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Obligation des États de protéger et de préserver les océans
Le 21 mai 2024, le Tribunal international du droit de la Mer (TIDM) est le premier organe judiciaire international à rendre un avis consultatif sur le climat. Il répondait ainsi à une question posée en 2022 par la Commission des petits États insulaires (Cosis) dans le cadre d’une demande d’avis consultatif.
L’avis conclut à l’obligation des États de protéger et de préserver les océans de la planète des effets du changement climatique. C’est la première fois qu’un tribunal international se penche sur les obligations des États en matière de changement climatique dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dite "de Montego Bay ".
La CIJ et la cour interaméricaine des droits de l'homme devront aussi se prononcer sur les obligations des États relatives au changement climatique :
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La Cour internationale de justice (CIJ) doit rendre prochainement un avis suite à une demande effectuée en mars 2023 par le Vanuatu dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies. Il doit porter sur les obligations des États de limiter le réchauffement climatique et sur leurs responsabilités face aux dégâts causés par celui-ci. Le 30 mai, la CIJ reportera au 15 août 2024 sa décision.
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La Cour interaméricaine des droits de l’homme a été saisie en janvier 2023 par le Chili et la Colombie, là aussi pour préciser les obligations des pays de répondre à l’urgence climatique dans le cadre du droit international.
Le raisonnement des juges internationaux
Avant de détailler la réponse du Tribunal, examinons d’abord la question qui lui a été posée. La Cosis interrogeait le Tribunal sur l’existence d’obligations spécifiques, pour les États parties à la Convention, de prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine. Ceci en relation avec les effets délétères qui résultent – ou sont susceptibles de résulter – du changement climatique causé par les émissions anthropiques (c’est-à-dire, résultant des activités humaines) de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère.
Le Tribunal a estimé qu’il devait d’abord déterminer si les émissions anthropiques de GES dans l’atmosphère relevaient bien de la définition de la « pollution du milieu marin » au sens de l’article 1, 1, 4, de la Convention.
Cet article, note le Tribunal, ne fournit pas explicitement une liste de polluants du milieu marin, mais liste trois critères pour déterminer ce qui constitue une telle pollution :
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il doit s’agir d’une substance ou une énergie,
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elle doit avoir été introduite par l’homme, directement ou indirectement, dans le milieu marin,
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cette introduction doit avoir (ou être susceptible d’avoir) des effets nocifs.
La définition est donc vague.
Les arguments scientifiques au Tribunal
Trois points décisifs ont permis au Tribunal d’affirmer l’obligation de protection et de préservation pour les États :
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Le rôle des océans dans la protection contre le changement climatique,
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La qualification des émissions de gaz à effet de serre (GES) en tant que « polluants » marins,
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Les obligations des États de préserver les océans à cet égard.
Pour cela, les arguments scientifiques ont tenu une place centrale. Dans son raisonnement, le Tribunal a repris le dernier rapport du GIEC à travers plusieurs arguments clés, notamment :
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l’océan est « un régulateur climatique fondamental à des échelles de temps saisonnières à millénaires »,
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l’accumulation de GES anthropiques (définies par les juges comme « résultant des activités humaines ou produit par elles ») dans l’atmosphère a eu de nombreux effets sur l’océan.
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les émissions anthropiques de GES « ont conduit à des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux qui sont sans précédent depuis au moins les 800 000 dernières années ».
En ce qui concerne les risques liés au climat, le Tribunal rappelle que, selon le GIEC :
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« Les risques et les effets néfastes prévus ainsi que les pertes et dommages connexes liés aux changements climatiques augmentent. »
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« L’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur marine accroîtra les risques de perte de biodiversité dans les océans. »
Autrement dit, le Tribunal établit, grâce aux arguments scientifiques du GIEC, un lien de causalité entre les émissions de GES d’une part, et le réchauffement des océans et la perte de biodiversité marine d’autre part. Ce sont ces éléments qui ont ensuite permis aux juges de conclure que les émissions anthropiques de GES dans l’atmosphère constituent une pollution du milieu marin.
Une obligation de protection
Les trois critères qui caractérisent la pollution marine dans la Convention : la qualification de substance ou d’énergie, l’introduction directe ou indirecte par l’humain dans le milieu marin, et les effets nocifs, réels ou avérés, consécutifs à cette introduction.
Ici, le Tribunal a estimé que ces trois critères étaient remplis.
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Il estime que les gaz à effet de serre d’origine humaine, et en particulier le CO2, sont bien des « substances » et que la chaleur accumulée par les océans est de l’énergie thermique, une forme d’énergie. Une interprétation d’ailleurs partagée par la Commission du droit international dans son commentaire sur la définition de la « pollution atmosphérique ».
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Comme les GES introduits indirectement par les êtres humains piègent la chaleur dans l’atmosphère, et que les océans stockent ensuite cette chaleur, la seconde condition est remplie.
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Le réchauffement des océans, on l’a vu précédemment, provoque une augmentation des pertes et dommages liés au changement climatique, ainsi qu’une perte de biodiversité marine. Les effets nocifs de la troisième condition sont donc caractérisés.
Restait une dernière étape dans le raisonnement des juges : les obligations spécifiques des États parties de protéger et préserver les océans face aux pollutions du milieu matin ainsi définies.
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Le Tribunal cite d’abord l’article 192 de la Convention qui dispose que « les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ».
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Il reconnaît aussi que, selon l’article 193, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles conformément à leurs politiques environnementales, mais « conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin », ce qui est une contrainte à l’exercice de leur droit souverain.
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C’est en réalité l’article 194 qui constitue, dans cet avis, la disposition clé. Il exige notamment des États qu’ils prennent « toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin “quelle qu’en soit la source” ».
Pour le Tribunal, il s’agit d’une obligation commune à toutes les sources de pollution que les États doivent respecter.
Un avis non contraignant qui pose les bases d'une nouvelle protection:
Cet avis a le mérite de clarifier les choses: il confirme que le droit de la mer peut être utilisé pour évaluer les actions et inactions des États en matière de changement climatique. L’obligation de protéger le milieu marin contre toutes les sources de pollution marine ne pourra plus être remise en question. De ce fait, un État pourra être tenu pour responsable devant le Tribunal s’il ne déploie pas de mesures de prévention et de protection des mers et océans contre les activités émettant des GES.
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