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La liberté d’expression bâillonnée en Thaïlande
Le chef de la junte militaire a menacé de fermer les médias qui oseraient critiquer son action.
Reporters sans frontière, qui a classé en 2015 le pays à la 134e place sur 180 dans son classement sur la liberté de la presse, s’inquiète d’une dégradation de la situation des journalistes.
Le chef de la junte thaïlandaise, Prayut Chan-O-Cha, a indiqué vendredi 3 avril son intention de faire fermer les médias critiques à son égard. Connu pour ses nombreuses invectives à l’encontre des journalistes, il a menacé une fois de plus la liberté d’expression, après avoir été attaqué dans les médias pour s’être arrogé les pleins pouvoirs.
« Je les ferai fermer seulement quand ils ne diront pas des choses positives. Je n’ai encore fait fermer aucune publication, mais s’il vous plaît, écrivez de façon positive », a déclaré le général Prayut Chan-O-Cha, qui détient également les fonctions de Premier ministre et de chef du Conseil national pour la paix et l’ordre – le nom que s’est attribué le pouvoir depuis le putsch.
Les médias thaïlandais au service du pouvoir
Le chef de la junte, qui dispose d’une émission de propagande, a conseillé aux journalistes d’écrire de façon à renforcer la réconciliation nationale dans le royaume. « Pour lui, la presse doit servir les intérêts de l’État. Sa vision devient identique à celle du Parti communiste chinois », souligne Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie à Reporters sans frontières (RSF).
Une plus grande marge de manœuvre existe pour les médias étrangers. « Reuters arrive encore à enquêter. La junte s’en prend surtout aux Thaïlandais et elle n’hésite pas à lancer des poursuites à l’étranger », note Benjamin Ismaïl. Une trentaine de demandes d’extradition vise des Thaïlandais.
134e dans le classement de la liberté de la presse
RSF s’inquiète de la situation des médias dans le pays. « Prayut Chan-O-Chan’a pas encore fait exécuter de journalistes comme il l’avait annoncé, mais il a fait une loi sur la régulation de la presse audiovisuelle et il en prépare une sur la surveillance d’Internet », indique Benjamin Ismaïl, qui craint que les journalistes puissent être jugés par des tribunaux militaires pour leurs reportages. Début mars, le militaire avait été jusqu’à confier vouloir frapper « en pleine face » un journaliste qui l’interrogeait sur les résultats de son gouvernement.
Pendant plusieurs semaines après le coup d’État, les militaires avaient déjà fermé plusieurs télévisions jugées trop partisanes. Cette année, la Thaïlande est passée de la 130e à la 134e place dans le classement sur la liberté de la presse, publié par RSF.
Un durcissement de la censure
Le chef de la junte a levé mercredi 1er avril la loi martiale, en vigueur depuis le coup d’État du 22 mai 2014, et l’a remplacé par l’article 44 de la Constitution provisoire. Ce texte de loi confère une autorité illimitée au chef du gouvernement militaire.
Les critiques internationales sur cette initiative ont largement été rapportées par les médias thaïlandais, inquiets d’une nouvelle législation qui donne aussi à la junte le pouvoir « d’empêcher la diffusion de (…) n’importe quel média comportant des messages provoquant la peur ou relayant des informations déformées ou créant le malentendu », selon le chef militaire. « L’objectif est de museler l’opposition politique et médiatique. Pour cela, Prayut Chan-O-Cha invoque des condamnations pour atteinte à la sécurité nationale ou crime de lèse-majesté », explique Benjamin Ismaïl.
25 ans de prison pour lèse-majesté
Dans un pays où critiquer le roi est interdit, un Thaïlandais a été condamné, mardi 31 mars, à 25 ans de prison pour lèse-majesté. L’homme de 58 ans a été jugé par un tribunal militaire pour avoir publié sur Facebook cinq messages jugés diffamatoires envers le roi.
Les militaires ont promis de rendre le pouvoir à un gouvernement civil après avoir lutter contre la corruption et limiter le pouvoir des partis politiques Aucune date n’a pourtant été fixée pour les prochaines élections.
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