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    "Il faut condamner celui qui fait la guerre, mais il faut encore plus condamner celui qui rend la guerre inévitable." - Montesquieu


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  • Les débats actuels sur la création d’un tribunal spécial pour juger du crime d’agression et d’un mécanisme de réparation et d’indemnisation des dommages causés par la guerre en Ukraine soulèvent autant de questions politiques que juridiques.

    En avril 2022, après la découverte de centaines de morts à Boutcha, que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a pour la première fois appelé la communauté internationale à créer un tribunal spécial pour juger les plus hauts dirigeants russes du crime d’agression et un mécanisme de réparation des dommages causés par la guerre. Des demandes qui sont actuellement étudiées au niveau européen et international.

    Des juristes aux avant-postes

    Parmi les premiers tenants du projet de création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression figure un groupe d’une centaine de juristes, intellectuels et personnalités politiques du monde entier, emmené par l’avocat franco-britannique Philippe Sands, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme. « La Cour pénale internationale ne peut enquêter sur le crime d’agression que s’il est renvoyé par le Conseil de sécurité des Nations unies. La Russie, en tant que membre de l’ONU, a le droit de veto à ce sujet, qu’elle exercerait naturellement immédiatement. Nous demandons donc la création d’un tribunal international pour juger le président Poutine pour crime d’agression », écrivent-ils dans leur appel, lancé en mars 2022 et mis en ligne sur le site Justice for Ukraine. « Ce n’est pas une idée nouvelle : il y a 80 ans, les dirigeants mondiaux se sont réunis à Londres pour créer un cadre juridique permettant de poursuivre les criminels de la Seconde Guerre mondiale. Ce cadre juridique a donné lieu aux procès de Nuremberg, au cours desquels 161 criminels de guerre ont été condamnés », rappellent-ils.

    Une initiative similaire a été lancée en novembre dernier en France par un groupe de juristes, universitaires et chercheurs pour appeler les dirigeants français à se positionner en faveur de ce projet. « La guerre en Irak de 2003, elle aussi manifestement illégale, avait constitué un redoutable précédent. Ne pas punir cette nouvelle agression, c’est préparer les guerres mondiales de demain, et accepter qu’il n’y ait alors plus aucun recours juridique », écrivent-ils dans la tribune qu’ils ont cosignée. « La France doit participer à la création du tribunal spécial international. Sinon, ce mouvement se fera sans elle. Nous aurions alors beaucoup à perdre. »

    Des projets en débat au sein des instances européennes

    L’idée a été très vite mise à l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dès avril 2022, elle a adopté à l’unanimité une résolution visant, entre autres, la création un tribunal ad hoc pour juger les hauts dirigeants russes pour le crime d’agression « selon la définition établie par le droit international coutumier ».

    Depuis, le comité des ministres du Conseil de l’Europe est convenu, en octobre dernier, de poursuivre l’examen de ce projet lors de ses prochaines réunions, et un « débat d’urgence » sur le sujet sur les questions juridiques liées à la guerre en Ukraine est à l’ordre du jour de la prochaine session plénière de l’Assemblée parlementaire, fin janvier 2023.

    De son côté, la Commission européenne a proposé, à la demande du Conseil de l’Union européenne, deux options pour pouvoir juger les plus hauts dirigeants russes du crime d’agression : un tribunal spécial international fondé sur un traité multilatéral ou un tribunal hybride basé sur un accord entre Kiev et une organisation internationale (telle que l’UE ou le Conseil de l’Europe) et associant des juges ukrainiens à des juges internationaux. Dans les deux cas, du fait de la nature très politique du crime d’agression, « il sera essentiel de pouvoir compter sur un soutien fort des Nations unies » et sur « un très large et fort soutien de la communauté internationale », a déclaré la présidente de la Commission, Ursula Van der Leyen, fin novembre, lors de la présentation de ces propositions, qui vont être soumises aux États membres pour décider des suites à y donner.

    Une proposition qui ne fait pas l’unanimité

    Dans l’enceinte des Nations Unies, tous les débats concernant la guerre en Ukraine ont lieu dans le cadre d’une « session extraordinaire d’urgence », un mécanisme qui permet à l’Assemblée générale de délibérer sur des questions de maintien de la paix et de sécurité internationale lorsqu’il n’y a pas d’unanimité entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (la France, le Royaume-Uni, la Chine, les États-Unis et la Russie). Ainsi, même s’il se voit opposer un veto de la Russie, le dépôt d’une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations Unies permet d’ouvrir la voie à un débat et un vote devant l’Assemblée générale de l’ONU. Mais l’issue d’un vote sur la création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression en Ukraine est assez incertaine, car le principe est loin de faire l’unanimité. Pour l’heure, ni la France, ni le Royaume-Uni ou les États-Unis n’ont apporté leur soutien à ce projet, de crainte de créer un précédent. Instituer un tribunal pour juger l’agresseur russe pose nécessairement question pour tous ceux qui ont pu prendre part à « des agressions » par le passé.

    La Cour pénale internationale ne veut pas être écartée

    Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, n’y est pas favorable non plus, mais pour d’autres raisons : cela contribuerait à affaiblir la CPI, qui peine déjà à s’imposer. Début décembre, lors de son discours devant l’assemblée des États parties au traité de Rome, qui fonde la Cour, le procureur général a invité la communauté internationale à « s’appuyer sur les institutions dont nous disposons aujourd’hui » plutôt que créer un tribunal spécial. « Nous ne voulons pas la dilution, nous voulons la consolidation », a-t-il déclaré, en appelant les États parties à renforcer le soutien, notamment financier, à la Cour. S’il reconnaît que juger le crime d’agression pose une difficulté aujourd’hui, « nous devrions essayer de la résoudre via le traité de Rome ».

    Le procureur général de la CPI estime par ailleurs que la Commission européenne se trompe sur les questions liées à l’immunité des dirigeants russes, lesquels ne seraient pas hors d’atteinte de la Cour. Un sujet qui fait débat parmi les juristes : certains estiment que le chef de l’État russe et certains de ses ministres sont couverts par leur immunité parce que la Russie n’a pas adhéré au Traité de Rome, quand d’autres jugent que leur immunité est levée car les crimes sont commis sur le territoire de l’Ukraine, qui a saisi la CPI.

    Un mécanisme de compensation similaire à celui créé pour le Koweït

    Autre demande de l’Ukraine qui commence à prendre forme tant sur le plan politique que juridique : la mise en place d’un mécanisme de réparation et d’indemnisation des dommages causés par la Russie. L’Assemblée générale des Nations Unies a ainsi adopté en novembre dernier une résolution qui préconise l’instauration d’un mécanisme de compensation des dommages et d’un « registre » pour consigner l’ensemble des plaintes et des preuves en vue des futures réparations.

    Lors des débats qui ont précédé le scrutin sur cette résolution, qui n’a obtenu que 94 votes favorables (73 abstentions et 14 votes contre), l’ambassadeur de l’Ukraine auprès de l’ONU a notamment rappelé que la Russie a soutenu la Commission de compensation des Nations Unies créée en 1991 après l’invasion du Koweït par l’Irak, laquelle a versé au titre des réparations plus 52 milliards de dollars prélevés sur les revenus pétroliers de l’Irak pendant trente ans. Depuis 2007, l’ONU gère également un registre des dommages causés par la construction du mur dans le Territoire palestinien occupé, le UNRoD, qui a reçu plus de 73 000 plaintes et collecté un million de documents.

    Utiliser les avoirs gelés pour financer la reconstruction

    Or, du fait des sanctions prises par l’UE à l’encontre de Moscou, près de 300 milliards d’euros de réserves de la Banque centrale russe sont actuellement bloqués au sein de l’UE et dans d’autres pays partenaires du G7, et près de 19 milliards d’euros d’avoirs appartenant à des oligarques russes sous sanctions ont également été gelés par les États membres de l’UE. En incluant les avoirs gelés du fait sanctions prises par les États-Unis et les entreprises détenues ou contrôlées par l’État russe, dont Gazprom, le total approcherait les 600 milliards de dollars.

    À la demande du Conseil de l’UE qui veut étudier les possibilités d’utiliser les avoirs gelés pour la reconstruction de l’Ukraine, la Commission européenne a récemment proposé de mettre en place une structure « pour gérer les fonds publics russes gelés, les investir et utiliser le produit de ces investissements en faveur de l’Ukraine ». Une fois les sanctions levées, la restitution des réserves de la Banque centrale russe pourrait se faire dans le cadre d’un « accord de paix » prévoyant l’indemnisation de l’Ukraine : « les actifs qui devraient être restitués pourraient être compensés par cette réparation de guerre », suggère la Commission.

    En parallèle, les États membres de l’UE sont convenus d’ajouter la violation des sanctions à la liste des infractions pénales de l’UE et de réviser les règles actuelles pour permettre aux autorités nationales de confisquer plus facilement les avoirs gelés. La Commission a alors publié début décembre une proposition de directive qui ouvre la possibilité de poursuivre au pénal ceux qui violent les sanctions comme ceux qui les y aident, et de confisquer les avoirs gelés sur le sol européen. Ouverte à la consultation publique pendant huit semaines, la proposition de directive devra ensuite être validée par le Conseil et le Parlement européens, et les États membres disposeront alors d’un an pour la transposer en droit national.

    Un certain nombre d’obstacles et de limites sur le plan juridique

    Le 12 décembre dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a organisé une audition consacrée à la question des mécanismes de compensation pour l’Ukraine, au cours de laquelle le professeur Burkhard Hess, directeur de l’Institut Max Planck pour le droit procédural international, européen et réglementaire, a dressé un état des lieux des précédents, des possibilités et des limites en matière d’expropriation et de transfert d’avoirs.

    Après avoir rappelé que « les sanctions sont des mesures temporaires », il a expliqué que « la situation n’est pas très claire » en ce qui concerne l’immunité des fonds des banques centrales en général et que « la situation est compliquée » pour ce qui est de l’expropriation des oligarques – les précédents visaient des avoirs acquis de façon douteuse, tels que des biens appartenant à la mafia, par exemple. À quoi il faut ajouter les traités bilatéraux d’investissement signés par la Russie avec différents États membre de l’Union européenne et qui constituent « une protection supplémentaire » pour les investisseurs privés. En matière civile, les actions à l’encontre de la Russie « sont peu probables », même si « la Cour suprême ukrainienne a autorisé la plainte déposée par une femme dont le mari est mort pendant les combats », a-t-il relevé, avant d’ajouter que ce dernier cas était « intéressant ». Quant aux procédures pendantes devant la Cour internationale de justice, elles sont « très longues, trop longues » au regard de l’urgence, mais « si la Cour condamne la Russie alors la réparation est due », a-t-il rappelé.

    * Philippe Sands est l’auteur de Retour à Lemberg, ouvrage dans lequel il revient sur l’histoire des avocats qui sont à l’origine des concepts de génocide et de crimes contre l’humanité, à Lviv (anciennement Lemberg) en Ukraine

    Écocide et reconstruction « verte » de l’Ukraine

    Dans une note publiée en juillet 2022, l’OCDE chiffre à plus de 100 milliards de dollars les dommages causés par la guerre aux infrastructures, aux terres agricoles, aux logements et autres bâtiments en Ukraine, et à au moins 30 % la surface des espaces protégés et 900 le nombre de zones naturelles touchées. La note conclut que la reconstruction « verte » après le conflit est « une nécessité économique en vue de la transformation radicale de l’Ukraine en une économie verte à zéro émission nette ». En France, des représentants de la société civile et du parlement ukrainiens ont récemment été auditionnés par les commissions du développement durable et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur l’impact de la guerre sur l’environnement et la biodiversité. À cette occasion, la délégation ukrainienne, qui cherche à établir les preuves d’un écocide commis par la Russie, a sollicité le soutien des Européens pour expertiser et documenter ces dégâts.

     


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  • Une ancienne secrétaire de camp nazi condamnée à deux ans avec sursis

    Irmgard Furchner, 97 ans, qui travaillait au camp de concentration de Stutthof, a été reconnue coupable le 20 décembre 2022, par la cour d’Itzehoe en Allemagne, de complicité de meurtre. C'est l'un des derniers procès jugeant cette période de l'histoire d'Allemagne.

    Deux ans de prison avec sursis. Irmgard Furchner, 97 ans, ancienne secrétaire du camp nazi de Stutthof, aujourd’hui en Pologne, a été condamnée par la cour d’Itzehoe en Allemagne.

    Durant son procès, sa défense a voulu justifier qu’elle n’avait pas connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique. L’argument a été balayé par les juges.

    Durant la Seconde Guerre mondiale, alors âgé de 18 ans, Irmgard Furchner était la dactylographe et secrétaire du commandant du camp de concentration nazi de Stutthof Paul Werner Hoppe. Mardi, à l’âge de 97 ans, cette ex-secrétaire a été reconnue coupable de « complicité de meurtres » pour plus de 10.000 cas dans ce camp situé dans l’actuelle Pologne.

    La femme a été condamnée à deux ans de prison avec sursis, conformément aux réquisitions du parquet, qui avait souligné la « signification historique exceptionnelle » de ce procès, avec un jugement avant tout « symbolique », envoyant un « signal important » aux derniers survivants des crimes alors commis. La nonagénaire était jugée depuis septembre 2021 devant la Cour d’Itzehoe, dans le nord de l’Allemagne.

    Rien d'« une jeune secrétaire naïve »

    Coiffée d’un béret blanc, la femme était présente à la lecture du verdict, qu’elle a écoutée assise dans sa chaise roulante. Elle ne s’était pas exprimée devant ce tribunal, sauf pendant l’une des toutes dernières audiences, en décembre : « Je suis désolée pour tout ce qui s’est passé. Je regrette d’avoir été à Stutthof à ce moment-là. »

    Durant son procès, sa défense a voulu justifier qu’elle n’avait pas connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof. L’argument a été balayé par les juges. Réfutant l’idée selon laquelle elle avait été, comme elle le prétendait, « une jeune secrétaire naïve », la Cour a estimé que « rien » n’avait été « caché à l’accusée ».

    La nonagénaire « avait une relation de confiance » avec le commandant, poursuit le verdict. Tapant les courriers de ce dernier, Irmgard Furchner avait accès aux « informations confidentielles ». Le soutien de la secrétaire à la machine nazie « consistait à mettre par écrit les ordres du commandant », a expliqué le juge Gross.

    A Stutthof, un camp proche de Gdansk (Dantzig à l’époque) où périrent environ 65.000 personnes ; des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques y ont été systématiquement assassinés.

     

     

     


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  • Conférence sur les armes biologiques

    Malgré certaines tensions géopolitiques actuelles, le multilatéralisme et la diplomatie sont essentiels pour faire avancer des dossiers mondiaux, a estimé une responsable onusienne à l’ouverture à Genève de la neuvième conférence d’examen de la Convention sur les armes biologiques.

    « Les 50 ans d’histoire de la Convention démontrent que même en période de défis géopolitiques, les États parties peuvent coopérer et des progrès significatifs peuvent être réalisés », a déclaré Izumi Nakamitsu, Haute Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, relevant que malgré les défis actuels, elle continue de croire que cette conférence d’examen offre la meilleure chance de réaliser des progrès substantiels et significatifs.

    Selon la diplomate onusienne, les tensions croissantes dans le monde provoquent une crise géopolitique qui met le désarmement multilatéral à rude épreuve.

    « Les processus multilatéraux ont été bloqués ou réduits », a rappelé Mme Nakamitsu, exhortant la communauté internationale à « rester vigilante ». D’autant que « nous avons vu les normes contre d’autres armes précédemment interdites s’éroder ces dernières années ».

    « Aucun pays ne professe aujourd’hui le désir d’acquérir des armes biologiques »

    « Heureusement, aucun pays ne professe aujourd’hui le désir d’acquérir des armes biologiques, ni le besoin de telles armes pour des raisons de sécurité nationale », a insisté la Haute Représentante de l’ONU.  Mais pour faire de ce rendez-vous de Genève un succès, il faudra aller au-delà du statu quo qui prévaut depuis de nombreuses années.

    Pour Mme Nakamitsu, toutes les délégations doivent faire « preuve de souplesse à l’égard des positions défendues de longue date, d’un engagement renouvelé et de négociations honnêtes et de bonne foi ». Et il faudra que toutes les parties écoutent, fassent des compromis et gardent en permanence à l’esprit l’objectif principal, à savoir, « empêcher l’exploitation hostile de la biologie ».

    La neuvième conférence d’examen de la convention sur les armes biologiques a débuté ce lundi à Genève après avoir été retardée d’un an par la pandémie de Covid-19. Six ans après la dernière conférence, les travaux pourrait porter sur la manière de moderniser le traité.

    Il s’agit ainsi de suivre l’évolution rapide de la science, qui peut offrir des possibilités intéressantes dans le domaine de la santé et des vaccins, par exemple, mais aussi des risques en ce qui concerne les armes biologiques.

    D’autres questions clés comprennent les développements récents dans le domaine de la science et de la technologie qui peuvent avoir un impact sérieux sur la mise en œuvre future de la Convention.

    Aucun sujet ne doit être écarté

    Sous la présidence italienne, la conférence pourrait également se pencher sur l’examen des allégations de la Russie concernant le développement et la production d’armes biologiques en Ukraine. Et pour l’ONU, cette conférence d’examen représente donc une occasion cruciale pour les États de s’unir pour renforcer cette convention vitale.

    Pour la Haute Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, aucun sujet ne doit être écarté dans la quête de renforcement de la Convention. Les États parties pourraient envisager une série d’options différentes.

    Dans ces conditions, les États devraient « opérationnaliser » la Convention en donnant corps à ses dispositions visant à soutenir la coopération scientifique pacifique, à renforcer la transparence de la recherche et à promouvoir les applications bénéfiques des technologies émergentes.

    Il s’agit aussi pour les États d’étudier comment vérifier le respect des obligations de la Convention. Cette question a été examinée pour la dernière fois il y a plus de 20 ans, et beaucoup de choses ont changé depuis, tant les menaces auxquelles nous sommes confrontés que les technologies permettant de vérifier le respect des règles.

    « Nous devons faire appel à la prochaine génération de professionnels de la biosécurité pour trouver des idées novatrices sur la façon de tirer parti des outils de la science moderne pour élaborer un protocole de vérification politiquement acceptable », a fait valoir Mme Nakamitsu.

     


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  • Golfe de Guinée : la lutte contre la piraterie progresse

    Photo Eunavfor: Des pirates appréhendés dans le golfe de Guinée.

    Depuis avril 2021 les actes de piraterie en mer dans le golfe de Guinée ont continué de diminuer, mais il est trop tôt pour en tirer la conclusion du déclin inexorable de ce fléau, a déclaré mardi 22 novembre 2022une haute responsable de l’ONU au Conseil de sécurité

    La Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Martha Ama Akyaa Pobee, a précisé que cette piraterie rapporte chaque année près de 2 milliards de dollars aux réseaux criminels impliqués.

    « Davantage de patrouilles navales des États côtiers et le déploiement accru de navires par des partenaires internationaux ont été dissuasifs », a-t-elle expliqué, ajoutant que deux condamnations d’auteurs d’actes de piraterie et de vols au Nigéria et au Togo avaient également compté. 

    Appelant néanmoins à la vigilance, Mme Pobee a précisé l’évolution d’une menace, décrivant le passage de groupes de pirates au vol de pétrole, « une pratique moins risquée et plus profitable ».

    Le Code de Yaoundé

    Dans ce contexte changeant, elle a appelé les Communautés économiques des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que la Commission du golfe de Guinée à renforcer leur coopération pour mettre en place l’environnement sécurisé dans la région prévu par le Code de conduite, dit « Code de Yaoundé », qui fêtera ses 10 ans l’an prochain.

    L’adoption de ce code de conduite a débouché sur la création d’un mécanisme interrégional de sûreté maritime, appelé l’architecture de Yaoundé, visant à optimiser la coopération maritime dans l’ensemble du golfe de Guinée. 

    La Secrétaire exécutive de la Commission du golfe de Guinée, Florentina Adenike Ukonga, a attiré l’attention sur le rôle, dans l’obtention des bons résultats obtenus ces derniers mois, du Centre interrégional de coordination pour la mise en œuvre de la Stratégie régionale de sécurité et de sûreté maritimes en Afrique centrale et de l’Ouest. 

    Au plan sécuritaire, la coopération entre le Centre et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a été salué par la Directrice exécutive de l’Office, Ghada Fathi Wali. 

    Citant des raisons qui ont conduit au déclin de la piraterie maritime, comme la volonté politique manifeste des gouvernements de la région, un meilleur financement des agences maritimes, les plaidoyers actifs des organisations régionales, l’application de lois pénalisant la piraterie et les crimes commis en mer ou encore la coopération avec l’Union européenne (UE), Mme Wali s’est toutefois refusée à crier victoire.

    Elle a plutôt souligné la nécessité de profiter de l’élan actuel pour octroyer davantage de ressources à l’architecture de Yaoundé, y compris par le biais d’une assistance logistique et juridique accrue aux pays touchés.

    Coopération sur le terrain

    Les représentants de l’Union africaine et l’Union européenne ont exposé certaines des modalités de la coopération des organisations régionales sur le terrain.

    Rappelant la mise en œuvre du concept pilote de présence maritime coordonnée de l’UE dans le golfe de Guinée en janvier 2022, Nura Abdullahi Yakubu, responsable de la planification maritime pour l’Union africaine, a indiqué qu’actuellement le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal participent à ce dispositif en engageant des ressources navales destinées notamment à maintenir « au moins un navire en permanence dans la région ».

    Silvio Gonzato, de l’Union européenne, a en outre annoncé que l’Union envisage une mesure d’assistance dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix « afin de soutenir les acteurs militaires dans certains États côtiers ». 

    Mme Pobee a également mentionné que, pas plus tard qu'en octobre 2022, des exercices maritimes de lutte contre la piraterie et la pêche illégale avaient couvert la zone allant du Sénégal à l’Angola, faisant participer 17 pays du golfe de Guinée et 8 partenaires internationaux. 

    Mme Pobee a attiré l’attention sur l’importance de lutter contre les causes sous-jacentes du basculement dans la criminalité, comme le chômage de masse qui frappe la jeunesse des communautés côtières.

    Saluant les efforts entrepris par les pays d’Afrique centrale pour développer une « économie bleue » dans l’espace de la CEEAC, elle a noté que l’ONU et la Banque mondiale renforcent leur coopération pour contrer les facteurs de précarité et améliorer l’accès aux services publics de base de ces communautés.

    La Sous-Secrétaire générale a en outre insisté sur le fait que la lutte contre la piraterie et les vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée « nécessite une approche globale et à long terme similaire au cadre de réalisation des objectifs de développement durable ».

     

     


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  • La prison à vie en France pour un ancien commandant rebelle du Libéria

    Un verdict historique et une lourde peine : la cour d’assises de Paris a condamné, ce mercredi 2 novembre, l’ex-commandant Kunti Kamara à la prison à vie pour des exactions pendant la première guerre civile au Liberia et pour s’être rendu complice de crimes contre l’humanité en facilitant des viols.

    Après trois semaines d’un procès inédit, l’accusé de 47 ans a été reconnu coupable d’une série « d’actes de tortures et de barbarie » contre des civils en 1993-1994, dont le supplice infligé à un enseignant dont il aurait mangé le cœur, la mise à mort d’une femme qualifiée de « sorcière » et des marches forcées imposées à la population.

    Kunti Kamara comparaissait à Paris au titre de la « compétence universelle » exercée, sous certaines conditions, par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol. C’est la première fois que ce mécanisme était utilisé pour des faits commis dans un autre pays que le Rwanda.

    Selon le verdict rendu après neuf heures de délibéré, cet ancien commandant du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) a également facilité des crimes contre l’humanité par son indifférence devant les viols répétés commis sur deux adolescentes par des soldats placés sous son autorité en 1994.

    Impassible

     

    La cour a ainsi suivi les réquisitions du ministère public qui avait réclamé à son encontre la réclusion à perpétuité, fustigeant des crimes ayant « porté atteinte à l’humanité tout entière ».

    À l’énoncé de la décision, l’accusé, crâne chauve et moustache fournie, est resté impassible.

    Tout au long de son procès, le premier jamais consacré en France à la guerre civile libérienne, M. Kamara a clamé son innocence, s’estimant victime d’un « complot ». « Je suis innocent aujourd’hui, je suis innocent demain, j’étais un simple soldat, c’est tout », avait-il déclaré pour ses derniers mots à la cour mercredi matin.

    Son avocate Me Marilyne Secci avait, elle, réclamé son acquittement en s’attaquant aux « lacunes » d’un dossier bâti sur des témoignages anciens. Elle n’a pas souhaité faire de commentaires après le verdict.

     


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  • Quel bilan pour le CETC?

    Le 22 septembre 2022, la chambre de la Cour suprême des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a rendu son dernier arrêt, confirmant la condamnation de Khieu Samphan à la réclusion criminelle à perpétuité pour des actes de génocide. Cet arrêt fournit l’occasion de dresser un bilan de l’action de cette juridiction pénale hybride chargée de juger les dirigeants khmers rouges ayant commis des atrocités au Cambodge entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.

    L’arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la chambre de la Cour suprême des CETC confirme le jugement du 16 novembre 2018 de la chambre de première instance des CETC déclarant Khieu Samphan coupable d’actes de génocide. Âgé de 91 ans, l’ancien président du Kampuchéa démocratique, régime totalitaire d’inspiration maoïste, est le dernier des accusés encore en vie. Le jugement du 16 novembre 2018 avait également déclaré coupable d’actes de génocide Nuon Chea et l’avait condamné, avec Khieu Samphan, à la réclusion criminelle à perpétuité. Cependant, Nuon Chea, l’ancien numéro 2 et idéologue du régime khmer rouge, est décédé en 2019 et l’action publique était donc éteinte à son égard.

    Il s’agit de la dernière décision judiciaire rendue par la juridiction pénale hybride chargée de juger les atrocités commises par les responsables du régime khmer rouge. Le tribunal spécial, avec ses centaines de collaborateurs cambodgiens et étrangers (employés, greffiers, magistrats, traducteurs, avocats), va fermer d’ici deux ans, lorsqu’il aura achevé sa mission d’archivage de ses travaux.

    Quel bilan de son activité peut-il être établi ?

    Les espoirs nés de la création de ces chambres étaient immenses, à l’image des crimes commis pendant le règne sanglant des Khmers rouges. Une période dramatique, au cours de laquelle 1,7 million de Cambodgiens ont perdu la vie, soit plus de 20 % de la population du pays.

    Or, entre la mise en place effective des CETC en 2007 et 2022, seuls trois jugements ont été rendus définitivement, contre trois personnes (dans le cadre des affaires 001 et 002), toutes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité :

    • jugement du 26 juillet 2010 déclarant Kaing Guek Eav, alias « Douch » (ancien chef de la prison S21 de Phnom Penh, où des milliers de personnes ont été torturées et exécutées) coupable de crimes contre l’humanité, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 3 février 2012 ;

    • jugement du 7 août 2014 déclarant Nuon Chea et Khieu Samphan coupables de crimes contre l’humanité, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 23 novembre 2016 

    • jugement du 16 novembre 2018 déclarant Nuon Chea et Khieu Samphan d’actes de génocide, confirmé par un arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 22 septembre 2022.

    Quatre procédures concernant quatre responsables militaires ou régionaux du Kampuchéa démocratique (dans le cadre des affaires 003 et 004) sont restées dans les limbes et ne donneront lieu à aucun procès, faute d’accord entre les magistrats cambodgiens et les magistrats internationaux :

    • jugement de la chambre préliminaire des CETC du 29 juin 2018 prononçant un non-lieu au bénéfice d’Im Chaem (en l’absence de compétence personnelle) ;

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 10 août 2020;

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 17 décembre 2021 mettant un terme à la procédure contre Meas Muth 

    • arrêt de la chambre de la Cour suprême des CETC du 28 décembre 2021, mettant un terme à la procédure contre Tith Yim en infirmant le jugement de la chambre préliminaire du 17 décembre 2021.

    Rappelons que Ieng Sary, l’ancien chef de la diplomatie du régime khmer rouge, s’est éteint pendant son procès, en 2013 ; son épouse, Ieng Thirith, ex-ministre des Affaires sociales, atteinte de démence sénile, a été déclarée inapte à être jugée et a été libérée en 2012.

    Pol Pot, le « frère numéro un » à la tête du régime khmer rouge, est mort en 1998, tandis que son successeur et ancien chef d’état-major Ta Mok est décédé en 2006. D’autres responsables de haut niveau comme Son Sen, Yan Yat, Kae Pok et Thioun Thieun ont également disparu entre temps.

    Au total, Douch (décédé en 2020), Nuon Chea et Khieu Samphan sont donc les seuls responsables du Kampuchéa démocratique à avoir été jugés par les CETC.

    On pourrait donc considérer qu’à peine la moitié du travail judiciaire attendu a été accompli.

    Au regard du temps écoulé (environ quinze ans), du personnel engagé (plusieurs centaines de personnes) et des sommes dépensées (340 millions d’euros), le bilan judiciaire n’est pas aussi satisfaisant qu'il pourrait l'être.

    Toutefois, ce bilan ne peut être établi sans tenir compte des incessantes difficultés qui se sont présentées. Car, la naissance, le fonctionnement et la fin des CETC ont été marqués par vingt ans de luttes internes, entre d’un côté, les Nations unies et les États contributeurs (dont la France) et leurs représentants internationaux, et d’un autre, le Cambodge et ses représentants nationaux. Si cette ligne de fracture était prévisible, elle s’est retrouvée et de manière assez marquée à tous les stades de la vie de la juridiction pénale hybride. Les tensions et les interférences politiques ont été constantes, que ce soit lors de la négociation sur le principe d’un tribunal (loi du 10 août 2001 et résolution 57/228 A de l’Assemblée générale des Nations unies) ou de ses textes fondateurs (accord ONU/Cambodge du 6 juin 2003 et loi nationale du 27 oct. 2004), des étapes de la mise en place du tribunal (notamment sur le recrutement et l’adoption du règlement intérieur), des négociations sur son financement (la part du Cambodge dans le budget des CETC est nettement surévaluée), de la définition de la politique pénale du procureur, de la conduite des investigations menées par les juges d’instruction, des délibérés des juges (dans les chambres, à titre préliminaire, en première instance ou en appel), de la gestion des divergences de jurisprudence et de la communication, etc.

    De nombreux accommodements ont dû être trouvés, souvent au prix d’anomalies juridiques et au détriment de la justice, de la vérité et de l’efficacité, le dernier en date étant le remplacement de la juge Clark par le juge Rapoza dans la composition de la chambre de la Cour suprême une dizaine de jours avant la décision rendue le 22 septembre 2022 (qui n’a pas été retardée). Mais l’exemple le plus marquant de ces accommodements est sans doute celui tenant à la politique de poursuites. D’après la loi de 2004, le tribunal ne peut juger que deux catégories de suspects pour les crimes présumés avoir été commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979, à savoir « les hauts dirigeants du Kampuchéa démocratique » et « les principaux responsables de violations graves du droit national et international ». Les magistrats cambodgiens, qui disposaient d’une majorité au sein des CETC, ont fait bloc pour empêcher l’ouverture d’enquête contre des cadres de niveau supérieur ou moyen du régime khmer rouge. Ils se sont également mobilisés pour interrompre le processus de poursuites et de jugement contre les accusés qui avaient déjà été identifiés.

    Au point que des voix se sont élevées pour appeler l’ONU à se retirer du tribunal. En fin de compte, les autorités nationales et leurs représentants ont fréquemment eu le dernier mot et globalement, le gouvernement cambodgien ne masque pas sa satisfaction, estimant ce qui a été accompli est largement suffisant.

    Satisfaction d’autant plus affichée que l’activité des CETC n’a pas produit l’effet de ruissellement escompté par certains sur le système judiciaire cambodgien. D’une part, les autorités judiciaires cambodgiennes ne donnent pas l’impression de vouloir prendre la relève et s’attacher à poursuivre, sur la base du droit national, les cadres de niveau intermédiaire du régime khmer rouge (ce qu’elles pourraient théoriquement faire). Ce manque de volonté s’explique en partie par le fait que nombre des subordonnés de Pol Pot se sont ralliés les uns après les autres au régime actuellement en place. Et, d’autre part, les pratiques judiciaires du quotidien (trop souvent marquées par la corruption et l’inefficacité) n’ont guère changé depuis vingt ans et la lutte contre l’impunité – dont les autorités politiques cambodgiennes ne parlent jamais – n’a pas progressé. La culture démocratique ne s’est pas non plus enracinée dans le système judiciaire national, comme le prouvent les nombreuses condamnations à des peines d’emprisonnement ferme prononcées contre des opposants politiques et des membres de la société civile. Un statu quo qui convient bien au Premier ministre actuel, Hun Sen, en poste depuis 1998.

    Enfin, le bilan de l’action des CETC doit intégrer d’incontestables aspects positifs, conséquences directes de certaines décisions judiciaires.

    Les CETC ont, en premier lieu, eu le mérite de montrer la pérennité du modèle hybride francophone, qui a fait fi d’une hostilité certaine des Anglo-saxons, en l'espèce les États-Unis et l'Australie. Le magistrat Olivier Beauvallet a récemment montré que ce modèle reste vivant, fait émerger des standards (de fond comme de procédure) et propose des solutions concrètes qui font avancer tant le droit que le fonctionnement juridictionnel. Quatre aspects de « droit continental » ont très certainement permis des avancées dans le processus judiciaire : le recours au juge d’instruction (qui évite de donner trop d’importance au ministère public, dont l’enquête est alors invariablement contestée et mise en cause par la défense lors de trop longues audiences), le contrôle exercé par la chambre préliminaire, la représentation des victimes disposant d’un pouvoir d’action et la possibilité pour les CETC d’accorder des réparations aux victimes.

    Les CETC ont, en second lieu, eu le mérite de produire un travail d’une grande valeur pour les Cambodgiens, les victimes et les juristes. En ce qui concerne les Cambodgiens, ceux-ci ont pu recevoir des informations fiables et précises sur une période de leur histoire qui restait tantôt floue, tantôt tabou. À l’occasion d’actions de communication dans les écoles, les universités, les temples et les villages, de la tenue des procès ouverts au public et de la retransmission de leurs débats, les Cambodgiens ont pu comprendre les ressorts d’un régime génocidaire qui a décimé leur population et détruit leur pays. Le procès de Douch, l’ex-patron de la prison S21, a été à ce titre l’occasion d’une véritable prise de conscience. À l’inverse de Khieu Samphan et de Nuon Chea qui se sont murés dans une dénégation de leur rôle dans le processus de commission des crimes internationaux, Douch a accepté de coopérer et de décrire le fonctionnement du terrible centre de détention qu’il dirigeait. Son procès a remis la période khmère rouge au cœur du débat public. S’agissant des victimes, l’action des CETC est inestimable, dès lors qu’elles ont pu s’exprimer tout au long du processus judiciaire, qu’elles ont été reconnues comme telles et qu’une partie de leurs bourreaux a été condamnée. Les condamnations prononcées marquent, pour elles, la fin d’une impunité qui durait depuis 1979. Pour les juristes, les trois décisions rendues par la chambre de jugement des CETC en 2010, 2014 et 2018 constituent une source incomparable de données, de recherches et de raisonnements juridiques – y compris en matière de crimes de guerre – qui consolident l’œuvre de la justice pénale internationale. Nul doute que nombre de ces éléments serviront de référence dans les futurs procès devant les autres juridictions pénales internationales ou hybrides. On retiendra, parmi bien d’autres, le rejet de la notion d’autogénocide mais la caractérisation de ce crime commis contre deux groupes ethniques décimés, les Chams musulmans et les Vietnamiens du Cambodge. Des réserves seront en revanche formulées sur certaines décisions rendues par la chambre préliminaire et la chambre de la Cour suprême qui se sont éloignées du niveau et des standards des décisions rendues traditionnellement par une juridiction pénale internationalisée.


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  • La Grèce et l'Egypte dénoncent l’accord de prospection d'hydrocarbures entre la Libye et Turquie

    Les ministres des Affaires étrangères égyptien et grec ont jugé dimanche 9 octobre 2022 « illégal » le mémorandum de prospection d'hydrocarbures en eaux libyennes, signé la semaine dernière entre le gouvernement libyen basé à Tripoli et la Turquie, trois ans après un accord de délimitation maritime controversé.

    La Grèce et l'Egypte refusent à la Turquie le droit de prospecter des hydrocarbures dans les eaux libyennes sur fond de désaccord sur les délimitations maritimes. « Cet accord menace la stabilité et la sécurité en Méditerranée, a estimé au Caire le ministre grec des Affaires étrangères Nikos Dendias. Tripoli n'a pas la souveraineté nécessaire sur cette zone pour sceller un tel accord qui est donc illégal et non recevable ». Il insiste : « Nous utiliserons tous les moyens légaux pour défendre nos droits ».

    Son homologue égyptien, Sameh Choukri,  ne dit pas autre chose : avec un mandat « expiré », « le gouvernement de Tripoli n'a pas la légitimité à signer des accords. » Depuis mars, deux gouvernements rivaux se disputent le pouvoir en Libye, dans le chaos depuis le soulèvement qui avait entraîné la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

    Le chef du gouvernement libyen basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, a défendu la semaine dernière cet accord : « Le mémorandum turco-libyen est fondé sur des accords bilatéraux conclus avant 2011. Il est de notre droit de signer n'importe quel accord de coopération avec d'autres pays ».

    Le mémorandum d'entente signé lundi dernier à Tripoli par une délégation turque de haut niveau intervient après la signature d'un accord de délimitation maritime en 2019 grâce auquel Ankara fait valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale. La Grèce et l'Egypte mais aussi Chypre estiment que cet accord viole leurs droits économiques dans un secteur où de vastes gisements gaziers ont été découverts ces dernières années.

    Une délimitation maritime dénoncée par l'Europe

    L'Union européenne dénonce depuis 2019 la nouvelle délimitation maritime et Paris a jugé le mémorandum entre Tripoli et Ankara « pas conforme au droit international ». En contrepartie de l'accord de 2019, la Turquie avait aidé le gouvernement à Tripoli à repousser en juin 2020 une offensive de son rival, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est libyen, pour prendre la capitale. Ankara avait envoyé conseillers militaires et drones, infligeant une série de défaites aux forces du maréchal soutenues par la Russie et par des rivaux régionaux d'Ankara, notamment les Emirats arabes unis et l'Egypte.

    Vendredi dernier, la France a indiqué avoir « pris note » de l'accord de prospection d'hydrocarbures dans les eaux libyennes signé avec la Turquie, le jugeant « pas conforme au droit international de la mer ». La position de Paris sur ce « mémorandum d'entente (...) reste inchangée », a déclaré le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué. « Celui-ci porte atteinte aux droits souverains d'États membres de l'Union européenne, n'est pas conforme au droit international de la mer et ne peut avoir de conséquences juridiques pour les États tiers ».

     


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  • Centrafrique: la CPS inculpe un commandant de l'armée pour crimes contre l'humanité

    La Cour pénale spéciale, mise sur pied pour juger des violations des droits humains dans le pays, a annoncé dans un communiqué l'inculpation de Vianney Semndiro. Ce militaire toujours actif, a été arrêté récemment.

    Vianney Semndiro est poursuivi pour différents crimes, dont des meurtres et des disparitions forcées, commis entre 2009 et 2013 lorsqu’il était, sous la présidence de François Bozizé, en charge de la prison militaire de Bossembele, à l'époque surnommée « Guantanamo » en raison des sévices qui y étaient commis.

    Son arrestation et la perspective d'un procès sont donc une bonne nouvelle pour Evrard Bondade, secrétaire général de l'Observatoire centrafricain des droits de l'homme (OCDH). « C'est lui qui avait la responsabilité de cette prison puisqu’il était le commandant en chef. Cela sous-entend qu'il est responsable des actes de torture et de violation massive des droits de l'homme ou de crimes contre l'humanité que lui reproche aujourd'hui la CPS. Ça a fait l'objet d'une documentation intense. Les ONG de défense des droits de l'homme nationales et internationales se sont penchées dès la première heure sur cette question. » 

    « Il y a des victimes qui sont encore vivantes, rappelle le responsable de l’OCDH. Les informations qui nous parvenaient de ses victimes laissent croire qu’il était à l’origine des nombreuses violations des droits de l'homme. Ces victimes sont encore vivantes pour certaines, d'autres seront des témoins oculaires par rapport à l'accusation, que la CPS a formulé contre ce monsieur. Nous, en tant que défenseur des droits de l'homme, ne pouvons qu’applaudir la CPS, mais nous encourageons la CPS à aller de l'avant et mettre la main sur d'autres criminels qui sont encore dans la nature.  Pour qu’effectivement, ils se mettent à la disposition de la justice et répondent de leurs actes. »

    La Cour Pénale Spéciale de la RCA est hybride car elle est composée de 25 juges, 13 nationaux et 12 internationaux pour juger les crimes internationaux commis en Centrafrique de 2003 à aujourd'hui.


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  • A la Cour pénale internationale, ouverture du procès d'un ancien chef de guerre centrafricain

    La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert, lundi 26 septembre 2022 à La Haye (Pays-Bas), le procès de l’ancien chef de guerre au sein de la rébellion de l’ex-Séléka en République centrafricaine, Mahamat Saïd Abdel Kani, relevant que « l’accusé a compris la nature des charges à son encontre ».

    En tant qu’ancien commandant présumé de la Séléka, M. Saïd est accusé de crimes contre l’humanité (emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique, torture, persécution, disparitions forcées et autres actes inhumains), et de crimes de guerre (torture et traitements cruels) qui auraient été commis à Bangui (RCA) en 2013.

    « Ces crimes ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique constituant des crimes contre l’humanité », a déclaré à l’ouverture du procès, Karim Khan, Procureur de la Cour. « M. Saïd savait que sa conduite faisait partie de cette attaque généralisée. Des juges indépendants détermineront la véracité de notre dossier », a-t-il ajouté.

    L’ouverture du procès a débuté par la lecture des charges retenues à l’encontre de M. Saïd. La Chambre a estimé que l’accusé a compris la nature des charges à son encontre. L’accusé a plaidé non coupable de toutes les charges. M. Saïd est représenté par le Conseil principal, Maître Jennifer Naouri, et son équipe.

    Sept chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité

    Le Procureur de la Cour, Karim Khan et le premier substitut du Procureur Holo Makwaia ont pris la parole pour les déclarations liminaires. « Cette journée a été longue à venir : c’est la première fois qu’un commandant supérieur du groupe armé Seleka comparaît devant la CPI », a fait remarquer le Procureur de la CPI, ajoutant que « la beauté de la loi est qu’il n’y a pas d’endroit où se cacher ».

    Suivront les déclarations liminaires de la Représentante légale des victimes, Sarah Pellet, et de la Défense. Le premier témoin de l’Accusation devrait commencer son témoignage après la fin des déclarations liminaires. L’Accusation devrait actuellement citer 43 témoins.

    Mahamat Saïd Abdel Kani fait face à sept chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité, commis entre avril et août 2013 à Bangui, contre des détenus accusés de soutenir l’ancien Président François Bozizé. Le mandat d’arrêt contre M. Kani a été délivré sous scellés le 7 janvier 2019 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis à Bangui en 2013. M. Saïd a été remis à la CPI le 24 janvier 2021.

    Il a été remis en janvier 2021 par les autorités de Bangui à la CPI sur la base d’un mandat d’arrêt délivré en 2019. À l’ouverture du procès, Mahamat Saïd Abdel Kani a plaidé non-coupable des chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.


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