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La Mauritanie peu disposée à lutter contre l’esclavage
Biram Dah Abeid, 49 ans, (en blanc), est l’un des chefs de file de la lutte contre l’esclavage, un combat qui lui a valu plusieurs séjours dans les geôles mauritaniennes. Depuis le 11 novembre, il est à nouveau derrière les barreaux avec sept autres militants.
Le parquet de Rosso a requis le 24 décembre cinq ans de prison ferme contre dix militants anti-esclavagistes – dont huit sont en détention depuis mi-novembre – pour « appartenance à une organisation non reconnue » et « rassemblement non autorisé ».
Les députés européens ont appelé à la libération des militants dans une résolution adoptée le 18 décembre dernier.
Les défenseurs des droits humains dénoncent une lutte de façade contre les séquelles de l’esclavage par le régime du général Aziz.
En Mauritanie, nul n’ignore Biram Dah Abeid, l’un des chefs de file de la lutte contre l’esclavage, et l’un des six lauréats l’an dernier du prix des Nations unies pour les droits de l’homme. Biram Dah Abeid est lui-même un fils d’affranchis, comme nombre de Mauritaniens de la communauté noire haratine.
Son combat lui a valu plusieurs séjours dans les geôles mauritaniennes. À 49 ans, il est à nouveau derrière les barreaux depuis le 11 novembre dernier avec sept autres militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (Ira-Mauritanie) qu’il a fondée en 2008.
Arrêtés pour « rassemblement non autorisé »
L’automne dernier, ils parcouraient le pays à bord d’une caravane visant à sensibiliser la population à la lutte contre l’esclavagisme lorsqu’ils ont été arrêtés, inculpés et écroués notamment pour « appartenance à une organisation non reconnue » et « rassemblement non autorisé ». Et le siège de l’Ira à Nouakchott a été fermé par la police le 12 novembre. L’association n’a en effet jamais reçu d’autorisation officielle en dépit de ses demandes mais avait jusqu’alors bénéficié d’une certaine tolérance de la part des autorités. Ce qui montre « une application arbitraire de la loi », souligne le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en Mauritanie.
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Un collectif de 25 avocats s’est constitué pour soutenir les militants. Leur procès – les huit détenus et deux autres qui comparaissent libres – s’est ouvert le 24 décembre à Rosso dans le sud du pays. Onze autres militants sont eux toujours détenus à Nouakchott dans l’attente de leur procès.
Lundi le parquet a requis une peine de cinq ans de prison ferme à leur encontre. « Les juges ne sont pas libres, les dossiers politiques comme ceux-là sont gérés directement par le pouvoir. Il devrait y avoir une condamnation, puis d’ici quelque temps une grâce présidentielle, comme cela s’est déjà produit dans des affaires similaires », estime l’avocate Fatimata Mbaye de l’association mauritanienne des droits humains (AMDH).
L’affaire suivie avec attention par les députés européens
La situation des détenus a préoccupé par-delà les frontières de la Mauritanie. Le Quai d’Orsay a déclaré le 19 décembre dernier, suivre « avec attention la situation de M. Biram Dah Abeid et des militants de l’initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste ». La veille, les députés européens avaient adopté une résolution condamnant « fermement » l’arrestation et le maintien en détention du fondateur de l’Ira.
« Il n’y a jamais eu de statistiques, déplore Fatimata Mbaye, mais l’esclavage est une réalité incontestable, sauf à faire oeuvre de négationnisme. » Selon le rapport « Global slavery index 2014 » élaboré par la fondation australienne « Walk free », environ 4 % de la population mauritanienne, soit 155 600 personnes, seraient toujours réduites à la condition d’esclave, plaçant ainsi le pays au premier rang planétaire (en pourcentage de population).
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« L’esclavage au sens traditionnel du terme est heureusement beaucoup plus rare, il se limite à des cas dans des zones reculées du pays, souligne une source mauritanienne. En revanche, des formes d’esclavage moderne frappent une grande partie de la population, peut-être 30 % : les anciens esclaves haratines mais aussi d’autres ethnies. »
Les mesures contre l’esclavagisme, « une vitrine internationale »
Beaucoup s’interrogent sur ce nouveau coup de filet parmi les militants des droits humains alors même que la Mauritanie multiplie les mesures pour lutter contre l’esclavagisme (voir repères). « Pour l’instant ces mesures ne sont qu’une vitrine internationale », dénonce le journaliste et militant Oubeid Imijine. « Les autorités voulaient à tout prix arrêter Biram Dah Abeid, devenu trop encombrant », estime Fatimata Mbaye.
Pour d’autres, il n’est pas exclu que ce dernier soit instrumentalisé par le régime. « Le général Aziz a besoin d’une figure de l’opposition, il a permis à Biram Dah Abeid de se présenter à la présidentielle de juin dernier, alors que toute l’opposition avait boycotté l’élection, poursuit la source. En passant par la case prison, il lui donne en quelque sorte ses lettres de noblesse d’opposant. »
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Le général Aziz à l’origine du coup d’État de 2008 a alors été réélu avec 82 % des voix. Biram Dah Abeid avait, lui, obtenu près de 9 % des suffrages.
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Les mesures contre l’esclavage en Mauritanie
1905. Première abolition de l’esclavage dans la partie sous protectorat français.
1960. Nouvelle abolition au moment de l’accession à l’indépendance.
1981. L’esclavage est officiellement aboli.
2007. Une loi criminalise l’esclavagisme.
2012. Le crime d’esclavage est inscrit dans la Constitution.
2013. Création d’une agence nationale pour financer des microprojets en faveur d’anciens esclaves et d’un tribunal spécial pour juger les crimes d’esclavage.
2014. Après la visite en février de la rapporteure spéciale de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, le gouvernement publie le 6 mars une feuille de route comportant 29 recommandations pour l’éradication des séquelles de l’esclavage.
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