• Burundi, terrorisme, CPI… que retenir du 26e sommet de l’Union africaine ?

    L’Union Africaine se détourne du Burundi

    Le vingt-sixième sommet de l’Union africaine a décidé de ne pas intervenir militairement au Burundi.Choisi par ses pairs, c’est le Tchadien Idriss Déby qui prend la présidence tournante de l’UA.

    Ce sont finalement les intérêts des chefs d’Etat qui l’ont emporté à l’issue du 26e sommet de l’Union africaine (UA), dimanche 31 janvier, affaiblissant la marge de manœuvre de l’organisation panafricaine sur les dossiers du continent.

    L’UA avait surpris en proposant, en décembre 2015, l’envoi d’une « mission de stabilisation » de cinq mille hommes au Burundi, secoué depuis le printemps par des violences déclenchées par l’annonce de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat de président. Mais la Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu) devra attendre que les « préventions » du président Nkurunziza soient levées. Le chef de l’Etat burundais, absent du sommet, avait promis de « combattre » cette mission de maintien de la paix qu’il a qualifiée de « force d’invasion et d’occupation ».

    • Rétropédalage sur le Burundi

    Il n’y aura donc pas de force de l’UA déployée à Bujumbura sans le consentement de M. Nkurunziza. La Commission de l’UA, qui s’était montrée intransigeante, s’est finalement dérobée devant les pressions des présidents attachés au principe de souveraineté nationale, à l’instar du Gambien Yahya Jammeh, du Tanzanien John Magufuli, de l’Egyptien Abdel Fatah Al-Sissi et de l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema.

    La Commission veut encore dialoguer avec le président. Pour cela, elle a décidé d’envoyer une délégation « de très haut niveau » à Bujumbura pour insister sur le « dialogue inclusif » et le déploiement de la force, qui reste encore une option. « Il n’y a pas de volonté ni d’occuper ni d’agresser » le Burundi, a réaffirmé Smaïl Chergui, commissaire au Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA lors d’une conférence de presse, dimanche.

    « Nous sommes très satisfaits », a fait savoir Alain Aimé Nyamitwe à la fin de la cérémonie de clôture du sommet. Le ministre des affaires étrangères du Burundi s’est également dit peu convaincu que des chefs d’Etat et de gouvernement feront le déplacement à Bujumbura pour « avoir un avis ». « Nos amis burundais ne veulent pas entendre raison en empruntant la voie du dialogue, avance un ministre d’Afrique de l’Ouest. Mais ils ne vont pas tarder à le regretter. »

    • Idriss Déby à la tête de l’Union africaine

    Le mandat du président zimbabwéen Robert Mugabe s’est achevé comme il avait commencé : par un discours fleuve où il a fustigé les Occidentaux sous une salve d’applaudissements. « Ils sont partout sur le continent par le truchement des ONG, des espions qui prétendent venir en Afrique pour nous aider », a-t-il déclaré samedi à la tribune. Plus applaudi pour ses diatribes que pour son bilan à l’UA, il a profité de la présence du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon, pour réclamer une réforme du Conseil de sécurité et deux sièges permanents pour l’Afrique avec un droit de veto. Il n’a épargné personne, et surtout pas ceux qui souhaitent son départ après trente-cinq ans de pouvoir. « [Ils disent que] Mugabe devrait partir ? Dites-leur de se taire ! », a-t-il poursuivi.

    Robert Mugabe a passé le flambeau au président tchadien. « C’est difficile de succéder à Robert Mugabe (…), infatigable militant de l’indépendance et de la dignité de l’Afrique », a déclaré Idriss Déby Itno. Sa désignation a fait l’objet d’un consensus dans le groupe des pays d’Afrique centrale qui devait prendre la présidence tournante. L’opposition tchadienne a mal digéré ce choix alors que le mandat présidentiel d’Idriss Déby touche à sa fin. Elle accuse l’organisation panafricaine de soutenir sa candidature. « S’il ne remporte pas l’élection d’avril, son poste de président de l’UA reviendra à son successeur », tranche un membre de sa délégation.

    « Nous nous réunissons trop souvent. Nous parlons toujours trop, mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout », a déploré M. Déby, avant d’exhorter les Africains à unir leurs forces et à ne plus être « des observateurs passifs de solutions qui viennent d’ailleurs ».

    Chef de file avec le Nigeria de la lutte contre Boko Haram dans la région du lac Tchad, le dirigeant tchadien, au pouvoir depuis vingt-cinq ans, a également envoyé des troupes au Mali dans le cadre de l’intervention militaire française en 2013. Souvent considéré comme un allié de la France, le Tchad accueille les militaires de l’opération « Barkhane » dans la capitale, N’Djamena, depuis 2014.

    • Le « virus » du terrorisme

    Les Africains doivent être solidaires dans la lutte contre le « virus » du terrorisme, a plusieurs fois répété Idriss Déby lors du sommet. Et cette solidarité « ne doit pas se réduire à des mots ». L’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme dans la région va sans doute placer les questions sécuritaires au cœur du programme de l’année 2016 de l’UA.

    Les troubles en Somalie, en Libye, le nord du Mali ont été longuement discutés lors du huis clos des chefs d’Etat et de gouvernement. Le programme est chargé : il faut « coordonner le travail des services de sécurité africains, mettre tout en œuvre pour donner les capacités nécessaires à ceux qui n’en ont pas, organiser la formation, a listé Smaïl Chergui. La communauté internationale doit se rendre compte que le terrorisme est un phénomène global auquel il faut une réponse collective. »

    En témoignent la crise en Libye et l’expansion de l’Etat islamique sur son territoire qui inquiètent sérieusement les pays africains. « Nous ne pourrons mener une action vigoureuse que si nous avons un gouvernement en place et des forces libyennes que nous pourrons encadrer, entraîner, équiper pour s’occuper de cette mission, a poursuivi M. Chergui. Nous ne croyons pas à une solution militaire en Libye. » Une délégation de haut niveau composée de cinq chefs d’Etat va être formée pour appuyer la mission onusienne en Libye dirigée par l’Allemand Martin Kobler.

    C’est le président kényan, Uhuru Kenyatta, qui a mené l’offensive contre la Cour pénale internationale (CPI), lui-même poursuivi par l’instance avant que les charges ne soient levées à la fin de 2014. Ses confrères africains ont suivi. Sa proposition, adoptée à l’issue du sommet de l’UA, vise au désengagement des pays africains du statut de Rome, ratifié par 123 Etats.

    « L’Afrique se sent délaissée, pas entendue. Les Etats africains qui ont participé à l’Assemblée des Etats de la CPI se sont sentis humiliés », a déclaré au Monde Afrique la cheffe de la diplomatie kényane, Amina Mohamed.

    La CPI a ouvert jeudi 28 janvier le procès de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, qui a recueilli à Addis certains soutiens. Le ministre congolais (Brazzaville) de l’économie forestière et du développement durable, Henri Djombo, s’est par exemple écrié : « Certains chefs d’Etat africains patriotes, nationalistes, sont victimes d’idéologies importées, contraires aux us et coutumes nationaux. Personne ne peut juger les valeurs des autres ! »

    « La CPI s’acharne beaucoup plus sur l’Afrique et sur les chefs d’Etat africains, y compris en exercice, alors que des violations des droits de l’homme flagrantes se font ailleurs, mais personne n’est inquiété, a lâché pour sa part le président tchadien, Idriss Déby, lors d’une conférence de presse dimanche 31 janvier. Nous avons décidé d’harmoniser notre position en attendant que la CPI prenne la mesure de l’importance de la position africaine sur la question. »

    Pour le président kényan, la seule alternative au retrait du statut de Rome – qui régit la CPI –, est une réforme drastique de la Cour. Des réunions avec le Conseil de sécurité de l’ONU sont au programme lors desquelles des ministres africains vont, entre autres, réclamer l’abandon des poursuites contre le vice-président kényan, William Ruto.

    • Succession à la tête de la Commission

    Bien que la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma quitte son mandat de présidente de la Commission de l’UA en juillet, elle a soigneusement évité le sujet de sa succession lors de ce 26e sommet. Les rumeurs courent depuis des mois sur sa volonté de briguer la présidence sud-africaine en 2019 pour succéder à son ex-époux Jacob Zuma. Le prochain congrès de l’ANC aura lieu en 2017 et ses allers-retours répétés à Johannesburg ne font que renforcer l’idée selon laquelle elle ne se représentera pas à la tête de la Commission. Selon des observateurs, elle pourrait même écourter son mandat.

    Les prétendants à sa succession ont jusqu’à la fin du mois de mars pour déposer leur candidature. Les pronostics vont bon train sur le remplaçant de la Sud-Africaine. Le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, est pressenti comme le favori. « Il est plus sollicité par la presse que Mme Dlamini-Zuma », a ironisé un diplomate nord-africain.

    Très impliqué dans la résolution des conflits sur le continent, notamment en Libye et dans le nord du Mali où il a participé activement aux pourparlers de paix, l’Algérien de 63 ans est l’ancien commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, de 2008 à 2013, et avait eu droit à une standing-ovation lors de son départ du Conseil de paix et de sécurité.

    Les jeux sont loin d’être faits, mais certains diplomates se questionnent déjà sur l’avenir de son compatriote Smaïl Chergui, l’actuel commissaire du CPS, en cas de nomination de son chef de la diplomatie à la tête de la Commission de l’UA. Selon certains observateurs, la présence de deux Algériens aux postes-clés de l’organisation panafricaine pourrait faire des jaloux.

    • L’Afrique va-t-elle quitter la CPI ?

    C’est le président kényan, Uhuru Kenyatta, qui a mené l’offensive contre la Cour pénale internationale (CPI), lui-même poursuivi par l’instance avant que les charges ne soient levées à la fin de 2014. Ses confrères africains ont suivi. Sa proposition, adoptée à l’issue du sommet de l’UA, vise au désengagement des pays africains du statut de Rome, ratifié par 123 Etats.

    « L’Afrique se sent délaissée, pas entendue. Les Etats africains qui ont participé à l’Assemblée des Etats de la CPI se sont sentis humiliés », a déclaré la cheffe de la diplomatie kényane, Amina Mohamed.

    La CPI a ouvert jeudi 28 janvier le procès de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, qui a recueilli à Addis certains soutiens. Le ministre congolais (Brazzaville) de l’économie forestière et du développement durable, Henri Djombo, s’est par exemple écrié : « Certains chefs d’Etat africains patriotes, nationalistes, sont victimes d’idéologies importées, contraires aux us et coutumes nationaux. Personne ne peut juger les valeurs des autres ! »

    « La CPI s’acharne beaucoup plus sur l’Afrique et sur les chefs d’Etat africains, y compris en exercice, alors que des violations des droits de l’homme flagrantes se font ailleurs, mais personne n’est inquiété, a lâché pour sa part le président tchadien, Idriss Déby, lors d’une conférence de presse dimanche 31 janvier. Nous avons décidé d’harmoniser notre position en attendant que la CPI prenne la mesure de l’importance de la position africaine sur la question. »

    Pour le président kényan, la seule alternative au retrait du statut de Rome – qui régit la CPI –, est une réforme drastique de la Cour. Des réunions avec le Conseil de sécurité de l’ONU sont au programme lors desquelles des ministres africains vont, entre autres, réclamer l’abandon des poursuites contre le vice-président kényan, William Ruto.


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