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L’avenir des medias francophones, un défi dans la mondialisation
« Oui, la langue française est menacée par la mondialisation »
Clément Duhaime, administrateur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)
L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) prépare un événement particulier. Elle rassemble du 8 au 10 octobre à Montréal (Canada) une soixantaine de représentants de médias francophones du monde entier. Cette manifestation, fermée au public, vise à permettre un échange de haut niveau en vue de dessiner des alliances pour la promotion du français dans l’univers numérique.
L’OIF constate en effet l’accélération des bouleversements provoqués par les technologies de l’information et de la communication. Dans les pays du Sud, la télévision numérique terrestre achève de supplanter la télévision analogique. Ces évolutions facilitent la mondialisation des contenus culturels et d’informations, avec le risque de l’unilinguisme, au profit de l’anglais.
Administrateur de l’OIF, Clément Duhaime a soutenu l’organisation de la conférence de Montréal. Il en a présenté les enjeux lors d’une conférence de presse le 1° octobre à Paris.
« Pourquoi n’y a-t-il pas de moteur de recherche francophone ? »
« Nous menons un combat pour la diversité du monde », a-t-il commencé. « Pour cela, il faut des médias qui reflètent ce pluralisme. Or notre langue est menacée par la mondialisation. Le français perd des parts de marchés. Il court le risque de devenir sur internet une langue de traduction au lieu d’être une langue de création et de modernité. Pourquoi n’y a-t-il pas de moteur de recherche francophone ? De Netflix francophone ? Nous avons des chances de rebondir si nous prenons conscience de ce risque et si les grands médias savent passer des alliances ».
« Une offre médiatique abondante et gratuite »
« En 10 ans, toutes les parties du monde ont connu une forte accélération de la diffusion du numérique », ajoute Clément Duhaime. « Cela s’est accompagné d’une révolution dans les médias où une offre abondante et gratuite s’est développée. Avec le numérique, tout change, tout est menacé, y compris de grands quotidiens réputés indépendants. Des blogueurs concurrencent des journalistes. Tout le monde est bousculé ».
« Peut-être, un jour, un milliard de locuteurs en français »
« Certes, le nombre de locuteurs en français continue de croitre », précise-t-il. « Dans un mois, avant le sommet de la francophonie des 29 et 30 novembre à Dakar, nous rendrons public le second rapport sur l’état du français dans le monde : notre langue progresse, notamment en Afrique, qui rassemblera vraisemblablement 85% des locuteurs en français du monde en 2050. Il est possible qu’il y ait un jour, au XXI° siècle, un milliard de locuteurs en français sur la planète ».
« D’autres univers linguistique se positionnent »
« Mais cela ne se réalisera qu’à condition que la scolarisation en français tienne bon, que cette langue continue d’être choisie comme langue officielle, et que les médias fassent le choix du français », met en garde l’administrateur de l’OIF, Québécois d’origine. « C’est un combat culturel et économique, alors que d’autres univers linguistique se positionnent, l’anglais, bien sûr, mais aussi le chinois. La Chine propose en Afrique des réseaux numériques, des agences d’informations, des chaines télévisées, en français, en anglais, mais avec quels contenus ? »
« La francophonie est à un moment crucial »
« Pour que la langue que nous avons en partage reste une langue de communication internationale, c’est maintenant qu’il faut agir, les décisions doivent se prendre aujourd’hui », martèle-t-il. « C’est pour cela que nous avons réuni une soixantaine d’acteurs des médias venus de dix-huit pays en une sorte de conclave. La qualité et la diversité des présents montre que cette conférence arrive à point nommé. Nous espérons une prise de conscience que la francophonie est à un moment crucial ».
« Réveillez-vous ! Mettez-vous ensemble !»
« La question est : les grands médias sont-ils capables de nouer des alliances, de tisser des réseaux, de favoriser des transferts d’expériences, d’expertise, d’innovation ? » interroge Clément Duhaime. « Nous avons envie de leur dire : ‘réveillez-vous ! Mettez-vous ensemble !’ Les partenaires du sud sont ouverts mais ils ont un large choix proposés par les Chinois, les Indiens, les Turcs »…
« Quatre défis à relever »
« Nous avons identifié quatre défis à relever », signale-t-il. « Le partage de l’innovation ; l’attention prioritaire à la jeunesse ; la qualité de l’information ; et les alliances entre francophones, une démarche appuyée par de nombreux rapports publiés en France, notamment par le Sénat, l’Assemblée nationale, Natixis, et Jacques Attali ».
« Une histoire commune qui donne une longueur d’avance »
« Nous membres de la francophonie, nous avons la chance d’avoir une histoire commune qui nous donne une longueur d’avance », conclut Clément Duhaime. « L’OIF joue là un rôle de lanceur d’alerte. Nous n’avons pas le budget de la Banque mondiale ou de l’Union européenne. Notre force, ce sont nos réseaux, tissés dans les médias, les universités, notre capacité à mettre autour de la même table différents acteurs.»
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