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Le président allemand relance la question des réparations de guerre à la Grèce
En se déclarant favorable à des réparations en faveur de la Grèce, Joachim Gauck rompt, pour la première fois, avec la position officielle du gouvernement allemand.
Un « bon point » pour le premier ministre grec Alexis Tsipras. Mais qui ne le dispensera pas de régler la question de la dette de son pays.
À la veille des solennités marquant la fin du régime nazi et la libération des camps par les forces alliées qui se sont déroulées dimanche 3 mai un peu partout en Europe, le président de la République fédérale d’Allemagne, Joachim Gauck, a lancé un véritable pavé dans la mare en se déclarant favorable à des réparations en faveur de la Grèce.
« Nous sommes les descendants de ceux qui pendant la Seconde Guerre mondiale ont semé la dévastation en Europe, entre autres en Grèce, ce que, à notre grande honte, nous avons ignoré pendant longtemps », a-t-il déclaré dans un entretien publié samedi 2 mai par le quotidien Süddeutsche Zeitung. « Il est juste qu’un pays aussi conscient de son histoire que le nôtre évalue les possibilités de réparation qu’il peut y avoir », a-t-il ajouté.
Un sujet qui empoisonne les relations entre les deux pays
C’est la première fois que le plus haut magistrat allemand se prononce aussi clairement sur un sujet qui empoisonne depuis des décennies les relations entre les deux pays, et singulièrement depuis l’arrivée au pouvoir à Athènes d’Alexis Tsipras et du parti Syriza.
Certes, les fonctions de Joachim Gauck, 75 ans, sont pour l’essentiel honorifiques. Mais le personnage est très respecté en Allemagne. Pasteur luthérien et figure du mouvement d’opposition qui précipita la chute de l’ancienne RDA, il a acquis une réputation de « sage » en dirigeant, après la réunification, la Commission chargée de faire la lumière sur les agissements de la redoutable police politique est-allemande, la Stasi, avant d’être élu à la présidence en 2012.
Les déclarations de cet Européen convaincu donnent un poids nouveau aux revendications grecques jusqu’ici repoussées avec fermeté par le gouvernement allemand. « La question des réparations est juridiquement et politiquement close », martelait jusqu’ici régulièrement Berlin, dans un contexte de fortes tensions avec Athènes sur la question de la dette grecque.
Réparation pour les innombrables massacres et destructions
Que demande exactement la Grèce ? D’abord le remboursement d’un crédit de 476 millions de reichmarks que le régime d’Hitler a imposé à la Banque nationale grecque en 1942 et qui n’a jamais été remboursé. Ensuite la réparation des innombrables massacres et destructions dont se sont rendus coupables les nazis durant l’occupation de la Grèce du printemps 1941 à l’automne 1944. Des crimes qui restent très présents dans la mémoire collective du peuple grec comme peut l’être le drame d’Oradour-sur-Glane pour les Français.
En mars 2014, lors d’une visite au village martyr de Liguiades, où furent exécutés 92 habitants dont 34 enfants en 1943, le président Gauck avait d’ailleurs très officiellement demandé « pardon », mais s’était refusé à se prononcer sur la question des réparations de guerre, s’alignant sur la « position légale de l’Allemagne sur la question ».
Celle-ci se résume facilement : pour Berlin, la reconnaissance par la Grèce du traité signé à Moscou en 1990 par les deux Allemagnes et les quatre puissances alliées de 1945 annule tout simplement une dette que la conférence de Paris, en 1946, avait pourtant chiffrée à plus de 7 milliards de dollars de l’époque.
Une exigence jugée « stupide » par Berlin
Un argument que conteste Athènes avec une nouvelle vigueur depuis l’accession au pouvoir d’Alexis Tsipras en février dernier. En avril, le vice-ministre des finances, Dimitris Mardas présentait une facture s’élevant à 279 milliards d’euros, soit presque autant que la dette due par son pays ! Une exigence jugée « stupide » par le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel, mais qui regagne en légitimité après la déclaration du président Gauck.
D’autant que celui-ci n’est pas la seule personnalité politique allemande à s’être déclarée en faveur de la réouverture du dossier. Plusieurs élus du parti de gauche Die Linke, des Verts ou du SPD ont estimé nécessaire d’examiner sérieusement les revendications d’Athènes. Un « bon point » pour le gouvernement d’Alexis Tsipras qui se voit ainsi conforter dans sa posture de « victime ». Pas sûr, cependant, que cette stratégie le dispense de trouver les solutions pragmatiques pour sortir son pays de la situation périlleuse dans laquelle il s’est lui-même enferré.
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