• La CIJ rejette les allégations de génocide de la Croatie et de la Serbie

     

    La Cour internationale de Justice (CIJ), le principal organe judiciaire des Nations Unies, a rejeté mardi 3 février 2014 les demandes respectives de la Croatie et de la Serbie s'accusant mutuellement de crimes de génocide durant les conflits dans les Balkans des années 1990.

    Cette décision pourrait apaiser l’animosité qui persiste entre les deux voisins.

    La Cour internationale de Justice affirme que les forces serbes ont commis des crimes importants en Croatie au début de la guerre, mais que ceux-ci ne constituaient pas un génocide.

    Le comité de 17 juges a ensuite statué qu’une offensive lancée par la Croatie en 1995 pour reprendre du territoire aux rebelles serbes a aussi donné lieu à des crimes majeurs, mais sans qu’on puisse évoquer un génocide.

    Les combats survenus en Croatie entre 1991 et 1995 ont fait environ 10 000 morts, en plus de chasser des millions de personnes de chez elles.

    La décision de mardi n’a rien d’étonnante, puisque le tribunal de l’ONU pour les crimes de guerre en Yougoslavie, un tribunal distinct lui aussi installé à La Haye, n’a jamais accusé Serbes ou Croates de génocide sur le territoire de l’autre.

    La Croatie avait soumis le dossier à la Cour internationale de Justice en 1999, en exigeant que la Serbie lui verse une compensation monétaire. Belgrade avait répliqué avec sa propre poursuite, en faisant valoir que «l’opération Tempête» lancée par les forces croates en 1995 représentait un génocide.

    Le président du tribunal, Peter Tomka, a rejeté les deux plaintes. Il a reconnu que plusieurs crimes ont été commis lors des combats entre Croates et Serbes, et il a demandé aux deux camps de travailler à une réconciliation durable. Le tribunal estime aussi que les victimes de ces violences ont droit à une compensation adéquate.

    Les décisions de la Cour internationale de Justice sont finales et juridiquement contraignantes.

    M. Tomka a expliqué que des crimes commis par les deux belligérants — comme des meurtres et des expulsions massives — font partie du crime de génocide, mais les juges ont statué que ni la Serbie, ni la Croatie ne cherchaient «spécifiquement» à détruire les populations ciblées.

    Les deux pays se sont dits déçus de la décision du tribunal, tout en reconnaissant que le moment est venu de passer à autre chose.

    «Nous ne sommes pas heureux, mais nous acceptons ce jugement de manière civilisée, a dit le premier ministre croate Zoran Milanovic. Ça fait plus de 20 ans; la Croatie est maintenant membre de l’Union européenne et elle peut construire son avenir.»

    En Serbie, le président Tomislav Nikolic a déclaré que si le tribunal a rejeté les allégations serbes de génocide, il a quand même aboli «certains stéréotypes habituels» qui font des Serbes les seuls responsables de la guerre.

    «Malgré cette injustice, un pas important a été franchi», a dit M. Nikolic. Il ensuite exprimé le souhait de voir la Croatie et la Serbie aller de l’avant «en toute bonne foi».

    Un jugement rendu en 2007 avait reconnu Belgrade non coupable de génocide relativement au massacre de 8000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica, en 1995, tout en statuant que la Serbie avait contrevenu à la convention contre les génocides en empêchant ce massacre — le pire en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale — d’être commis.

    La guerre de Croatie aurait fait une vingtaine de milliers de morts. Elle a éclaté après que la Croatie ait proclamé son indépendance de la fédération yougoslave.

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    ^La Cour internationale de Justice (CIJ), le principal organe judiciaire des Nations Unies, a rejeté mardi les demandes respectives de la Croatie et de la Serbie s'accusant mutuellement de crimes de génocide durant les conflits dans les Balkans des années 1990.

    Dans son arrêt publié mardi, « qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties », la CIJ rejette par quinze voix contre deux la demande de la Croatie et à l'unanimité la demande de la Serbie.

    Au titre de la procédure examinée par la Cour, la Croatie soutenait que la Serbie était responsable de violations de la Convention des Nations Unies sur le génocide pour des faits qui auraient été commis entre 1991 et 1995. Dans le même temps, la Serbie accusait la Croatie de s'être elle-même rendue coupable de violations de la Convention pour des faits qui auraient été commis en 1995 dans la République serbe de Krajina.

    S'agissant de l'historique de la procédure, la Cour rappelle dans son arrêt que, le 2 juillet 1999, la République de Croatie a déposé une requête introductive d'instance contre la République fédérale de Yougoslavie au sujet d'un différend concernant des violations alléguées de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. Le 18 novembre 2008, la Cour a rendu un arrêt rejetant une partie des exceptions préliminaires soulevées par la défenderesse, devenue alors la Serbie. Par la suite, la Serbie a quant à elle soumis une demande à l'encontre de la Croatie pour des allégations de crimes similaires.

    Selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il existe deux éléments constitutifs du génocide : l'élément matériel de l'infraction, ou ce que la Cour appelle l'actus reus, et l'intention criminelle de génocide, à savoir la mens rea. De ce fait, « l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux » est la caractéristique essentielle du génocide, celle qui le distingue des autres crimes selon la Convention.

    Pour condamner l'auteur d'un crime de génocide, la CIJ, dont le siège se trouve à La Haye, doit par conséquent faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, de l'existence des deux éléments, l'actus reus et la mens rea.

    Dans le cadre de la procédure, la CIJ a d'abord examiné la demande de la Croatie contre la Serbie et a été en mesure d'établir l'existence de l'actus reus. Cependant, la Cour a constaté que la mens rea faisait défaut. Du fait de l'absence d'intention de génocide, la CIJ a rejeté la demande de la Croatie dans son intégralité.

    La Cour a ensuite examiné la demande de la Serbie contre la Croatie et, de façon similaire, a constaté l'élément matériel de l'infraction, mais pas l'intention criminelle. La Cour a donc également rejeté la demande de la Serbie dans son intégralité.

    Dans sa décision, la Cour a cependant relevé une série de crimes commis pendant les périodes considérées, y compris des attaques généralisées contre des populations et infrastructures civiles et a réitéré sa demande aux deux parties de poursuivre leurs négociations en vue de régler le plus vite possible la question du sort des personnes disparues. La CIJ a également encouragé les parties à poursuivre leur coopération en vue d'offrir une réparation appropriée aux victimes de ces violations, de façon à consolider la paix et la stabilité dans la région.


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