• Berne s’attaque aux taxes de l’Erythrée

    Berne s’attaque aux taxes de l’Erythrée

    Asmara perçoit un impôt auprès de ses citoyens établis en Suisse. Fedpol a déposé une plainte pénale.

    La pratique est entourée d’un certain mystère. L’Etat érythréen perçoit une taxe de 2% sur les revenus de ses concitoyens établis à l’étranger, y compris en Suisse. L’Office fédéral de la police (Fedpol), qui essayait de récolter des témoignages depuis plusieurs années, a déposé une plainte pénale. «La procédure est entre les mains du Ministère public de la Confédération (MPC), qui décidera s’il y a lieu d’ouvrir une instruction», confirme sa porte-parole, Cathy Maret.

    Cette procédure serait ouverte pour violation de l’article 271 du Code pénal, qui concerne les actes exécutés sans droit pour un Etat étranger. En clair: il s’agit de savoir si cet impôt, qui est perçu sans l’autorisation de la Confédération, est illégal. «La réponse n’est pas simple, poursuit Cathy Maret. D’une part, il est difficile d’obtenir des informations précises sur cette pratique. D’autre part, il n’y a pratiquement pas de jurisprudence dans le domaine.» André Marty, porte-parole du MPC, renchérit: «Il sera difficile de prouver un acte punissable.»

    Directement à la maison

    Pour autant, Veronica Almedom, membre de l’association Stop Slavery in Eritrea et opposée au régime d’Asmara, réagit positivement: «Cette nouvelle rassure la communauté érythréenne en Suisse. Cela montre que l’arbitraire imposé par le régime en Erythrée n’a pas sa place ici.» La jeune femme donne des détails sur la taxe en question: «Elle est perçue au consulat, lors de fêtes organisées par le régime, ou des agents du gouvernement la récoltent dans les foyers. Les Ery­thréens doivent payer s’ils ont besoin des services administratifs du consulat. C’est le cas s’ils doivent obtenir un certificat de naissance, renouveler leur passeport ou tout autre document ou encore protéger des héritages. Certaines personnes ne le font pas durant plusieurs années, puis doivent payer 10?000 francs ou même plus d’un seul coup.»

    Veronica Almedom énumère d’autres problèmes liés à cette pratique: «Les Erythréens versent de l’argent à une dictature qui les a forcés à fuir. A leur insu, ils alimentent la machine, c’est un cercle vicieux. En Suisse, beaucoup sont à l’aide sociale. C’est malheureusement comme si les Suisses eux-mêmes soutenaient ce régime!»

    Selon elle, Berne doit adopter une position ferme. Et sensibiliser la diaspora à cette question. «Nous sommes dans une réelle impasse. Les Erythréens ne réalisent pas la portée de leur geste. Ils vivent aussi dans la paranoïa et n’osent pas parler, pas même à la police. Dans ces conditions, les autorités suisses peinent à obtenir des informations. Il faudrait expliquer clairement aux réfugiés quels sont leurs droits et leurs obligations.»

    Toni Locher, consul honoraire de l’Erythrée en Suisse, confirme l’existence de cette taxe: «L’Erythrée demande à sa diaspora de payer des impôts depuis plus de vingt ans. C’est volontaire, où est le problème?» Ce médecin argovien ajoute que celui qui ne veut pas payer n’y est pas obligé. En revanche, il doit s’en acquitter s’il veut obtenir quelque chose de l’Erythrée.

    Augmentation des NEM

    Pour la Suisse, ces questions sont importantes. L’Erythrée est le principal pays de provenance des requérants arrivant dans notre pays. Au troisième trimestre, ils ont déposé 5127 demandes, soit 41,6% du total. Ces derniers mois, toutefois, les décisions de renvoi se sont multipliées à leur égard: 772 d’entre eux ont été frappés d’une décision de non-entrée en matière en septembre. Il s’agit de «cas Dublin», renvoyés vers le premier pays qui les a accueillis, en général l’Italie. Comme le montre la statistique de l’asile, ces chiffres étaient beaucoup moins élevés les mois précédents (245 en août, 77 en juillet, 24 en juin). Le Secrétariat d’Etat aux migrations lie cette hausse à celle du nombre de demandes d’asile.


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