• Le pape encourage les élus français à «amender ou abroger» les lois si nécessaire

    Le pape François, recevant pour la première fois au Vatican 45 membres du Parlement français, qui vient d’adopter une loi autorisant le mariage homosexuel très critiquée par les milieux catholiques, a invité ces élus samedi 15 juin 2013 à «amender et même abroger» les lois contraires à leur conscience.

    Le pape encourage les élus français à «amender ou abroger» les lois si nécessaire

    Une source parlementaire française a souligné que le pape avait décrit de manière générale la mission du parlementaire et qu’il n’avait à aucun moment fait allusion à la récente loi sur le mariage homosexuel. Il s’agissait de la première fois aussi qu’une délégation française était reçue par lui depuis son élection le 13 mars.

    «Le principe de laïcité qui gouverne les relations entre l’État français et les différentes confessions religieuses ne doit pas signifier (...) une exclusion des religions du champ social et des débats qui l’animent», a estimé François, selon un communiqué du Vatican.

    Devant 29 sénateurs et 16 députés, majoritairement de droite (UMP) et deux socialistes, il les a clairement invités à «amender et même à abroger» les lois si nécessaire, pour leur «apporter l’indispensable qualité qui élève et anoblit la personne humaine». Il s’agit d’«insuffler» à ces lois «un supplément, un esprit, une âme qui ne reflète pas uniquement les modes et les idées du moment».

    Les propos du pontife surviennent après l’adoption définitive le 23 avril par le Parlement d’une loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe et leur donnant la possibilité d’adopter des enfants, qui a profondément clivé la société.

    Le pape a d’ailleurs paru rendre hommage à la mobilisation de centaines de milliers de Français dans le cadre des manifestations contre «le mariage pour tous» : «on peut se féliciter, a-t-il dit, que la société française redécouvre des propositions faites par l’Eglise, entre autres, qui offrent une certaine vision de la personne».

    A la sortie de l’audience, le sénateur UMP Charles Revet, qui dirige au Sénat le groupe d’amitié France-Saint-Siège, a affirmé que le terme «abroger» était «un terme que le pape a appuyé». «Le Parlement aura, après, s’il le juge utile, à revoir les choses», a-t-il ajouté.

    Erwann Binet, député PS et rapporteur du projet de loi sur le mariage homosexuel, a estimé qu’il n’y avait «pas lieu de polémiquer» sur les propos de pape François. Ils sont «bien plus +soft+, ai-je envie de dire, que certains de ceux que nous avons pu entendre dans notre pays, y compris par des représentants de l’Eglise», a déclaré l’élu socialiste, interrogé par BFM-TV.

    Le député PS Thomas Thévenoud, l’un des deux socialistes parmi les élus reçus par le pape, a assuré dans un communiqué que ce dernier n’avait «absolument pas demandé l’abrogation de la loi sur le mariage pour tous».

    Dans un discours fait sur un ton très courtois et dépourvu de critiques, le pape a souligné les «relations de confiance qui existent généralement» en France entre responsables de l’Etat et de l’Eglise.

    Le pape a ajouté que l’Eglise désirait «apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne», une contribution qu’elle souhaite donner non seulement au niveau «anthropologique ou sociétal, mais aussi dans les domaines politique, économique et culturel». Il a rappelé que la France était une «nation vers laquelle les yeux du monde se tournent souvent».

    Le sénateur UMP Christian Cambon a jugé que l’exhortation du pape à amender et abroger les lois était «un message significatif», si «les mots veulent dire ce qu’ils veulent dire».

    Le pape «ne part pas en guerre» contre la loi sur le mariage homosexuel, mais «exprime son inquiétude», car «le pays n’est pas apaisé sur cette affaire», a-t-il poursuivi, avant de souligner que le chef de l’Eglise catholique «prend la mesure de la grande crise des valeurs qui touche l’Europe».

    Le pape argentin avait indirectement salué vendredi la position que le primat anglican Justin Welby avait récemment prise pendant le débat parlementaire à Londres contre le projet de mariage homosexuel.

    Mais il n’a jamais évoqué directement le thème et reste très attentif à éviter les ingérences de l’Eglise. Il invite en revanche les catholiques à s’engager davantage dans la vie politique pour défendre sans peur les idées chrétiennes.

    Quand il était archevêque de Buenos Aires, il s’était prononcé contre le «mariage» entre personnes de même sexe, tout en semblant adopter à titre personnel une position pragmatique plutôt favorable aux contrats d’unions civiles homosexuelles.

    Pour l’Eglise, le terme de «mariage» est fondé dans la Bible sur l’union d’un homme et d’une femme. Le Vatican avait surtout protesté contre le volet filiation de la loi adoptée en France, l’ex-pape Benoît XVI estimant qu’elle posait un grave problème «anthropologique».

    Le discours du pape:

    Monsieur le président, chers Parlementaires,

    Faisant suite à votre demande, je suis heureux de vous recevoir ce matin, membres du Sénat et de l’Assemblée nationale de la République française.

    Au-delà des différentes sensibilités politiques que vous représentez, votre présence manifeste la qualité des relations entre votre pays et le Saint-Siège.

    Cette rencontre est pour moi l’occasion de souligner les relations de confiance qui existent généralement en France entre les responsables de la vie publique et ceux de l’Église catholique, que ce soit au niveau national ou au niveau régional ou local. Le principe de laïcité qui gouverne les relations entre l’État français et les différentes confessions religieuses ne doit pas signifier en soi une hostilité à la réalité religieuse, ou une exclusion des religions du champ social et des débats qui l’animent. On peut se féliciter que la société française redécouvre des propositions faites par l’Église, entre autres, qui offrent une certaine vision de la personne et de sa dignité en vue du bien commun.

    L’Église désire ainsi apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne et de son destin, de la société et de son destin. Cette contribution ne se situe pas uniquement dans le domaine anthropologique ou sociétal, mais aussi dans les domaines politique, économique et culturel. En tant qu’élus d’une Nation vers laquelle les yeux du monde se tournent souvent, il est de votre devoir, je crois, de contribuer de manière efficace et continue à l’amélioration de la vie de vos concitoyens que vous connaissez particulièrement à travers les innombrables contacts locaux que vous cultivez et qui vous rendent sensibles à leurs vraies nécessités.

    Votre tâche est certes technique et juridique, consistant à proposer des lois, à les amender ou même à les abroger. Il vous est aussi nécessaire de leur insuffler un supplément, un esprit, une âme dirais-je, qui ne reflète pas uniquement les modes et les idées du moment, mais qui leur apporte l’indispensable qualité qui élève et anoblit la personne humaine. Je vous formule donc mes encouragements les plus chaleureux pour continuer dans votre noble mission, cherchant toujours le bien de la personne en promouvant la fraternité dans votre beau pays.

    Que Dieu vous bénisse !


  • Commentaires

    1
    carolus 75
    Lundi 17 Juin 2013 à 14:07

    Merci pour cet article, j'espère qu'il pourra "inspirer" certains de nos hommes politiques français .....

    Et ravie de revoir le pape.

    2
    amaia30
    Lundi 17 Juin 2013 à 16:01

    D'accord avec vous, mais je crains qu'il ne faille rien espèrer de cette espèce !!!!

    3
    Arnold43
    Lundi 17 Juin 2013 à 18:20

    Très intéressant article mais juste une précision : a priori, même comme cardinal, le Pape François n'a jamais soutenu de près ou de loin une union civile, on ne trouve aucun propos de sa part en ce sens.

    4
    Bicounette
    Mercredi 26 Juin 2013 à 21:01

    Je crois que les hommes poliques français n'ont que faire de ce que peut bien dire le Saint père....Et c'est fort dommage !

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