• 30e anniversaire de la Déclaration des droits des minorités

    Les Nations Unies ont célébré mercredi 21 septembre 2022 à New York le 30ème anniversaire de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, le seul instrument international des droits humains des Nations Unies qui soit entièrement consacré aux droits des minorités.

    Mais le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, accompagné du témoignage émouvant de la prix Nobel de la paix Nadia Murad, issue de la minorité yézidie d’Iraq, a relevé avant tout « la rude vérité : trente ans plus tard, nous sommes toujours loin, très loin » d’avoir réalisé l’objectif de protéger les droits des minorités. 

    « Nous ne parlons pas, là, de simples carences, a déclaré le chef de l’ONU, mais d’une inaction et d’une négligence patente dans la protection des droits de minorités ». Votée en 1992, dans la salle de l’Assemblée générale, la Déclaration stipulait, sous la forme de « trois vérités essentielles », que « les droits des minorités sont des droits humains à part entière, que leur protection fait partie intégrante de la mission des Nations Unies et que la protection de ces droits est vitale pour l’avancement de la stabilité politique et sociale et la prévention des conflits internes et entre les pays ».

    Constat décevant

    Or, le constat est pour le moins décevant, aux yeux du Secrétaire général, qui déplore le sort des minorités, « soumises encore aujourd’hui à l’assimilation forcée, aux persécutions, aux préjugés, aux stéréotypes, à la haine et à la violence».

    Ajoutant que plus des trois quarts des apatrides de la planète sont issus de minorités, António Guterres a rappelé aussi que la pandémie de COVID-19 avait révélé des schémas d’exclusion profondément enracinés et une discrimination affectant de manière disproportionnée les communautés minoritaires, et en premier lieu les femmes, en butte à la recrudescence des violences liées au genre, privées plus souvent  de leurs emplois et des mêmes aides fiscales que les autres pendant cette période.

    Face à cette situation, le Secrétaire général a invoqué une détermination et l’action résolue des décideurs politiques, appelant « chacun des Etats membres à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités et leur identité ».

    Promouvoir l'inclusion des minorités

    Pour sa part, Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, a assuré « que notre tâche, aujourd’hui, n’est pas de montrer quiconque du doigt ». « Ce serait facile mais pas assez productif. Notre tâche consiste à renforcer le terrain d’entente qui a été convenu », a t-il nuancé, en exhortant les Etats membres à partager leurs idées, leurs expériences, leurs meilleures pratiques et leurs promesses.

    António Guterres a encouragé les Etats à suivre son « Appel à l’action pour les droits humains », un plan offert à tous les gouvernements pour résoudre les problèmes de discrimination persistante, notamment par le biais des dirigeants locaux des communautés concernées. Ensuite, en promouvant l’inclusion des minorités en tant que participants actifs et égaux dans toutes actions et décisions des autorités, conformément au « contrat social renouvelé et ancré dans une approche globale des droits de l’homme » qu’il propose dans son rapport sur « Notre Programme commun ».

    « Cette participation accrue n’est pas seulement dans l’intérêt des groupes minoritaires. Elle est dans l’intérêt de tous », a insisté le Secrétaire général ». « Un Etat qui protège les droits des minorités est un Etat plus paisible. Les économies qui favorisent la pleine participation des minorités sont plus prospères, et les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques », a-t-il déclaré. « Et un monde dans lequel les droits de toutes et tous sont respectés est plus stable et plus juste ».

     

    émoignage de Nadia Murad

    Durant cette commémoration, la prix Nobel de la paix Nadia Murad, Ambassadrice de bonne volonté de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a livré son témoignage émouvant de sa vie au sein de la communauté minoritaire yézidie en Iraq. « J’étais fière de qui j’étais, membre d’une petite communauté dans un grand pays », a-t-elle raconté, en se remémorant l’humble vie quotidienne de son village isolé, autant que l’ignorance et les préjugés discriminatoires et cruels que montraient d’autres communautés à leur égard.

    « Nous étions séparés à dessein, écartés des conversations nationales, marginalisés et oubliés », se souvient-elle. « Pour ceux qui étaient au pouvoir, il était plus facile de contrôler un pays dans lequel les minorités étaient divisées, suspicieuses les unes envers les autres, et privées de voix dans le gouvernement et la société civile. Nous étions invisibles ».

    Nadia Murad, témoin d’une histoire qui est « celle de toutes les minorités du monde », a rappelé que la marginalisation et l’abandon de sa communauté avait facilité les exactions de Daech contre son peuple, mais qu’ils ne s’étaient pas contentés de rendre plus vulnérables les Yézidis. « Ils ont ouvert tout l’Iraq à la guerre et au terrorisme », a-t-elle raconté, avant d’appeler l’Iraq à fournir à ses minorités des législations les protégeant de l’insécurité et des discriminations. « Nous avons besoins de votre aide, a-t-elle dit aux Etats membres. Car nous connaissons les brutales conséquences de l’inaction ».

     

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  • Kenya : les peuples autochtones Ogiek remportent une autre victoire devant la Cour africaine

    Un expert indépendant de l’ONU a salué ce lundi 17 juillet 2022 la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’accorder des réparations aux peuples autochtones Ogiek pour les préjudices subis du fait d’injustices et de discriminations au Kenya.

    Cette décision historique en matière de réparations fait suite à un arrêt historique rendu par la Cour le 26 mai 2017, concluant que le gouvernement du Kenya avait violé le droit à la vie, à la propriété, aux ressources naturelles, au développement, à la religion et à la culture des Ogiek, en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

    « Je me réjouis de cette décision sans précédent en matière de réparations », a déclaré Francisco Cali Tzay, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

    L’expert indépendant reconnait que cette cet arrêt historique envoie « un signal fort » pour la protection des droits fonciers et culturels des Ogiek au Kenya, ainsi que pour les droits des peuples autochtones en Afrique et dans le monde. « Ce jugement et l’octroi de réparations marquent une autre étape importante dans la lutte des Ogiek pour la reconnaissance et la protection de leurs droits sur les terres ancestrales de la forêt de Mau, et la mise en œuvre de l’arrêt de 2017 de la Cour africaine », a poursuivi M. Tzay.

    Plus de 1,3 millions de dollars de dommages moral et matériel

    La Cour a également ordonné à Nairobi de prendre les mesures législatives, administratives ou autres nécessaires pour reconnaître, respecter et protéger le droit des Ogiek à être consultés sur les projets de développement, de conservation ou d’investissement sur leurs terres ancestrales. 

    Sur un autre plan, les Ogiek doivent se voir accorder le droit de donner ou de refuser leur consentement libre et éclairé à ces projets afin de garantir des dommages minimaux à leur survie, selon le jugement. 

    La Cour a aussi ordonné au gouvernement kenyan de verser une indemnisation de plus de 57 millions de shillings kényans, soit 491.493,60 dollars, pour le préjudice matériel lié à la perte de biens et de ressources naturelles, et de 100 millions de shillings kényans (849.600 dollars) pour le préjudice moral subi par les Ogiek en raison des violations du droit à la non-discrimination, à la religion, à la culture et au développement. 

    Restitution de terres ancestrales

    En outre, la Cour a ordonné des réparations non monétaires, notamment la restitution des terres ancestrales des Ogiek et leur pleine reconnaissance en tant que peuples autochtones. 

    Précisément, la Cour a demandé au gouvernement kenyan de procéder à la délimitation, à la démarcation et à la délivrance de titres de propriété. L’objectif est de protéger les droits de propriété des Ogiek liés à l’occupation, à l’utilisation et à la jouissance de la forêt Mau et de ses ressources. 

    A noter que le Rapporteur spécial avait fourni un témoignage d’expert à la Cour dans cette affaire historique, sur la base de l’engagement de longue date de son mandat dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones Ogiek.  

    L’expert de l’ONU a donc exhorté le gouvernement du Kenya à respecter la décision de la Cour et à procéder à la mise en œuvre de ce jugement et de l’arrêt de 2017 de la Cour sans délai.

    NOTE :

    Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

     


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    Le procès historique du plus vieil accusé de crimes nazis s’est achevé ce 28 juin 2022 en Allemagne. Josef Schütz, ex-gardien de camp de concentration âgé de 101 ans, a été condamné à 5 ans de prison pour « complicité » de milliers de meurtres, a annoncé le président du tribunal de Brandebourg-sur-la-Havel (est), Udo Lechtermann.

    ​Il était jugé depuis octobre 2021 pour des exactions commises durant son service dans le camp de Sachsenhausen, entre 1942 et 1945. La justice reprochait à cet ancien sous-officier des Waffen SS d’être impliqué dans le meurtre de 3.518 prisonniers.

    Il n’a exprimé aucun regret

    Jamais au cours de la trentaine d’audiences au tribunal de Brandebourg-sur-la-Havel, plusieurs fois reportées en raison de la santé fragile de l’accusé, Josef Schütz n’aura exprimé le moindre regret. Au contraire, 27 juin 2022 il a encore nié toute implication, se demandant « pourquoi il était là », et affirmé que « tout est faux » à son sujet.

    Josef Schütz a avancé plusieurs récits sur son passé, parfois contradictoires. « Tout est déchiré » dans ma tête, avait-il même glissé lors de l’ouverture de l’audience avant d’être interrompu par son avocat. Dernièrement, il a prétendu avoir quitté la Lituanie au début de la Seconde Guerre mondiale pour rejoindre l’Allemagne où il aurait travaillé comme ouvrier agricole durant tout le conflit : « J’ai arraché des arbres, planté des arbres », a-t-il expliqué à la barre, jurant n’avoir jamais porté d’uniforme allemand mais un « bleu de travail ».

    Une version contestée par plusieurs documents historiques mentionnant notamment son nom, sa date et son lieu de naissance prouvant qu’il avait bien été affecté de fin 1942 à début 1945 à la division « Totenkopf » (Tête de mort) des Waffen-SS. Après la guerre, il a été transféré dans un camp de prisonniers en Russie et s’est ensuite installé dans le Brandebourg, région voisine de Berlin. Il a successivement été paysan, puis serrurier et n’a jamais été inquiété.

    « Complicité de meurtres systématiques »

    Agé de 21 ans au début des faits reprochés, il était accusé d’avoir fusillé des prisonniers soviétiques, d'« aide et de complicité de meurtres systématiques » par gaz de type Zyklon B et de « détention de prisonniers dans des conditions hostiles ». Lors de son réquisitoire mi-mai, le procureur général Cyrill Klement avait estimé « entièrement confirmées les preuves de l’accusation », lui reprochant de ne pas seulement s’être accommodé des conditions du camp mais d’y avoir fait carrière. Il n’y a « pas de doutes sur le fait que M. Schütz travaillait à Sachsenhausen », avait-il martelé, avant de requérir une peine plus importante que le minimum de trois ans de prison pour complicité de meurtres.

    Stefan Waterkamp, l’avocat de Josef Schütz, avait plaidé pour son acquittement et annoncé qu’il comptait faire appel en cas de condamnation, rendant encore plus improbable tout emprisonnement.

    Une justice tardive

    Entre son ouverture en 1936 et sa libération par les Soviétiques le 22 avril 1945, le camp de Sachsenhausen a vu passer quelque 200.000 prisonniers, principalement des opposants politiques, des juifs et des homosexuels. Des dizaines de milliers d’entre eux ont péri, victimes principalement d’épuisement dû au travail forcé et aux cruelles conditions de détention.

    Après avoir longtemps montré peu d’empressement à juger tous les auteurs de crimes nazis, l’Allemagne élargit depuis dix ans ses investigations. Gardiens de camps et autres exécutants de la machinerie nazie peuvent être poursuivis du chef d’accusation de complicité de meurtre. Ces dernières années, quatre anciens SS ont été condamnés à ce titre.

    Ce procès tardif a permis de « réaffirmer la responsabilité politique et morale des individus dans un contexte autoritaire, et dans un régime criminel, à l’heure où l’extrême droite néo-fasciste se renforce partout en Europe », avait confié avant le verdict Guillaume Mouralis, directeur de recherche au CNRS et membre du Centre Marc Bloch à Berlin.

     

     

     


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  • Destruction et droit de l'environnement en Ukraine

    La destruction de l’environnement en période de conflit armé ne date pas d’hier, mais son ampleur est sans commune mesure avec l’histoire moderne.

    La prise de conscience d’une telle destruction émerge avec la guerre du Vietnam, au cours de laquelle l’aviation étasunienne déverse sur les forêts vietnamiennes des millions de litres d’herbicide – le tristement célèbre Agent orange – afin de mettre l’ennemi à découvert.

    Aujourd’hui, au drame humanitaire qui se déroule en Ukraine s’ajoute un risque de catastrophe environnementale. C’est un enjeu essentiel, pendant le conflit évidemment, mais également une fois celui-ci achevé, tant les effets néfastes des combats sur l’environnement sont durables, si ce n’est irréversibles. Or le retour à la paix et la reconstruction s’avèrent compromis dans un environnement pollué et profondément dégradé.

    Le droit international n’ignore pas les dommages environnementaux provoqués par les conflits armés. Pour autant, la guerre en Ukraine vient rappeler que la réglementation de la conduite des hostilités demeure lacunaire pour assurer une protection effective de l’environnement.

    Quels sont les risques environnementaux en Ukraine ?

    Le risque nucléaire est celui qui suscite le plus de craintes. Fortement nucléarisée, l’Ukraine comprend pas moins de 15 réacteurs sur son territoire.

    Outre l’occupation temporaire de Tchernobyl par la Russie, des dépôts de déchets radioactifs ont été la cible de missiles. Surtout, le 3 mars 2022, un incendie s’est déclaré dans la plus grande centrale nucléaire d’Europe, celle de Zaporijia.

    Plus généralement, l’Ukraine héberge un grand nombre de sites industriels dangereux pour l’environnement (raffineries, pipelines…). Le lendemain de l’invasion russe, l’Observatoire des conflits et de l’environnement (une ONG britannique) dressait un premier bilan des dégâts. Depuis, la liste de sites industriels détruits et sources de pollution ne cesse de s’allonger.

    Les bombardements et incendies de sites industriels ont ainsi généré une forte pollution atmosphérique, composée de gaz toxiques et de métaux lourds.

    L’Ukraine est également un pays riche en biodiversité. Le territoire ukrainien abrite cinquante zones humides d’importance internationale recensées au titre de la Convention Ramsar, ainsi que de nombreuses réserves naturelles et espèces protégées. Les incendies de forêts, les prélèvements de ressources naturelles ainsi que le braconnage sont autant de menaces qui pèsent sur la faune et la flore ukrainiennes.

    Que peut le droit international humanitaire ?

    Suite à la guerre du Vietnam, des instruments du droit international humanitaire (DIH) cherchant à protéger l’environnement ont vu le jour.

    La Convention ENMOD, adoptée en 1976 et ratifiée par la Russie et l’Ukraine, est le premier traité international à envisager directement la question environnementale dans un contexte de guerre.

    Elle interdit aux États d’utiliser à des fins militaires des techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens de causer des destructions à tout autre État partie. Autrement dit, elle vise à proscrire l’utilisation de l’environnement en tant qu’arme de guerre, c’est-à-dire des techniques ayant pour objet de modifier, par la manipulation de processus naturels, la structure de la Terre (tsunamis, tremblements de terre…).

    Seulement, les conditions d’application de ce traité sont incertaines. Vise-t-il toutes les techniques de modification environnementale, indépendamment de leur degré de raffinement technologique ? Par exemple, des controverses existent aux fins de savoir si la destruction de barrages ou encore la politique de la terre brûlée sont ou non interdites par la Convention.

    En outre, la définition des « effets étendus, durables ou graves » est particulièrement obscure, subjective et circonstanciée.

    Et, surtout, la mise en œuvre de la responsabilité d’un État contrevenant au traité revient au Conseil de sécurité des Nations unies, si bien qu’elle se heurte, en l’espèce, au droit de veto russe.

    Le Protocole I de 1977 additionnel aux Conventions de Genève, ratifié par la Russie et l’Ukraine, vise, à la différence de la Convention ENMOD, à protéger l’environnement en tant que victime de guerre.

    Là encore, l’application de cette protection paraît hypothétique, en ce que seuls les moyens de guerre qui causent des dommages étendus, durables et graves à l’environnement sont prohibés. Ce faisant, les exigences requises pour déclencher l’application de cette protection sont excessivement élevées.

    Au demeurant, les auteurs du Protocole I ne sont jamais entendus pour définir ces trois critères. Dès lors, on ne sera guère étonné qu’aucune instance internationale n’ait, à ce jour, reconnu la violation de ces dispositions, y compris lorsque la question s’est posée devant le Comité du Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, suite aux bombardements par l’OTAN de la Serbie en 1999.

     

    D’autres normes du DIH, dont l’objet premier n’est pas l’environnement, pourraient aussi protéger ce dernier. En ce sens, l’interdiction de certaines armes en raison de leur dangerosité pour les civils peut bénéficier, par ricochet, à l’environnement.

    Ainsi en est-il de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel ou celle prohibant les armes à sous-munitions, armes dont l’utilisation par la Russie a fait l’objet de vives contestations.

    Mais pour que cette protection incidente de l’environnement soit effective, encore faudrait-il que la Russie ait ratifié ces conventions, ce qui n’est pas le cas. Dès lors, la Russie ne peut pas se voir opposer l’interdiction de telles armes sur le fondement de ces conventions.

    En somme, le DIH s’avère lacunaire pour protéger l’environnement en période de conflit armé.

    Le droit international pénal, souvent présenté comme le bras armé du DIH, est-il plus efficace pour protéger l’environnement ?

    Que peut la Cour pénale internationale ?

    Par une déclaration de 2015, l’Ukraine a accepté la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour connaître des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis sur son territoire depuis le 20 février 2014.

    À cet égard, le 28 février 2022, le Procureur de la CPI a pris la décision d’ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine, estimant qu’il existe une base raisonnable de croire que de tels crimes y auraient été commis.

    S’agissant des crimes de guerre environnementaux, le Statut de Rome qui institue la CPI permet de poursuivre des individus ayant dirigé « intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment […] des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ».

    Cependant, les conditions d’application entourant ce crime de guerre sont particulièrement restrictives.

    Premièrement, à l’instar du Protocole I, le Statut de Rome fixe un seuil élevé de dommage prohibé.

    Deuxièmement, un critère de proportionnalité s’ajoute, de sorte que les dommages étendus, durables et graves ne sont pas répressibles s’ils ne sont pas excessifs par rapport à l’avantage militaire attendu.

    Troisièmement, un critère d’intentionnalité est requis, c’est-à-dire qu’il faut prouver que l’accusé a eu l’intention de lancer une attaque et la connaissance des dommages que celle-ci cause à l’environnement.

    Il en résulte une protection pénale de l’environnement en pratique inapplicable. Pour l’heure, aucune sanction pénale n’a été prononcée par la CPI sur le fondement du crime de guerre environnemental.

    Indépendamment même du crime de guerre environnemental, le dommage environnemental pourrait, à tout le moins, servir de vecteur à la répression de crimes contre l’humanité, voire de génocide, dès lors qu’une destruction de l’environnement provoque volontairement une privation de ressources naturelles indispensables à la survie de la population civile ou d’un groupe national, ethnique, etc.

    Devant la CPI, l’affaire Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir a été l’occasion de confirmer le lien potentiel entre l’environnement et le crime de génocide. En effet, la Chambre préliminaire de la CPI, en 2010, a estimé que la destruction, la pollution et l’empoisonnement des puits par les forces gouvernementales soudanaises s’inscrivaient dans une politique génocidaire menée contre les populations civiles dans la région du Darfour.

    Il est parfois proposé de réformer le Statut de Rome pour y introduire le crime d’écocide. Celui-ci présenterait notamment l’avantage d’être affranchi de l’exigence d’un dommage manifestement excessif par rapport à l’avantage militaire attendu, ou encore de s’appliquer aux personnes morales, telles que des organisations criminelles ou des multinationales.

    Cela étant, l’écocide n’est, pour l’heure, qu’un sujet de débat académique, tant les difficultés structurelles de la CPI (ressources limitées, absence de force de police, difficultés d’investigation et légitimité questionnée) empêchent actuellement une révision du Statut de Rome.

    En tout état de cause, l’introduction du crime d’écocide n’aurait pas d’incidence sur les poursuites liées à la guerre en Ukraine, puisque l’application d’un nouveau crime ne peut être rétroactive.

    Vers une convention internationale ?

    En définitive, le droit international s’avère impuissant à protéger l’environnement en période de guerre.

    Reste, pour ne pas finir sur une note trop sombre, le projet de la Commission du droit international qui a inscrit à son programme de travail le sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Un texte, ambitieux, a été provisoirement adopté.

    Celui-ci, outre un rappel du droit positif, est le support d’innovations intéressantes, telles qu’une application renforcée du droit international de l’environnement en période de conflit armé, ou encore la création de zones d’importance écologique, sur le modèle des zones démilitarisées, qui seraient protégées contre toute attaque aussi longtemps qu’aucun objectif militaire ne s’y trouve.

    L’adoption définitive de ce texte pourrait, on ne peut que le souhaiter, ouvrir la voie à l’élaboration d’une convention internationale sur le sujet.

     

     

     


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  • Ukraine: première condamnation pour crimes de guerre

    Un soldat russe a été condamné lundi 23 mai 2022 à Kiev à la prison à vie pour le meurtre d'un civil, la première condamnation pour crimes de guerre en Ukraine depuis l'offensive de Moscou, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky réclamait à Davos des sanctions internationales "maximum" contre la Russie.

    Le sergent Chichimarine, 21 ans, avait admis avoir abattu un civil de 62 ans, dans le nord-est du pays au cours des premiers jours de l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe.

    Le premier soldat russe jugé pour crime de guerre depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Vadim Chichimarine, a été reconnu coupable et condamné à la prison à perpétuité ce lundi 23 mai à Kiev pour le meurtre d’un civil. Son avocat a immédiatement annoncé qu’il ferait appel.

    “Le tribunal a décidé de reconnaître Chichimarine coupable et de le condamner à réclusion à vie”, a déclaré le juge Serguiï Agafonov, a constaté un journaliste de l’AFP présent dans la salle d’audience. Le sergent Chichimarine, 21 ans, avait admis avoir abattu Oleksandre Chelipov, un civil de 62 ans, dans le nord-est du pays au cours des premiers jours de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

    Il est reconnu coupable de crime de guerre et de meurtre prémédité

    “Violer” les “lois et les coutumes de la guerre”

    Le soldat au visage juvénile et au crâne rasé, vêtu d’un sweat-shirt gris et bleu à capuche, a écouté, seul dans un box de verre, le verdict lu en ukrainien tandis qu’une interprète le lui traduisait en russe. 

    “Le meurtre a été commis avec une intention directe”, a déclaré le juge. “Chichimarine a violé les lois et coutumes de la guerre”, a-t-il poursuivi.

    Le Parquet avait requis jeudi la peine maximale, la prison à vie. Le soldat avait plaidé coupable la veille d’avoir abattu un civil ukrainien. Il avait déclaré devant le tribunal avoir agi sous la pression d’un autre soldat alors qu’il tentait de fuir vers la Russie à bord d’une voiture volée avec quatre autres militaires. 

    Ce soldat, originaire d’Irkoutsk en Sibérie, avait “demandé pardon” à la veuve de Oleksandre Chelipov lors d’un bref échange avec elle dans la salle d’un tribunal de Kiev.

     

    Le Kremlin “inquiet” pour le sort de Chichimarine

    “C’est la condamnation la plus sévère et toute personne sensée ferait appel”, a déclaré l’avocat du jeune homme, Viktor Ovsiannikov. “Je demanderai l’annulation du verdict”, a-t-il déclaré.

    Avant l’audience, le Kremlin s’était déclaré “inquiet” pour le sort du citoyen russe, ajoutant ne pas pouvoir lui porter assistance sur place en raison de l’absence de représentation diplomatique.

    “Cela ne veut pas dire que nous n’allons pas essayer par d’autres canaux. Le sort de chaque citoyen russe a pour nous une importance capitale”, a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

     

    Cet appel du chef de l'Etat ukrainien aux dirigeants politiques et économiques mondiaux, lors d'une visioconférence à l'ouverture du Forum économique mondial (WEF) de Davos, en Suisse, intervient trois mois après le début de l'invasion russe le 24 février, et au moment où les autorités ukrainiennes disent souffrir "de plus en plus" dans le Donbass (est) face à la puissance de feu des troupes russes.

    A Kiev, le verdict dans le premier procès pour crimes de guerre est tombé. Un soldat russe de 21 ans, Vadim Chichimarine, qui a reconnu avoir tué, au début de l'offensive russe, un civil de 62 ans qui poussait son vélo tout en téléphonant, a été reconnu coupable par un tribunal de la capitale.

    Le soldat au visage juvénile et au crâne rasé a écouté le verdict, seul dans un box de verre. "Le meurtre a été commis avec une intention directe", a déclaré le juge. "Chichimarine a violé les lois et coutumes de la guerre".

    Lors du procès la semaine dernière, Vadim Chichimarine avait reconnu avoir abattu le sexagénaire mais avait "demandé pardon" à la veuve de la victime, justifiant son acte par les "ordres" reçus à ce moment-là.

    Des arguments balayés par l'accusation qui avait réclamé la perpétuité. "Il exécutait un ordre criminel et en était bien conscient", a lancé un des procureurs.

    Le soldat fera appel de sa condamnation, selon son avocat. 

    Selon le parquet ukrainien, le pays a ouvert plus de 12.000 enquêtes pour crimes de guerre depuis le début du conflit.

    - Davantage d'armes -

    Dans son intervention diffusée à Davos devant le gratin de l'économie mondiale, dont les Russes ont été exclus cette année, Volodymyr Zelensky a exhorté la communauté internationale à prendre les sanctions "maximum" et à ne plus avoir "aucun commerce avec la Russie".

    Il a aussi réclamé davantage d'armes pour son pays: "L'Ukraine a besoin de toutes les armes que nous demandons, pas seulement de celles qui ont été fournies".

    Lors d'une réunion virtuelle du "Groupe de contact pour la défense de l'Ukraine", 44 pays ont discuté lundi de l'assistance militaire à apporter à l'Ukraine. Vingt d'entre eux se sont engagés à fournir des armes supplémentaires à l'Ukraine, et d'autres entraîneront l'armée ukrainienne, a annoncé le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin.

    Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov a dit "espérer pouvoir présenter les résultats de l'utilisation" des armes promises lundi, "qui devraient changer la donne sur le champ de bataille!".

    Les pays occidentaux ont envoyé d'immenses quantités d'armes et d'argent à l'Ukraine et instauré des sanctions économiques sans précédent contre Moscou.

    De nombreuses multinationales ont déjà quitté la Russie. Le géant américain Starbucks a annoncé lundi qu'il allait fermer ses 130 cafés dans le pays, comme l'avait déjà fait McDonald's la semaine dernière.

    Depuis Tokyo, le président américain Joe Biden a lui aussi maintenu la pression sur Moscou, rappelant que la Russie devait "payer un prix à long terme" en matière de sanctions imposées par les Etats-Unis et leurs alliés, au vu de sa "barbarie en Ukraine" .

    "Il ne s'agit pas seulement de l'Ukraine", a insisté le président américain. Car si "les sanctions n'étaient pas maintenues à de nombreux égards, alors quel signal cela enverrait-il à la Chine sur le coût d'une tentative de prise de Taïwan par la force ?". 

    - Une "vraie guerre" -

    Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont renoncé à importer du pétrole russe, l'Union européenne a du mal à se mettre d'accord sur le sujet, car certains de ses pays membres sont très dépendants du gaz et du pétrole russes.

    Au terme d'une réunion infructueuse sur le sujet il y a une semaine à Bruxelles, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a concédé que finaliser le 6e paquet de sanctions contre la Russie prendrait "du temps". Un sommet européen extraordinaire est prévu les 30 et 31 mai.

    "Nous comprenons que l'Europe essaye d'estimer le coût que cela va avoir pour son économie. Mais de l'autre côté, il y a l'Ukraine, il y a une vraie guerre", a insisté la ministre ukrainienne de l'Economie Ioulia Svyrydenko, venue elle aussi à Davos.

    "La Russie veut détruire l'Ukraine (...) et menace le monde de famine. On n'a définitivement pas le temps de faire de l'analyse. Nous avons besoin de couper la Russie du monde civilisé, complètement", a-t-elle martelé. 

    Toujours en Suisse, un diplomate russe basé à Genève et opposé à la guerre, Boris Bondarev, a démissionné avec fracas, affirmant dans une lettre rendue publique que "jamais" il n'avait eu "autant honte" de son pays.

    - Severodonetsk comme Marioupol -

    Sur le terrain, "les prochaines semaines de guerre seront difficiles", a prévenu lundi le président Zelensky dans son allocution télévisée du soir. "Les occupants russes s'efforcent de montrer qu'ils n'abandonneront pas les zones occupées de la région de Kharkiv (nord-est), qu'ils ne rendront pas la région de Kherson (sud), les territoires occupés de la région de Zaporijjia (sud-est) et le Donbass (est). Ils avancent quelque part. Ils renforcent leurs positions ailleurs". 

    La situation est même "extrêmement difficile" dans le Donbass, où Moscou, qui y a rassemblé ses forces après avoir échoué à prendre Kiev, bombarde Severodonetsk intensément. 

    Les Russes "cherchent à éliminer tout ce qui est vivant" dans la région, a accusé le président Zelensky. "Personne n'a détruit le Donbass comme les troupes russes le font maintenant". 

    "Toutes les forces russes sont concentrées dans les régions de Lougansk et Donetsk", qui forment le Donbass, a affirmé Serguiï Gaïdaï, gouverneur du Lougansk, sur Telegram. 

    Idem en matière d'armement: "Tout est concentré ici", selon le gouverneur, y compris les fameux systèmes antiaériens et antimissiles S-300 et S-400.

    Point crucial de cette bataille du Donbass, Severodonetsk, dans la région de Lougansk, est bombardée "24 heures sur 24", s'est indigné M. Gaïdaï. "Ils utilisent la tactique de la terre brûlée, ils détruisent délibérément la ville" avec des bombardements aériens, des lance-roquettes multiples, des mortiers et des chars.

    Le sort de Severodonetsk ressemble à celui de Marioupol, grand port du Sud-Est qui présente aujourd'hui un paysage apocalyptique après plusieurs semaines de siège. Plusieurs quartiers ne sont qu'enchevêtrements de tôles et de débris et barres d'immeubles éventrées par les explosions.

    "A ce stade, je ne dirai pas +Sortez, évacuez+. Là je dis +Restez dans vos abris+", a dit le gouverneur, selon qui la Russie a lancé 12.500 hommes à l'attaque dans le Lougansk. 

    Le ministère ukrainien de la Défense a aussi signalé de violents combats en cours près de Bakhmout et Popasna.

    Dans la région de Donetsk, au moins trois personnes ont été tuées et six blessées dans des bombardements lundi, selon le gouverneur Pavlo Kyrylenko, après déjà sept morts dimanche.

    A Kherson (sud), première grande ville prise par les Russes, l'administration locale prorusse a annoncé l'introduction du rouble comme monnaie officielle, en parallèle à la hryvnia ukrainienne.

    Le président Zelensky a par ailleurs indiqué que 87 personnes avaient péri dans une frappe russe le 17 mai contre une base militaire dans le Nord. Ce nouveau bilan en fait l'un des bombardements russes les plus meurtriers depuis le début de la guerre.

    "Depuis le 24 février, l'armée russe a effectué 1.474 frappes de missiles en Ukraine avec 2.275 missiles différents, en grande majorité contre des infrastructures civiles", a dénoncé le président. "Plus de 3.000 frappes aériennes en moins de trois mois. Quel autre pays a connu une telle intensité de frappes?"


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  • Gibril Massaquoi acquitté pour crimes de guerre au Libéria

    La justice finlandaise a acquitté Gibril Massaquoi, un ex-rebelle sierra-léonais, jugé pour crimes de guerre à la fin de la guerre civile au Libéria. L'homme de 52 ans avait été arrêté dans le pays scandinave en 2020 où il vivait en exil depuis 2008.

    La cour a estimé que l'accusation manquait de preuves pour établir sa culpabilité, y compris concernant sa présence au Libéria au moment des faits reprochés. "Je comprends que dans une affaire comme celle-ci, un juge et un tribunal doivent prendre en considération des questions difficiles afin de décider s'il faut condamner ou non. Maintenant, nous devons lire attentivement le jugement et essayer de voir s'il y a des choses avec lesquelles nous ne sommes tout simplement pas d'accord avec les tribunaux.", a réagi le procureur en charge de l'affaire, Tom Laitinen.

    Cette dernière était portée par Civitas Maxima, une ONG suisse qui enquête sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité à l'échelle internationale. Gibril Massaquoi était poursuivi pour viols, meurtres et recrutement d'enfants soldats. 

     

    Surnommé "l'Ange Gabriel" par des témoins, Gibril Massaquoi était à la fin des années 1990, un haut responsable du Front révolutionnaire uni (RUF), un groupe armé sierra-léonais dirigé par le caporal Foday Sankoh, proche de l'ex-chef de guerre libérien devenu président, Charles Taylor. Pendant le procès, il a été difficile d'établir la véracité de certains témoignages et l'accusé niait en bloc tous les faits reprochés. Le document issu des audiences a même indiqué que "l'Ange Gabriel" décrit par les témoins n'était peut être pas Massaquoi.

    Le procureur n'a pas révélé s'il allait faire appel ou non de ce jugement fleuve de plus de 800 pages. On estime que les deux guerres civiles libériennes ont fait environ 250 000 morts entre 1989 et 2003.


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  • Immunité de juridiction d’un État étranger: l'affaire du Joola

    Le naufrage du Joola ou l'illustration d'une limitation du droit d'accès à un tribunal conforme aux exigences de la CESDH.

    L’octroi de l’immunité souveraine à un État dans une procédure civile poursuit le but légitime d’assurer le respect du droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre États en garantissant le respect de la souveraineté des autres États ; ne s’écartent pas des normes internationales alors admises les juridictions internes qui, pour accorder une telle immunité à des dirigeants sénégalais, constatent que les violations litigieuses étaient imputées à des personnes impliquées à un niveau élevé de l’État et résultaient d’un exercice de la souveraineté du Sénégal, et que les infractions reprochées ne relevaient pas des exceptions au principe de l’immunité des représentants de l’État dans l’expression de sa souveraineté.

    Rappel des faits et de la procédure. Le 26 septembre 2002, au large des côtes de la République de Gambie, le navire le Joola faisait naufrage dans les eaux internationales. 1 863 des 1 928 passagers et hommes d’équipage embarqués ont trouvé la mort ou ont été portés disparus, parmi lesquels plusieurs ressortissants français. Une plainte a été déposée en France par l’unique survivant français ainsi que plusieurs ayants droit des victimes françaises décédées ou disparues. Après avoir procédé à une analyse juridique du navire, lequel était hybride, car marqué par le caractère mixte de son exploitation entre militaire et commerciale, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu en raison de l’immunité de juridiction dont bénéficiaient les personnes mises en cause.

    Par un arrêt du 14 juin 2016, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction. Elle relevait, d’une part, que l’équipage du navire qui avait coulé en haute mer était commandé et encadré par des officiers de la marine nationale sénégalaise, et géré par le ministère des forces, d’autre part, que les personnes contre lesquelles il existait des charges suffisantes agissaient au moment des faits dans l’exercice de l’autorité étatique et, enfin, qu’en l’état du droit international, les infractions visées n’étaient pas de nature à priver d’effet l’immunité de juridiction.

    Les parties civiles ont formé un pourvoi en cassation qui fut rejeté par la Chambre criminelle (Cass. crim., 16 octobre 2018, n° 16-84.436, FS-P+B N° Lexbase : A9883YG7).

    Requête. L’Association des familles des victimes du Joola, avait alors introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) soutenant que l’octroi de l’immunité aux responsables du naufrage constituait une restriction disproportionnée de son droit d’accès à un tribunal. Elle affirmait que les violations aux règlements internationaux de navigation et de sécurité étaient des actes qui ne participaient pas à l’exercice de la souveraineté de l’État sénégalais et ne pouvaient donc bénéficier de l’immunité retenue.

    Décision. La CEDH déclare la requête irrecevable.

    Après avoir rappelé le droit de chacun à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil, la Cour souligne que le droit d’accès aux tribunaux n’est pas absolu. Il souffre en effet de limitations implicitement admises induites par la règlementation des États qui jouissent d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient précisément à la Cour de contrôler que ces limitations tendent à un but légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

    En l’espèce, la Cour reconnait que l’association a subi une limitation de son droit d’accès à un tribunal en ce qu’elle n’a pu bénéficier d’un procès ou il serait débattu de la responsabilité pénale des dirigeants sénégalais de l’époque du naufrage.

    La CEDH note que le but légitime poursuivi était d’observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre États en garantissant le respect de la souveraineté des autres États. La Cour constate qu’aucune raison ne conduit en l’espèce à mettre en cause la légitimité de ce but.

    S’agissant de la proportionnalité de la restriction litigieuse, la Cour constate que les juridictions internes ont accordé l’immunité litigieuse en se conformant aux normes internationales actuellement admises. Par ailleurs, elles n’ont pas opposé de refus d’informer en raison de l’immunité des personnes concernées. Des investigations particulièrement minutieuses et exhaustives ont au contraire été menées sur les faits et ont conduit les autorités à retenir que ceux-ci présentaient le caractère matériel de l’infraction d’homicide involontaire et qu’il y avait lieu de réparer les préjudices en résultant.

    Enfin, la CEDH souligne que les juridictions internes avaient elles-mêmes constaté que, si les parties civiles étaient effectivement empêchées par l’immunité de juridiction de demander publiquement la réparation de leurs préjudices, elles disposaient de voies de recours civiles à cette fin. En conséquence, la Cour affirme que la requérante et les autres parties civiles ne se sont pas trouvées dans une situation d’absence de tout recours.

    La CEDH conclut donc qu’elle ne relève rien d’arbitraire ni de déraisonnable dans l’interprétation donnée par les juridictions internes aux principes de droits applicables ni dans la manière dont elles les ont appliqués au cas d’espèce.

    CEDH, 24 février 2022, Req. 21119/19, Association des familles des victimes de Joola c. France


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  • Sierra Leone : L'ancien chef rebelle Gibril Massaquoi libéré en Finlande

     

    L’ancien chef rebelle sierra-léonais, Gibril Massaquoi, qui est jugé en Finlande pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés au Libéria, a été libéré le mercredi dernier par un tribunal en attente du verdict où il encourt la perpétuité.

    Massaquoi est jugé en vertu de la loi finlandaise qui autorise la justice à juger les crimes graves commis à l'étranger par un citoyen ou un résident. Massaquoi est le premier sierra-léonais accusé d’avoir joué un rôle présumé dans les deux guerres civiles du Libéria entre décembre 1989 et août 2003.

    Les accusations portées contre Massaquoi qui vit en Finlande depuis plus de dix ans sont des crimes de guerre entre autres le viol, le meurtre rituel et le recrutement d'enfants soldats.

    L'ancien chef rebelle Gibril Massaquoi libéré

     

     


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  • Le premier ministre Justin Trudeau a fait aujourd’hui la déclaration suivante à l’occasion de la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, aussi appelée la Journée de la main rouge :

    « Chaque enfant a le droit de grandir et de s’épanouir dans un milieu sécuritaire. En plus d’être inacceptable et inhumaine, l’utilisation d’enfants soldats est une violation flagrante des droits de la personne et du droit humanitaire international.

    « Aujourd’hui, en cette Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, le Canada réitère son engagement inébranlable à collaborer avec ses partenaires mondiaux afin d’éliminer le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des conflits armés.

    « Depuis 2017, le Canada a amené plus de 100 États membres des Nations Unies à adhérer aux Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats et a mis sur pied le Centre d’excellence Dallaire pour la paix et la sécurité des Forces armées canadiennes afin de favoriser leur mise en œuvre.

    « Aucun enfant ne devrait être forcé de commettre des gestes de violence. Sur la scène internationale, le Canada continue de dénoncer haut et fort le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats en recourant à l’éducation, à des interventions et à la prévention. En travaillant ensemble, nous pouvons protéger les enfants et veiller à ce qu’ils aient toutes les chances de réaliser leur plein potentiel. »


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  • Une trentaine d’États s’engagent à protéger l’océan

    Protéger la haute mer et lutter contre l’invasion du plastique: tel est l’engagement pris par plusieurs pays lors d’un sommet en France.*

    Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement se sont engagés vendredi à Brest, en France, autour d’Emmanuel Macron, à mieux protéger l’océan, indispensable à la régulation du climat et riche en biodiversité, mais mis à mal par les activités humaines.

    En 2022 se tiendront plusieurs rendez-vous internationaux importants autour des océans. Le sommet de Brest et les engagements qui y seront pris «vont permettre de consolider des actions utiles et un agenda international essentiel pour l’année 2022», a déclaré le président français.

    Les dirigeants politiques qui se sont succédé à Brest, présents ou en vidéo, se sont engagés sur plusieurs dossiers, dont des avancées vers des traités mondiaux de protection de la haute mer et contre la pollution du plastique.

    Parmi les présents, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ou encore l’émissaire américain pour le climat John Kerry, mais aussi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays organisera la COP27 sur le climat en novembre, et le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, qui accueillera fin juin un sommet de l’ONU sur les océans à Lisbonne. D’autres dirigeants sont intervenus par messages vidéo.

    Principal progrès, Ursula von der Leyen a annoncé depuis Brest le lancement d’une coalition comptant les 27 États membres de l’UE et 13 autres pays pour conclure un traité ambitieux destiné à protéger la haute mer, qui n’est sous la juridiction d’aucun État.

    Des négociations pour un tel traité sont en cours sous l’égide de l’ONU depuis 2018, mais les discussions ont été interrompues par l’épidémie de Covid-19. La quatrième et théoriquement dernière session de négociations est prévue en mars à New York.

    «Nous sommes très proches mais nous devons donner de l’impulsion pour le conclure cette année», a insisté la dirigeante européenne. «Il s’agit d’un engagement important et providentiel», a salué Peggy Kalas de la High Seas Alliance, qui rassemble plusieurs ONG.

    Les États-Unis ont annoncé pour leur part soutenir le lancement de négociations sous l’égide de l’ONU pour un accord international contre la pollution du plastique. Les États-Unis rejoignent ainsi une dizaine de pays et l’ensemble de l’Union européenne.

    Le lancement de ces négociations sera examiné lors de la 5e Assemblée des Nations Unies pour l’environnement fin février, afin d’aboutir à un accord international contre la pollution provoquée par les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produits depuis les années 1950. «Nous avons besoin d’un accord qui assure le plus haut niveau d’ambition possible», a réclamé John Kerry.

    D’autres sujets ont été abordés, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime, qui n’est pas concerné par l’Accord de Paris sur le climat. Ou encore, comme l’a réclamé Emmanuel Macron, la suppression des subventions publiques encourageant la surpêche et la pêche illicite, sujet en cours de discussion à l’Organisation mondiale du commerce.

    La France a profité du sommet pour officialiser l’extension de la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dans le sud de l’océan Indien, abritant des populations importantes de mammifères marins et d’oiseaux marins.

    Pour des ONG, la France, deuxième puissance maritime mondiale, n’est pour autant pas à la hauteur pour bien protéger ses mers et océans. Environ 150 personnes se sont rassemblées vendredi matin à Brest à l’appel de Greenpeace et de l’association Pleine mer pour dénoncer «une opération de blue washing».

    «On a un président Macron qui annonce qu’il est le champion des océans et qui derrière ne fait rien, voire défend des activités industrielles extrêmement destructrices», a déploré auprès de l’AFP François Chartier, de Greenpeace France.

    France Nature Environnement (FNE) a remis  une pétition signée par un demi-million de personnes pour dénoncer le «massacre des dauphins communs» au large des côtes françaises, pris dans des engins de pêche.


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