• Le royaume de Bahreïn crée des apatrides

     

    Le royaume de Bahreïn crée des apatrides

    Le petit royaume du Golfe multiplie les déchéances de nationalité pour faire taire son opposition.

    Le royaume de Bahreïn a annoncé, samedi 31 janvier, avoir déchu par décret 72 citoyens de leur nationalité.

    Amnesty International dénonce cette opération, qui permet au pouvoir de faire taire les critiques. L’ONG a demandé à Manama « d’annuler cette décision », qui rend ces personnes « apatrides », et « d’arrêter de cibler des dissidents ».

    « Terrorisme » et « idéologies déviantes »

    Bahreïn est un petit royaume du golfe Persique, qui abrite la Ve flotte américaine. Depuis 2011, il est le théâtre de manifestations organisées par des représentants de la majorité chiite qui réclament une monarchie constitutionnelle. Jusqu’ici, la dynastie sunnite des Al Khalifa a réprimé toute contestation.

    Le ministre de l’information, Isa Abdulrahman Al Hammadi, a précisé que « la plupart » de ceux déchus de leur nationalité « se trouvent à l’étranger et peuvent faire appel auprès de la justice ».

    Parmi les raisons ayant motivé cette sanction, le ministre a cité notamment « l’appartenance à des cellules et des groupes terroristes » et « le financement d’actes terroristes » mais aussi « l’incitation à un changement du régime par la force » et « la propagation des idéologies déviantes », une référence aux groupes islamistes extrémistes.

    Punir les opposants

    Le principal groupe de l’opposition chiite, Al-Wefaq, a dénoncé cette mesure, devenue « une arme » utilisée par le régime pour « punir les opposants ».

    Il relève que la liste comporte aussi les noms « de combattants à l’étranger qui auraient des liens avec Daech ». En 2012, les autorités de Bahreïn avaient déjà déchu de leur nationalité 31 chiites pour « atteinte à la sûreté de l’État », sans recours possible en justice.

    Cette décision des autorités signifie que ces personnes qui ne possédaient que la nationalité ­bahreïnienne se retrouvent désormais apatrides.

    Cette pratique est utilisée dans d’autres pays du Golfe comme le Koweït ou Oman. Les apatrides ainsi créés peuvent toutefois demeurer sur le territoire de leur pays d’origine, précise Amnesty International.

    En France, afin de respecter l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la convention de New York de 1954 sur l’apatridie, seules les personnes ayant une double nationalité peuvent être déchues de la nationalité française. Quatorze personnes ont été déchues de la nationalité française entre 1989 et 1998, sept entre 1998 et 2007.

    Le problème de l'apatridie est récurrent.

    Ils sont célèbres chacun à leur manière. Ils n’ont a priori rien à voir. Et pourtant, le footballeur international Rio Mavuba, le leader de Mai 68 Daniel Cohn-Bendit, ou encore le fondateur d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, ont un point commun : ils ont tous été à un moment de leur vie des apatrides, ces personnes qu’aucun État ne considère comme son citoyen. Autrement dit, des « sans-pays ».

    Après avoir vu le jour sur un bateau de réfugiés fuyant la guerre civile en Angola, Rio Mavuba a attendu ses 20 ans avant d’acquérir un premier passeport et la nationalité française dans la foulée. Né en France de parents allemands déchus de leur citoyenneté par les nazis, Daniel Cohn-Bendit s’est passé de nationalité jusqu’à l’âge de 14 ans, puis a opté pour l’Allemagne. Oussama ben Laden, enfin, était devenu apatride après avoir été banni d’Arabie Saoudite en réaction aux attentats du 11 septembre 2001.

    10 millions d’apatrides selon l’ONU

    Au-delà de ces exemples célèbres, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans le monde sont dépourvus de nationalité mais aussi des droits qui vont avec le statut de citoyen de tel ou tel pays. En charge de la protection des apatrides, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) lance une nouvelle campagne pour tenter d’éradiquer cette « grave anomalie du XX siècle », reprenant le combat lancé en 1961 par la Convention internationale pour l’éradication de l’apatridie.

     

    Combien sont-ils, ces parias sans existence légale ? Les Nations unies les estiment à 10 millions. Parmi les pays les plus touchés, citons la Birmanie, où plus d’un million de musulmans Rohingyas se sont vus refuser la citoyenneté birmane. En Côte d’Ivoire, des centaines de milliers d’habitants se voient refuser un passeport du fait de leur origine ethnique. « La plupart des cas d’apatridie s’accompagnent d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique, religieuse ou du genre », précise le HCR.

    Parfois, les apatrides sont des accidentés de l’histoire, victimes oubliées de la décolonisation et de la naissance de nouveaux États. C’est le cas par exemple des centaines de milliers de « bidouns » des monarchies du Golfe, dont les ancêtres n’ont pas été inscrits sur les registres lors du départ des Britanniques au début des années 1960. Ou encore des Kurdes de Syrie qui n’ont jamais eu de citoyenneté à part entière depuis l’indépendance.

    Parfois privés d’éducation, de soins ou de vote

    « Les apatrides posent un problème majeur dans une société internationale organisée autour de la notion de nationalité », rappelle la juriste Françoise Bouchet-Saulnier dans le Dictionnaire pratique du droit humanitaire (1). Selon les lois de chaque pays, le statut d’apatride peut entraver l’accès à l’éducation, aux soins de santé, ou encore à la fonction publique. Il empêche de voyager à l’étranger. Il interdit de voter ou de se présenter aux élections. Apatride, « c’est être privé de son appartenance au monde », écrivait la philosophe Hannah Arendt.

    L’ONU estime possible d’éradiquer l’apatridie en seulement dix ans. Les experts recommandent pour cela une amélioration des enregistrements des enfants à la naissance, l’adhésion des pays aux deux conventions internationales sur l’apatridie ou encore l’octroi de la nationalité aux groupes discriminés. « C’est avant tout une question de volonté politique », estime Philippe Leclerc, représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés en France.

    Des exemples encourageants 

    Ici et là, l’ONU pointe des améliorations. Le Bangladesh a octroyé en 2008 la nationalité à la minorité connue sous le nom de « Biharis » qui avait eu le tort de prendre fait et cause pour le Pakistan lors de la guerre d’indépendance. Plus près de nous, les Russes de Lituanie et de Lettonie ont désormais la possibilité de conserver leur statut d’apatride ou d’embrasser la citoyenneté des nouveaux États nés de l’effondrement de l’Union soviétique en 1991.

    Mais à côté de ces exemples encourageants, surgissent de nouvelles discriminations. La République dominicaine crée chaque jour son lot d’apatrides. Le tribunal constitutionnel a jugé en septembre 2013 que les descendants des migrants haïtiens arrivés en situation irrégulière ne pouvaient prendre la nationalité dominicaine. La décision, rétroactive, concernerait tous les individus nés après 1929, soit environ 250 000 Dominicains d’origine haïtienne.

    CE QUE DIT LE DROIT INTERNATIONAL

    - La convention relative au statut des apatrides : Adopté en 1954, ce texte fixe un statut international pour les personnes apatrides. Les États signataires (84 en 2014) doivent reconnaître la spécificité de leur statut et leur accorder au moins les mêmes droits que ceux prévus par le droit national au profit des étrangers. Cela implique notamment le droit à la propriété, à la famille, à la pratique religieuse ou encore l’accès aux services sociaux et administratifs.

    - La convention sur la réduction des cas d’apatridie :  Adopté et entré en vigueur en 1961, ce texte a été signé par 58 États. Il prévoit que tout pays signataire accordera sa nationalité à un individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride. La convention demande également aux États d’accorder la nationalité à tout individu dont le père ou la mère a la nationalité dudit État.


  • Commentaires

    1
    VERTIGO 04
    Jeudi 12 Février 2015 à 18:00

    Il y en a peut-être qui vont y faire des conférences rémunérées à prix d'or mad.

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