• Paris - Le 29 mai 2014, des juges d'instruction ont ordonné à Paris le renvoi aux assises de deux anciens bourgmestres rwandais, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, pour leur participation présumée au génocide de 1994, a appris l'AFP vendredi de sources proches du dossier.

    Mis en cause par de nombreux témoins, les deux hommes, qui contestent les faits, sont accusés d'avoir participé au massacre de centaines de Tutsi réfugiés dans une église de la commune de Kabarondo dans l'est du Rwanda, le 13 avril 1994, selon les mêmes sources.

    Nous attendons donc maintenant la date du prochain procès d'assises, le second en France après celui de Pascal Simbikangwa, condamné à 25 ans de réclusion criminelle à Paris en mars, a commenté dans une déclaration le président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), Alain Gauthier.

    C'est pour nous la preuve que le travail que nous menons est pris au sérieux par les juges, a dit à l'AFP M. Gauthier, qui a déposé de nombreuses plaintes en France contre des génocidaires présumés.

    Plus d'une vingtaine d'enquêtes sont en cours au pôle crimes contre l'humanité du tribunal de grande instance de Paris sur des Rwandais soupçonnés d'avoir participé aux massacres.

    Selon l'ONU, le génocide a fait entre avril et juillet 1994 environ 800.000 morts en 100 jours, essentiellement parmi la minorité tutsi. Il avait commencé après l'attentat du 6 avril 1994 qui avait coûté la vie au président hutu Juvénal Habyarimana.

    A l'inverse du procès Simbikangwa, celui de MM. Ngenzi et Barahira, détenus en France, se tiendrait en présence de victimes ou de proches de victimes, car neuf sont parties civiles aux côtés des associations.

    Selon une source proche du dossier, M. Ngenzi, 56 ans, bourgmestre de Kabarondo de 1986 à 1994, a été dépeint par des témoins durant l'enquête comme un donneur d'ordres et un coauteur direct des crimes commis mi-avril 1994, notamment dans l'église. M. Barahira, 62 ans, qui était le prédécesseur de M. Ngenzi, a été décrit comme un participant direct et convaincu, un encadreur, un participant actif, selon une des sources proches du dossier.

    Les avocats ont la possibilité de saisir la chambre de l'instruction, puis la Cour de cassation, pour contester ce renvoi aux assises. Contacté par l'AFP, le conseil de M. Barahira, Me Philippe Meilhac, a indiqué qu'il envisageait cette possibilité, mais que son client était prêt à répondre aux accusations lors d'un procès public.

    Le 13 mai, le parquet de Paris avait déjà requis le renvoi aux assises des deux hommes.


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  • Le défi de la réconciliation post-génocide au Rwanda

    Entre avril et juillet 1994, 800'000 Rwandais, principalement issus de la minorité tutsi, furent massacrés par leurs voisins hutus. 20 ans plus tard, le pays tente d'aller de l'avant.

    Il y a 20 ans, Frédéric Kazigwemo massacrait les proches de Cécile Mukagasana, sa voisine dans le petit village de Mbyo où comme dans de nombreuses localités rwandaises, victimes et bourreaux cohabitent en tentant difficilement de se réconcilier.

    Entre avril et juillet 1994, environ 800'000 Rwandais, principalement issus de la minorité tutsi, furent massacrés en une centaine de jours par leurs voisins, collègues et parfois amis hutu.

    Frédéric faisait partie des assassins. Avec un groupe de Hutu armés de machettes et de lances, il a massacré plusieurs personnes, dont deux membres de la famille de Cécile.

    Les «villages de la réconciliation»

    «Au début, c'était difficile de vivre ici car le mari de cette femme a tué des membres de ma famille», admet Cécile en tressant des paniers, assise à côté de l'épouse de Frédéric pendant que leurs enfants jouent dans l'herbe.

    Frédéric a été jugé par un tribunal traditionnel gacaca et condamné à une peine réduite, après avoir admis sa culpabilité et présenté des excuses. Comme Cécile, il est revenu vivre à Mbyo, devenu un «village de la réconciliation» selon une ONG chrétienne.

    Celle-ci y a aidé victimes et bourreaux à reconstruire leurs logements, souvent détruits, en échange du pardon et de la participation à des activités communes. Objectif: encourager la cohabitation entre victimes et bourreaux afin de favoriser la réconciliation, loin d'être évidente.

    «Je voyais les visages de ceux que j'ai tués»

    «Avant que je demande pardon, mon cœur n'était pas en paix (...) Je voyais parfois les visages de ceux que j'ai tués. Maintenant je ne les vois plus», confie Frédéric. Dans les villages de la campagne rwandaise, les victimes cohabitent, souvent contraintes et forcées, avec ceux qui ont parfois massacré toute leur famille 20 ans auparavant et sont revenus chez eux après être sortis de prison.

    Plusieurs associations y ont mis sur pied des projets communautaires et des coopératives afin de faire oublier les désirs enfouis de vengeance, encore présents, même si tus.

    «Nous avons besoin de réconciliation»

    «Les gacaca ont fait beaucoup pour la justice et pour juger les assassins, mais nous avons aussi besoin de réconciliation», explique Dieudonné Gahizi-Ganza, fondateur de Best Hope Rwanda, une ONG qui conseille les victimes de viols ainsi que les enfants de victimes et d'assassins.«Les traumatismes peuvent parfois être transmis d'une génération à l'autre», note-t-il.

    Jean-Baptiste Habyarimana, secrétaire exécutif de la Commission nationale pour l'Unité et le Réconciliation du Rwanda, rappelle qu'«après le génocide, il y avait plus de 300'000 orphelins et 500'000 veuves (...) Il n'est pas facile pour eux de s'en remettre».

    Se réconcilier avec sa propre fille

    Vestine Mukandahiro, qui vit dans un faubourg de Kigali, a dû se réconcilier avec sa propre fille, née d'un viol durant le génocide. Elle avait 13 ans en 1994 quand la quasi-totalité de sa famille a été massacrée à la machette et qu'elle a été violée alors qu'elle s'enfuyait à travers champs.

    «Après sa naissance, je ne pensais pas pouvoir vivre avec ma propre fille parce que chaque fois que je regardais son visage, je repensais au viol», raconte-t-elle. Dans son village, elle est de surcroît traitée «comme une prostituée» pour avoir apporté «un enfant du malheur» dans la communauté.

    De nombreux programmes ont permis d'éduquer les communautés afin de limiter largement ce type de stigmatisations.Vingt ans après, le Rwanda poursuit le difficile travail de réconciliation malgré le poids des massacres, dont le souvenir imprègne toujours la société rwandaise et qui a été ravivé par l'approche des commémorations du génocide.

    Le «Club plus jamais»

    Les mots Hutu et Tutsi sont désormais tabous et bannis de tous les documents officiels, mais restent présents dans les esprits.La génération post-génocide, qui n'a rien connu des massacres, doit elle aussi affronter le traumatisme collectif.

    Les seuls loisirs parascolaires qu'Yvette, 19 ans, parvient à citer sont des groupes de discussion sur le sida et les drogues et le «Club plus jamais», où elle et ses camarades dissertent sur le génocide.«Notre génération doit faire de gros efforts pour être certaine que ce qui est arrivé ne se reproduise jamais», explique-t-elle.


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  • La chambre criminelle affirme, sur le fondement du principe de légalité, l’impossibilité d’extrader vers le Rwanda des personnes accusées d’avoir participé au génocide d’avril à juillet 1994.


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  • La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et Survie ont déposé, lundi 24 juin, une plainte contre l’ex-patron du GIGN Paul Barril.

    Il aurait signé un contrat d’assistance de fournitures d’armes et de munitions au gouvernement rwandais en plein génocide des Tutsis et des Hutus modérés. Il a toujours nié son implication.

    La plainte a été déposée lundi auprès du Tribunal de grande instance de Paris, par trois organisations : la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et l’association Survie. 

    Elle vise le capitaine de gendarmerie Paul Barril, ex-patron du GIGN, pour son implication supposé dans le génocide rwandais au cours duquel environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été tués entre le 6 avril et le 4 juillet 1994 par des miliciens et des éléments des Forces Armées Rwandaises (FAR, force gouvernementale)).

    « Il savait à quoi il contribuait : un génocide »

    Selon les plaignants, Paul Barril est coupable de complicité de génocide « pour avoir notamment contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions, et de formation et d’encadrement, avec Jean Kambanda, le premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais de l’époque ».

    À cette période, Paul Barril, qui ne travaillait plus officiellement pour l’État français, dirigeait la société Secrets et le groupe GPB-Groupe Privé Barril, deux structures spécialisées dans la sécurité. Lorsqu’il a signé, « le Rwanda était en plein génocide. La communauté internationale dénonçait les multiples violations des droits de l’homme et les Nations unies avaient adopté le 17 mai un embargo sur les armes, rappelle Patrick Baudouin, l’avocat de la FIDH. En signant un tel accord, Paul Barril savait à quoi il contribuait : un génocide envers les Tutsis et les Hutus modérés ».

    Un contrat à 3,3 millions de dollars

    Selon le dépôt de plainte, le contrat portait sur la fourniture de 2 000 000 de cartouches, 11 000 obus et mortiers et 11 000 grenades ; et l’équipement de 20 hommes d’encadrement. Le montant de ce contrat s’élevait à 3,3 millions de dollars (2,5 millions d’euros). Mais l’évolution de la situation au Rwanda n’a pas permis à ce contrat d’être entièrement exécuté : 1,2 million de dollars (920 000 €) auraient été payés à Paul Barril.

    « Depuis très longtemps, on parle de l’implication de Paul Barril dans le génocide rwandais. Mais il n’y avait pas de pièces probantes le certifiant. Cette fois, nous détenons des documents sur le contrat du 28 mai et sur le début de son exécution », note Patrick Baudouin.

    L’avocat du capitaine Barril, Sophie Joinquet, jointe mardi 25 juin par téléphone par La Croix, n’avait pas connaissance de cette plainte. « Mon client vit en Angleterre et son état de santé est très précaire. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il a toujours nié être impliqué dans le génocide rwandais, de près ou de loin ».


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