Cour d'appel condamne l'Etat néerlandais à verser seulement 30% des dommages et intérêts réclamés par les familles des victimes car elle «n'est pas certaine que ces personnes n'auraient pas été tuées plus tard même si elles étaient restées dans l'enclave». Environ 8000 hommes et garçons musulmans ont perdu la vie en 1995 lors du génocide de Srebrenica, théâtre des pires atrocités commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Le rôle des Casques bleus néerlandais continue de susciter la controverse

    Plus de 200 anciens Casques bleus néerlandais demandent par ailleurs des dommages et intérêts au gouvernement pour les avoir envoyé à Srebrenica remplir «une mission irréaliste, dans des circonstances impossibles», selon les mots prononcés l'année dernière par Jeanine Hennis-Plasschaert, ministre de la Défense.

    «206 de mes clients réclament une compensation de 22.000 euros chacun», a déclaré leur avocat à l'émission télévisée néerlandaise Jinek lundi soir. Au total, les dommages s'élèveraient à environ 4,5 millions d'euros.

    La journaliste et ancienne porte-parole pour le procureur du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie Florence Hartmann* revient sur le sens de ce jugement. Voici un entretien publié dans le quotidien "La Croix" le 29 juin 2017:

    La Croix : La cour d’appel de la Haye a jugé les Pays-Bas « partiellement » responsables du meurtre de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995. Les Pays-Bas peuvent-ils réellement être condamnés pour l’inaction des Casques bleus néerlandais ?

    Florence Hartmann : Les Pays-Bas ne peuvent être considérés comme entièrement responsables. À l’origine, ce contingent de Casques bleus néerlandais a été envoyé sous mandat des Nations Unis, avec pour mission de protéger les populations bloquées dans l’enclave de Srebrenica. La résolution de l’ONU autorisait l’emploi de la force si nécessaire. Cependant, les Casques bleus néerlandais ont été abandonnés, laissés dans l’enclave sans armes ni munitions. Les victimes n’ont eu d’autre choix que de se tourner vers la justice néerlandaise pour chercher condamnation. En effet, l’ONU dispose d’une immunité, elle ne peut être attaquée en justice. La décision de la cour d’appel de la Haye est un compromis : elle permet aux victimes de voir reconnaître l’impunité commise, sans pour autant en attribuer toute la responsabilité à l’État néerlandais.

    Justice peut-elle alors être obtenue dans ce qui s’est passé ?

    F. H. : Cela semble très improbable. L’ONU n’est elle-même pas responsable. La décision d’abandonner les Casques bleus néerlandais à leur sort a été prise secrètement, lors de « discussions de couloir », par les puissances influentes du Conseil de Sécurité de l’ONU. Leur but étant de simplifier les cartes en vue des négociations de paix en Bosnie. Aujourd’hui, tout le monde se cache derrière tout le monde, et en particulier, ces membres influents se cachent derrière l’immunité de l’ONU. S’il était possible d’engager la responsabilité de l’ONU, une enquête pourrait être ouverte. Elle permettrait de déterminer dans quelles mesures les décisions prises (de ne pas approvisionner les Casques bleus en munition par exemple) relevaient de l’organisation internationale elle-même, de ses dysfonctionnements, ou au contraire de choix politiques pris par des gouvernements membres.

    S’il est presque impossible de juger les responsables, quel sens donner à ce jugement ? Doit-on continuer à chercher, à juger ?

    F. H. : Ce jugement a bien sûr du sens, et ce pour deux raisons. La première est de comprendre comment cela a été possible. Comment des populations triplement protégées (sur le terrain par les Casques bleus, au niveau légal par des résolutions de l’ONU ainsi que de l’Otan) se sont retrouvées piégées dans une prison à ciel ouvert. Comment elles se sont retrouvées livrées à leurs bourreaux qui, déjà depuis quatre ans, affirmaient ouvertement vouloir les tuer. La seconde raison est d’éviter que cela ne recommence à l’avenir. Pour ces deux raisons, la décision de la cour de la Haye va dans le bon sens. Moralement, il est important que la cour n’ait pas rejeté la démarche des associations de victimes qui ont lancé la procédure judiciaire. Même si elles n’ont pas obtenu entièrement satisfaction, la décision de la cour montre que nous ne renonçons pas complètement à nos valeurs européennes.

     


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  • L’ancien Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj, réclamé par la justice serbe pour crimes de guerre a été arrêté en France.

    Ramush Haradinaj, 48 ans, ancien chef de guerre et Premier ministre kosovar a passé la nuit de jeudi à vendredi dans une cellule française. Le tribunal de Colmar a ordonné sa mise en détention provisoire en attendant d’examiner une requête officielle d’extradition de la Serbie. Du côté kosovar, les responsables politiques crient à la persécution d’un héros national. Côté serbe, le Premier ministre réclame la justice contre un criminel de guerre.

    Après s’être réfugié en Suisse au début des années 1990, Ramush Haradinaj est retourné au Kosovo en 1997 et a pris la tête d’une unité de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK). Belgrade l’accuse de crimes de guerre durant cette période, notamment de la torture et de l’assassinat de plusieurs dizaines de Serbes, Kosovars et Roms. Il a été arrêté par la police française à l’aéroport de Bâle-Mulhouse sur la base d’un mandat émis en 2004.

    Déjà acquitté deux fois

    En 2015 déjà, il avait été arrêté en Slovénie mais la justice avait refusé son extradition, la jugeant motivée par des raisons politiques. Autre argument de poids: il a déjà été acquitté deux fois par le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie des crimes dont il est accusé et est sorti libre en 2012.

    Pour Milica Kostic, directrice des programmes du Centre pour le Droit Humanitaire, une ONG Belgradoise spécialisée dans la question des crimes de guerre commis dans les Balkans, Belgrade a «encore fait preuve d’imprudence». «Il est décevant de voir que la Serbie continue de s’accrocher à ces mandats d’arrêt alors qu’aucun responsable serbe de haut-rang n’a été traduit en justice depuis des années, ce qui démontre leur motivation politique», souligne-t-elle.

    Le moment est d’autant plus mal choisi que la Cour spéciale pour le Kosovo s’apprête elle-même à lancer ses premiers mandats d’arrêt. Ce nouveau tribunal de la Cour pénale internationale, installé lui aussi à La Haye, a pour unique but de faire juger les responsables kosovars de crimes lors de la guerre de 1998-1999. «Cette cour sera plus à même de juger les responsables kosovars de haut rang», estime Milica Kostic, qui rappelle qu’en Serbie, le bureau spécial du procureur pour les crimes de guerre n’a pas de chef depuis plus d’un an.

    Président serbe bloqué

    Cette arrestation a tendu encore davantage les relations houleuses entre Belgrade et Pristina. La Serbie ne reconnaît toujours pas l’indépendance du Kosovo, revendiquée en 2008, et la «normalisation des relations» entre les deux pays, un processus supervisé par l’Union européenne, n’avance que très lentement.

    Les ministres kosovars ont assuré «tout faire» pour la libération rapide de l’ancien chef du gouvernement. En Serbie, le Premier ministre Aleksandar Vucic a estimé qu’il serait «absurde que la France ne respecte pas la loi» et refuse l’extradition.

    Ardian Gjini, président du groupe parlementaire de l’Alliance pour le futur du Kosovo (AAK), parti d’opposition dont le leader est Ramush Haradinaj, a appelé à l’interruption du dialogue jusqu’à la suspension des mandats d’arrêts serbes contre les responsables kosovares. Le président serbe Tomislav Nikolic, qui devait passer le Noël orthodoxe dans une ville serbe du Kosovo, s’est vu refusé hier l’entrée sur le territoire par les autorités kosovares.

     

    Pourquoi donc a-t-il fallu qu’il débarque du côté français de l’aéroport international de Bâle-Fribourg-Mulhouse? Ramush Haradinaj a été arrêté dès sa descente d’avion, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par la Serbie en 2004. L’ancien premier ministre du Kosovo s’est rendu à plusieurs reprises en Suisse, mais il a aussi assisté, sans être inquiété, au match France/Albanie, à Marseille en juin dernier. En revanche, le 17 juin 2015, il avait été arrêté à l’aéroport de Ljubljana. Quand on fait, comme lui, l’objet d’un mandat d’arrêt transmis par la Serbie à Interpol, tout déplacement revient à jouer sa liberté à la roulette russe, même si l’aventure se termine en général sans trop d’encombres. En Slovénie, Ramush Haradinaj a été remis en liberté le soir même de son arrestation et il a pu quitter le pays deux jours plus tard. Les choses ne devraient pas se passer très différemment en France.

    Acquitté à deux reprises par le TPI

    La Serbie réclame pourtant l’extradition de cet ancien commandant de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK), acquitté à deux reprises par le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY). Ramush Haradinaj était poursuivi pour la torture et le massacre de civils non-albanais dans la «zone opérative» de la Dukagjin qu’il dirigeait. L’homme est né en 1968 dans cette région de l’ouest du Kosovo, où d’intenses combats opposèrent les séparatistes albanais aux forces serbes dès le printemps 1998.

    C’est en mars 2005 qu’il est inculpé pour la première fois, alors qu’il vient d’assumer la charge de premier ministre du Kosovo, dont il démissionne aussitôt pour se présenter devant ses juges de La Haye. Acquitté en avril 2008, il est replacé en détention en 2010, le Tribunal ayant exceptionnellement ordonné l’ouverture d’un nouveau procès: en effet, pas moins de neuf témoins à charge capitaux de l’accusation ont été tués ou ont trouvé la mort dans des circonstances étranges au cours de la première procédure.

    L’acquittement final de Ramush Haradinaj, le 29 novembre 2012, a mis un terme à ce long parcours judiciaire, mais pas aux doutes qui subsistent. La Serbie parle d’un procès «truqué», et beaucoup d’organisations de défense des droits de la personne s’interrogent sur le verdict. Dès l’annonce de l’arrestation de Ramush Haradinaj, mercredi soir, le premier ministre serbe Aleksandar Vucic, a donc réclamé son extradition, en assurant que la justice de son pays, qui a dressé un acte d’accusation partiellement différent de celui du TPIY, avait bien assez de preuves et de témoins pour le juger.

    Nouveau tribunal spécial

    Il est très peu probable que la France accède à cette demande, mais cela ne signifie pas forcément que Ramush Haradinaj en a fini avec la justice. En effet, un nouveau Tribunal spécial pour les crimes de l’UÇK doit émettre ses premières accusations dans les prochains mois. Ce tribunal, résultat direct de l’enquête menée par le Suisse Dick Marty, est intégré au système judiciaire du Kosovo, mais il est «délocalisé» à La Haye, avec des juges et des procureurs internationaux.

    Au vrai, le nom de Ramush Haradinaj ne figure pas dans le rapport présenté en décembre 2010 par le député suisse devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe: Dick Marty s’est concentré sur le «groupe de la Drenica», c’est-à-dire les proches compagnons d’Hashim Thaçi, élu président de la République en avril dernier. L’arrestation de Ramush Haradinaj est néanmoins venue tétaniser encore plus les milieux politiques du Kosovo, qui attendent avec inquiétude les premiers actes d’accusation.

    Engagé dans l’opposition, le parti de Ramush Haradinaj, l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK), s’est opposé à la création de ce nouveau tribunal tout comme à la poursuite du poussif «dialogue» entre Pristina et Belgrade. Dès mercredi soir, Avni Arifi, le porte-parole de l’AAK, tonnait que l’arrestation de Ramush Haradinaj était le «seul résultat» de ce dialogue. Il est vrai qu’elle ne va pas dans le sens de la «normalisation» des relations entre le Kosovo et la Serbie, tant souhaitée par l’Union européenne.

    L’ancien Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj arrêté en France


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  • Huit criminels comparaissent pour le massacre qui a eu lieu dans cette ville bosniaque en 1995.

    «Nedjo le boucher» et sept anciens policiers sont attendus lundi 12 décembre devant un tribunal de Belgrade: pour la première fois, la justice serbe organise un procès d'auteurs présumés du massacre de Srebrenica, en 1995 en Bosnie.

    Originaires de Bosnie, ces huit hommes ont tous obtenu la nationalité serbe après la fin de la guerre intercommunautaire (1992-1995) qui avait fait 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés, soit la moitié de la population d'avant-guerre.

    Ils encourent 20 ans de prison, pour «crimes de guerre contre la population civile».

    La justice de Serbie comme son personnel politique refusent de considérer que Srebrenica fut un acte de génocide, comme le fait depuis plusieurs années la justice internationale, et comme l'a répété en mars le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY) en condamnant à 40 ans de prison Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie pendant le conflit.

    8'000 hommes massacrés

    En quelques jours de juillet 1995, dans les derniers mois de la guerre, les forces serbes de Bosnie commandées par le général Ratko Mladic avaient massacré quelque 8'000 hommes et adolescents bosniaques. C'est la pire tuerie sur le sol européen depuis la Seconde guerre mondiale.

    Les victimes avaient été séparées des femmes et des enfants tandis que la population tentait de fuir l'enclave de Srebrenica, submergée par les forces serbes alors qu'elle était censée être sous protection onusienne.

    Arrêté en 2011 après plus de 10 ans de cavale en Serbie, Ratko Mladic, 74 ans, est dans l'attente de son verdict devant le TPIY de La Haye, attendu en 2017. L'accusation vient de réclamer la perpétuité.

    Huit charniers

    Arrêtés en mars 2015, les huit hommes jugés à Belgrade comparaissent libres. Ils appartenaient à une unité policière spéciale, «Jahorina», du nom d'une station de ski surplombant Sarajevo. Une dizaine de ses membres ont déjà été jugés en Bosnie.

    Ils sont accusés d'avoir ordonné ou participé à l'exécution en une seule journée de plusieurs centaines de musulmans bosniaques, capturés dans une forêt puis tués dans un entrepôt de Kravica, près de Srebrenica.

    Les membres de «Jahorina» avaient tiré à l'arme automatique dans l'entrepôt et y avaient jeté des grenades, selon les éléments de l'enquête. Les restes des victimes avaient été retrouvés dans huit charniers.

    Parmi les hommes jugés à Belgrade figure le commandant de la brigade, Nedeljko Milidragovic, alias «Nedjo le Boucher», 58 ans. Selon l'acte d'accusation, il avait dit à ses hommes que «personne ne devait sortir vivant» de l'entrepôt.

    Affronter le passé

    Il était boucher avant la guerre, avant de devenir policier durant le conflit, selon les médias serbes. Après la guerre, parti s'installer en Serbie, il y est devenu un prospère homme d'affaires.

    Une partie de la population serbe et sa classe politique contestent que les Serbes soient les principaux responsables des conflits qui ont ensanglanté les Balkans dans les années 1990, quand Slobodan Milosevic était au pouvoir à Belgrade.

    Pour l'ancien procureur serbe pour les crimes de guerre, Vladimir Vukcecic, le procès qui débute lundi «est très important, car la Serbie doit affronter son passé». «Faute de quoi, il ne peut y avoir de catharsis, il ne peut pas y avoir de réconciliation dans la région», explique le magistrat à l'AFP, selon qui quatre autres personnes font l'objet d'enquêtes en Serbie pour Srebrenica. Refus d'extradition

    Depuis son départ en retraite en 2015, le poste de M. Vukcecic est resté vacant, ce qui a suscité les critiques, le 8 décembre devant le Conseil de sécurité de l'ONU, du procureur du TPIY, Serge Brammertz. Il avait aussi reproché à la Serbie d'«ignorer et violer ses obligations légales de coopération» avec la justice internationale.

    La Serbie refuse en effet d'extrader trois de ses ressortissants, accusés d'avoir fait pression sur des témoins durant le procès de l'ultranationaliste Vojislav Seselj. Redevenu député à Belgrade, celui-ci a été acquitté en mars par le TPIY.


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  • La suspecte s'est opposée à son extradition après son interpellation. Le TPF pourrait avoir le dernier mot.

    La police neuchâteloise a arrêté il y a dix jours une Bosniaque recherchée par les autorités de son pays pour crime de guerre. Cette femme est soupçonnée d'avoir, comme membre de l'armée bosniaque, assassiné un garçon de douze ans en juillet 1992 dans la région de Srebrenica.

    Cette femme domiciliée en Suisse a été arrêtée à Neuchâtel le 20 septembre et placée en détention en vue d'extradition, sur mandat de l'Office fédéral de la justice (OFJ). Ce dernier a confirmé vendredi à l'ats l'information révélée par l'agence de presse Presheva Jonë.

    Les autorités bosniaques ont fait une demande d'extradition le 13 novembre 2015, qu'ils ont complétée le 6 janvier et le 8 mars 2016. Mais cette femme s'y est opposée, lors de son audition par le Ministère public neuchâtelois le lendemain de son arrestation. L'OFJ va trancher, après analyse des arguments de chaque partie.

    Le mandat d'arrêt ainsi que la décision d'extradition de l'OFJ seront susceptibles de recours auprès du Tribunal pénal fédéral, précise l'OFJ. Quand il s'agit d'un «cas particulièrement important», notamment lorsqu'on peut supposer que la procédure à l'étranger comporte des vices graves, la décision du Tribunal pénal fédéral peut être attaquée par voie de recours au Tribunal fédéral.


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    La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a douché jeudi les derniers espoirs des proches de trois victimes du massacre de Srebrenica en 1995.

    Ceux-ci espéraient faire juger les Casques bleus néerlandais pour avoir abandonné leurs proches aux forces serbes.

    Plus aucune incertitude

    Cette requête est définitivement «irrecevable», a tranché la CEDH. Les juges de Strasbourg ont remarqué que la justice néerlandaise avait fait le même constat que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), à savoir que «les militaires néerlandais ignoraient l'ampleur du massacre imminent».

    «Il ne subsiste plus aucune incertitude» quant au rôle joué à l'époque par les soldats de l'ONU mis en cause, a encore souligné la CEDH. A ses yeux, il est «impossible de conclure» que la justice néerlandaise s'était fondée sur des investigations «ineffectives ou inadéquates» , en décidant de ne pas engager de poursuites contre les militaires.

    Employés locaux abandonnés

    La Cour européenne avait été saisie par les familles de trois victimes du massacre de 1995 - le pire en Europe depuis la deuxième Guerre mondiale, avec près de 8000 hommes et garçons musulmans tués. Deux de ces trois victimes avaient travaillé pour le bataillon néerlandais en charge de protéger l'enclave musulmane de Srebrenica, et la troisième avait représenté les réfugiés lors de négociations.

    Lorsque les forces serbes envahirent la «zone de sécurité», en juillet 1995, les Casques bleus l'avaient évacuée - en abandonnant sur place certains de leurs employés locaux.

    Les requérants ont fait valoir devant la CEDH que, de ce fait, les officiers néerlandais «avaient exposé leurs proches à une mort probable en sachant parfaitement ce qui allait vraisemblablement leur arriver».

    Complicité de génocide

    Ils avaient saisi la justice néerlandaise en demandant l'ouverture d'une enquête pénale contre trois responsables du bataillon de Casques bleus, pour complicité de génocide ou de crimes de guerre.

    Le procureur avait refusé d'intenter des poursuites, une décision confirmée en appel en avril 2015 au motif que «des condamnations étaient peu probables en tout état de cause», comme l'a résumé la CEDH.

    Les juges européens ont estimé ne disposer d'aucun élément pour supposer que la procédure judiciaire aux Pays-Bas aurait été partiale ou inéquitable.

    Ils n'ont rien trouvé à redire non plus au fait que, lors de cette procédure, les militaires ont été considérés par les magistrats «comme de simples complices éventuels, à distinguer des principaux coupables». Selon eux «il n'y avait pas d'éléments (ni même d'allégations) indiquant que les militaires néerlandais auraient joué un rôle direct dans le massacre».


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  • Un Bosnien accusé de crimes de guerre arrêté

    Nikola Ceranic a été arrêté à 100 km de Sao Paulo. Il risque l'extradition.

    La police de São Paulo a arrêté samedi 30 juillet 2016 un citoyen de Bosnie-Herzégovine recherché pour des crimes de guerre commis au début du conflit intercommunautaire de 1992-1995 dans ce pays, a annoncé le parquet brésilien. La cour suprême du Brésil doit se pencher sur la demande d'extradition.

    L'homme, Nikola Ceranic, a été interpellé dans la localité de Indaiatuba, proche de la ville de Campinas, à 100 kilomètres de São Paulo. Il est recherché par la justice bosnienne pour «des crimes de guerre contre la population civile pendant le conflit en 1992».

    Le parquet ne donne pas de précisions sur les crimes reprochés à Nikola Ceranic, ni sur son appartenance communautaire. Il ne dit pas non plus depuis quand il se trouve au Brésil.


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  • Ce 11 juillet marquera la commémoration du massacre de 8000 musulmans par les forces serbes de Bosnie. Les tensions restent vives entre les principales communautés de la région.

     

    Vingt ans après le massacre de Srebrenica qui a précédé la fin du conflit intercommunautaire de Bosnie (1992-95), ce pays balkanique, un des plus pauvres d'Europe, est figé dans ses divisions. Il reste à la traîne des candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

    Après une période d'ébauche de construction d'un Etat viable - au forceps et sous la pression de la communauté internationale -, sur les ruines d'un conflit qui a fait 100'000 morts, la Bosnie n'a pas trouvé de formule pour rassembler son peuple.

    Une cohabitation difficile

    Musulmans (40%), Serbes (30%, chrétiens orthodoxes) et Croates (10%, chrétiens catholiques), principales communautés de ce pays de 3,8 millions d'habitants, se regardent toujours en chiens de faïence. Leurs dirigeants politiques n'ont jamais renoncé à leurs objectifs de guerre, fait valoir Srecko Latal, directeur du groupe de réflexion Social Overview Service (SOS).

    Ces objectifs sont «la centralisation de la Bosnie (souhaitée par les musulmans), la sécession de l'entité serbe et la mise en place d'une entité croate», souligne M. Latal, également rédacteur en chef d'un réseau régional de journalisme d'investigation (BIRN).

    Attisées par des hommes politiques, les divergences entre ces communautés gagnent en intensité à l'occasion des commémorations, telles que le massacre de Srebrenica, l'un des plus grands traumatismes de la guerre.

    «Nier un mensonge»

    Les musulmans, dont 8000 hommes et adolescents ont été tués en juillet 1995 par les forces serbes de Bosnie dans ce massacre, souhaitent voir les Serbes admettre qu'il s'agit d'un génocide, tel qu'il a été qualifié par la justice internationale. Ces derniers s'y refusent.

    «Tout est un mensonge récurrent. Ils nous disent 'vous ne devez pas nier'. Comment ne pas nier un mensonge?», a encore déclaré samedi le leader politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik.

    Un conflit sans fin

    Deux décennies après le conflit, les leaders des trois communautés ne parviennent pas à se mettre d'accord «sur le moindre intérêt commun», dit l'analyste politique Tanja Topic. Les nationalistes «mettent en oeuvre des politiques autistes et fabriquent des tensions permanentes (...) pour resserrer ainsi les rangs» au sein de leurs communautés, poursuit-elle.

    «Ils ont morcelé le pays en zones ethniques et d'intérêt dans lesquelles ils contrôlent totalement les flux financiers et où les chefs de tribus ethniques sont les seigneurs de la vie et de la mort», affirme Mme Topic.

    Cette politique trouve ses fondements sur l'accord de paix de Dayton (Etats-Unis), qui a mis un terme à la guerre et a divisé le pays en deux entités, l'une serbe et l'autre croato-musulmane.

    Des risques de crise

    En raison de permanentes querelles politiciennes, le rapprochement de la Bosnie avec l'UE est au point mort depuis plusieurs années. Les initiatives européennes de relance n'ont cessé de se succéder sans aucun résultat.

    Pendant ce temps, la Bosnie, où le chômage touche plus de 40% de la population active, aura besoin de plus de 500 millions d'euros cette année pour combler ses déficits. Même si les élites politiques affirment que l'adhésion à l'UE est leur principal objectif, ce n'est pas du tout leur vrai intérêt, assure Mme Topic.

    «Cette situation de désordre et de chaos, dans laquelle ils créent des lois et standards à leur mesure, est celle qui les arrange le mieux», dit-elle.

    Empêcher un écroulement de la région

    A défaut d'un accord sur les réformes européennes et par conséquent sur un prêt du FMI, la Bosnie risque de sombrer à l'automne dans une crise «plus profonde encore» et d'être le théâtre de «mouvements de colère», met en garde M. Latal.

    «L'UE et les Etats-Unis (...) doivent renforcer leur engagement ici pour empêcher une poursuite de l'écroulement de la Bosnie, qui pourrait mettre en danger la stabilité de toute la région» des Balkans, dit-il.


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  • Création controversée d'un tribunal pour crimes de guerre

    Un millier de Kosovars albanais, anciens combattants du conflit avec la Serbie (1998-99), ont manifesté mercredi 17 juin 2015 à Pristina contre la mise en place d'un tribunal qui doit se pencher sur des crimes de guerre.

    «L'histoire dit qu'un peuple qui combat pour sa liberté ne commet pas de crime», a lancé un ex-combattant de l'UCK, Xhavit Jashari, aux manifestants réunis dans le centre-ville devant le siège du gouvernement.

    «Les parlementaires ont l'obligation morale et politique de voter contre ce tribunal», a-t-il ajouté.

    Les manifestants qui scandait «UCK, UCK» et «non à l'injustice», portaient des drapeaux albanais mais aussi des portraits d'un ancien général de l'UCK, Sylejman Selimi, ambassadeur du Kosovo en Albanie avant d'être inculpé en 2013, et de Sami Lushtaku, un ex-responsable de l'UCK, maire de Srbica (nord-ouest), qui ont été condamnés fin mai respectivement à huit et douze ans de prison pour crimes de guerre.

    Neuf autres ex-membres de l'UCK avaient été condamnés, fin mai, pour des crimes de guerre commis pendant le conflit de 1998-99.

    Début juin, le parlement kosovar devait se réunir pour approuver des changements de la Constitution et des amendements techniques ouvrant la voie à la mise en oeuvre d'une décision des législateurs kosovars d'avril 2014, qui approuvait la création de ce tribunal. La réunion avait été ajournée.

    Trafic d'organes présumé

    Cette nouvelle juridiction est censée faire partie du système judiciaire du Kosovo, mais les dossiers sensibles devraient être pris en charge en dehors du pays.

    L'une de ses premières tâches sera de se saisir d'une enquête pour vérifier les accusations présentées dans le «rapport Marty», publié en 2010 par le Conseil de l'Europe et qui faisait état d'exactions commises par des membres de l'UCK sur quelque 500 prisonniers serbes et roms pendant la guerre.

    Le rapport évoquait notamment un trafic présumé d'organes, prélevés sur des victimes, et mettait en cause l'ex-chef de la guérilla et actuel ministre des Affaires étrangères kosovar Hashim Thaçi, accusations que l'intéressé a vivement démenti.

    Un conflit armé a opposé les forces de Belgrade à une guérilla indépendantiste au Kosovo en 1998-99, poussant l'Otan à intervenir au printemps 1999. Les frappes aériennes avaient provoqué le retrait des forces serbes, et le Kosovo a déclaré son indépendance en 2008.

     


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