• Des visas «très» dorés pour renflouer les caisses de l'Etat

    Faut-il continuer à délivrer des «visas dorés» permet tant à des investisseurs extracommunautaires d’accéder de plus en plus facilement au sol européen? Les Portugais, choqués par les affaires de corruption qui s’amoncellent et touchent le sommet de l’Etat, s’interrogent depuis l’éclatement du scandale: le système consistant à délivrer des permis de résidence pour «activité d’investissement», essentiellement l’achat d’un bien immobilier d’une valeur minimum de 500 000 euros (600 000 francs), était totalement pourri. La filière responsable de ces attributions accélérait les procédures d’obtention des visas, gonflait artificiellement la valeur de certains biens immobiliers pour atteindre les seuils requis. Au passage, ses responsables auraient empoché des commissions de 10%. Sans compter qu’elle n’était pas très regardante sur le profil des acquéreurs… Au printemps, le pays apprenait qu’un Chinois recherché par Interpol pour fraude fiscale avait ainsi pu bénéficier de ce refuge en or.

    Malgré le scandale, qui a conduit à la chute du ministre de l’Intérieur, le gouvernement portugais entend bien aujourd’hui poursuivre son programme, lequel a rapporté plus d’un milliard d’euros à l’économie portugaise, avance-t-il, et plus de 100 millions de recettes fiscales. Chinois, Russes et Brésiliens ont été les plus nombreux à investir. «Le
    Portugal est en concurrence avec des dizaines d’autres pays européens pratiquant des politiques similaires, destinées à attirer des investissements», a déclaré le vice-premier ministre Paulo Portas. Pas question donc de laisser à d’autres les bénéfices d’un système largement utilisé.

    Privilèges concurrentiels

    A y regarder de près, la concurrence est en effet rude entre des pays européens en manque de capitaux, de plus en plus imaginatifs pour capter ces investisseurs extracommunautaires. Entre 2010 et 2013, nombre d’Etats ont assoupli leurs réglementations pour faciliter la venue de cette clientèle fortunée. Contre un investissement dans l’industrie, l’achat d’un bien immobilier ou d’une part de la dette nationale, une résidence renouvelable ou définitive, jusqu’à la nationalité, peut leur être offerte. Entre Etats de l’UE, c’est donc à qui inventera les meilleures conditions. «Cette tendance est née avec la crise. Des pays comme le Portugal, l’Espagne ou la Grèce y ont vu une manière de relancer leur marché immobilier déprimé», explique Thierry Boitelle, avocat fiscaliste chez Bonnard Lawson, à Genève. «Du côté des clients extracommunautaires, l’intérêt n’est pas fiscal. C’est un moyen d’accéder aux 26 pays de l’Espace Schengen, d’y circuler, sans les inconvénients liés au renouvellement de leur visa ou permis. Chinois et Russes sont les plus friands de ce type d’avantages. Les Américains, eux, investissent à St Kitt’s and Nevis pour les mêmes raisons.» Car St-Kitt’s and Nevis, ex-colonie britannique des Caraïbes, dispose depuis 2009 d’un accord permettant à ses citoyens d’accéder librement à l’UE et par extension à l’Espace Schengen. Et l’île monnaie sa citoyenneté contre investissements.

    A chacun son programme

    En l’espace de quatre ans, une dizaine de pays européens ont introduit des facilités aptes à séduire ces investisseurs extracommunautaires. Tout comme le Portugal, l’Espagne, depuis septembre 2013, offre à choix un investissement de 500 000 euros dans l’immobilier ou 2 millions de rachat de la dette publique contre l’obtention d’un permis de résidence devenant définitif au bout de cinq ans. A l’Est, on casse les prix. En Lettonie, il suffit depuis 2010 d’investir 150 000 euros dans un appartement à Riga ou 75 000 en province pour décrocher le Graal. Hongrois et Bulgares ont aussi leur programme à la carte, la Lituanie s’y prépare. C’est beaucoup plus cher aux Pays-Bas: 1,25 million d’euros à investir dans l’économie locale, mais cela donne au bout un permis permanent. Bien souvent, les candidats ne sont pas intéressés à s’installer dans le pays d’octroi du visa, d’où une concurrence effrénée pour raboter les contraintes: en Lettonie, la résidence est obtenue sans même devoir résider un seul jour dans le pays! Ici, c’est bien l’accès direct à toute l’Europe que l’on promeut à une clientèle à 70% russe. A l’inverse, il est possible d’habiter toute l’année dans un Londres prisé pour y faire des affaires sans payer d’impôts sur les revenus gagnés à l’étranger. Quelque 120 000 personnes – Européens ou extracommunautaires – bénéficient de ces largesses. De quoi faire trembler une Suisse qui songe à remettre en cause ses forfaits fiscaux. «Il est clair que la Suisse, en matière de politique favorisant la résidence des actifs, est très en deçà de ce qui se pratique dans l’UE», relève encore Thierry Boitelle.

    Nationalité à vendre

    Certains pays ne se contentent pas de proposer la résidence sur leur sol; ils offrent aussi les clés pour s’installer dans toute l’Europe. Après Chypre en 2011, Malte introduisait en novembre 2013 la possibilité d’obtenir la nationalité pour 650 000 euros investis, sans autre condition. Trop, c’est trop: l’offre avait fait bondir la commissaire européenne Viviane Reding, pour qui la citoyenneté de l’UE ne pouvait se vendre ainsi. Et de dénoncer la «dévaluation civique compétitive» à laquelle se livrent certains membres de l’Union. Dans la foulée, le Parlement européen avait adopté en janvier une résolution rappelant aux Etats membres que «la citoyenneté européenne ne devrait jamais devenir une marchandise comme une autre». Depuis, Malte a fait un peu machine arrière, mais sans renoncer à son offre. Il faut désormais débourser 1,15 million d’euros pour obtenir la nationalité et résider une majorité du temps sur l’île.

    L’affaire de Malte avait fait réagir, mais à regarder dans le détail, d’autres pays monnaient la nationalité selon diverses formules. En Autriche, un investissement de «grand mérite», aidant à la recherche et à la technologie, et créant des emplois, permet d’obtenir la nationalité dans un délai généralement de douze à dix-huit mois, expose l’agence Henley & Partners, spécialisée dans le conseil à la clientèle extracommunautaire et fortunée pour l’accès à l’Espace Schengen. «Comme citoyen européen, vous pouvez vivre et travailler en Autriche ou dans un autre pays de l’UE. Vous avez aussi le droit de vivre en Suisse, ce qui est très avantageux en termes de fiscalité», note-t-elle au passage.

    «Immoral et bien trop risqué»

    Ana Gomes, députée portugaise au Parlement européen, est bien bien décidée à lutter contre ces pratiques à l’échelle de l’UE. «Il est totalement immoral qu’une Europe qui cultive une vision sécuritaire et laisse mourir des milliers de migrants en Méditerranée déroule par ailleurs le tapis rouge à des étrangers fortunés pour leur offrir en fin de compte la citoyenneté européenne. C’est très clairement un viol de la notion d’égalité de traitement à l’égard des étrangers. Bien sûr, je ne suis pas contre l’octroi de la nationalité en soi, mais celle-ci ne peut être affublée d’un prix d’achat, explique la députée socialiste depuis Strasbourg. Ensuite, le cas du Portugal le montre, ces passe-droits stimulent la corruption. Je dirais même qu’ils sont conçus pour favoriser le blanchiment d’argent, c’est une voie royale d’infiltration en Europe pour le crime organisé». Ana Gomes s’est adressée il y a quelques jours à Europol pour obtenir des données quant aux risques délictueux liés à la délivrance des visas dorés.

    L’ONG Transparency International, experte de la criminalité financière, partage ces craintes, en déplorant «le manque d’une régulation européenne de ces pratiques. On ne sait pas qui bénéficie de ces visas ni l’origine de l’argent investi», relève João Batalha, de l’antenne portugaise de l’ONG. Et de noter qu’aucune étude sérieuse n’a montré dans quelle mesure ces programmes bénéficient réellement à l’économie d’un pays.

    Au Portugal, rien pour l’emploi

    Au Portugal, le programme introduit en 2012 permet d’investir soit dans l’immobilier, soit dans la dette publique, soit dans la création d’emplois. Selon les chiffres publiés par le gouvernement, plus de 90% des candidats ont investi dans l’immobilier. Pour les conseillers en placement qui défendent ce type de mesures, cela a permis de relancer un marché totalement moribond. «Cela n’a profité qu’à quelques agents immobiliers, sans compter la distorsion que ces achats ont induite sur ce marché», critique pour sa part Ana Gomes. Sur les quelque 1700 candidats ayant bénéficié d’un visa doré, trois seulement ont choisi l’option de créer une entreprise garantissant dix emplois aux Portugais. Soit, en deux ans, trente jobs en tout.


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  • Berne, 19.11.2014 - La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est la clef de voûte d’une communauté européenne de valeurs fondamentales. De l’avis du Conseil fédéral, cette reconnaissance de l’importance de la Convention n’empêche pas de poursuivre une réflexion critique sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et d’œuvrer à la mise en place de réformes. Comme il le souligne dans son rapport publié aujourd’hui, la dénonciation de la Convention n’est pas une option.

    Le Conseil fédéral a élaboré un rapport sur le bilan et les perspectives des 40 ans d'adhésion de la Suisse à la CEDH, en exécution d'un postulat (13.4187 "40 ans d'adhésion de la Suisse à la CEDH. Bilan et perspectives"). Il constate que la Convention, garante des droits fondamentaux des citoyens dans leurs relations avec l'Etat, a renforcé et développé de façon décisive l'Etat de droit sur le plan européen. En Suisse, elle est devenue une référence pour les parlements et les tribunaux de la Confédération et des cantons. La jurisprudence de Strasbourg a surtout fortement influencé celle du Tribunal fédéral et le catalogue des droits fondamentaux de la Constitution actuelle. Seules 1,6 % des requêtes contre la Suisse ont été acceptées par la Cour européenne. Toutefois, certains arrêts ont requis des adaptations de la législation fédérale et cantonale ou, pour certains cas, ont infléchi la jurisprudence des autorités chargées de l'application du droit.

    Comme dans d'autres Etats parties à la CEDH, les arrêts de la Cour n'ont pas tous été accueillis avec enthousiasme. Les choses peuvent néanmoins changer avec le temps : des arrêts critiqués autrefois ont amené ce qui se révèle aujourd'hui être des améliorations incontestables de l'Etat de droit. Le Conseil fédéral prend cependant au sérieux les critiques suscitées par la jurisprudence de la Cour. La voie à suivre à l'avenir est celle d'une application cohérente et conséquente du principe de subsidiarité. C'est aux Etats parties qu'il revient d'appliquer la CEDH dans leur ordre juridique. La Cour peut faire preuve d'un certain recul dans sa façon d'examiner dans quelle mesure les Etats parties se conforment à leur obligation de mettre en œuvre la Convention.

    Dénoncer la CEDH n'est pas une option
    La dénonciation de la CEDH n'est pas une option pour le Conseil fédéral. Même si tous les arrêts du "tribunal de Strasbourg" n'emportent pas la conviction, il est important de conserver ce regard extérieur sur l'ordre juridique suisse. Etant donné que la Cour a rarement condamné la Suisse pour une violation de la CEDH et que ses arrêts ont amené des modifications aujourd'hui généralement acceptées de la législation et de la jurisprudence, le Conseil fédéral plaide pour une relation sereine avec Strasbourg. En dénonçant la CEDH, elle s'isolerait et causerait un dommage considérable au système de protection des droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

    Nécessité de poursuivre les réformes
    Ces dernières années, le système de contrôle de la CEDH a connu des réformes majeures, auxquelles la Suisse a fourni une participation importante. Les réformes doivent être poursuivies ; elles assureront à long terme le bon fonctionnement de la Cour et la qualité de sa jurisprudence. L'éventail des mesures à prendre pour réduire la surcharge de la Cour européenne doit répondre à la multiplicité des causes de cette surcharge. De l'avis du Conseil fédéral, il faut porter une attention particulière aux nombreuses requêtes dont la Cour est encore et toujours saisie en raison de lacunes qui entachent foncièrement le système de certains Etats membres. Bien que constatées dans des arrêts de la Cour européenne, ces lacunes, qui entraînent parfois des violations manifestes des droits de l'homme, ne sont toujours pas comblées.

    La Convention, la jurisprudence de la Cour et le système de contrôle ont considérablement évolué au cours des années. Le nombre des Etats parties a plus que quadruplé depuis l'entrée en vigueur de la CEDH et le nombre de requêtes a augmenté dans une proportion encore plus grande. Pour ce qui est des discussions en cours sur une réforme à long terme, le Conseil fédéral approuve la voie choisie, qui est celle d'une grande ouverture des débats : il ne s'agit pas de mettre sur la table uniquement les moyens d'améliorer le système de contrôle actuel, mais d'être réceptif à des propositions propres à modifier fondamentalement ce système. L'objectif suprême doit être de renforcer le respect des droits de l'homme en Europe.


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  • Cinq Ougandais condamnés à la prison ferme pour excision

    Quand elle n'entraîne pas la mort, l'excision peut être source de stérilité, d'incontinence urinaire, ou encore de risques accrus d'infection lors de futurs accouchements.

    La décision est rare, mais le gouvernement ougandais veut montrer sa volonté de lutter contre ce type de mutilations. Cette pratique est interdite depuis 2010.

    Cinq hommes et femmes ont été condamnés à quatre ans de prison en Ouganda pour avoir excisé ou aidé à exciser des filles dans l'est du pays, une décision de justice rare mais signe de la volonté des autorités d'éradiquer une pratique parfois mortelle.

    Les cinq condamnés avaient été arrêtés dans le district de Kapchorwa la semaine dernière, a précisé le quotidien Daily monitor vendredi. Tous avaient plaidé coupables.

    Peu de poursuites depuis l'interdiction

    L'excision, qui consiste en l'ablation totale ou partielle des organes génitaux externes féminins (clitoris, petites et grandes lèvres), est interdite en Ouganda depuis 2010.

    Participer de près ou de loin à ces mutilations est même punissable par la loi dans ce pays d'Afrique de l'Est. Comme est punissable de discriminer une femme qui n'a pas été excisée.

    Des dizaines d'arrestations ont été pratiquées depuis l'entrée en vigueur de la loi. Mais elles ont donné lieu à peu de poursuites.

    Selon le porte-parole de la police Fred Enanga, la pratique «s'estompe» dans certaines régions, mais pas encore à Kapchorwa, où, considérée comme «une tradition», elle est encore largement pratiquée. Les excisions sont cependant désormais pratiquées en secret.

    L'excision peut entraîner la mort

    «Les communautés craignent la loi et elles n'organisent plus ces journées culturelles au cours desquelles les familles amènent leurs filles», a-t-il ajouté. «Ce n'est plus un événement culturel comme la circoncision masculine».

    Pour Florence Auma, du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), toutes arrestations et toutes condamnations sont les bienvenues. «Cela montre qu'ils appliquent la loi», dit-elle.

    Quand elle n'entraîne pas la mort, l'excision peut être source de stérilité, d'incontinence urinaire, ou encore de risques accrus d'infection lors de futurs accouchements.

    Fin octobre, le secrétaire-général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lancé une campagne mondiale contre la pratique depuis Nairobi, afin de l'éradiquer en une génération.

    L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recense plus de 125 millions de victimes d'excision dans 29 pays d'Afrique et du Moyen-Orient. L'Unicef note que la pratique est aussi en hausse en Europe, en Australie, au Canada et aux Etats-Unis, notamment parmi les populations immigrées.


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