• Près de 6000 djihadistes identifiés par Interpol

    L'organisation a identifié 5800 combattants étrangers qui ont rejoint l'Etat islamique en Syrie ou en Irak.

    Le directeur d'Interpol, Juergen Stock, intervenait à Séville (sud de l'Espagne) à l'occasion d'une conférence sur la lutte antiterroriste, quelques jours après les attentats djihadistes qui ont fait 129 morts le 13 novembre à Paris, revendiqués par le groupe Etat islamique. Plusieurs de ses auteurs présumés, citoyens français ou belges, seraient passés par la Syrie.

    «L'organisation a répertorié à ce stade quelque 5'800 combattants étrangers, djihadistes présumés, venant de plus de 50 pays», a déclaré Juergen Stock. Il a cependant ajouté que le nombre total des ces djihadistes était estimé à 25'000. Il a estimé qu'il fallait davantage de coopération entre les pays dans ce domaine.

    «L'information est la base du travail de la police... cette information doit être partagée avec Interpol», a-t-il dit. Des spécialistes des forces de l'ordre du monde entier se sont retrouvés à Séville pour une conférence de trois jours visant à des échanges sur la lutte antiterroriste.


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  • ENTRETIEN avec François Heisbourg, président de l’International Institute for Strategic Studies.

    Pour le spécialiste de géopolitique, il ne faut pas laisser croire aux opinions publiques qu’on peut trouver des réponses simples et rapides à des conflits qui mêlent religion, territoire et dynasties. Pour lui, le Moyen-Orient est au début de sa guerre de Trente ans.

     La Croix : Quelles vont être les conséquences géopolitiques des attentats de Paris ? 

     François Heisbourg : La première répercussion touche notre territoire. Le Moyen-Orient vient à nous avec les réfugiés. Il y a un fort risque de durcissement de l’opinion française par rapport à la question des frontières, de l’avenir de Schengen, qui aura des conséquences pas seulement au Front national, mais du côté des Républicains.

    Ces attentats interviennent à un moment où la tension était déjà forte sur la question d’une recherche de solution européenne à la crise des réfugiés. C’est un très lourd facteur supplémentaire.

    Le président de la République a annoncé dès vendredi soir un renforcement des contrôles aux frontières… 

     F.H. : Oui. À court terme, il n’y a pas de problème. Ce contrôle est déjà acté avec la perspective de la conférence sur le climat, la Cop 21, dans deux semaines. On va monter de trois crans dans le durcissement des passages. Cette mesure d’exception n’implique cependant pas de changement de logique européenne.

    Mais nous avons des élections régionales en décembre et l’union sacrée face à ce genre d’événement ne dure qu’un temps. La recherche de solutions purement nationale face à la crise des réfugiés va se trouver renforcée face à une solution européenne. Il est trop tôt pour dire où s’arrêtera le curseur.

     Pour autant, les auteurs des attentats de vendredi semblent venir de l’intérieur du pays, pas de l’extérieur. Ils semblaient bien parler français, d’après les témoignages… 

     F. H. : Oui. Je serais surpris qu’il y ait beaucoup d’étrangers. Il faut quand même être du coin pour connaître le Bataclan. Pour autant il est normal qu’on cherche à renforcer le contrôle aux frontières pour éviter que des complices ne cherchent à quitter le territoire national, comme on l’avait fait après les attentats de janvier dernier.

    En décrétant l’état d’urgence comme première mesure, le président fait par ailleurs un geste de bonne gestion politique. Il démontre que l’arsenal juridique existant est bien fait. Il prend les devants par rapport aux demandes de lois d’exception qui ne manqueront pas de venir. Cela doit permettre d’éviter les excès qu’ont connus les États-Unis après le 11 septembre. C’est important pour la bonne santé de notre société.

     Et au Moyen-Orient ? 

     F. H. : La pression va être très forte pour faire passer une idée apparemment simple et de bon sens : « tous avec Bachar contre Daech ». On la sent déjà monter. C’est en effet une question légitime, mais la réponse est fausse. Ce faisant, on contraindrait les sunnites, qui représentent les trois quarts de la population syrienne soit à se joindre à l’organisation qui parvient à tirer les épingles du jeu – elle s’appelle Daech –, soit de quitter le pays et rejoindre les cohortes de réfugiés… Il faudra absolument résister à cela. Les Américains ont voulu faire simple en Irak, on a vu ce que ça a donné. Idem pour les Russes en Tchétchénie ou en Syrie, avec l’attentat du Sinaï.

    Le milieu moyen-oriental n’est pas simple à gérer. Dans cette région, les ennemis de mes ennemis ne sont pas mes amis. Et les amis de mes amis ne sont pas mes amis… Il ne peut pas y avoir de solution rapide. Même s’il est tentant de dire : « voyez, mes avions bombardent », il est plus efficace à terme de renforcer les moyens des services de renseignement et des troupes spéciales. Le pouvoir actuel a fait un travail très sérieux en la matière, avec notamment la création de la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) en mai 2014.

    Mais la pression pour des résultats est très forte… 

     F. H. : Oui. Les politiques sont dans une extrême pression médiatique qui les pousse à montrer qu’ils font quelque chose. La télévision russe, actuellement, c’est Star wars… Mais il faut résister à cette idée. L’action de fond prend du temps, à un moment où les terroristes courent plus vite que nous. À l’automne 1940, Churchill n’a pas dit qu’il allait résoudre les problèmes en six mois. Il a promis du sang, des larmes et de la sueur.

     Que peut-on espérer de la réunion internationale de Vienne, qui réunit notamment ce week-end les États-Unis, la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite, pour trouver une solution au conflit syrien ? 

     F. H. : Il faut investir ce processus, car il n’y en a pas d’autre. Mais les divergences d’intérêt entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont immenses. Elles seront peut-être réductibles un jour, mais je ne pense pas qu’on y soit arrivé.

     Que peut-on faire militairement ? 

     F. H. : Il faut des frappes ciblées avec des forces spéciales, des drones. Ce qu’on fait jeudi les Américains contre « Djihadi John », le bourreau britannique de Daech, est sans doute nécessaire. Mais ce n’est pas en rasant Raqqa, son quartier général, qu’on va résoudre le problème. Au contraire, on fabriquera des terroristes.

    En réalité, le problème pour le gouvernement est avant tout français. Les attentats n’ont pas nécessité une grande compétence militaire, mais organisationnelle. Pas sûr qu’un stage en Syrie ait été un passage obligé.

     Et la Syrie n’est pas le seul État concerné. 

     F. H. : Non en effet. À l’heure actuelle, quatre États de la région sont en train de tomber en morceaux : la Syrie, l’Irak, le Yemen et la Libye. Les logiques d’éclatement sont différentes, mais le point d’aboutissement est le même : la fin de l’ordre né des accords Sykes-Picot, qui ont organisé le partage du Proche-Orient à la fin de la première guerre mondiale – auxquels fait d’ailleurs référence Daech.

    On voit que c’est compliqué : au Yémen, les Occidentaux ont été totalement absents et c’est une catastrophe ; en Syrie, ils ont été très peu présents et c’est pareil ; idem en Libye, où ils ont aidé à la fin de Kadhafi, mais ont été absents sur le terrain ; et enfin, en Irak, où ils ont procédé à une occupation et une gestion directe, la situation est tout aussi catastrophique. Entre la non-intervention et l’intervention, il est très difficile de dire quelle est la moins mauvaise politique.

    Ne faut-il pas accepter le moindre mal ? 

     F. H. : Au Moyen-Orient à l’heure actuelle, je ne sais pas recommander une politique particulière. Cela doit rendre stratégiquement extrêmement modestes et prudents. Surtout vis-à-vis des opinions publiques : il ne faut pas leur laisser croire qu’en choisissant telle ou telle posture on réglera les problèmes.

    Il n’y a pas de solution simple à des conflits qui mêlent religion, territoire et dynasties, à l’image de la guerre de Trente ans, qui a déchiré l’Europe de 1618 à 1648. Le Moyen-Orient est au début de sa guerre de Trente ans.


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  • Burkhalter lance une commission sur l'eau et la paix

    La tâche principale de la Commission mondiale sur l'eau et la paix, lancée lundi 16 novembre 2015 à Genève, sera d'examiner comment prévenir les conflits liés à l'eau.

    Le conseiller fédéral Didier Burkhalter a lancé lundi à Genève les travaux d'une commission mondiale sur l'eau et la paix. La sécurité de l'approvisionnement en eau est un défi majeur, a affirmé le chef du DFAE .

    A l'ouverture du panel sur l'eau et la paix, le conseiller fédéral Didier Burkhalter a demandé à l'assemblée d'observer une minute de silence en mémoire aux victimes des attentats de Paris, de Beyrouth, de Bagdad, du Sinaï et d'autres régions dans le monde.

    Le chef du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) a souhaité faire de Genève «un centre international pour la diplomatie de l'eau». Le mandat de la commission, indépendante, présidée par l'ex-président slovène Danilo Türk, s'étend sur deux ans. Elle publiera ses recommandations finales en 2017.

    «L'eau peut être une source de tension et d'instabilité, en lien avec des risques sécuritaires majeurs. Elle peut être aussi un puissant instrument de coopération», a déclaré Didier Burkhalter.

    Alors que la population de la Terre a quadruplé durant le XXe siècle, les prélèvements d'eau douce ont été multipliés par neuf. Selon l'ONU, la demande globale en eau va augmenter de 55% d'ici 2030. Si la tendance actuelle se confirme, le monde devra faire face à un déficit hydrique global de 40%.

    «Le changement climatique augmente encore le défi de l'approvisionnement en eau (...). Les conflits autour de l'eau sont une réalité dans différentes parties du monde», a souligné le conseiller fédéral.

    Utilisée comme arme de guerre

    «L'eau a été utilisée comme arme de guerre, notamment dans les conflits en Syrie et en Irak. En Syrie, la moitié de la capacité des infrastructures de production d'eau du pays a été perdue en raison de la guerre», a expliqué Didier Burkhalter.

    La commission, composée de quinze personnalités d'origine géographique différente, devra développer «une série de propositions visant à renforcer l'architecture globale afin de prévenir et résoudre les conflits liés à l'eau». Elle devra en particulier identifier des mécanismes économiques et financiers incitatifs.

    Sa tâche sera aussi d'examiner comment prévenir les conflits liés à l'eau, de promouvoir la mise en preuve des conventions globales sur l'eau et de faire la promotion des meilleures pratiques de coopération.

    Parallèlement, une «symphonie de l'eau pour la paix» sera créée progressivement par des musiciens du monde entier. Elle sera achevée lors de la présentation des résultats de la commission. Le contrebassiste suisse Mich Gerber en a composé les premières notes lundi à l'occasion du lancement de la commission.


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  • Des Etats américains refusent les réfugiés syriens

    Près de 25 Etats américains ont annoncé qu'ils n'accueilleraient plus de réfugiés Syriens. Barack Obama refuse l'amalgame.

    Près de la moitié des Etats américains, de l'Ohio au Texas, ont annoncé qu'ils refusaient désormais d'accueillir des réfugiés syriens, dans l'espoir d'éviter des attentats similaires à ceux de Paris.

    Le président Barack Obama a mis en garde contre l'amalgame.

    Plus de vingt gouverneurs, presque tous républicains, mais aussi des candidats à la Maison-Blanche et d'influents membres du Congrès ont annoncé ne plus vouloir accueillir de réfugiés syriens, de crainte qu'un éventuel terroriste ne se cache parmi eux.

    Le président de la commission de la sécurité intérieure de la chambre des représentants, Michael McCaul, a appelé lundi Barack Obama à suspendre l'accueil de réfugiés syriens, organisé «sans respecter la sécurité des Américains».

    Danger mortel

    Un appel auquel s'est notamment joint le Texas. Dans un courrier au président américain daté de lundi, le gouverneur Greg Abbott l'informe que son Etat «n'acceptera pas de réfugiés de Syrie, suite à l'attaque terroriste mortelle de Paris».

    «Un 'réfugié' syrien semble avoir participé aux attaques terroristes de Paris. La compassion humanitaire américaine pourrait être exploitée pour exposer les Américains à un danger mortel similaire», explique le dirigeant de cet Etat du sud du pays, frontalier du Mexique.

    «Cela n'est pas américain»

    Mais le président Barack Obama a appelé depuis la Turquie à ne pas faire l'amalgame entre «réfugiés» et «terrorisme».

    «Les gens qui fuient la Syrie sont ceux qui souffrent le plus du terrorisme. Ce sont les plus vulnérables. Il est très important que nous ne fermions pas nos coeurs aux victimes d'une telle violence (...) cela commence par ne pas faire de lien entre la question des réfugiés et celle du terrorisme», a déclaré Barack Obama.

    «C'est honteux» quand «j'entends des gens dire que nous pourrions juste accueillir les chrétiens et pas les musulmans», a-t-il noté. «Cela n'est pas américain. Ce n'est pas ce que nous sommes».

    Montrés du doigt pour leur manque de réactivité face à la crise migratoire déclenchée par le conflit en Syrie, les Etats-Unis ont annoncé au début septembre qu'ils allaient accueillir 10'000 réfugiés syriens d'ici octobre 2016, contre 1800 seulement depuis 2011.


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  • Le centre de rétention de l'île Christmas sous contrôle

    Après un encerclement, la police australienne a repris le contrôle du camp de rétention de migrants sur l'île Christmas qui a été, dimanche 8 novembre 2015, le théâtre d'une émeute.

    Les autorités australiennes ont repris mardi par la force le contrôle d'un centre de rétention pour demandeurs d'asile situé sur une île reculée de l'océan Indien, où une émeute avait débuté dimanche après le décès d'un détenu. Des renforts de la police australienne avaient été envoyés sur l'île Christmas - territoire australien situé à 2.600 kilomètres au large de Perth (côte nord-ouest de l'Australie) - pour faire face à des prisonniers armés de machettes et de cocktails Molotov selon le témoignage d'un détenu.

    Le centre de rétention de Christmas abrite 203 hommes: des demandeurs d'asile et des ressortissants étrangers dont bon nombre de Néo-Zélandais, condamnés dans des affaires judiciaires et qui sont en cours d'extradition.

    «Le ministère confirme que tous les secteurs du centre de détention de l'île Christmas sont sous le contrôle total des prestataires de service et du personnel de l'Immigration», a indiqué le ministère de l'Immigration dans un communiqué.

    Il a ajouté que cinq détenus recevaient des soins sans que leurs jours ne soient en danger, sans préciser s'ils avaient été blessés par les forces de sécurité.

    Une mort inexpliquée

    Le ministère a assuré que cette reprise de contrôle avait essentiellement été faite au travers de la négociation mais que la force avait été employée contre «un noyau dur de détenus qui avaient construit des barricades et opposaient une résistance active». Aucun détenu ne manque à l'appel, selon le ministère.

    L'émeute avait éclaté après la mort inexpliquée d'un demandeur d'asile évadé de ce centre, identifié par les médias comme un Kurde d'Iran s'appelant Fazel Chegeni.

    De nombreux prisonniers se sont plaints des conditions de détention sur Christmas.

    Un détenu, le Néo-Zélandais Tuk Whakatutu, avait raconté plus tôt par téléphone à Radio New Zealand qu'une vingtaine de détenus armés de «cocktails Molotov, (...) machettes, (...) tronçonneuses, (...) barres de fer» étaient repliés dans l'un des complexes du camp et encerclés par les policiers anti-émeute.

    Tuk Whakatutu a encore dit que les forces de l'ordre, dont les effectifs ont été renforcés par deux avions d'agents venus du continent, avaient prévenu les détenus qu'elles feraient feu en cas de résistance armée.

    L'Australie mène une politique extrêmement dure vis-à-vis des demandeurs d'asile, plaçant ceux qui parviennent à gagner ses rives dans des camps sur l'île de Manus, en Papouasie-Nouvelle Guinée, sur l'île de Nauru, dans le Pacifique et sur l'île Christmas.

    Depuis fin 2014, Christmas accueille aussi des étrangers condamnés dans des affaires judiciaires et dont les titres de séjour ont été annulés.

    Cette politique est dénoncée par les organisations de défense des droits de l'Homme en raison des conditions de rétention sur ces îles, du manque de perspective pour les demandeurs d'asile ou encore de l'opacité dans laquelle ces camps sont gérés.

    Un Iranien de 23 ans, Reza Barati, avait été battu à mort lors d'une émeute en février 2014 à Manus qui avait fait 69 blessés. Le Sénat australien avait accusé le gouvernement d'avoir échoué à protéger les demandeurs d'asile.


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  • La prochaine réunion de Vienne sur la Syrie doit définir la liste des groupes terroristes. « Il y a deux points importants à l'ordre du jour de la prochaine réunion de Vienne, tout d'abord déterminer qui sont les groupes terroristes, ce qui est clair pour nous. Ensuite, se mettre d'accord sur la manière de poursuivre le travail », a déclaré M. Zarif, lors d'une conférence de presse avec son homologue belge Didier Reynders, en visite à Téhéran. M. Zarif a ajouté qu'il ne savait pas encore à quel niveau l'Iran participerait à cette réunion. « Il y a deux principes pour nous. Premièrement, il appartient à la communauté internationale de lutter contre le terrorisme. Ensuite, il appartient au peuple syrien de déterminer son avenir. Nous ne pouvons qu'apporter notre aide et non décider » pour les Syriens, a-t-il ajouté.
    M. Zarif a ajouté qu'il fallait empêcher les groupes terroristes de vendre du pétrole et d'avoir accès à des sources financières. Il a aussi critiqué « certains pays dans la région et hors de la région qui n'ont pas encore compris le danger de l'État islamique et de l'extrémisme et pensent qu'ils peuvent utiliser ces groupes comme un levier ».
    Didier Reynders a de son côté salué « la participation de l'Iran à la recherche d'une solution en Syrie ». Face « au terrorisme » et à l'afflux massif de réfugiés Syriens en Europe, « nous avons (avec l'Iran) toutes les raisons de rechercher une solution politique », a ajouté le chef de la diplomatie belge pour qui « il n'y aura pas de solution militaire » en Syrie.

    Frappes françaises
    Par ailleurs, les chasseurs français ont bombardé dimanche un centre d'approvisionnement pétrolier du groupe État islamique (EI) près de Deir ez-Zor, a annoncé hier le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian. « En Syrie nous sommes intervenus (...) hier soir par une frappe sur un point de délivrance pétrolier aux environs de Deir Ez-Zor à la frontière entre l'Irak et la Syrie », a-t-il déclaré lors d'un point de presse en marge du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. La France élargit donc cette fois ses opérations à un centre d'une autre nature, où « l'on prend du pétrole pour le délivrer ailleurs », a indiqué M. Le Drian. L'EI tire une partie importante de ses revenus du commerce de pétrole.

    Près de 448 cibles « terroristes »
    De son côté, l'armée russe a annoncé hier avoir bombardé 448 cibles « terroristes » en Syrie ces dernières 72 heures, indiquant avoir observé un « important changement de tactique » des groupes islamistes. « Nous avons remarqué un important changement de tactique de la part des terroristes en Syrie. Les groupes (terroristes) ne se déplacent plus avec autant d'effronterie qu'il y a un mois », a indiqué le ministère.
    Dans la province de Hama, dans le district de Kafer Nbuda, un atelier de réparation de véhicules blindés appartenant au Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda) a été détruit par des frappes russes, selon Moscou. Dans la région de Lattaquié, l'armée de l'air dit avoir visé des positions de tir d'al-Nosra et détruit quatre mortiers ainsi qu'un dépôt de munitions en une seule frappe.
    Dans le village de Kweires sous contrôle de l'EI, à l'est d'Alep, les avions russes ont détruit un camp d'entraînement, a annoncé le ministère, qui précise que l'abri dans lequel se cachaient des militants de l'EI a été touché. Le régime de Damas tente d'opérer des brèches dans le siège fait par l'EI d'une base aérienne non loin de Kweires.
    Dans la région d'Idleb et au sud-ouest d'Alep, un centre de commandement d'al-Nosra a été détruit dans la banlieue de Zerbé contrôlée par des groupes islamistes, selon le communiqué russe.
    Enfin, près de Damas, les avions russes ont détruit un dépôt de munitions de l'EI, où étaient entreposées des roquettes artisanales « utilisées pour viser le cœur de Damas » et « terroriser la population civile », a souligné le ministère.


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  • La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse pour avoir violé le droit à la liberté d’expression du requérant en le condamnant pénalement pour avoir tenu des discours publics niant le génocide arménien.

    Lors de trois évènements publics organisés en Suisse en 2005, M. Dogu Perinçek, résidant turc, a tenu des propos niant l’existence du génocide arménien, considéré par lui comme un « mensonge international ». Le tribunal de police du canton de Lausanne a condamné M. Perinçek pour discrimination raciale à 90 jours amendes à 100 francs suisses le jour assortie d’un sursis de deux ans, une amende de 3 000 francs suisses, et une indemnité pour tort moral de 1 000 francs suisses en faveur de l’Association Suisse-Arménie. La Cour de cassation pénale du tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de M. Perinçek contre la décision du tribunal de police et le tribunal fédéral a également débouté M. Perinçek de sa demande d’être libéré de toute condamnation civile ou pénale. M. Perinçek a ensuite contesté ces décisions nationales devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a constaté la violation de son droit à la liberté d’expression dans son arrêt de chambre prononcé le 17 décembre 2013 (CEDH, 17 déc. 2013, n° 27510/08, Perinçek c/ Suisse, AJDA 2014. 147, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014. 144, obs. G. Poissonnier ; RSC 2014. 125, obs. J. Francillon ; ibid. 179, obs. J.-P. Marguénaud ). La Suisse a donc saisi la grande chambre en vue de l’annulation de cette première décision.

    S’il est évident que la condamnation de M. Perinçek constitue une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, c’est bien la justification de cette ingérence qui est juridiquement controversée. La CEDH exclut d’emblée l’application de l’article 16 de la Convention européenne des droits de l’homme, estimant que la liberté d’expression telle que garantie par la Convention l’est sans considération de frontière et que l’article 16 ne doit se limiter qu’aux activités se rapportant directement au processus politique. La Cour se penche ensuite sur les conditions de justifications de l’article 10, § 2, à savoir le fait que l’ingérence soit prévue par la loi, qu’elle poursuive un but légitime et qu’elle soit nécessaire dans une société démocratique.

    Quant à la légalité de l’ingérence, le contrôle de la Cour ne concerne pas le fait que la disposition en cause existe dans le code pénal suisse (art. 261 bis, al. 4) et était accessible. Le point litigieux concerne la prévisibilité de cet article. La CEDH estime, sur ce point, que le requérant pouvait raisonnablement prévoir que ses propos risquaient d’engager sa responsabilité pénale. Il ne peut, en effet, pas être reproché aux tribunaux suisses une jurisprudence pauvre en cette matière et le raisonnement des juges pouvait, par ailleurs, être prévisible compte tenu de la reconnaissance par le Conseil national suisse du caractère de génocide des évènements de 1915. La CEDH vérifie ensuite les buts légitimes invoqués par le gouvernement suisse, à savoir la défense de l’ordre et la protection des droits d’autrui. Si la Cour n’est pas convaincue par le motif de défense de l’ordre – le gouvernement ne faisant nullement état des risques d’affrontements en Suisse à l’époque des propos –, elle valide toutefois la protection des droits d’autrui, en ce que l’ingérence visait à la protection de la dignité des arméniens contemporains aux événements et à leurs descendants.

    Enfin, la CEDH place le nœud du problème juridique sur la condition de la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique. Pour ne pas justifier l’ingérence et constater la violation de l’article 10, elle estime que ni les propos en eux-même ni les propos au regard du contexte ne peuvent être considérés comme une forme d’incitation à la haine, à la violence ou à l’intolérance : le requérant s’exprimant en Suisse au sujet d’évènements survenus sur le territoire de l’Empire ottoman quelque quatre-vingt-dix ans auparavant. La CEDH n’applique donc pas la présomption dégagée pour l’Holocauste (CEDH 20 avr. 1999, Witzsch c. Allemagne, n° 41448/98 ; 1er févr. 2000, Schimaneck c. Autriche, n° 32307/96 ; 24 juin 2003, Garaudy c. France, n° 65831/01, D. 2004. 239 , note D. Roets ; ibid. 987, obs. J.-F. Renucci ; 13 déc. 2005, Witzsch c. Allemagne, n° 7485/03 ; 7 juin 2011, Gollnisch c. France, n° 48135/08) et distingue, par ailleurs, le discours selon le contexte dans lequel il est prononcé. La protection renforcée de l’article 10 est appliquée, compte tenu de la question d’intérêt public des propos, et la marge d’appréciation quant à l’ingérence de la Suisse était donc limitée.

    La CEDH fait preuve d’une large contextualisation pour justifier la différence entre sa présente décision et d’autres décisions concernant l’Holocauste et des États « directement » concernés par ce génocide. La Cour s’évertue, à plusieurs reprises, à énoncer qu’il n’existe pas de lien direct entre la Suisse et les évènements survenus en 1915 dans l’Empire ottoman et que la polémique déclenchée par le requérant était extérieure à la vie politique suisse. De même, pour la Cour, la proportionnalité dans l’exigence de nécessité dans une société démocratique n’est pas remplie dès lors que l’on ne peut pas affirmer que l’hostilité à l’encontre de la minorité arménienne en Turquie ne résulte pas des propos du requérant et que la condamnation suisse n’apporte ni protection ni sécurité à cette minorité.

    De vives critiques ont été apportées à ce raisonnement de la Cour, en premier lieu par les juges dissidents dans cette affaire. Les opinions dissidentes fournies à la suite de l’arrêt montrent la fragilité de l’argumentation de la Cour qui minimise un discours de discrédit de « l’évidence » et de justification des agissements de l’empire ottoman. En outre, la distinction opérée par la Cour selon le contexte historique et géographique revient à relativiser sérieusement la portée erga omnes des droits de l’Homme et une telle approche conduirait à conclure à ce que la liberté d’expression serait reconnue sans presqu’aucune limite à des discours négationnistes des génocides commis dans d’autres continents tels qu’au Rwanda, ou au Cambodge. Des législations nationales, proportionnées, prévisibles et reposant sur le débat démocratique, exprimant une solidarité avec des victimes de génocides ou de crimes de masse, doivent être possibles partout, même lorsqu’il n’y a aucun lien direct avec les évènements ou les victimes.  


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  • Entretien

    Professeur en histoire du Moyen-Orient à Sciences po Paris, Jean-Pierre Filiu publie « Les Arabes, leur destin et le nôtre » (La Découverte) et « La Dame de Damas » (Futuropolis). Il répond aux questions de « L'Orient-Le Jour » sur les causes historiques des crises qui bouleversent actuellement le Moyen-Orient.

    Dans votre livre, Les Arabes, leur destin et le nôtre, vous expliquez qu'à la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe, l'islamisme et le nationalisme n'étaient pas perçus comme contradictoires, mais plutôt comme complémentaires. Comment expliquer qu'on présente aujourd'hui ces deux tendances comme inconciliables ?
    J'essaye de redonner du sens, donc de l'espoir, en retrouvant la perspective historique. Aujourd'hui, on nous présente ces catégories comme étant contradictoires, voire vouées à s'éliminer l'une l'autre. C'est ce que les dictateurs et les jihadistes veulent : une guerre civile éternelle. L'homme de cette synthèse entre islamisme et nationalisme était Abderrahman al-Kawakibi. Un homme qui prônait la séparation du religieux et du politique dans des termes très forts, et en même temps militait pour un califat de type électif. On n'utilisait pas les termes nationaliste et islamiste à l'époque. Les islamistes disent : « Nous sommes meilleurs musulmans que les Turcs. » Et les nationalistes disent : « Nous sommes un peuple qui a les mêmes droits que ces peuples européens qui nous envahissent. » On n'est pas islamistes et nationalistes parce qu'on pense différemment, on est plus islamistes quand on parle aux Ottomans, et plus nationalistes quand on parle aux Occidentaux. Les références sont pourtant les mêmes.
    Le chérif Hussein réunissait en sa personne ces deux revendications pendant la révolte arabe. Il a la légitimité pour devenir le calife arabe d'une restauration antiturque, mais il est aussi celui qui va entrer dans une négociation avec les Occidentaux pour établir un « royaume arabe ». On ne connaît pas les frontières de ce « royaume », mais on sait déjà quelle en sera la capitale : Damas, le Cham de « Bilad ech-Cham ».
    Bourguiba, qu'on nous présente aujourd'hui comme le parangon de la laïcité, prend le pouvoir au sein du parti Destour en Tunisie en militant contre l'enterrement dans les carrés musulmans des Tunisiens naturalisés. Une position qui, aujourd'hui, serait qualifiée d'islamiste, alors que lui le fait pour se montrer plus nationaliste que le « vieux » Destour. Autre exemple : les « Officiers libres » nationalistes prennent le pouvoir en Égypte en 1952 avec le soutien actif des Frères musulmans. La rupture entre eux va être aggravée non pas par le caractère incompatible entre ces deux philosophies politiques, mais par ce qu'on appelle la « guerre froide arabe » entre l'Égypte de Nasser et l'Arabie de Fayçal.

    Il existe aujourd'hui une autre forme de polarisation entre sunnites et chiites. Sur quoi repose-t-elle ?
    Je découvre Beyrouth en 1980 avec, partout sur les murs, des posters de Arafat dans les bras de Khomeyni et la légende : « Deux révolutions en une ». L'idée d'une divergence entre ces deux mouvements paraissait alors inconcevable. Pour arriver à la polarisation actuelle entre sunnites et chiites, il faudra trois décennies de lutte entre les régimes théocratiques que sont la République islamique d'Iran et le royaume d'Arabie saoudite. On ne peut plus nier l'existence de ce conflit, ni la virulence de la propagande confessionnelle. Mais rien de cela n'était fatal. En Syrie, les manifestations pacifiques qui ont duré de longs mois étaient tout sauf confessionnelles. C'est la violence terrible du régime qui a « confessionnalisé » la crise et a militarisé l'opposition. S'il y a une minorité dont l'avenir paraît bien sombre aujourd'hui, ce sont les alaouites. Les alaouites sont entraînés dans le gouffre par la politique d'Assad. Les forces démocratiques et révolutionnaires en Syrie ne peuvent se contenter d'un discours sur les minorités, elles doivent marteler un message d'avenir partagé avec les alaouites. Mais évidemment, Assad ne veut pas que cela arrive et il continue de prendre les alaouites en otage.
    Autre exemple avec le Yémen. En un millénaire, le Yémen a connu toutes les formes de guerres possibles, mais il n'a jamais connu une guerre entre sunnites et chiites. Le conflit actuel résulte directement de l'affrontement entre Téhéran et Riyad.

    Vous évoquez l'instrumentalisation des théories du complot comme un moyen utilisé par les forces contre-révolutionnaires.
    Je crois que les peuples font leur histoire, ce ne sont pas des complots extérieurs qui la déterminent. Durant une phase révolutionnaire, l'ancien monde et le nouveau monde coexistent, et c'est généralement très violent. Dans les théories du complot, il y a toujours une part de vérité qui leur permet de se diffuser malgré leur caractère profondément erroné. Le plus grave est que cette vision conspirationniste prive les hommes et les femmes concernés de leur libre arbitre.

    Quel peut-être le rôle de l'Europe dans cette période?
    L'Europe a pu faire face et a répondu de manière historiquement responsable à la chute du mur de Berlin et à l'effondrement de l'empire soviétique. Ce qu'on vit actuellement dans le monde arabe est du même ordre; pourtant cette fois, l'Europe n'est pas au rendez-vous. Or, la lutte des Arabes pour leur libération n'est pas que leur affaire, elle concerne l'Europe au premier chef. Il est donc urgent pour l'Europe, dans son intérêt propre, d'avoir une politique à la mesure de cet enjeu.

    Le discours des contre-révolutionnaires, des partisans du fait que les régimes dictatoriaux sont de moindres maux, est pourtant en train de gagner du terrain en Europe.
    On a la chance d'avoir en France un président et un ministre des Affaires étrangères qui s'inscrivent en faux contre cette tendance. Mais il est vrai qu'elle gagne du terrain en Europe du fait d'une forme de fatalisme, d'abandon, de démission. Les gens qui vous disent « Bachar est le moindre mal contre Daech » sont ceux qui préparent les catastrophes de demain. Ce sont les mêmes qui pensaient en 2003 que renverser Saddam Hussein allait permettre d'importer la démocratie en Irak.

    En tant qu'historien, pensez-vous que la région puisse se remettre de cette terrible période ?
    Loin de moi l'idée d'être innocent ou naïf : c'est un moment terrible. Mais c'est aussi la fin de ce monde dictatorial, car il n'y a aucun espoir dans la restauration des dictatures. On voit bien qu'elles ne se maintiennent qu'à un coût exorbitant. Assad a dû expulser la moitié des Syriens pour prolonger la dynastie de son père. Les régimes construits contre la volonté de leurs peuples sont prêts à toutes les extrémités pour priver ces peuples de leur droit à l'autodétermination.
    On a libéré les monstres, on les voit aujourd'hui à l'œuvre, entre autres avec Daech, mais la seule chose dont l'historien peut être sûr, c'est que leur projet totalitaire ne peut pas s'inscrire dans la longue durée. La séquence que nous vivons depuis 2011 est d'une violence épouvantable du fait de la contre-révolution, mais en même temps, c'est une période d'accélération de l'histoire.
    La nouvelle génération militante a aujourd'hui un bagage sans précédent. J'ai enseigné l'histoire dans le camp de réfugiés syriens à Zaatari (en Jordanie) et j'avais des débats de très haute tenue. Les réfugiés syriens ne se sentent pas obligés de dire que Nasser était une idole ou que Nasser était un tyran. Ils ont compris qu'il pouvait être les deux à la fois. Et que l'avenir appartient aux peuples et non aux despotes.

    Pourquoi avoir voulu tenter l'expérience de la bande dessinée ? Qu'est-ce que ce support peut apporter à l'historien ?
    On fait une bande dessinée pour divertir, pour séduire, ce n'est pas la même démarche que pour un essai. J'ai toujours rêvé de faire de la bande dessinée, mais je n'y serais pas arrivé tout seul. J'ai rencontré aux « Rendez-vous de l'histoire » de Blois, en 2008, le grand dessinateur David B., avec qui nous avons réalisé deux albums. Puis j'ai travaillé avec Cyrille Pomès sur Le Printemps des Arabes, une autre BD documentaire, et La Dame de Damas, qui est ma première fiction. Non pas que nous décrochions du réel, puisque cette BD est enracinée dans une chronologie, dans une banlieue de Damas, que je connais bien, Daraya. J'étais très ému quand, à la fin d'une conférence à l'Institut du monde arabe, un jeune de Daraya est venu me dire : « Comment vous avez fait, c'est vraiment chez nous ? » Des Syriens ont donc reconnu dans cette BD une histoire qui peut être la leur.

    La bande dessinée permet-elle d'apporter un regard plus humain aux crises qui bouleversent le Moyen-Orient ?
    Peut-être pas plus humain, mais plus incarné. On met des visages, on donne une chair, une substance. Des gens qui n'auraient pas lu un essai de ma part, sur la pratique de la non-violence dans une banlieue de Damas, liront peut-être La Dame de Damas. Et finalement, je raconte la même chose. Dans la grande tragédie qu'est la guerre syrienne aujourd'hui, je suis très sensible à la question des disparus. C'est la mort dans la vie et la vie dans la mort. On n'en parle pas, mais il y a des dizaines de milliers de disparus en Syrie. La bande dessinée est aussi pour moi une façon de leur rendre une existence.

     


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  • La lutte contre le terrorisme, qui conduit des États à bombarder des territoires étrangers, voire à y tuer leurs propres ressortissants, conduit à des « dilemmes extrêmement compliqués », entre respect du droit international et notion de légitime défense, admet un haut responsable de l'Onu.
    « On ne combat pas le terrorisme sans respecter les principes du droit international. Mais le terrorisme induit des situations de plus en plus complexes et place les États face à des dilemmes extrêmement compliqués », résume dans un entretien à l'AFP Jean-Paul Laborde, directeur du Comité contre le terrorisme de l'Onu. En Syrie, en Irak, les jihadistes du groupe État islamique (EI), « une organisation terroriste et inscrite comme telle par l'Onu », insiste ce responsable, contrôlent de vastes territoires. « La question qui se pose est alors la suivante : comment appliquer le droit international sur des territoires qui relèvent d'une organisation terroriste ? »


    En Syrie et en Irak, une coalition internationale pilotée par les États-Unis bombarde depuis plus d'un an l'EI, qui a proclamé un califat à cheval sur les deux pays. Au risque de faire des victimes civiles. Fin août, la Grande-Bretagne a mené une frappe en Syrie pour éliminer deux de ses ressortissants, accusés de préparer un attentat sur le sol britannique. Et il y a quelques jours, la France a mené une frappe qui pourrait avoir tué jusqu'à six jihadistes français. Paris s'appuie sur l'article 51 de la Charte de l'Onu, qui mentionne la « légitime défense », et indique que ses frappes en Syrie visent des camps de l'EI dans lesquels des jihadistes fomentent des projets d'attentat en France. « Il y a des éléments de légitime défense évidents. La France a été clairement désignée comme un ennemi par Daech (acronyme arabe de l'EI), et des attentats ont été commis sur le sol français par des personnes se réclamant de cette organisation. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui on a peu d'informations sur les cibles visées en Syrie et pas d'éléments judiciaires complets qui permettraient de dire qu'on est dans le cadre d'une infraction bien précise », reconnaît M. Laborde, qui est aussi un juge.
    Ces frappes « peuvent être attaquées juridiquement, heureusement d'ailleurs. C'est bien pour ça que nous sommes dans un État de droit. Mais l'État de droit, c'est aussi une question d'équilibre. Vous avez en face de vous une organisation terroriste qui forme des gens qui vont venir vous frapper ensuite et vous ne bougez pas ? Vous saviez et vous n'avez rien fait? Ce sont des situations très compliquées, il n'y a pas de réponse blanc/noir ».

    « Quelques bonnes nouvelles »
    Les deux plus grandes organisations « terroristes » à l'heure actuelle – EI au Moyen-Orient et Boko Haram en Afrique – « ont mis nos États en face d'une menace extrêmement fluide et flexible », souligne le responsable onusien. « Elles commettent des opérations en fonction de la réponse, et plus la réponse est faible, plus elles frappent fort. Ensuite, elles savent utiliser tous les moyens de financement – vente d'antiquités, enlèvements, vente du pétrole, trafic d'êtres humains... – à disposition, et la communauté internationale, qui n'est pas suffisamment coordonnée, a toujours deux, trois, quatre temps de retard », déplore M. Laborde. Dans son dernier rapport de septembre, le Comité de l'Onu contre le terrorisme plaide pour un renforcement des échanges de renseignements entre compagnies aériennes et pouvoirs publics pour détecter l'arrivée ou le départ de jihadistes étrangers, et suggère notamment la création d'une antenne régionale d'Interpol pour les pays du Maghreb. « Il y a tout de même quelques bonnes nouvelles » dans la lutte antiterroriste, estime M. Laborde, citant « la mobilisation croissante des entreprises et de la société civile ». « YouTube a supprimé en deux ans 14 millions de vidéos d'apologie ou d'incitation au terrorisme. Facebook reçoit un million de notifications de messages suspects par semaine », rappelle-t-il. « Quant aux sociétés civiles, on a vu les mobilisations après les attentats de janvier 2015 en France ou la semaine dernière en Turquie, où des milliers de personnes sont descendues dans la rue » le lendemain du carnage perpétré à Ankara contre des manifestants prokurdes. « Pensez encore à la Tunisie : malgré tous les coups qu'ils prennent (deux attentats sanglants en 2015), ils continuent à lutter dans le cadre de l'État de droit. Ne les laissons pas tomber », conclut-il.


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